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Chapitre III. La fin de la violence de l’IRA

I. La Trêve de l’IRA

I.1.3 La fin de l’Exécutif nord-irlandais

Opposée à l‘Accord, la classe ouvrière loyaliste se rassembla autour d‘un groupe, nommé Ulster Workers‘ Council (UWC)648, et s‘associa avec l‘Ulster United Unionist Council (UUUP)649. Ils demandaient la tenue de nouvelles élections pour l‘Assemblée, qui avait rejeté le même jour par 42 votes contre 28 la motion condamnant le partage du pouvoir et l‘établissement du Conseil d‘Irlande, et débutèrent une grève générale le 15 mai 1974. Le 16 mai 1974, lors d‘une rencontre entre Stanley Orme, alors Secrétaire d‘État du Northern Ireland Office (NIO), et une délégation de politiciens

unequivocally to condemn anyone in that situation for being violent if he accepts that these two claims towards sovereignty are a kind of act of aggression. » Ibid.

646 « Personally I think that these two Articles are justified and ultimately I would like to see a united Ireland. But it would be a very sad situation if we were holding on to those two Articles in the Constitution because we did not have the moral courage to reexamine them. » Ibid.

647 Paul Bew and Gordon Gillespie, A Chronology of The Troubles 1968-1999, op. cit., p. 72-73.

648 Fondée en 1974, l‘UWC est une organisation loyaliste qui rassemblait principalement des ouvriers des industries de Belfast.

649 Alliance entre l‘Official Unionist Party (OUP), parti unioniste seul au pouvoir de 1921 à 1972, et le Democratic Unionist Party (DUP), parti fondé par Ian Paisley en 1971.

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irlandais650, de membres de l‘UWC et de membres de groupes paramilitaires clandestins loyalistes, l‘UWC ne manqua pas d‘exposer clairement sa position concernant l‘Accord : « Les représentants [de l‘UWC] ont déclaré que Sunningdale ne fonctionnerait pas. Le gouvernement faisait fausse route et devait y réfléchir de nouveau »651. L‘UWC allait jusqu‘à tenter d‘intimider le gouvernement lui-même afin d‘obtenir de nouvelles élections en posant ses conditions à un rétablissement de l‘approvisionnement en électricité652 :

Ils [les représentants de UWC] se sont déclarés prêts à coopérer en matière de gestion de l‘industrie de l‘électricité si le gouvernement leur garantissait cette nuit même que des élections pour l‘Assemblée seraient rapidement organisées653.

Le gouvernement condamna cette tentative d‘intimidation. Toutefois, comme en témoigne la déclaration de Harold Wilson, alors Premier ministre britannique, adressée à Liam Cosgrave, alors Taoiseach, le 27 mai 1974, le gouvernement britannique semblait complètement dépassé par les évènements :

Si l‘UWC a les moyens de poursuivre la grève – et tout porte à croire qu‘elle est en capacité de le faire – il ne sera pas facile de résister à ses demandes. Nous avons fait tout ce que nous pouvions afin de soutenir l‘Exécutif nord-irlandais en confiant le maintien des services essentiels aux troupes (bien qu‘il y ait une limite évidente à ce que l‘on peut attendre d‘eux)654.

Le 28 mai 1974, après quatorze jours de grèves, le gouvernement s‘était finalement effondré et la Province fut de nouveau placée sous administration directe. Selon l‘IRA, le gouvernement britannique avait capitulé et sa lutte armée était donc toujours justifiée.

650 Ian Paisley, alors dirigeant du DUP, William Craig, alors membre unioniste du Parlement, et John Laird, alors membre unioniste de l‘Assemblée nord-irlandaise.

651 « The workers representatives said that Sunningdale would not work. The government was wrong and must think again. » Note of meeting between Stanley Orme and a UWC Delegation, 16 May 1974, paragraph 3, The National Archives, New Year Releases 2005, Public Records of 1974, Document reference: FCO 87/341, <http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/1974/fco_87_341.jpg>, page consultée le 09/02/2011.

652 Dans une lettre datée du 17 mai 1974 adressée à Harold Wilson, alors Premier ministre britannique, F.E.R. Butler, alors Ministre de la Défense britannique, allait jusqu‘à évoquer la possibilité d‘un recours à un sous-marin nucléaire afin d‘approvisionner la ville de Belfast en électricité. L‘approvisionnement en essence et en nourriture était également devenu très difficile. Letter from F.E.R. Butler, 17 May 1974, (Marked Secret), The National Archives, New Year Releases 2005, Public Records of 1974, Document reference: FCO 87/341, <http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/1974/ prem_16_146_doc10.jpg>, page consultée le 09/02/2011.

653 « They would be prepared to consider co-operating with the management in the electricity industry if they were given a guarantee by the government that night that an early election for the Assembly would be held. » Note of meeting between Stanley Orme and a UWC Delegation, op. cit., paragraph 3.

654 « If the UWC can maintain the strike–and there is every indication that they can–it will not be easy to resist their demands. We have done everything we can to support the Northern Ireland Executive by committing troops to maintain essential services (although there is a definite limit to what they can be expected to do). » Memo from Merlyn Rees to Harold Wilson, 27 May 1974, The National Archives, New Year Releases 2005, Public Records of 1974, Document reference: PREM 16/148 (Marked Top Secret),

<http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/1974/prem_16_148_doc3.jpg>, page consultée le 04/02/2011.

172 I.1.4 L’IRA et l’Accord de Sunningdale

Du côté du mouvement républicain, et plus particulièrement du côté de l‘IRA, les tentatives de restauration d‘un gouvernement pour la Province n‘ébranlèrent nullement la rhétorique de légitimation de la lutte armée menée par le groupe. Bien au contraire.

Tout d‘abord, comme le souligne Agnès Maillot dans son ouvrage, The IRA, le boycott du referendum sur le statut de la Province organisé le 8 mars 1973 avait permis à l‘IRA de conclure à un rejet massif de l‘état nord-irlandais par les nationalistes655. De plus, la réaction des unionistes et des loyalistes à l‘Accord de Sunningdale avait démontré une opposition au partage du pouvoir avec la minorité catholique. Comme le déclarait Merlyn Rees656, nommé Secrétaire d‘État pour l‘Irlande du Nord, dans un message adressé au Premier ministre britannique Harold Wilson, cette grève constituait en effet une première étape vers un autre objectif : le retour à un gouvernement de type Stormont.

Ceux qui ont soutenu la grève, quoi qu‘ils prétendent, n‘auront que faire d‘un réel partage du pouvoir et il est très probable qu‘une élection ne soit rien d‘autre que le début d‘une pression en faveur d‘un État Protestant pour un Peuple Protestant.657

Toutefois, il est important de noter que l‘IRA ne soutenait pas l‘Accord de Sunningdale et allait jusqu‘à qualifier l‘Assemblée de « grotesque »658. En effet, selon l‘IRA, aucun accord viable ne pouvait venir du gouvernement britannique :

Les Provisoires savent qu‘une solution pour le pays tout entier ne viendra pas d‘un accord britannique, quel qu‘il soit, conclu dans le nord. Les Provisoires sont pleinement conscients que toute institution parlementaire, opérant en Irlande et créée par une loi du Parlement britannique, n‘est à l‘œuvre que dans un intérêt impérial659.

L‘IRA pouvait donc continuer à légitimer sa lutte puisqu‘aucun accord d‘origine britannique ne serait jamais à même, selon eux, d‘apporter une solution durable. Ils

655 Agnès Maillot, The IRA, op. cit., p. 100-101.

656 Il succéda à Francis Pym, Secrétaire d‘État pour l‘Irlande du Nord du 2 décembre 1973 au 4 mars 1974.

657 « Those who have supported the strike, whatever they may say, will have nothing to do with real power sharing and an election is likely to be no more than a precursor to pressure for a Protestant State for Protestant people. » Memo from Merlyn Rees to Harold Wilson, op. cit.

658 IRA Operations and War News, Interview with the O/C 2nd Battalion (Belfast) Provisional IRA, Irish Republican Information Service, 10 May 1974, p. 4.

659« The Provisionals know that a solution for the whole country will not come from whatever British

« settlement » will be made in the north. The Provisionals are fully aware that any parliamentary institution, operating in Ireland which has been created through a British Act of Parliament, has always operated in the imperial interest. » IRA Operations and War News, Irish Republican Information Service, 24 May 1974, p. 9.

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rejetaient l‘idée même d‘un compromis : « Un compromis est une solution à court terme. Il crée plus de problèmes qu‘il n‘en règle »660. Le Traité qui donna lieu à la Partition de l‘Irlande, et qui entra en vigueur le 6 décembre 1922661, tout comme l‘Accord de Sunningdale, étaient d‘ailleurs présentés comme de tels compromis inacceptables662. Le groupe annonçait que le soutien du SDLP et du gouvernement irlandais à ce type de compromis, et donc à l‘Accord de Sunningdale, avait d‘autant plus motivé sa volonté d‘accroître la lutte contre la présence britannique :

Les déclarations arrogantes des politiciens de Dublin et du SDLP affirmant que Sunningdale apporterait la paix doivent leur laisser un goût amer ce soir. Leur direction lâche et perfide a déshonoré notre peuple. Leur conduite scandaleuse nous encouragera à faire de plus grands efforts afin de mettre fin au fléau de l‘autorité britannique en Irlande pour toujours663.

L‘Accord de Sunningdale ne mènerait ni au retrait britannique, ni à la réunification de l‘Irlande. Il ne donnait pas non plus le droit au peuple d‘Irlande de décider de son avenir, du moins pas à l‘échelle de l‘Irlande dans son intégralité. L‘IRA pouvait donc toujours justifier sa lutte, d‘autant que le Sinn Féin demeurait illégal depuis 1967664, ce qui permettait également au groupe armé de continuer à présenter la lutte comme la seule alternative665. Pourtant, le groupe allait déclarer un cessez-le-feu le 22 décembre 1974. Quelles étaient les raisons d‘une telle décision ?

660 « Compromise is a short term solution. It creates more problems than it solves. » Compromise is not a Solution, Irish Republican Information Service, 31 July 1974, p. 8.

661 Voir introduction p. 19.

662 Compromise is not a Solution, op. cit., p. 8.

663 « The arrogant statements of Dublin and SDLP politicians that Sunningdale would bring peace must taste like ashes in their mouths tonight. Their cowardly and deceitful leadership has brought shame on our people. Their disgraceful conduct will spur the IRA to greater efforts to end the evil of British rule in Ireland for all time. » IRA Operations and War News, Irish Republican Information Service, 24 May 1974, p. 9.

664 Frank Steele et Michael Oatley, agents du service secret de renseignements britannique (MI6), dans le compte-rendu de leur visite dans les quartiers nationalistes de Bogside and Creggan à Derry les 4 et 5 avril 1973, faisaient allusion à la demande de légalisation du Sinn Féin : « Tout le monde insistait pour que le Sinn Féin soit légalisé ». « Everyone urged that Sinn Féin should be legalised. » Selon leurs contacts dans ces quartiers, la légalisation du Sinn Féin permettrait d‘exposer clairement le peu de soutien du parti et ainsi réduire encore le nombre de ses partisans. Report by Frank Steele of a visit to the Bogside and Creggan on 4 to 5 April 1973, p. 2, The National Archives, New Year Releases 2004, Public Records of 1973, Document reference : PREM FC0 87/247, <http://cain.ulst.ac.uk/publicrecords/

1973/fco87_221_3.jpg>, page consultée le 10/02/2011.

665 Voir p. 145-156.

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