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Evaluation des conséquences d’une catastrophe

TEXTES DISCIPLINAIRES

3. L ES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET LA PROBLÉMATIQUE DU RISQUE MAJEUR

3.3 Techniques de décision et d’analyse relevant d’autres domaines des sciences économiques

3.3.2 Evaluation des conséquences d’une catastrophe

A. CONSÉQUENCES DIRECTES, INDIRECTES ET SECONDAIRES

Un manuel des Nations Unies propose de distinguer trois types de conséquences socio-économiques d’une catastrophe (cf. United Nations, Economic Commission for Latin America and the Caribbean, 1999) :

1. les conséquences directes, c’est-à-dire les effets sur l’infrastructure, les bâtiments, les installations, les équipements, les terres cultivées, etc., sans oublier les coûts de démolition;

2. les conséquences indirectes, c’est-à-dire les effets sur les biens et services (notamment les pertes au niveau de la production et des revenus);

3. les conséquences secondaires, autrement dit les effets sur les principales variables macro-économiques (production, revenus, investissements, prix, finances publiques, balance des paiements, endettement, etc.).

On précise qu’il faut prendre en considération aussi bien les conséquences négatives que positives d’une catastrophe. En ce qui concerne les conséquences positives, les Nations Unies fournissent l’exemple suivant : “prolonged, widespread flooding in a South American country made fertile a large amount of land on the shoreline which prior to the disaster had not been suitable for

cultivation” (cf. United Nations, Economic Commission for Latin America and the Caribbean, 1999, p. 13).

On peut affirmer que les conséquences directes concernent surtout les “stocks”, tandis que les conséquences indirectes et secondaires, les “flux”. Il convient de relever qu’il est possible d’additionner 1 et 2, mais pas 1, 2 et 3, à cause des douplications. Malheureusement, il n’est pas toujours facile de faire une claire distinction entre 2 et 3. Une analyse plus rigoureuse demande l’utilisation d’autres concepts et outils d’analyse, notamment les instruments de la comptabilité nationale.

B. COMPTABILITÉ NATIONALE

La comptabilité nationale fournit un cadre conceptuel pour une représentation quantitative simplifiée de l’économie nationale au cours d’une période donnée (en général, une année), et elle permet d’estimer les principaux indicateurs économiques nationaux. A l’origine, il y a l’oeuvre de François Quesnay (1694-1774), médecin-chirurgien français, qui s’inspira du mécanisme de la petite et de la grande circulation sanguine pour donner de l’économie une représentation sous forme de “circuit”23.

Ci-dessous, on trouve la représentation graphique et matricielle d’un circuit économique très simple. On relève :

• les actifs et passifs d’ouverture (t=0) et de clôture (t=1), qui représentent des stocks (le patrimoine national);

• les relations entre 4 comptes économiques (production, consommation, accumulation, reste du monde), qui représentent des flux entre t=0 et t=124.

Il convient de relever les relations suivantes :

• compte production25 :

(1) PIBpm = C + FIBC + X - M = 255

• compte consommation :

23 QUESNAY F., Tableau économique des physiocrates, Paris, Calmann-Lévy, 1969.

24 Nous ne nous attardons pas sur les “réévaluations”, car il s’agit d’un problème purement technique.

25 Il n’est pas inutile de rappeler que dans ces calculs, on comptabilise seulement les valeurs ajoutées (les consommation intermédiaires en sont exclues).

par définition, on a :

(2) PNNpm = PIBpm - A + SBRF = 241 où PNN indique le produit national net; en posant :

(3) SBRF = SBOC + SBT - SBC et en rappelant (1), on montre :

(4) PNNpm = C + S + SBT = 241

• compte accumulation :

(5) S = FIBC - A + SBOC = 27

• compte reste du monde :

(6) SBC + SBRF + SBT + SBOC = 0

Les indicateurs de la comptabilité nationale (PIB, etc.) sont largement utilisés pour décrire l’économie d’un pays, voire pour vérifier ses performances économiques. Il est toutefois très important de connaître les limites de ce type d’outil.

Consommation

FIBC Formation intérieure brute de capital SBT Solde balance transferts

A Amortissements SBOC Solde balance opérations courantes

SBRF Solde balance revenus des facteurs

Comptes nationaux sous forme matricielle et graphique.

Source : d’après NATIONS UNIES, BUREAU DE STATISTIQUE, Système de comptabilité nationale, New York, Nations Unies, 1970, p. 7-9.

La comptabilité nationale fournit une approche de type descriptif (ex post). Par exemple, les relations énoncées ci-dessus permettent de décrire la situation économique d’un pays avant et après un tremblement de terre, un choc énergétique ou un conflit armé. En elles-mêmes, toutefois, elles ne possèdent pas de pouvoir explicatif. Si on veut prévoir les effets économiques d’une catastrophe (ou identifier, avec une certaine précision, quels ont été les effets économiques d’une catastrophe qui a déjà eu lieu), il faut adopter une approche analytique (cf. le point C ci-dessous).

Nous avons vu que la comptabilité nationale recense les flux et enregistre les variations des stocks (patrimoine) au cours d’une période donnée. En fait, on étudie surtout les flux. L’étude de la relation stocks-flux reste assez superficielle. Et pourtant, vraisemblablement, les décisions des ménages relatives à leur revenu seraient mieux comprises si la comptabilité nationale permettait de lier la consommation des ménages pas seulement à leur revenu, mais aussi à leur patrimoine. Ceci est très important dans le domaine du risque majeur, qui se matérialise par la destruction des stocks, avec des répercussions importantes sur les flux.

D’autres limites caractérisent la comptabilité nationale :

• elle doit pouvoir disposer de bases de données très importantes et opérer des estimations très délicates, voire contestables;

• elle n’est pas en mesure de prendre en considération les “activités souterraines”, qui dans certains pays jouent un rôle considérable;

• en général, les biens non-marchands et les externalités ne sont pas intégrés dans les indicateurs de la comptabilité nationale.

C. ANALYSE DES INTERDÉPENDANCES STRUCTURELLES ET MODÈLES MACRO-ÉCONOMIQUES

En principe, l’analyse des interdépendances structurelles et les modèles macro-économiques permettent de prévoir et estimer les effets macro-économiques d’un choc exogène (comme une catastrophe naturelle, technologique ou un conflit armé).

L’analyse des interdépendances structurelles (analyse input-output) a été développée par Wassily Leontief (1966). La forme la plus connue de son modèle est donnée par l’expression suivante :

qi a qij f

j j i

=⋅ +

ou, sous forme matricielle :

q Aq= +f

q et f sont deux vecteurs, représentant respectivement la production et la demande finale d’un bien i;

• A indique la “matrice des coefficients techniques” (qui fait l’originalité de cette approche): il s’agit d’une matrice à i lignes et j colonnes où l’élément aij représente la part du bien i contenue dans une production unitaire du bien j (on obtient aij en divisant le flux du bien i utilisé pour la fabrication du bien j par la quantité totale produite de j).

Il convient de rappeler que le modèle de Leontief repose sur des hypothèses très fortes. On suppose notamment qu’il existe une relation linéaire entre les niveaux de production et les besoins en inputs, ce qui revient à admettre une structure constante de la matrice des coefficients techniques à tout niveau de production. L’Organisation Mondiale de la Météorologie (OMM) propose l’approche suivante lorsqu’on utilise le modèle de Leontieff pour quantifier les effets d’une catastrophe naturelle : “In the post-disaster economy, matrix A may be approximated by assuming that the direct input requirements of sector i per unit output j are reduced in proportion to the reduction in output i” (World Meteorological Organisation, 1999, p. 74).

Les modèles macro-économiques permettent d’estimer l’impact d’une variation d’une quelconque variable économique (la consommation ou l’investissement, par exemple) sur le produit national ou les autres agrégats de la comptabilité nationale (cf. Dornbusch et Fischer, 1981). Ils montrent notamment comment l’économie échappe aux déséquilibres provoqués par cette variation et retrouve une nouvelle situation d’équilibre. En effet, la variation de la consommation ou de l’investissement provoquera une sorte de “réaction en chaîne”, qui s’épuisera seulement lorsque l’économie aura trouvé un nouvel équilibre. Ci-dessous, nous fournissons une illustration d’un modèle macro-économique très simple.

On pose :

Y = + = +C I C S

Y représente le revenu national, C la consommation, I l’investissement et S

l’épargne.

On admet :

C=C Y( )= +C cY avec C >0 et 0< <c 1

C indique la consommation autonome (qui ne dépend pas d’une autre variable) et c la propension marginale à consommer;

S= − = −Y C Y

(

C +cY

)

( )

S= − + −C 1 c Y= − +C sY

s indique la propension marginale à épargner;

I= I

on suppose donc que l’investissement est autonome.

On peut maintenant écrire :

( ) ( )

Y I C cY

c I C

s I C

= + + = 1 + = + 1

1

Si cette relation est vérifiée, il y a équilibre.

Si l’on suppose que la consommation autonome varie de C, alors l’effet sur le revenu est donné par l’expression suivante :

Y

c C

= 1 1 1

1c ou 1 s

représente le multiplicateur, qui permet de trouver le nouveau point d’équilibre.

L’analyse des interdépendances structurelles et les modèles macro-économiques sont tributaires de la comptabilité nationale. Les remarques effectuées ci-dessus sur les limites de la comptabilité nationale s’appliquent donc à ces outils d’analyse, qui dans certains cas montrent toutefois des performances remarquables en matière d’explication et de prévision des phénomènes économiques. Il faut aussi souligner que l’utilisation de ces instruments d’analyse demandent des efforts de modélisation et de collecte des données extrêmement importants.