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Allocation et distribution des ressources

TEXTES DISCIPLINAIRES

3. L ES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET LA PROBLÉMATIQUE DU RISQUE MAJEUR

3.1.1 Allocation et distribution des ressources

Le problème fondamental étudié par les sciences économiques consiste à déterminer comment la société humaine s’organise (ou devrait s’organiser) pour résoudre le conflit entre besoins illimités et ressources limitées. La gestion du risque n’échappe pas à ce problème. Les ressources disponibles peuvent être allouées à différents types d’activités : la santé, l’éducation, la recherche, la gestion des risques, etc. Les ressources allouées à la gestion des risques peuvent être utilisées pour prévenir les inondations, les accidents de la circulation, la criminalité, etc., mais ne pourront certainement pas satisfaire tous les besoins. Il faut alors faire des choix et utiliser les ressources de manière efficace pour éviter les gaspillages.

Dans cette perspective, il est utile de définir le concept de “coût d’opportunité”. Il s’agit de la valeur de la meilleure alternative à laquelle nous devons renoncer lorsqu’on opte pour une quelconque dépense de consommation ou d’investissement. Il va de soi qu’on ne pourra pas utiliser les ressources allouées (disons) à la prévention des inondations pour construire un hôpital.

Chaque fois que nous satisfaisons un besoin, nous en sacrifions d’autres.

L’allocation des ressources est effectuée par l’intermédiaire du marché et de l’Etat. Le marché est le “lieu” où se rencontrent la demande (des consommateurs) et l’offre (des producteurs) et où se forment les prix. Les prix jouent un rôle très important, car ils représentent des signaux qui orientent les décisions des agents économiques. Par exemple, la forte augmentation du prix d’un bien peut être due au fait que la production ne parvient pas à suivre l’évolution de la consommation, et induire les investisseurs à construire de nouvelles usines. La théorie néo-classique essaye de montrer qu’en régime de concurrence, les prix assurent l’“allocation optimale (efficace) des ressources”.

Ceci signifie que les consommateurs maximisent l’utilité (leur bien-être) et les producteurs utilisent “au mieux” les technologies et les facteurs de productions disponibles. Nous ne pouvons évidemment pas discuter dans le cadre de ce travail la pertinence de la théorie économique de l’allocation des ressources.

L’Etat joue un rôle très important dans l’allocation des ressources, car il intervient dans les mécanismes du marché et finance, voire gère directement certains secteurs-clés, comme la santé, l’éducation ou la sécurité. Son action a aussi un effet très important sur la distribution des revenus et la stabilité de la croissance économique. Les choix de l’Etat en matière d’allocation des ressources s’expliquent par un ensemble de facteurs économiques, sociaux et politiques.

Il faut faire une distinction entre la question de l’allocation optimale des ressources et celle de leur distribution équitable. En général, dans l’analyse économique, on commence par examiner les conditions de l’allocation optimale, et ensuite seulement on envisagera les modifications permettant d’atteindre des objectifs sociaux. Par exemple, on déterminera tout d’abord les tarifs de l’eau ou de l’électricité permettant d’atteindre l’allocation optimale; seulement ensuite, on examinera comment corriger ces tarifs afin de réaliser les objectifs de politique sociale (tout en minimisant les distorsions dans l’allocation des ressources).

Il convient aussi de faire la distinction entre approche positive et normative.

Plusieurs malentendus dans l’analyse économique proviennent du manque de clarté à cet égard. L’approche positive essaye d’expliquer, voire de prévoir, certains phénomènes ; l’approche normative, en revanche, cherche à donner des indications de politique économique (“ce qu’il faudrait faire”).

Nous verrons que dans certains cas, le marché peut offrir des solutions efficaces à la gestion du risque, qui est étroitement liée au problème de l’allocation des ressources et de la distribution des revenus. L’assurance incendie, par exemple, permet de répartir le risque et en principe, par le biais de la prime, d’inciter l’assuré à adopter un certain nombre de mesures préventives. En revanche, de

nombreux risques majeurs sont seulement partiellement couverts par les assurances. C’est le cas du risque d’accident nucléaire ou, de plus en plus fréquemment, de catastrophe naturelle. Si l’Etat crée un système de couverture de ces risques, il transfère le fardeau du risque sur les épaules du contribuable.

Dans le cas contraire, les populations concernées ne bénéficieront d’aucune couverture et, en cas de catastrophe, pourront tout au plus compter sur l’aide volontaire des organisations humanitaires. Il se peut toutefois que l’activité génératrice du risque soit abandonnée, ou que des mesures soient appliquées en vue de mitiger, voire de prévenir, la catastrophe.

3.1.2 Risque

En général, les sciences économiques définissent le risque comme le produit de la probabilité d’un événement et de ses effets exprimés en termes monétaires.

On trouve beaucoup plus rarement la définition du risque comme étant le produit du hasard, de la vulnérabilité et de la valeur (cf. les sciences de la terre). Pour estimer la probabilité et les effets d’un événement, l’économiste doit souvent recourir aux experts d’autres disciplines. Le concept d’attitude envers le risque (neutre, risquophobe ou risquophile) revêt une importance fondamentale dans l’analyse économique. En revanche, le problème de la perception du risque de la part des agents économiques, bien que reconnu, n’a pas encore été véritablement intégré dans la théorie économique, sans oublier le fait que la sociologie et la psychologie sont probablement mieux “équipées”

pour traiter ces questions.

La gestion du risque occupe une part très importante dans les sciences économiques. Plus loin, nous fournirons quelques points de repères concernant les assurances, le marché boursier et la taxation. Ces institutions, permettant la répartition du risque, facilitent la réalisation d’innombrables activités économiques. Henry Ford affirmait que les vrais bâtisseurs des gratte-ciel de New York étaient les assureurs1. Les mesures de prévention du risque comportent des investissements plus ou moins importants. Pour évaluer leur rentabilité économique et sociale, on peut effectuer des analyses coûts-bénéfices. L’objectif est de prendre en considération l’ensemble des coûts et des bénéfices, directs et indirects, engendrés par un ou plusieurs projets d’investissement. La difficulté majeure, dans cette approche, réside dans la quantification en termes monétaires des coûts et des bénéfices non-marchands (par exemple, l’évaluation du coût de la pollution d’une rivière ou de la valeur de la vie humaine).

1 Cité par Gollier in Gollier et Bourguignon, 1994, p. 133.