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Les verbes supports

1 1 Le concept de marqueur discursif

2. D AR ET LES VERBES SUPPORTS

2.2. Les verbes supports

Les verbes « supports » forment des substantifs abstraits avec des constructions périphrastiques semi-lexicalisées, aussi appelées constructions à verbes supports ou CVS (construcciones con verbo de apoyo o CVA en espagnol), constructions verbo-nominales ou prédicats nominaux. C’est probablement le linguiste danois Otto Jespersen qui a parlé en premier de ce type de verbes « sans signification », lorsqu’il évoquait des prédicats nominaux complexes :

Le sens le plus fréquent des substantifs qui proviennent de verbes formellement identiques est celui de l’action ou d’une instance isolée de l’action. Ceci est particulièrement fréquent tant dans les combinatoires habituelles comme illustré avec le verbe avoir que dans les verbes « légers » similaires. Ils sont en conformité avec la tendance générale en anglais moderne à placer un verbe insignifiant, auquel on attache les marques de personne et de temps, avant la véritable idée importante.134

Voici quelques constructions à verbes supports formées avec dar et signalées dans la

Nueva gramática de la lengua española :

[D]ar un giro, un paseo, un paso, una vuelta, aviso, caza, confianza, conversación, ejemplo, esperanzas, respuesta, sepultura, término, tiempo, un beso, una explicación, importancia, ocasión, preferencia, prioridad, relevancia, un bofetón, un empujón, una puñalada, una orden, un permiso, etc.135

Comme on l’a observé plus haut, ces constructions admettent en général des paraphrases avec des verbes ayant un rapport lexical avec le substantif du complément : dar

un mirada ~ mirar, etc. Or, on considère généralement que les paraphrases ne sont

134 « [The most usual meaning of substantives derived from and identical in form with a verb is the action or an

isolated instance of the action. This is particularly frequent in such everyday combinations as those illustrated with the verbe have and similar ‘light’ verbs. They are in accordance with the general tendency of Mod[ern] E[nglish] to place an insignificant verb, to which the marks of person and tense are attached, before the really

important idea. »], Otto Jespersen, 1942, p. 117. La traduction et le gras sont de notre fait.

135 Real academia española, Asociación de academias de la lengua española, op. cit., p. 2653, § 34.11.j, 2670, §

qu’approximatives, car des nuances de type aspectuel sont parfois véhiculées par un verbe et non pas par l’autre :

[M]ientras mirar puede usarse con interpretación durativa (Estuve mirando durante un

buen rato), la expresión echar (también dar o pegar) una mirada recibe interpretación

puntual (‘mirar de forma circunstancial, rápida o poco atenta’). A ello se añade que no todas las construcciones con verbo de apoyo pueden ser parafraseadas con un verbo simple (dar una vuelta, echar una partida).136

On observe différentes possibilités en ce qui concerne les expressions équivalentes à ce type de constructions au moyen de verbes indépendants137 :

- Un verbe dénominal indépendant est équivalent à la construction avec verbe support (dar un paseo ~ pasear).

- Le verbe indépendant dénominal et le substantif sont reliés en diachronie ou en synchronie mais ils ne sont pas équivalents (hacer huelga ~ holgar, dar confianza ~ confiar).

- Des emplois de la construction avec verbes supports ne sont pas équivalents au verbe dénominal (sujet agentif de hacer dans hacer reposo vs reposar : *Aquí hacen reposo los

restos mortales...). Inversement, un emploi du verbe dénominal n’est pas équivalent à la

construction avec le verbe support (dar relevancia vs relevar : * dar relevancia de un puesto). - Il existe un verbe équivalent sémantique mais pas formel (dar asco ~ repugnar). - Il n’existe aucun verbe indépendant équivalent (dar cabida, dar tiempo).

Ces structures semi-lexicalisées peuvent être confondues avec des constructions lexicalisées appelées locutions verbales. Les deux structures présentent des degrés de figement et les critères de reconnaissance de l’une et l’autre sont très nombreux et parfois divergents. La Nueva gramática de la lengua española signale plusieurs locutions verbales formées par le verbe dar :

[D]ar alas, dar bola, dar caña, dar con la puerta en las narices, dar ejemplo, dar el pecho, dar gusto, dar manija, dar muerte, dar rienda suelta, dar la mano, dar un espaldarazo, etc.138

On admet souvent que ce qui distingue les locutions et les constructions à verbes supports est la mobilité du syntagme nominal qui les compose :

136 Real academia española, Asociación de academias de la lengua española, op. cit., p. 57, § 1.10k. 137 VoirIgnacio Bosqueet Violeta Demonte, op. cit., p. 4410, § 67.3.2.2.

Juan dio un paseo ~ El paseo que dio Juan : construction à verbe support. Dio muerte a ~ *La muerte que dio a : locution verbale.

Cependant, on observe la mobilité du syntagme nominal dans des structures considérées comme des locutions :

Me das bolilla ~ Con la bolilla que me das.

Le dio gusto ver a sus amigos ~ El gusto que le dio ver a sus amigos.

Lorsqu’on parle d’expressions figées, on fait référence généralement au fait qu’aucun élément qui les constituent ne peut être modifié :

La madre le dio el pecho ~ * la madre le dio pechos Le dio manija ~ * Le dio manijas

Le da alas a sus hijos ~ *Le da estas alas a sus hijos

Cependant, il existe dans certains cas des variations possibles :

La madre le dio el pecho /los dos pechos al hijo. Le dio manija/una manija bárbara.

Le da alas/ muchas alas.

Il semble que les différences entre les locutions et les constructions à verbes supports ne soient pas très nettement définies. Dans son analyse des expressions figées en français, Gaston Gross conclut que, outre le caractère non compositionnel des locutions et leur degré de fixation, le complément nominal des locutions n’est pas un prédicat nominal :

Une suite verbe + compléments est une locution verbale si l’assemblage verbe- complément n’est pas compositionnel ou si les groupes nominaux sont figés (c’est-à-dire qu’on ne peut les modifier d’aucune manière : les déterminants sont fixes et les modifieurs interdits. A quoi nous ajoutons que le complément ne doit pas être un prédicat nominal.139

Selon l’auteur, les prédicats nominaux peuvent être actualisés par des verbes supports qui, n’ayant pas de fonction prédicative, apportent les informations concernant le temps et l’aspect de l’opération. En effet, on affirme généralement que le sens global de ces constructions à verbes supports est véhiculé au moyen d’un verbe – dar, echar, hacer, tener et

tomar, comme on l’a signalé – qui aurait perdu partiellement son contenu sémantique. Ainsi

le décrit-on dans la Nueva gramática de la lengua española:

[L]as construcciones con VERBO DE APOYO (también llamadas DE VERBO SOPORTE, VICARIO140 O LIGERO) [...] se forman con verbos parcialmente desemantizados y con

sustantivos (casi siempre derivados) que aportan el contenido léxico que caracteriza a la construcción, como dar un paseo ~ pasear.141

Dans la Gramática descriptiva de la lengua española, on fait également état de la désémantisation des verbes « support » :

Entre los esquemas de estructuras complejas más productivos del español figuran los formados por ciertos verbos no copulativos de escasa entidad semántica (como hacer y dar) seguidos de un sintagma nominal [...]. Se trata de casos en que el nombre complemento lleva prácticamente toda la carga semántica del predicado, mientras que el verbo apenas sirve para otra cosa que para dar a este predicado su forma canónica de sintagma verbal.142

En effet, le critère qui sert fondamentalement à différencier les locutions verbales et les constructions à verbes support est la charge sémantique du constituant verbal. Selon ce critère, le verbe dans la locution verbale dar un espaldarazo conserverait son contenu lexical – que l’on assume en général comme « transfert » ou « possession » – tandis que dans dar un

paseo il ne le fait pas. Dar dans dar manija serait un verbe « plein », tandis que, en tant que

verbe support dans dar aviso, il ne servirait qu’à fournir le support verbal au véritable élément prédicatif, le substantif aviso. Ce type d’argument n’est pas très convaincant, car on n’observe pas une différence de charge sémantique significative entre les verbes dans chaque construction, l’une formée d’un verbe avec contenu sémantique et l’autre avec un contenu « partiel ».