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L’APPRENTISSAGE AU SÉNÉGAL

4. Les formes d’apprentissage en Afrique

4.3. Les efforts de restructuration de l’apprentissage

Les expérimentations que nous allons décrire renvoient à une volonté de reconfiguration du paysage de l’apprentissage traditionnel. Ces évolutions sont comparables à celles qui ont marqué la formation de base des populations peu scolarisées et peu qualifiées dans d’autres contextes. Ainsi en France la formation des migrants et des natifs de faible niveau de scolarisation s’est transformée à partir des années 80 en suivant certaines tendances : cadrage plus affirmé de l’offre – recours à une ingénierie des compétences – souci d’harmonisation des pratiques d’intervention – professionnalisation accrue des formateurs - usage de supports normalisés – préoccupation d’efficacité – renouvellement des modes de certification etc...(Leclercq/Tiberghien, 2012, 2014).

❖ Le Projet d’Appui à la Formation Professionnelle des Néo Alphabétisés

(PAFPNA) (FRADEV/SEN024, 2009 ; MFPAA, 2015).

Le PAFPNA a pris forme (2003 à 2008) grâce à l’apport financier de la coopération internationale en l’occurrence canadienne par l’intermédiaire de l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI). Ce projet avait pour objectif la formation des néo alphabétisés de 14 à 26 ans provenant des Écoles Communautaires de Base (ECB) dans les régions de Saint-Louis et Louga. Sa stratégie globale consistait, de concert avec les communautés régionales, à améliorer l’apprentissage informel dans des métiers porteurs des localités. Son approche reposait sur une ingénierie globale du dispositif basée sur l’approche

56 par compétence avec une démarche consistant à :

➢ élaborer un curriculum pour chacune des six filières de formation choisies en prenant en compte les compétences de base ;

➢ former les formateurs encadreurs en Approche par Compétence (APC) pour l’encadrement et le suivi des formations ;

➢ élaborer des outils de formation selon l’APC; ➢ renforcer les capacités des maitres artisans ;

➢ renforcer en équipement les ateliers d’apprentissage choisis ;

➢ sélectionner et former les apprentis dans les ateliers de ces maitres déjà formés. A l’issue du projet, 12 formateurs encadreurs ont été formés. Ces derniers ont, par la suite, participé à l’élaboration des outils pédagogiques. À côté des guides d’apprentissage en langues nationales, des guides pour le maître artisan, pour le superviseur ainsi que de certification ont été conçus. 136 maitres artisans ont bénéficié de renforcement de capacité et d’équipement. 689 apprentis dont 76% de filles ont été sélectionnés et formés dans les ateliers choisis. Après leur formation qui a duré 14 mois, les apprentis ont bénéficié d’appui à l’insertion notamment en entreprenariat : définition de projet et aussi des kits d’équipement.

Les évaluateurs du projet dressent un bilan assez positif de ce dernier. Pour eux, l’expérimentation a été une véritable réussite en ce sens que ce sont les savoirs locaux qui ont été valorisés. Elle a été, aussi, un succès du fait de son modèle de gestion locale mettant à contribution autorités administratives locales, collectivités, associations etc., mais aussi, parce que le modèle offre une formation de base par apprentissage de meilleure qualité de formation prenant en compte les demandes des communautés et accessible à moindre coût.

❖ Le Projet SEN 024 (Tâche 12) : Mise en place de dispositifs de formation

par apprentissage (FRADEV/SEN024, 2009 ; MFPAA, 2015).

Dans la stratégie globale de lutte contre la pauvreté, l’état sénégalais et la coopération luxembourgeoise, à travers le Programme Indicatif de Coopération (PIC II), ont mis en place un dispositif expérimental de formation par apprentissage. Ce dispositif a pris place dans la ZCO ou Zone de Concentration Opérationnelle regroupant les régions au nord du Sénégal : Louga, Matam, Saint-Louis.

Le projet prend appui sur des études capitalisant les expériences positives en matière d’apprentissage dans ces localités. Le dispositif d’apprentissage était conçu sur le modèle de

57 l’alternance entre centre de formation et atelier d’apprentissage. Six corps de métiers étaient ciblés : couture, maçonnerie, mécanique automobile, menuiserie bois, menuiserie métallique et plomberie. À ce propos, il a été procédé :

➢ à l’élaboration et la révision des programmes pour les six métiers selon l’approche par compétence ;

➢ au recrutement et au renforcement de capacités techniques et pédagogiques de 119 maîtres d’apprentissage (27 à Matam, 43 à Louga et 49 à Saint-Louis). Le renforcement de capacité s’est fait sur la base des besoins réels de formation identifiés. Le volet pédagogique de ces renforcements de capacité concernait l’Approche par compétence ;

➢ au recrutement et à la formation de 495 (quatre cent quatre-vingt-quinze) apprentis ;

➢ à la certification des apprenants par la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Sur 453 candidats présentés à la VAE, 256 ont validé le CAP, 152 ont validé des Certificat de Compétences Professionnelles ; 43 ont échoué.

Contrairement au PAFPNA, ce projet a connu des manques dans l’encadrement et le suivi. Ces manques se sont ressentis au niveau du suivi pédagogique à cause de l’absence de référentiels mais aussi de l’insuffisance des moyens logistiques au niveau des chambres de métiers. S’agissant de la certification, elle a été jugée trop lourde notamment dans sa mise œuvre (MFPAA, 2015).

❖ Partenariat pour l’Apprentissage et l’Ouverture du système de Formation

Professionnelle (PAO/SFP) (FRADEV/SEN024, 2009 ; MFPAA, 2015).

Ce projet est financé par l’Agence Française de Développement (AFD). L’un des objectifs de la coopération concernait la formation professionnelle. L’intervention devait, au final, permettre d’amener le système de formation professionnelle à prendre en charge dans ses préoccupations les besoins de l’économie nationale. Cela devait passer, aussi, par l’extension de ce système à l’apprentissage traditionnel notamment en offrant une meilleure prise en charge des besoins de formation des jeunes apprentis.

Dans cette optique, l’AFD et la Direction de l’Apprentissage du METFP ont mis en place des dispositifs d’expérimentation dans les régions de Dakar, Saint-Louis, Kaolack, Ziguinchor et Vélingara. Ces expériences devaient aboutir à la mise sur pied d’un modèle

58 structuré d’apprentissage « soutenable et généralisable » (MFPAA, 2015, p. 52).

L’ingénierie des dispositifs était élaborée suivant le modèle de l’alternance : les apprentis devant allier des séjours en centres de formations et des stages en ateliers ou UPI pour leur formation. Cette dernière se voulait basée sur des programmes de formation tirés des référentiels partagés par les différents acteurs.

Ce qui a conduit les concepteurs à procéder à :

➢ l’identification des besoins en formation en Centres de ressources des MA et apprentis ;

➢ l’élaboration de modules de formation complémentaire ;

➢ la sélection des superviseurs/évaluateurs et signature des conventions d’indemnisation ;

➢ la formation des apprentis et maîtres d’apprentissage en Centres de ressources ➢ etc.

Le projet a abouti à la mise à disposition de référentiels de métiers, de formation et d’évaluation, de guides d’apprentissage. Il a concerné 573 apprentis et 145 MA ainsi que 24 évaluateurs. Il a permis de certifier par la VAE 541 apprentis.

Le déroulement du dispositif ne s’est pas fait sans difficultés. Parmi ces dernières, on peut noter celles d’ordre financier concernant notamment la prise en charge et l’indemnisation des participants (MA et apprentis). Cependant, l’un des obstacles majeurs dans l’exécution du projet a été, comme le dit le rapport, la faible disponibilité des centres ressources. On peut lier ce fait aux difficultés soulignées de communication et de coordination entre structures de formation.

Toutefois en marge des difficultés, le rapport fait état des impacts positifs et durables. Ceux-ci sont à relever du côté de la mise à disposition d’outils pédagogiques : référentiels pour les chambres de métiers et rééquipement des ateliers. La plus grande avancée durable qu’il faut noter va dans le sens de la mise à disposition d’un cadre légal relevant d’ « arrêtés relatifs au CAP délivré par la voie de la VAE qui respectent la philosophie du décret N°66-145 du 25 février 1966 relatif au Certificat d’Aptitude Professionnel » (MFPAA, 2015, p. 56). Toutefois, il faut noter que ceci relève d’un dispositif spécial car la VAE ne dispose d’aucun cadre réglementaire propre au Sénégal.

59 ❖ Le Projet de Renforcement de Capacités en Alphabétisation et en

Education Qualifiante des Jeunes et Adultes (EQJA) (FRADEV/SEN024, 2009 ; MFPAA, 2015).

La visée de ce projet était de s’attaquer aux carences en compétences techniques et sociales des jeunes et d’adultes non scolarisés, déscolarisés et / ou issus de l’éducation de base ; des carences qui étaient considérées comme un véritable obstacle à l’insertion socioéconomique de ces jeunes. Aussi, pour améliorer leurs chances d’insertion socio-économique, le projet a misé sur une stratégie participative. Il s’est alors agi, de mettre en place une offre de formation co-construite en impliquant les bénéficiaires dans son élaboration. Cela a permis de concevoir des programmes prenant en compte les réalités des localités.

Partant de là, un dispositif concerté de formation professionnelle continue a été mis sur pied pour les adultes en activité ainsi qu’un système d’apprentissage pour les jeunes. La concertation a été mise au cœur du processus. Elle devait permettre la coordination des actions entre organisations professionnelles, autorités locales et structures techniques. Dans les régions de Saint-Louis, Ziguinchor, Dakar et Thiès qui lui ont servi de terrain d’expérimentation, l’EQJA a procédé au renforcement de capacités des acteurs professionnels dans des secteurs choisis et, ensuite, à leur équipement.

À ce niveau aussi l’obstacle majeur a été l’articulation entre la formation aux compétences de base (alphabétisation) et la formation technique. En effet, la structure chapeautant le projet n’avait pas vocation à gérer l’aspect lié à l’alphabétisation qui est pourtant un élément central du projet.

❖ Programme d’Emploi des Jeunes en milieu Urbain (PEJU-GTZ)

(FRADEV/SEN024, 2009 ; MFPAA, 2015).

Ce programme avait pour objectif d’améliorer les chances d’accès à l’emploi des jeunes dans le milieu urbain dakarois. Cette amélioration devait se faire grâce à la modernisation de l’apprentissage traditionnel qui devait passer par l’amélioration des conditions des cadres pour les PME et la facilitation de l’accès aux financements de ces derniers.

Une fois encore ici, à l’instar de certains projets précités, c’est le modèle de l’alternance qui est mis à contribution dans la conception du dispositif : ateliers d’artisans et structures de formation professionnelle devant concourir au déroulement de la formation.

60 la conception des chartes de compétences et des guides d’apprentissages dans les métiers ciblés. Il fut procédé au recrutement des maitres artisans, à leur renforcement de capacité, ainsi qu’à leur fourniture en équipements techniques. De la même manière, des apprentis furent recrutés et envoyés dans ces ateliers pour leur formation pratique ; la formation théorique devant être assurée par les centres de ressources.

L’expérience a permis, en deux phases tests de six mois, de former 129 apprentis et 51 maîtres artisans. 14 des apprentis ont pu, à l’issue de leur formation, s’insérer en emploi.

Les faiblesses du projet sont soulignées, surtout du côté de l’insuffisance des moyens financiers et des ressources humaines. Par ailleurs, il faut noter l’absence de dispositif de certification non prévu au départ.

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