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TEXTES DISCIPLINAIRES

2.5 Les facettes de la vulnérabilité

La notion de vulnérabilité est apparue au fur et à mesure de l’évolution des études sur les aléas naturels, au vu de la constatation que l’ampleur de l’impact était parfois disproportionnée par rapport à l’intensité du phénomène naturel.

On est passé de l’”acte de Dieu”, devant lequel les êtres humains sont sans défense et ne peuvent que subir, à la notion de vulnérabilité comme élément pouvant accroître l'impact d'un événement.

Il existe deux concepts d’analyse de la vulnérabilité, d’une part l’analyse qui se base sur l'approche des dommages potentiels ou de l'endommagement, c'est-à-dire que l'impact (victimes, habitations, activité socio-économique, etc) est évalué selon les coûts générés par les éléments à risques, qu’ils soient directs (nombre de victimes, dégâts aux habitations, interruption de l’activité socio-économique, etc.) et indirects (p. ex. reconstruction, emploi, remise en activité de la production). D’autre part, l’analyse plus sociologique (ex. D’Ercole, 1994, Thouret et D’Ercole, 1996) qui cherche à identifier les facteurs porteurs de vulnérabilité pour une société, tels que, pour en citer quelques-uns, les facteurs socio-culturels (les modes de comportement vis-à-vis d’une crise, la perception du danger, etc.), les facteurs fonctionnels et institutionnels qui agissent sur le processus de gestion des crises, les facteurs techniques (p. ex. mauvaise qualité des constructions, sous-dimensionnement et manque d’entretien des ouvrages).

A ceci s’ajoutent des facteurs conjoncturels qui ont à voir avec le lieu et le moment d’occurrence de l’événement, les dysfonctionnements imprévisibles, comme le blocage des moyens de communication, la défaillance des responsables à différents niveaux de la gestion de la crise, etc.

De leur côté Blaikie et al. (1994) construisent un modèle qu’ils nomment

“pression et relâchement”. Ce modèle se base également sur les facteurs de vulnérabilité, mais les auteurs définissent un schéma d’évolution de la vulnérabilité qui débute par des "causes racines", à savoir la structure économique, politique, juridique qui définissent le fonctionnement d'un Etat, passant ensuite à des pressions dynamiques qui canalisent les "causes racines"

et provoquent des pressions à l'échelle régionale ou d'une ville, comme une démographie rapide, une urbanisation incontrôlée, un endettement, induisant

ainsi des conditions d'insécurité, comme une localisation dans des zones dangereuses, un manque d'infrastructures, une économie locale fragile. Pour compléter cette analyse, les mêmes auteurs ont développé un second schéma d’analyse, nommé “accès aux ressources” qui se concentre sur la vulnérabilité humaine et sur les liens qui existent entre les conditions d’insécurité et les processus économiques et politiques en jeu.

Dans l’analyse de vulnérabilité, il est courant de distinguer le contexte des pays fortement industrialisés et celui des pays en voie de développement. A ce sujet, Smith (1998) introduit les notions de résilience et de fiabilité. Il définit la résilience222 comme une mesure du taux de recouvrement d’une expérience stressante, ce taux reflétant la capacité d’absorption et de recouvrement face à l’occurrence d’un aléa. Pour cet auteur, la résilience est traditionnellement l’ « outil » principal des pays faiblement industrialisés pour affronter les catastrophes, étant donné que l’aléa y est considéré comme une composante de la vie. Il s’agit donc de développer des stratégies y pour faire face, en faisant par exemple des réserves lors des bonnes saisons pour affronter les mauvaises. A l’opposé, cet auteur définit la notion de fiabilité comme un reflet de la fréquence de rupture des dispositifs de protection contre les aléas et l’applique surtout aux pays fortement industrialisés. Ces dispositifs concernent les services de communication, les distributeurs d’eau et d’électricité, les hôpitaux etc. Il s’agit de faire en sorte que les éléments vitaux soient en état de fonctionner, même lors de l’occurrence d’un événement, étant donné la grande dépendance des pays industrialisés vis-à-vis de ces facilités. Cette fiabilité peut être reliée à la notion de vulnérabilité physique.

La question qui se pose face à la notion de vulnérabilité est de savoir si elle n’est pas à double tranchant pour les populations concernées. En effet, l’idée initiale est de comprendre la dimension d’une catastrophe afin de la réduire, mais si on ne considère que la vulnérabilité, on ne voit qu’un pan de la réalité.

Anderson & Woodrow (1989) s’oppose à cette vision restrictive en prenant en compte les capacités. Ils proposent dans le contexte de l’aide aux victimes un schéma d’analyse d’une situation basé sur les capacités et vulnérabilités, et si d’un côté la notion de vulnérabilité leur permet de comprendre pourquoi il y a eu une catastrophe, quel a été son impact, pourquoi il a atteint un groupe particulier et d’estimer le risque d’une future catastrophe, de l’autre côté la notion de capacité permet de tenir compte du potentiel d’une population à se

222 Dans le domaine de l’environnement, la résilience est défini comme “l’aptitude d’un écosystème à survivre à des altérations et des perturbations dans sa structure et (ou) son fonctionnement et à retrouver après la disparition de ces dernières un état comparable à la situation initiale” (Ramade, 2000).

prendre en charge, que ce soit à l’échelle d’une communauté ou d’une nation et à faire face aux conséquences de l’événement.

2.5.1 Evaluation de la vulnérabilité

En restant sur la notion de vulnérabilité, les méthodes d’analyse diffèrent selon le concept que l’on utilise, l’approche basée sur l’endommagement permet une approche quantitative, qui a toutefois des limites, car il peut être difficile de quantifier l’atteinte aux patrimoines culturels, à l’environnement. A l’opposé, l’approche par les facteurs de vulnérabilité est qualitative car elle se base sur l’analyse du fonctionnement d’une société et sur les paramètres qui agissent sur la vulnérabilité.

D’Ercole (1994) établit une synthèse schématique (voir figure 4) de ces différents concepts de vulnérabilité et propose de la considérer comme un système, réunissant les éléments vulnérables (ou à risque selon la définition de l’UNDRO) et les facteurs de vulnérabilité.

Figure 4 : système vulnérabilité, modifié d’après D’Ercole, 1994

L’intérêt de cette démarche est de permettre l’identification des liens existants entre les deux composantes et le développement de stratégies d’action sur la vulnérabilité plus adaptés à la réalité des situations. Elle pourrait découler en une approche semi-quantitative de la vulnérabilité par le développement

d’indicateurs basés sur la sélection des paramètres identifiés comme pertinents.

Un exemple de cartographie intégrée des facteurs de vulnérabilité est donné par D’Ercole (1996). Elle a été élaborée dans la région du volcan Cotopaxi en Equateur. L’auteur a développé une codification en fonction des facteurs qu’il a identifiés comme principaux, tels que perception, connaissance des moyens de protection, facteurs contraignants, distance au volcan, niveau socio-économique, âge, etc. Cela lui permet de produire différents documents cartographiques selon l’objectif défini.

Il est important de souligner que la vulnérabilité est également une variable spatio-temporelle. En effet, les éléments à risque ainsi que les facteurs de vulnérabilité peuvent varier selon l'échelle spatiale considérée, un pays, une région et une ville, un groupe de personnes et se modifier dans le temps en raison de l’évolution positive ou négative du fonctionnement politique, économique, juridique du lieu considéré.