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Une lutte contre un occupant considéré comme « illégitime »

Partie I : La violence armée (1969-1972)

III. L’IRA et le discours républicain

III.2 Une lutte contre un occupant considéré comme « illégitime »

Comme le démontre la déclaration d‘Aindreas O‘Ceallachain, membre de l‘exécutif du Sinn Féin en 1976 et en 1977, le discours républicain de l‘IRA des années 1970 s‘appuyait sur l‘illégitimité de la partition de l‘Irlande, source du conflit en Irlande du Nord :

Il est courant de faire remonter les origines du conflit actuel en Irlande aux émeutes de Duke Street en 1968. Mais il y a une erreur majeure dans cette analyse. Elle oublie que les vraies origines de ces troubles résident dans la partition de l‘Irlande en 1920369.

Jackie Kayes, du Prisoners Aid Committee370, dénonçait elle aussi la partition de l‘Irlande et reprochait au gouvernement britannique son incapacité à gérer l‘Irlande du Nord depuis sa création :

367 « There is no doubt that the situation in the Six Counties justified a war on moral grounds as far as extreme provocation and recourse to other means is concerned. » Ibid.

368 « It is more morally right to resist violence than submit to it. » Dáithì Ó‘Conaill, Republicanism is a Dynamic Political Philosophy, op. cit., p. 6.

369 « It is fashionable to trace the origins of the present conflict in Ireland to the riot in Duke Street in 1968. But there is one major flaw in that analysis. It ignores the fact that the real origins of these troubles lie in the partition of Ireland in 1920. » Aindreas O‘Ceallachain, IRA Campaign – A Continuation of Civil Rights Movements, Irish Republican Information Service, 11 October 1978, Vol. 3 n° 50, p. 1 (Duke Street est une rue de Londonderry).

370 Irish Northern Aid Committee (NORAID) « fut créé en 1970 à l‘initiative de Martin Flannery, un vétéran de l‘IRA qui avait combattu contre les ‗Black and Tans‘ en 1920 et émigré en Amérique après la guerre civile. D‘années en années, NORAID a collecté des millions de dollars pour les Provisoires. Les fonds étaient destinés au soutien des familles des prisonniers de l‘IRA mais on a longtemps suspecté qu‘une partie de l‘argent était utilisé pour acheter des armes ». « Irish Northern Aid (Noraid) was established in April 1970 at the instigation of Martin Flannery, an IRA veteran who had fought the Blacks and Tans in 1920 and emigrated to America after the civil war. Over the years, Noraid raised millions of dollars for the Provisionals. The funds were earmarked for supporting the families of IRA prisoners but there were enduring suspicions that some of the money was used to buy guns. » Peter Taylor, Provos: the IRA and Sinn Féin, op. cit., p. 84. Les Blacks and Tans étaient une force armée appelée pour seconder la RIC (Royal Irish Constabulary) qui ne parvenait plus à combattre la rébellion de l‘IRA pendant la guerre anglo-irlandaise de 1919 à 1921. Les « Blacks and tans », ou simplement les « Tans » portaient des uniformes noirs, kaki et vert foncé d‘où cette appellation. Peter Taylor, Provos: the IRA and Sinn Féin, op. cit., p. 10. Ces forces étaient réputées pour leurs actions d‘une extrême violence et ont laissé un souvenir douloureux.

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Alors nous devons continuer et aller plus loin dans le combat jusqu‘à ce que les britanniques soient boutés hors de l‘Irlande, car ils n‘ont su gouverner l‘Irlande que par l‘utilisation de la torture, de la répression, de la victimisation, du harcèlement et du meurtre pendant les 800 dernières années. Les britanniques sont incapables de gouverner l‘Irlande dans la paix371.

En effet l‘IRA déclarait s‘être engagée dans une campagne de résistance « contre une agression étrangère qui [durait] depuis 800 ans »372. Mais le groupe accusait avant tout le gouvernement britannique de garder une mainmise sur la Province pour des raisons économiques et stratégiques. Selon l‘IRA, le gouvernement avait au moins trois raisons de garder le contrôle de l‘Irlande du Nord. Premièrement, l‘occupation d‘une partie seulement de l‘Irlande équivalait à l‘occuper dans son intégralité :

Nous avons toujours su que la vraie raison du maintien d‘une main mise sur notre nord-est par le gouvernement anglais, pour résumer, repose sur le fait qu‘occuper une partie de l‘Irlande revient à occuper l‘île toute entière373.

Ainsi, en occupant le nord, le gouvernement britannique gardait-il un minimum de contrôle sur le reste de l‘Irlande. Les républicains comparaient l‘effet de cette présence à celui d‘un cambriolage :

Si un cambrioleur a pénétré dans une maison; c‘est une maigre consolation si, en lorgnant sur le propriétaire, il lui dit, pas de panique, continuez à faire ce que vous étiez en train de faire, je n‘occupe qu‘une seule pièce de votre maison374.

La seconde raison qui motivait, selon l‘IRA, le contrôle du nord par les Britanniques, reposait sur des intérêts économiques et socio-économiques. En effet, les Provisoires accusaient l‘Angleterre d‘exploiter les ressources de l‘Irlande :

L‘Irlande est une île spacieuse avec des ressources (et malheureusement, nous ne les utilisons pas assez nous-mêmes), que nous n‘aurions pratiquement pas besoin de mentionner ici. Les lois maritimes nous ont donné une zone quasiment quatre fois plus grande que la taille de notre propre île, qui a donc le droit de revendiquer ses minéraux, ses ressources maritimes et fluviales, ses ressources électriques et ses poissons 375.

371 « And we must go on and must go forward from this until the British are driven out of Ireland, for they have only been able to rule it for the last 800 years by the use of torture, repression, victimisation, harassment and murder. The British are incapable of ruling Ireland peacefully. » The British Are Incapable of Ruling Ireland, Irish Republican Information Service, 22 November 1978 vol. 3 n° 56, [s.p.].

372 « […] in resistance to foreign aggression that has gone for 800 years. » Irish Republican Army Statement, 13 September 1971, Irish Republican Information Service [s.p.].

373 « We have always known that the real reason for the English government maintaining an unyielding grip upon our north-east is that, to put it very simply, while her garrison occupies part of the Island, it is tantamount to occupying the entire island. » Why Britain Occupies Ireland, Irish Republican Information Service, 14 April 1978, p. 9.

374 « If a robber has forced an entry into one‘s home, it is small consolation if, leering at the householder, he tells them, look, get on with your business, I am occupying only one room. » Ibid., p. 9.

375 « Ireland is a spacious island with resources (sadly, we ourselves make little use of them), that we need scarcely mention here. The Law of the Sea Convention has given us an area nearly four times the

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Ils considéraient que le gouvernement britannique savait également tirer profit des ressources humaines de l‘île, comme lors de la Première Guerre mondiale :

Il y a, enfin, des raisons socio-économiques primordiales : une réserve de force de travail disponible quand cela est nécessaire; l‘avantage que représentent cinq millions d‘Irlandais blancs lorsqu‘il s‘agit de dissimuler les dix millions de résidents de couleur, et notre dévouement, particulièrement dans les 26 comtés, lorsqu‘il faut fournir des hommes pour leurs forces armées376.

Cependant, la principale raison de la présence britannique était, selon eux, d‘ordre stratégique. C‘était d‘ailleurs l‘accusation la plus répandue chez les opposants à cette présence en Irlande du Nord. Le gouvernement britannique était suspecté de vouloir garder un territoire pour sa localisation stratégique : une ouverture sur l‘Atlantique. Il était également accusé d‘utiliser la Province comme camp d‘entraînement pour ses forces armées: « L‘occupation du nord-est n‘a rien à voir avec la réconciliation entre communautés, le maintien de la paix ou autre. L‘occupation du nord-est est simplement stratégique »377. Ce dernier point revenait régulièrement dans les débats sur la présence britannique dans la Province. En effet, l‘IRA était convaincue que le gouvernement britannique niait les véritables raisons de sa présence dans la Province : « Il est facile d‘imaginer pourquoi cet aspect n‘a jamais été mentionné par un politicien britannique concernant l‘Irlande du Nord, et c‘est en fait l‘aspect le plus crucial – c‘est la nécessité de garder le nord comme base stratégique »378.

Les Provisoires légitimaient donc leur lutte en dénonçant la présence du gouvernement britannique, qui non seulement s‘était avéré incapable d‘administrer la Province par des moyens pacifiques, mais qui, de plus, l‘occupait pour ses propres intérêts. Enfin la lutte pour la cause républicaine trouvait sa légitimité dans son caractère ancestral.

size of our own island which can rightfully claim, for its minerals, its maritime and water resources, its power resources and its fish. » Ibid.

376 « There are finally, overriding socio-economic reasons; the provisions of a labour pool on call when required; the ability of five million Irish white people to assist in diluting ten millions resident coloureds;

and our readiness, especially in the 26 counties, to make a commitment in manpower to their armed forces. » Ibid. Dans les années 1970, les flux mondiaux de migration se sont accélérés. L‘Angleterre, qui tentait de restreindre le flot d‘immigrés, connu un pic d‘immigration en 1972, alors que le dictateur Ougandais, le Général Idi Amin Dada (1924-2003), expulsa 80 000 personnes, principalement des indo-pakistanais, qui vinrent s‘installer au Royaume-Uni).

377 « Occupation of the north-east has nothing to do with healing the breech between the communities, maintaining the peace or anything else. Occupation of the north-east is done simply for strategic reasons. » Ibid., p. 9.

378 « It is sensible to imagine the one aspect which no British politician even mentions in regard to the North of Ireland is, in fact, the crucial one–that is, the necessity to hold the North as a strategic base. » Ibid., p. 10.

99 III.3. Une lutte ancestrale

Les républicains donnaient une dimension historique à leur combat qui remontait à la colonisation de l‘Irlande au XVIIe siècle par les colons anglais et écossais. En effet, dans un entretien avec la direction de l‘IRA en décembre 1974, un des dirigeants soulignait cette dimension historique : « La lutte que nous menons aujourd‘hui n‘a pas débuté en 1969 : elle a commencé le jour même où un premier soldat britannique a posé le pied en Irlande et elle continuera tant que nous ne saurons pas que le dernier est sur le point de partir »379. Dans le discours républicain, l‘IRA se présentait non seulement comme l‘héritière des rebelles qui luttaient contre l‘Ascendancy, un terme qui désignait, dès le XVIIIe siècle, la classe dirigeante protestante présente en Irlande, mais encore comme le successeur de tous les mouvements d‘opposition à la présence britannique qui s‘étaient succédés dans l‘histoire de l‘Irlande depuis 1798.

Ils [les républicains] considèrent que 1916, 1867, 1848, et 1798, sont des tentatives légitimes d‘une nation pour se débarrasser d‘un oppresseur, tout comme ils considèrent que la campagne actuelle de l‘IRA est la continuation de cette lutte380.

En effet lorsque l‘on posa la question « Qui représentez-vous ? » à Dáithì Ó‘Conaill, alors chef de l‘IRA, dans un entretien le 13 décembre 1974, il répondit : « Le mouvement républicain irlandais qui est en première ligne de la lutte pour la liberté irlandaise depuis 1798 »381.

La lutte menée par l‘IRA, selon le groupe lui-même, s‘inscrivait dans la tradition d‘insurrection armée contre la présence britannique en Irlande dont la « Société des Irlandais Unis »382, le groupe « Jeune Irlande »383 et la « Fraternité Républicaine Irlandaise »384 étaient les symboles. Le récit des rébellions mythiques de ces groupes

379 « The struggle we wage today did not begin in 1969 : it started the first day an English soldier set foot in Ireland and it will continue until we know the last one is leaving. » Provisional IRA Leadership Answers Questionnaire, 13 December 1974, Irish Republican Information Service, p. 5.

380 « They accept 1916, 1867, 1848 and 1798, as the legitimate attempts by a nation to rid itself of an oppressor, as they accept the I.R.A. campaign of today as the continuance of that struggle. » « The IRA Justified », An Phoblacht, Meitheamh (juin), 1972, p. 7. Bien que la rébellion de 1803 contre la domination britannique en Irlande, menée par le nationaliste irlandais Robert Emmett, n‘est pas citée ici, elle fait toutefois partie intégrante des rébellions glorifiées par les Provisoires (par exemple dans l‘entretien avec le Sinn Féin provisoire le 19 juin 1974 : Sinn Féin Questioned on Armed Resistance, Irish Republican Information Service, p. 8).

381 « The Irish Republican Movement which has been in the forefront of the struggle for Irish Freedom since 1798. » Provisional IRA Leadership Answers Questionnaire, op. cit., p. 8.

382 Society of United Irishmen.

383 Young Ireland.

384 Voir l‘introduction générale, p. 19.

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fait apparaître deux éléments fondamentaux : l‘infériorité numérique et militaire de ces groupes face à l‘« ennemi » et l‘échec de ces rébellions. Mais c‘est précisément cette

« infériorité » qui faisait de ces rébellions des symboles de bravoure. L‘insurrection des 23 et 24 mai 1798 menée par les Irlandais Unis se solda par un échec. En effet, les garnisons britanniques de Dublin et des comtés avoisinants furent attaquées, mais les rebelles étaient bien moins entraînés et bien moins armés que les forces du gouvernement. Les forces de l‘insurrection souffrirent également d‘un manque d‘organisation : « Le salut de Dublin Castle [le Parlement irlandais] et de la domination britannique en Irlande est dû au manque de coordination entre les différents théâtres des opérations armées des rebelles »385. Malgré l‘Acte d‘Union de 1800386, qui renforça le lien entre l‘Irlande et la Grande-Bretagne, alors que les Irlandais Unis s‘étaient battus pour briser ce lien, l‘insurrection malheureuse n‘en devint pas moins un symbole républicain de la lutte pour la liberté de la nation, comme le souligne Agnès Maillot :

Wolfe Tone fut capturé et condamné à mort et se pendit dans sa cellule pour éviter l‘exécution.

Mais il avait donné le coup d‘envoi de pratiques révolutionnaires qui proclamaient l‘indépendance par les armes et la rébellion387.

Parmi les rebelles mythiques de l‘histoire républicaine, il faut également noter le rôle joué par le groupe « Jeune Irlande »388, qui organisa la rébellion du 29 juillet 1848 dans le comté de Tipperary. Ce fut un échec et ses meneurs furent déportés en Australie389. Quant à la « Fraternité Républicaine Irlandaise », ses volontaires organisèrent une rébellion peu soutenue le 6 mars 1867390, mais furent surtout les instigateurs de l‘Insurrection de Pâques en 1916391. Ce fut, de nouveau, un échec militairement parlant, mais de nouveau, une victoire symbolique, celle de la rébellion armée.

Toutes ces rébellions fondaient le mythe républicain qui représentait un héritage historique sur lequel l‘IRA pouvait s‘appuyer afin de légitimer la lutte pour la cause. En

385 « In the lack of co-ordination between the rebel theatres of war lay the salvation of Dublin Castle and British rule in Ireland. » Ibid.

386 Union with Ireland Act 1800 (Voir l‘introduction générale, p. 18, note 8). L‘Acte établit le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d‘Irlande et prit effet le 1er janvier 1801.

387 Agnès Maillot, The IRA, op. cit., p. 13.

388 Young Ireland.

389 La Nouvelle-Galles du Sud, située au sud-est de l‘Australie, devint une colonie pénitentiaire britannique en 1788.

390 Fenian Insurrection of 1867. Organisée pour lutter contre la domination britannique en Irlande, les quelques éruptions de violence lors de cette rébellion dans le sud et l‘ouest de l‘Irlande furent rapidement stoppées et la plupart des meneurs furent arrêtés.

391 Voir l‘introduction générale, p. 19.

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effet, le caractère ancestral et traditionnel de la lutte contre la domination britannique dans l‘histoire de l‘Irlande constituait un argument solide et irrévocable pour le groupe armé car tant que les britanniques seraient encore sur le sol irlandais, le groupe armé clandestin provisoire, au nom de ses ancêtres, ferait de la continuité de la lutte un devoir.

Dans le discours républicain de l‘IRA des années 1970, les arguments de légitimation se déclinaient donc selon trois axes principaux. Tout d‘abord, leur lutte contre la présence britannique dans la Province était justifiée puisque le groupe luttait contre les attaques armées des loyalistes, de la police nord-irlandaise et de l‘armée britannique afin de défendre physiquement la communauté catholique. De plus, le groupe armé considérait que les discriminations subies par cette même communauté s‘apparentaient à une provocation de la part du gouvernement britannique. Il s‘agissait également de lutter contre un occupant considéré comme « illégitime », non seulement responsable de la violence dans la Province, en établissant la partition de l‘île d‘Irlande, mais dont la main mise sur ce territoire cachait des intérêts économiques et stratégiques.

Par conséquent, il était du devoir de l‘IRA de lutter contre la présence britannique illégitime dans le nord et pour la réunification de l‘île. Enfin, la lutte pour la cause était présentée comme un héritage ancestral, perpétuée de génération en génération depuis la colonisation de l‘Irlande.

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Ce premier chapitre nous a permis de revenir sur le contexte des troubles en Irlande du Nord. Le mouvement pour les droits civiques qui débuta à la fin des années 1960 était pacifiste. Cependant, les réformes attendues tardant ou étant différées, les revendications devinrent plus radicales et remirent en cause tout le système politique nord-irlandais. Dans ce contexte, l‘arrivée de l‘armée le 14 août 1969, puis l‘abolition de Stormont le 24 mars 1972, accéléra la militarisation de la Province et la prolifération de la violence. Les groupes armés clandestins républicains et loyalistes purent ressurgir au sein du contexte agité des troubles. En décembre 1969, l‘IRA se scinda en deux groupes : l‘IRA « officielle » et l‘IRA « provisoire ». Cette dernière, dynamisée par les évènements, entrevit l‘opportunité de relancer la lutte contre l‘occupant britannique. La remise en cause de la stratégie de l‘abstention, et donc du devenir de la lutte armée en tant que principale stratégie, fut la raison essentielle de la division en décembre 1969.

Toutefois, afin de comprendre comment et pourquoi cette scission eut lieu, il fallait revenir sur les évènements précédents, et plus précisément sur l‘été 1969, puisque l‘incapacité de l‘IRA à assurer une protection adéquate des quartiers catholiques de Belfast fut un facteur important dans cette division. Les arguments avancés par les Provisoires pour expliquer cette scission sont cruciaux pour notre étude car ils reviendront régulièrement dans les débats au sein du mouvement républicain, qui devra s‘adapter au changement de situation dans la Province. De leur côté, les groupes armés clandestins loyalistes assistèrent, durant les troubles, à ce qu‘ils considéraient comme une remise en question de la suprématie unioniste dans la Province. L‘UDA et l‘UVF, les groupes armés loyalistes les plus importants au moment des troubles, s‘organisèrent pour se défendre contre la « nouvelle » IRA mais aussi pour défendre une Union qu‘ils jugeaient en danger. L‘IRA, quant à elle, devait justifier sa lutte pour la cause : la fin de la présence britannique dans la Province et l‘achèvement d‘une Irlande unie. Leur légitimation pouvait être résumée en trois mots : provocation, exploitation et tradition.

En effet, selon les Provisoires, leur lutte était justifiée par au moins trois raisons : premièrement elle était une réponse à la discrimination et la répression à l‘encontre de la communauté catholique ; ensuite, elle avait pour objectif de libérer la Province d‘un occupant qui l‘exploitait ; enfin, elle poursuivait le combat des ancêtres républicains depuis la colonisation de l‘Irlande.

Dans leur discours de légitimation, il faut noter que les Provisoires s‘appuyaient également sur le soutien populaire de la communauté catholique des quartiers ouvriers

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de Belfast et de Derry : « C‘est l‘injustice de nos situations qui nous donne un mandat et aussi l‘assurance que les gens des zones réprimées nous soutiennent jour après jour, par leur aide spontanée et leurs encouragements »392. Certes cet argument était plus rarement évoqué lorsqu‘il s‘agissait de légitimer des actions violentes393. Pourtant, il était absolument indispensable pour l‘IRA et pour le Sinn Féin provisoire que la cause républicaine soit moralement légitimée pour pouvoir justifier le recours à la violence et

de Belfast et de Derry : « C‘est l‘injustice de nos situations qui nous donne un mandat et aussi l‘assurance que les gens des zones réprimées nous soutiennent jour après jour, par leur aide spontanée et leurs encouragements »392. Certes cet argument était plus rarement évoqué lorsqu‘il s‘agissait de légitimer des actions violentes393. Pourtant, il était absolument indispensable pour l‘IRA et pour le Sinn Féin provisoire que la cause républicaine soit moralement légitimée pour pouvoir justifier le recours à la violence et