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La loi du 22 frimaire an VII et son application

Le problème portant sur la succession vacante a eu lieu à cause d’une charge fiscale tout à fait banale. Il s’agissait, notamment, des droits de mutation exigés dans le cadre de la loi du 22 frimaire an VII (12 décembre 1798) sur l’enregistrement. Même si, de nos jours, l’assiette et les modalités de recouvrement de ces droits sont soumises à diverses dispositions

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L’art 25, la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Journal officiel n° 145 du 24 juin 2006, p. 9513.

réunies dans le Code général des impôts315, cette loi directoriale demeure effectivement en

vigueur. Ce qui nous concerne, c’est qu’elle énumère plusieurs cas de mutation de propriété qui donnent lieu à l’obligation d’enregistrement, accompagnée d’une taxe que l’on appelle droit de mutation. Parmi les cas prévus par la loi, la mort en est, sans doute, une cause majeure, puisque c’est elle qui entraîne les successions, les legs et les donations à cause de mort, qui modifient tous la propriété et ouvrent donc un droit d’enregistrement. Or l’on se demande si la propriété est modifiée en cas de succession vacante. Le cadre procédural complique encore la situation : une succession vacante est, pour sa gestion et sa liquidation, représentée par un curateur, auquel le fisc inflige des contraintes sous forme d’amendes et contre lequel il intente des actions en justice. Une succession vacante, son curateur nommé par la justice et l’administration fiscale, voici le schéma triangulaire avec lequel nous allons examiner des questions de la jurisprudence.

Sous-paragraphe I La loi du 22 frimaire an VII : succès financier et législatif

Avant d’analyser la jurisprudence, il est indispensable de connaître le texte de la loi à laquelle la Cour se réfère. L’on nous dit que cette loi de 1798 s’inscrit dans la ligne droite de la législation en matière d’enregistrement, d’insinuation et de timbres qui remonte jusqu’à l’édit de mars 1693, par lequel LOUIS XIV imposa l’obligation de contrôle aux actes judiciaires afin de diminuer le nombre des procès par le moyen de datation et d’authentification. En bref, le gouvernement révolutionnaire a repris le même principe par le décret des 5-19 décembre 1790, lequel, à cause de son inefficacité, a été remplacé par la loi de 1798. L’on a très vite constaté que le but proclamé n’était qu’un prétexte. L’authenticité des actes judiciaires ne faisant qu’augmenter le nombre de litiges, la législation complexe en la

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En ce qui concerne les droits d’enregistrement perçus au profit de l’Etat : les art. 635-885, les art. 292-301 F. de l’annexe II, art. 245-299 de l’annexe III et art. 60-60 A de l’annexe IV. Quant à ceux perçus au profit des collectivités territoriales : les art. 1584-1585 H, 1594 A-1594 J bis.

matière étant mal systématisée et trompeuse, le véritable souci du gouvernement était toujours le besoin de revenus, surtout en temps de guerre. D’autant plus que la France demeurait en état de mobilisation depuis la chute de Bastille. Il suffit de se référer à M. MARION pour avoir une idée sur la grave crise financière de l’époque316. Les gouvernements successifs

n’hésitaient donc point à faire appel aux contribuables. C’est dans ce scénario habituel que l’on a préparé la loi du 22 frimaire an VII. Elle a, en effet, été présentée au Conseil des Anciens à la suite de la déclaration d’urgence du 27 brumaire de la même année317.

Mesure à caractère d’urgence, donc exceptionnelle, elle répondait cependant si bien à l’attente de tous les gouvernements du Directoire à la Troisième République que l’exception est devenue et demeure désormais la règle. Quelques chiffres nous aident à comprendre l’importance des droits d’enregistrement. En l’an VII, quand la loi en question fut en vigueur pendant un peu plus de neuf mois, la Régie de l’enregistrement a levé 212.750.000 francs, soit environ 40 % du montant global des revenus du Trésor, c’est-à-dire à peu près 530.227.908 francs. Le seul résultat net du produit des droits d’enregistrement, 61.868.679 francs, soit 29 % de la somme recouvrée par la Régie, représentait plus ou moins 11 % des recettes annuelles du fisc318. Ce succès financier explique abondamment pourquoi aucun des régimes postérieurs,

que ce soit consulaire, impérial, restaurateur ou républicain, n’a aboli la loi en question. Mieux encore, les gouvernements successifs y ajoutaient les amendements qui n’avaient pour but que d’élargir les champs d’application, d’en préciser les détails ou d’augmenter les tarifs. Vers la fin du règne de CHARLES X, un avocat parisien s’est plaint du maintien de cette loi

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A propos de notre loi, voir Marcel MARION. Histoire financière de la France depuis 1715. 6 tomes, t. 4. Paris : Rousseau, 1925, p. 118.

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Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens, et avis du Conseil d’Etat 2e éd. / s. dir. Jean-Baptiste DUVERGIER, t. 11. Paris : Guyot et Scribe, 1835, p. 90. Nous renvoyons le lecteur une fois pour toutes à cette édition usuelle. L’on y trouve la loi de 1798 dans son intégralité, y compris les notes de jurisprudence indicative.

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Voir le bilan reproduit dans Jean-Paul MASSALOUX. La régie de l’enregistrement et des domaines au XVIIIe et XIXe siècles : étude historique. Genève : Droz, 1989, p. 325-327.

d’origine exceptionnelle en citant Guy COQUILLE, qui avait, nous rapporte-t-il, constaté la règle selon laquelle « l’impôt une fois mis en France ne se retranche jamais » ; cette règle était, selon COQUILLE, témoignée par « les subventions de guerre que l’on paie après douze ans de paix »319. L’on sait aussi que cet impôt de la France a même fait l’objet de l’envie de son

puissant voisin : les Français auraient, selon R. SCHNERB, probablement le droit de s’enorgueillir en entendant dire le chancellier BISMARCK en février 1881, à la Chambre des communes du Landtag prusse : « Quand je pense que l’impôt des boissons en France rapporte 450 millions de francs, que le tabac rapporte presque autant, le timbre et l’enregistrement davantage, j’en éprouve une certaine humiliation et je me dis : est-ce que nous serions moins intelligents, est-ce que nous aurions moins le sens des affaires que les Français ? »320.

Si la loi de l’an VII n’était point populaire – quelle autre loi fiscale l’a-t-elle jamais été ? – elle a d’autres mérites que sa rentabilité. D’une part, cette loi a réussi à systématiser la réglementation jadis chaotique en abrogeant les innombrables dispositions juridiques de l’Ancien Régime. La systématisation a élevé sa valeur scientifique à un tel niveau que même les civilistes les plus renommés prenaient soin de l’étudier. De l’autre, cet aménagement législatif a simplifié les tâches de la Régie en la munissant de principes clairs, faciles et concrets. Cette vertu a été reconnue même par l’adversaire du maintien de la loi dite

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TARDIF. Lois du timbre et de l’enregistrement, extraites du « Bulletin des lois ». 2 tomes, t. 1. Paris : Guillaume, 1827, p. xiii-xiv. La phrase originelle de COQUILLE est : « … Ces remontrances pour la décharge du tiers Etat ont été faite en Assemblée des Etats Généraux de France, mais l’on y a eu égard selon la règle générale et usance de France, que le subside une fois mis sus ne se retranche jamais, mais l’on vient toujours à nouvelles inventions de trouver deniers, dont la charge est sur le tiers Etat, par première apparence, qui a fait que les deux autres Etats ne s’en sont pas souciez … ». Guy COQUILLE. Les œuvres de maistre Guy Coquille, sieur de Romenay. 2 tomes, t. 1. Bordeaux : Labottière, 1703, p. 341.

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Robert SCHNERB. De la Constituante à Napoléon. Les vicissitudes de l’impôt indirect. Annales. Economies, sociétés, civilisations, 1947, 2, n° 1, p. 29. Pour le discours de BISMARCK : Otto von BISMARCK. Rede des Minister-Präsidenten Fürsten Bismarck (im Hause der Abgeordneten, am 4. Februar 1881). Provinzial-Correspondenz [en ligne], Amtpresse Preußens. [réf. du 9 février 2010]. Disponible sur :

http://amtspresse.staatsbibliothek-berlin.de/ausgabe.php?file=9838247/1881/1881-02-09.xml&s=4&druck=1&sg =4, p. 2. Celui-ci est consultable sur le site de la Bibliothèque nationale de Berlin :

http://amtspresse.staatsbibliothek-berlin.de/ [réf. du 10 novembre 2010]. L’article de SCHNERB a été réimprimé dans le recueil très utile suivant : Deux siècles de fiscalité française XIXe-XXe siècle, histoire, économie, politique / s. dir. Jean BOUVIER, Jacques WOLFF. Paris : Mouton, 1973.

exceptionnelle que nous venons de citer. Selon l’avocat TARDIF, dont le prénom nous est inconnu, l’importance des divers droits d’enregistrement était, même avant 1789, bien connue : « Ces droits devinrent », disait-il, « une des plus importantes branches du revenu public : les édits, les ordonnances, les déclarations, les lettres patentes se multiplièrent à l’infini. Il devint difficile au peuple imposé de reconnaître les droits auxquels il était assujetti ; et les receveurs eux-mêmes, incertains de ceux qu’ils devaient percevoir, profitant souvent de l’ignorance forcée des contribuables, rendaient l’impôt plus odieux encore, en exigeant un tribut supérieur à celui qui était réellement dû »321. C’était l’Assemblée nationale qui, disait-il,

réprima tous « les abus attachés à la perception de cet impôt » et « simplifia la législation par

celui de l’enregistrement »322. L’on nous rapporte également les éloges qu’a faits

Raymond-Théodore TROPLONG (1795-1869), alors conseiller à la Cour de cassation, en 1839 : « La loi sur l’enregistrement est », écrivait le futur président de la Cour, « pour nous autres juristes, la plus noble, ou pour mieux dire, la seule noble de toutes les lois fiscales »323.

Fort de ces hommages et du grand nombre de textes consacrés à la loi du 22 frimaire an VII, Jean-Paul MASSALOUX, historien et ancien haut fonctionnaire du Service de l’enregistrement, estime que, par cette loi, « furent fixés […] les principes d’une législation appliquée pendant cent cinquante ans sans grands changements, l’an VII a été considéré comme l’époque de la naissance de l’administration de l’Enregistrement », et que « la législation gouvernant l’enregistrement franchit alors un seuil au-delà duquel elle prit l’aspect d’une œuvre heureusement achevée », ce qui, pour lui, explique pourquoi « la loi du 22 frimaire an VII fut d’ailleurs fréquemment présentée par les juristes qui l’étudièrent, comme un modèle de perfection. Nulle autre loi d’impôt n’a donné lieu, en France, à plus de savants

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Tardif. Lois du timbre. p. vi.

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Ibid. p. vii.

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Raymond-Théodore TROPLONG. Compte rendu du Traité de droits d’enregistrement, par Championnière et Rigaud, 4 vol., Paris : Bureau de l’enregistrement, Revue de législation et de jurisprudence, 1839, 10, p. 147.

ouvrages, d’analyses profondes, de commentaires élogieux que ceux consacrés aux règles enfermées dans son texte »324.

La clarté pour la pratique administrative, et la noblesse pour la doctrine sont dues à la conception même de la loi325. Au lieu d’inventer de nouvelles notions, elle emprunte au droit

civil de nombreuses catégories que connaissent et l’effectif de la Regie, et les magistrats et les contribuables un peu avisés. Ces catégories usuelles servent à décrire les faits imposables, répartis en deux branches selon la dichotomie introduite par l’art. 2 de la loi précitée : « Les droits d’enregistrement sont fixes ou proportionnels, suivant la nature des actes et mutations qui y sont assujéttis ». Cette division est immédiatement précisée. L’art. 3, al. 1 prévoit que « le droit fixe s’applique aux actes, soit civils, soit judiciaires ou extrajudiciaires, qui ne contiennent ni obligation, ni libération, ni condamnation, collocation ou liquidation de sommes et valeurs, ni transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens meubles ou immeubles », l’al. 2 nous renvoyant à l’art. 68 de la même loi pour les taux applicables. L’art. 4, que nous reverrons à maintes reprises, dispose, par son premier alinéa, que « le droit proportionnel est établi pour les obligations, libérations, condamnations, collocations ou liquidations de sommes et valeurs, et pour toute transmission de propriété, d’usufruit ou de jouissance de biens meubles et immeubles, soit entre-vifs, soit par décès », l’al. 2 renvoyant à l’art. 69 qui fixe les quotités des droits proportionnels, l’al. 3, quant à lui, précisant encore que le droit proportionnel « est assis sur les valeurs ». D’une manière approximative, nous pouvons ainsi résumer les grands principes de la susdite loi : droits fixes pour les actes constatifs, droits proportionnels pour les actes translatifs. Cette opposition est nettement

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MASSALOUX. La régie de l’enregistrement. p. 317.

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Une analyse doctrinale globale du droit de l’enregistrement des XVIIIe et XIXe siècle nous est disponible grâce à Caroline SPINOSI. Une institution fiscale d’avenir : du centième denier au droit d’enregistrement. Revue historique de droit français et étranger, 1959, 4e série, 37e année, 1959, p. 541-599. Caroline SPINOSI. Une institution fiscale d’avenir : du centième denier au droit d’enregistrement (deuxième partie). Revue historique de droit français et étranger, 1960, 4e série, 38e année, p. 58-82.

exemplifiée par les notions telles que « obligation », « libération », « condamnation », « collocation », « liquidation », « transmission », etc., sans parler de « propriété », « usufruit », « meubles » et « immeubles ». Evidemment, les trois articles ci-dessus ont pour objet de construire une claire dichotomie englobant à titre exhaustif tous les actes juridiques, une tâche qui n’est possible qu’en faisant recours aux catégories de droit civil, pour ainsi dire, prêtes à porter. Il en serait autrement, ou, tout au moins, une simple négation n’aurait pas suffi si le législateur avait été obligé d’encourir le risque de créer de nouvelles catégories. N’oublions pas la critique de TARDIF, citée ci-dessus, selon laquelle la levée des droits d’enregistrement dans l’Ancien Régime était tout sauf systématisée. Toutes les catégories inspirées par l’ancienne pratique fiscale ne nous laisseraient donc pas trop à espérer.

Si l’on juge que la loi fiscale est une œuvre législative bien achevée grâce aux catégories de droit commun dont elle se sert, cet accrochage au droit civil la fait néanmoins dépendre du système conceptuel de la civilistique. L’exécution de la loi de l’an VII risque, en conséquence, d’être compromise, même indirectement, par les débats doctrinaux et, en particulier, par la jurisprudence civile. En d’autres termes, il est facile de comprendre que la loi de l’enregistrement aura du mal à revendiquer sa particularité par rapport à la généralité du droit civil, auquel cette loi-là se veut intimement attachée. Rappelons-nous des contextes historiques : l’on était environ un an avant le coup d’Etat du 19 brumaire (10 novembre 1799), le Code civil n’existait pas encore malgré quelques projets précédents, la tradition civiliste de l’Ancien Régime ininterrompue. Par ailleurs, l’on ne connaissait pas encore ce que les juristes plus récents appellent « l’autonomie du droit fiscal », qui permettrait d’interpréter, à la lumière des principes généraux propres à ce domaine-là, le texte en question. En d’autres termes, les questions relevant de la loi de 1798 ne pouvaient être examinées que dans la perspective de l’ancien droit civil, c’est-à-dire celle d’un mélange des autorités

romano-canoniques, coutumières et féodales. Néanmoins, il s’agissait d’une loi, qui, dotée de buts précis, était vitale pour le bon fonctionnement de l’Etat, ce qui est déjà attesté par les chiffres précédemment cités. La nécessité financière, d’un côté, la cohérence conceptuelle du droit civil, de l’autre, tels sont les deux intérêts parfois inconciliables entre lesquels la Cour de cassation devait trancher tant avant qu’après l’entrée en vigueur du Code Napoléon.

Sous-paragraphe II La valeur scientifique de ces affaires de droits de mutation ?

L’on pourrait nous interroger pourquoi prendre ce détour des droits d’enregistrement et dans quelle mesure une telle loi positive et, malgré sa continuité, circonstancielle serait utile pour une histoire juridique du mot « personne ». L’on objecterait que, même si la Cour de cassation a, en matière d’enregistrement, invoqué quelque chose concernant notre mot-clé, il ne faudrait pas en dégager des conclusions à portée générale. D’autant moins que le caractère administratif de ces contentieux, dans lesquels le fisc est partie, laisse toujours soupçonner que la Haute juridiction n’accorde jamais aucune prérogative à la Régie326.

Un seul constat suffit, à notre avis, pour répondre à ces questions éventuelles. Les controverses portant sur les successions vacantes ne sont guère propres à la loi d’enregistrement révolutionnaire. Elles existaient depuis longtemps, et aucune solution n’en arrivait à s’imposer. Déjà, dans l’Ancien Régime, l’exigibilité des successions vacantes constituait un grand sujet de débat quand l’administration, représentée alors par l’Adjudicataire général des fermes, contraignait les curateurs aux telles successions à payer les droits du centième denier pour le compte de celles-ci. Ce « droit du centième denier » était, d’après MERLIN de Douai, ce que « le droit d’enregistrement remplace aujourd’hui, et qui ne

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Notez d’ailleurs que le droit contemporain divise en deux la compétence en matière de contentieux fiscaux, notamment par l’art. L199 du Livre des procédures fiscales. Tandis que la résolution des désaccords en matière d’impôts directs et d’autres taxes assimilées est confiée à la juridiction administrative, les droits d’enregistrement et les autres droits semblables demeurent le principal type des litiges sur lesquels la juridiction civile est compétente pour statuer.

différait de celui-ci, pour les mutations par décès, qu’en ce qu’il n’était point dû en succession directe, mais seulement en succession collatérale »327. Nous relevons, dans ce débat ancien, le

même cadre triangulaire que nous avons évoqué plus haut : le fisc, une succession vacante et son curateur. La question centrale est exactement la même que la nôtre : y a-t-il une mutation ou non en cas de succession vacante ? Cette question a divisé tant la doctrine que la jurisprudence328. Si, traditionnellement, l’édit de 1693 est considéré comme l’origine des

droits d’enregistrement modernes, nous devons rappeler que cela ne vaut qu’en ce qui concerne les droits fixes. En fat, DUMOULIN, jurisconsulte, nous a rapporté deux arrêts rendus bien avant cet édit : l’un en 1554, l’autre, plus précisément, le 24 juillet 1600. Les auteurs anciens citaient un troisième et le dernier arrêt qui fut, quant à lui, prononcé le 5 juin 1736. Les deux premiers décident en faveur du curateur à succession vacante ; le plus récent tranchait inversement. L’étonnante longévité de la problématique montre clairement que l’importance de celle-ci dépasse largement la soi-disant portée technique de la loi du 22 frimaire an VII. Chaque fois que l’on impose une taxe indirecte sur les successions ou les transmissions de biens, des controverses semblables s’élèvent. Qui plus est, nous verrons, dans les paragraphes sur l’hérédité jacente romaine, que la problématique est profondément inscrite dans la longue durée. Qu’il s’agisse de l’hérédité jacente ou bien de la succession vacante, c’est toujours le statut de cette hérédité qui est mis en question. Cette question touche immédiatement la distinction fondamentale entre les personnes et les choses, en se promenant sur les frontières de la summa divisio du droit civil. D’une part, tout le monde affirme que la succession n’est que l’ensemble de biens, de droits et d’obligations laissés par le défunt, et qu’elle est donc d’ordre des choses. Il faut, reprenons la formule des rédacteurs du Code,

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Philippe-Antoine MERLIN. Recueil alphabétique des questions de droit qui se présentent le plus fréquemment dans les tribunaux. 2e éd. 7 tomes, t. 5. Paris : Garnery, 1810, p. 134.

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L’on en trouve une liste de protagonistes de ce long débat en : Paul LUCAS-CHAMPIONNIERE, E. RIGAUD. Traité des droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèques, et des contraventions à la loi du 25 ventôse an XI, suivi d’un dictionnaire analytique... 3 tomes, t. 3. Paris : Bureau du contrôleur de l’enregistrement, 1838, p. 624, n° 2568.

qu’elle repose sur « la tête de celui que la loi désigne », et nul ne la confond avec la tête qui la supporte. De l’autre, faute de telle tête, l’on ressent inévitablement le fort besoin de déplacer la succession vacante du côté des personnes en lui imputant certains droits et certaines obligations à travers le curateur qui la représente. L’imputabilité est établie de manière explicite ou implicite. Soit l’on évoque que la succession vacante est un « être moral », soit, faute de cet attribut-ci, l’on refuse, en l’occurrence, de qualifier les droits d’enregistrement de charges grevées sur les biens. Quoi qu’il en soit, il est hors de doute que le dossier des