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Chapitre III. La fin de la violence de l’IRA

I. La Trêve de l’IRA

I.3 La trêve de l’IRA : 10 février 1975 - 23 janvier 1976

I.3.1 Les conditions de la trêve

Pourquoi cette décision ? Selon l‘IRA, le gouvernement avait accepté les « termes pour une trêve bilatérale »687 sur douze points, correspondants aux conditions posées par le groupe armé :

685 IRA Operations and War News, Irish Republican Information Service, 10 May 1974, p. 4.

686 Tim Pat Coogan, The IRA, op. cit., p. 20.

687 Terms for bi-lateral Truce. Document probablement transmis au gouvernement britannique entre le 17 janvier 1975 et le 10 février 1975, (Marked Top Secret and UK Eyes), The National Archives, New Year

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1) La liberté de mouvement pour tous les membres du mouvement républicain688 ; 2) L‘arrêt du harcèlement de la population civile689 ;

3) L‘arrêt de toutes les incursions dans les propriétés, les maisons et les autres bâtiments »690 ; 4) La cessation des arrestations des membres du Mouvement républicain691 ;

5) La fin des enregistrements vidéo, de la prise de photographies et des contrôles d‘identité692 ; 6) Le droit pour les membres du Mouvement républicain de porter des armes légères dissimulées pour l‘autodéfense uniquement693 ;

7) Pas de démonstration de force d‘un côté ou de l‘autre694;

8) Pas de réintroduction de la RUC ou de l‘UDR dans des zones déterminées695;

9) Un accord sur un système de liaison effectif entre les Forces britanniques et républicaines696 ; 10) Un retrait progressif des troupes dans les casernes en préambule à la mise en œuvre de la trêve bilatérale697;

11) La confirmation que les discussions entre les représentants du Mouvement républicain et du gouvernement de sa Majesté continueront en vue d‘établir un cessez-le-feu permanent 698;

12) En cas de violation de l‘un de ces termes, le Mouvement républicain se réserve le droit d‘agir699.

Il n‘y eut aucune confirmation officielle d‘un accord entre le gouvernement britannique et les républicains, comme le souligne encore Agnès Maillot : « Les raisons qui poussèrent les Provisoires à accepter une trêve indéfinie étaient peu claires. Aucun document exposant les termes d‘un accord entre Britanniques et républicains ne fut publié »700. Pourtant, la plupart des termes du plan proposé par l‘IRA avaient été mis en œuvre, ce que confirment Paul Bew et Gordon Gillepsie :

Sept « centres d‘incident » furent mis en place, l‘activité en matière de sécurité fut réduite dans les quartiers catholiques et les chefs des Provisoires ne furent apparemment pas arrêtés lorsqu‘ils étaient repérés par l‘armée701.

Dans un télégramme du 20 février 1975 adressé à l‘ambassadeur britannique à Dublin, James Callaghan, alors Ministre britannique des Affaires étrangères, apportait des

Releases 2006, Public Records of 1975, Document reference: PREM 16/521/2,

<http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/1975/prem_16_521_2.jpg>, page consultée le 10/02/2011.

688 « Freedom of movement for all members of the Republican Movement. » Ibid.

689 « A cessation of all harassment of the civilian population. » Ibid.

690 « A cessation of all raids on lands, homes and other buildings. » Ibid.

691 « A cessation of arrest of members of the Republican Movement. » Ibid.

692 « An end to screening, photographing and identity checks. » Ibid.

693 « Members of the Republican Movement reserve the right to carry concealed short arms solely for the purpose of self-defence. » Ibid.

694 « No provocative displays of force by either side. » Ibid.

695 « No reintroduction of RUC and UDR into designated areas. » Ibid.

696 « Agreement on effective liaison system between British and Republican Forces. » Ibid.

697 « A progressive withdrawal of troops to barracks to begin with the implementation of the bi-lateral truce. » Ibid.

698 « Confirmation that discussions between representatives of the Republican Movement and HMG will continue towards securing a permanent cease-fire. » Ibid. Gillespie, A Chronology of The Troubles 1968-1999, op. cit., p. 100-101.

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éclaircissements au sujet de la mise en œuvre des différents points du plan. En effet, le Ministre indiquait qu‘il n‘y avait pas d‘accord en ce qui concernait la liberté de mouvement et la fin des arrestations des membres de l‘IRA, ni en ce qui concernait une éventuelle collaboration entre l‘IRA et l‘armée, ce qui correspondait aux points 1, 4 et 9 du plan proposé par l‘IRA. Il rappelait également qu‘une amnistie pour les prisonniers, une des principales revendications du groupe, ne serait pas acceptée :

Il n‘est pas question d‘accorder une amnistie pour les soi-disant prisonniers politiques, ni d‘accorder l‘immunité contre les arrestations à ceux qui ne respectent pas la loi, ni encore d‘allouer à l‘IRA un quelconque statut ou rôle dans le maintien de l‘ordre dans les zones habitées par la minorité.702

Il revenait d‘ailleurs plus en détail sur les « centres d‘incident » dont l‘objectif était de gérer les éventuelles violations du cessez-le-feu, en permettant de désamorcer toute situation qui pourrait mener à une escalade de la violence :

Une proposition se développa pour aboutir à l‘établissement de centres d‘incident composés de fonctionnaires, à qui l‘on adresserait rapidement les plaintes et les rapports concernant des incidents naissants703.

James Callaghan précisait que le domaine d‘activité de ces centres relevait des incidents en rapport avec le cessez-le-feu, et ce afin d‘attester que le gouvernement britannique, en créant ces centres, n‘avait rien concédé à l‘IRA en matière de maintien de la paix.

Les centres concernent uniquement les incidents en rapport direct avec le cessez-le-feu. Ils n‘ont pas de rôle plus important, ni aucun lien, ou une quelconque responsabilité en rapport avec le maintien de la paix. Il n‘est pas question d‘autoriser des groupes d‘autodéfense quels qu‘ils soient à « faire la police » dans les zones habitées par la minorité, jusque-làrien n‘indique d‘ailleurs la présence de tels groupes dans les rues704.

Il confirmait également que la demande concernant le droit à porter des armes légères d‘autodéfense (point 6 du plan) n‘avait pas été accordée, du moins renvoyait-il à la législation en la matière qui obligeait les détenteurs d‘armes à obtenir un permis de port

702 « There was no question of granting an amnesty to so-called political prisoners, nor of conferring immunity from arrest on law-breakers, nor of granting the Provisional IRA any status or role in the policing of minority areas. » Telegram sent by Callaghan to the British Ambassador in Dublin, p. 3, paragraph 7, 20 February 1975, The National Archives, New Year Releases 2006, Public Records of

1975, Document reference: PREM 16/517/3,

<http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/1975/prem_16_517_3.jpg>, page consultée le 10/02/2011.

703 « A proposal was evolved for the setting up of seven incident centres to be manned by Northern Ireland civil servants, to which complaints and reports of incipient incidents could be quickly addressed. » Ibid., paragraph 8.

704 « The centres are concerned solely with incidents arising directly out of the ceasefire. They have no wider role, nor have they any connection with or responsibility for policing matters. There is no question whatever of permitting vigilante groups to « police » community areas, nor is there as yet any sign of the appearance of such groups on the streets. » Ibid., paragraph 8 (section a and b).

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d‘arme : « En ce qui concerne le fait de porter des armes à feu, il a bien été expliqué que cela ne peut être autorisé qu‘en accord formel avec les dispositions de la loi »705.

Si le plan de douze points proposé par l‘IRA ne fut pas accepté par le gouvernement britannique, du moins pas officiellement, la mise en place des centres d‘incident et la baisse d‘activité des forces de l‘ordre dans les quartiers nationalistes, par exemple, démontrent clairement qu‘il y avait bien eu un accord, sinon un échange d‘engagements, entre l‘IRA et le gouvernement. Pouvait-on pour autant parler d‘une trêve bilatérale ? Pour le gouvernement britannique, c‘était impossible.