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Evaluation des risques : vers une approche intégrée

TEXTES DISCIPLINAIRES

2.7 Evaluation des risques : vers une approche intégrée

Les premières analyses du risque224 consistaient principalement à répertorier et à superposer les éléments considérés comme vulnérables (population, bâti, infrastructures) sur des cartes d’aléas, où le phénomène était représenté sous forme de zone à caractéristique spécifique (ex. rapport Obwald, Schindler et al.

1996). Cette simple superposition permettait déjà d’obtenir des documents pouvant fournir des éléments de réflexion non seulement chez les chercheurs, mais également parmi les aménageurs et gestionnaires du territoire.

Actuellement, on recherche à intégrer les différents composants menant au risque et également à développer une approche tenant compte de la complexité de la situation. En effet, il s’avère, au vu de la pression humaine, de l’utilisation massive des ressources et de la dégradation des conditions sociales, qu’il devient illusoire d’analyser une situation selon un unique angle disciplinaire et également dans l'optique d'un aléa unique. Les risques existants dans une région, dont la définition et la hiérarchisation dépendent de la culture et du fonctionnement de la société, sont le résultat des interactions entre les conditions existantes, tant au niveau de la société et de ses mécanismes que des aléas présents. Il est par conséquent important de sortir des analyses disciplinaires, ce qui est encore souvent le cas et de franchir le fossé existant entre les sciences sociales et physiques (Alexander, 1995). Cela amène à développer une approche d’évaluation intégrée des risques.

Si on peut considérer que l’évaluation intégrée est une approche que l’on emploie intuitivement à tout niveau, selon le degré d'intégration que l'on considère, elle est encore dans une phase de développement en tant qu’outil scientifiquement et politiquement reconnu. Actuellement, elle semble surtout se développer autour de sujets concernant les changements climatiques et l’environnement. Mais elle n’est pas limitée à ces domaines.

L’évaluation intégrée, telle que définie par Rotmans & Van Asselt (1996), consiste en un processus interdisciplinaire et participatif de combinaison, interprétation et communication de la connaissance provenant de diverses disciplines scientifiques dans le but de permettre une meilleure compréhension des phénomènes complexes et pour le bénéfice de la prise de décision (ICIS, 1999).

224 Comme le rappelle D’Ercole (1996), les premières cartes de risque ne montraient en réalité que la nature de l’aléa et son extension. Ce n’est qu’avec l’apparition de la vulnérabilité, que les cartes que l’on appelait “carte de risque” sont devenues “carte d’aléa” et que la superposition d’éléments à risque, comme la population, les routes, etc sur les cartes d’aléa permettent d’obtenir des cartes de risque.

L’utilité principale d’une évaluation intégrée se situe à deux niveaux : le premier concerne l’analyse d’une situation sous une approche pluri- et interdisciplinaire permettant ainsi d’intégrer différents angles de vue, le second est de pouvoir remettre le problème dans une perspective plus large, c’est-à-dire si on prend le cas l’évaluation du risque, de le relier à un contexte qui tienne compte des conditions existantes, comme le fonctionnement de la société, la disparité dans la répartition des ressources, leur surexploitation, etc.

Le processus d’évaluation intégrée d’un problème donné peut s’envisager selon deux angles d’approches, qui devraient être complémentaires, mais qui restent à l’heure actuelle rarement associées (ICIS225, 1999). Il s’agit des méthodes analytique et participative.

L’évaluation intégrée analytique consiste à analyser un problème par le développement de modèles mathématiques, représentant différentes composantes des systèmes naturels et sociaux (Risbey et al., 1996). Cela permet de développer des scénarios exploratoires.

Les points forts de l’évaluation intégrée analytique se retrouvent dans (Rotmans, 1999) :

• l’analyse des interactions et des mécanismes de répercussions entre les différents éléments intégrés et mise en évidence de problèmes qu’une approche disciplinaire ne permettrait pas,

• la flexibilité et la rapidité des outils qui permettent le calcul rapide de nouvelles données et de nouveaux scénarios,

• l’encadrement pour structurer les connaissances,

• des outils de communication utiles pour diffuser des thèmes scientifiques complexes à une large audience.

Etant donné que cette méthode en est encore à ses débuts, elle présente également des points faibles, comme (Rotmans, 1999) :

• le degré d’assemblage élevé. Tous les phénomènes, surtout à l’échelle micro, ne peuvent pas être pris en considération, car ils sont en dessous de l’échelle spatiale et temporelle considérée dans les modèles actuels;

• la calibration et la validation. Il manque des données pour valider les résultats obtenus par une approche intégrée. Les modèles sont souvent utilisés pour des projections sur 100 ou 200 ans et ils devraient donc au moins être testés

225 International Centre for Integrative Studies, Netherlands

sur le même laps de temps dans le passé, ce qui est difficile en raison du manque de données pour documenter et comprendre l’évolution passée (Risbey et al., 1996).

• la gestion des incertitudes. Etant donné que cette approche est interdisciplinaire, elle intègre des informations provenant d’une grande variabilité de sources. Par conséquent, les incertitudes s’accumulent et se combinent. Il est nécessaire de suivre ces incertitudes et de les qualifier, voire les quantifier.

En effet, selon le degré d’incertitude et la perception du risque, différentes mesures sont possibles, comme le présente le tableau 6. Cela montre que le degré de certitude, ou d’incertitude, n’est pas sans influence sur le processus de prise de décision.

Risque

faible élevé

Degré

faible Aucune action politique

action politique d’incertitu

de

élevé Améliorer la connaissance Priorité en augmentation

par de la surveillance, acquisition de données, amélioration des modèles

Tableau 6. L’influence de l’incertitude sur la prise de décision, modifié de Rejeski (1993)

La méthode participative a pour objectif principal d’intégrer le citoyen dans les débats (comme les nouvelles technologies, les changements climatiques), étant donné qu’il est également (et au premier chef) concerné par les conséquences éventuelles, dont la discussion reste en général confinée aux milieux scientifiques et politiques. Cette méthode permet de prendre en compte ces valeurs sociales et éthiques qui ne peuvent pas forcément être abordés dans une approche analytique. Les techniques de participation sont diverses, allant des procédures de médiation aux groupes de mise au point226. Etant donné que cela

226 Un exemple d’application de la technique des groupes de mise au point (focus groups) est donné par le projet européen ULYSSES (Urban Lifestyles, Sustainability and Integrated Environmental Assessment) sur la participation publique à une évaluation intégrée. Site web : http://www.zit.tu-darmstadt.de/ulysses /overv.htm.

relève plutôt du domaine des sciences sociales, elles ne seront pas abordées plus largement ici.

2.8 Conclusion

Ce papier met l’accent sur les paramètres caractérisant la notion d'aléa. La dimension, la fréquence d’occurrence, le moment et le lieu de déclenchement d’un phénomène conditionne en partie la dimension spatiale et temporelle du risque. Les autres éléments principaux étant la vulnérabilité et la distribution géographique des éléments à risque. La connaissance du danger potentiel qui peut affecter une société et son environnement permet de qualifier voire de quantifier le degré de risque. Son caractère majeur dépend quant à lui fortement de la société, de son histoire, de ses cultures et de ses priorités.

Que les aléas soient de type ponctuel, comme les tremblements de terre, les inondations, les éruptions volcaniques, ou générés par des phénomènes impliquant un mécanisme global à évolution graduelle mais avec des conséquences soudaines et locales, comme cela peut être le cas dans les changements climatiques, l'incertitude est la règle, que ce soit au niveau de l'amplitude du phénomène ou du mécanisme lui-même. Ces incertitudes se retrouvent également dans d’autres domaines, comme les projections quant à l’évolution démographique, économique et l'exploitation des ressources naturelles. Le fait d'analyser le problème du risque de manière interdisciplinaire et intégrée, c'est-à-dire en tenant compte des facteurs environnementaux, sociaux, économiques, historiques et de santé publique et de considérer également les différentes sources de risque a pour effet que les incertitudes se combinent. Il est nécessaire d'en être conscients et de trouver des voies pour traduire ces incertitudes de manière à ce que les décideurs puissent les intégrer au moment de la prise de décision nécessaire à un management des risques majeurs capable de réduire les conséquences d'un événement.

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