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Diagramme: Activités/Statut

2.2. Dynamique de l’activité observée du côté du maître d’apprentissage

L’observation à ce niveau a porté sur les activités du MA qui, dans leurs finalités avouées ou non, ont permis sinon de faire acquérir à l’apprenti des savoirs, du moins de le mettre dans les conditions et situations de pouvoir apprendre de nouvelles choses. On pourrait appeler cela des pratiques d’enseignement. Mais, adopter cette appellation nous aurait enfermés dans une logique, celle de chercher uniquement les traces d’activités conscientes et voulues. Or notre objectif était de répertorier les activités conscientes visant à faire progresser les AP, mais aussi celles qui sont réalisées sans cette prétention et qui, finalement, produisent les mêmes effets.

Une situation d’enseignement vue du côté de l’enseignant pourrait se résumer dans la définition des objectifs pédagogiques, des activités et des stratégies pour atteindre ces objectifs, dans le choix des modes de construction de ces savoirs par les apprenants et des techniques de mesure de l’acquisition des savoirs. Nous avons essayé de matérialiser ces points en sous-catégories pour l’observation des pratiques d’enseignement des MA.

❖ Prise en compte des centres d’intérêt des apprentis

En MAT, le maître ne focalise pas son action sur les attentes de l’AP. Il n’y a pas de prise en compte des centres d’intérêt. Les contenus dépendent des sollicitations des clients. Ils sont abordés au gré des aléas des sollicitations des clients. « Tout le monde boit à la même source », peu importe le nombre de fois que la situation se présente. Seul un MA (Serigne), nous a semblé manifester un intérêt pour les attentes des apprentis. Il faut, cependant, préciser que cette situation est marginale, car observée une seule fois dans une situation qui diffère des situations habituelles de travail. La scène a été observée lors de ce que nous appellerons un débriefing. Cette séquence d’échanges entre le MA et ses apprentis portait sur des cas typiques de panne qui arrivent en mécanique automobile. Cette activité a été observée pendant un

130 moment de faible activité dans l’atelier.

❖ La nature des activités demandées aux apprentis et des savoirs en jeu Les apprentis sont toujours en activité dans la mesure où les situations de travail constituent en même temps les potentielles situations d’apprentissage. Elles sont concrètes, représentatives de la réalité du travail. Les activités sont essentiellement orientées pour développer les aptitudes motrices des AP. L’apprenti est, dans les premiers instants de son cursus d’apprentissage, poussé à mettre « la main à la pâte ». Comme le montre le diagramme ci-dessus, les tâches qui lui sont assignées varient en complexité en fonction de l’expérience et l’expertise. Les activités vont des simples corvées de nettoyage aux tâches de responsabilités (management de l’UPI en cas d’absence du MA). La variabilité des tâches dépend du statut de l’apprenant. Les apprentis les moins expérimentés sont souvent sollicités pour faire des tâches répétitives, alors que les expérimentés ont la possibilité de travailler sur des situations diverses et variées. Ainsi constate-t-on beaucoup de similitudes dans les manières de faire des MA même si quelques faits saillants émergent.

Chez les MA de mécanique automobile, la tendance est plutôt de laisser le MA ou l’AP expérimenté exécuter l’intervention. Pendant ce temps, les autres AP observent et aident si besoin. En dehors, des situations concrètes, il n’y a pas de situations didactiques particulières imaginées pour faire apprendre les apprentis. Nous avons noté néanmoins deux situations remarquables. Pour lutter contre le désœuvrement, Serigne (MA de mécanique automobile) initie des séances de discussion ou débriefing sous forme de brainstorming. Le MA fait plancher les AP sur des cas rencontrés dans le travail. Nous proposons ce cas pour analyse dans un point suivant. Il a été aussi donné d’observer Sène faire, à l’instar des pratiques en milieu scolaire, un cours théorique avant de procéder à des explications pratiques sur des voitures en dépannage. Ces faits ont été observés une seule fois.

En menuiserie métallique, en plus de la mise en situation d’apprentissage par immersion réelle dans le travail, les MA autorisent et même encouragent leurs AP à bricoler sur des chutes de matières d’œuvre et à réaliser des pièces (fer à repasser à charbon, fourneau à charbon de bois). Ces activités recèlent certaines opérations complexes du métier. L’objectif, avoué ici, est de favoriser l’exercice et l’apprentissage du soudage, du conformage, entre autres. L’ambition enseignante de cette activité est d’autant plus claire que le MA ne manque pas de donner son avis pour rectifier ou guider. De plus, de manière implicite, il y a une motivation au bout de l’activité. En effet, il est permis au jeune qui réalise une belle pièce de l’échanger contre un peu

131 d’agent de poche en le vendant.

Les MA frigoristes partagent avec leurs collègues déjà cités les mêmes pratiques de mise au travail des apprentis. C’est en mettant « la main à la pâte » que les apprentis sont mis dans le bain pour apprendre. Cependant, là encore, des différences émergent. Les MA peuvent avoir recours à des situations artificielles pour apprendre quelques astuces du métier à leurs jeunes apprentis. Certains MA de froids laissent les jeunes apprentis intervenir sur le matériel pour apprendre le soudage par exemple. Nous avons, par ailleurs, observé qu’un MA (Moussa) a recours à des bancs didactiques62 installés dans ses locaux. Les apprentis, aux heures creuses, s’exercent sur ces bancs, et le MA contrôle et les rectifie au besoin.

Ce qu’il faut retenir ici, c’est que les savoirs en jeu sont concrets. Ils sont acquis dans l’activité, en situation et peuvent souvent être réinvestis immédiatement dans la résolution de situations de complexité proximale. Même dans le cas où le MA adopte une approche plus conventionnelle en utilisant des bancs didactiques, les savoirs en jeu sont pragmatiques, opérationnels, car destinés à anticiper sur de potentielles erreurs susceptibles d’avoir des conséquences économiques.

❖ Processus d’autonomisation des apprentis

En milieu d’apprentissage, les apprentis deviennent très vite autonomes. Ce processus d’autonomisation se constate davantage chez les MA de mécanique automobile. Les nombreuses sollicitations font que les journées sont souvent très chargées. Les MA travaillent à développer rapidement cette autonomie pour pouvoir se décharger d’une partie de leur travail sur les apprentis. Ceux-ci sont mis « dans le bain » dès les premiers jours dans l’UPI. Les MA n’hésitent jamais à responsabiliser les AP quitte à leur prêter un œil attentif pour éviter la survenue d’erreurs graves.

Durant les observations nous avons constaté que les UPI de froid avaient beaucoup moins d’apprentis que dans les autres secteurs professionnels. En écoutant les réponses des MA sur la question du nombre d’apprentis, nous sommes arrivé à la conclusion que les apprentis

132 frigoristes mettaient moins de temps à maitriser leur métier que dans les autres spécialités. Nous avons évalué le temps d’apprentissage en fonction des réponses reçues. Nous avons retenu la conclusion qu’approximativement les AP frigoristes passent moins de trois ans avec leur MA, à moins que ce dernier ne soit un tuteur direct (père, oncle).

Chez les MA de menuiserie métallique, c’est à travers les bricolages, que le jeune apprenti est amené à prendre de l’assurance. Cependant, l’importance des ouvrages à réaliser et les potentiels risques économiques n’autorisent pas le MA à se mettre totalement en retrait en cas de commande.

❖ Le statut de l’erreur en milieu d’apprentissage traditionnel

Le statut de l’erreur dépend de la gravité des conséquences économiques qui en découlent. Elle est réprimandée quand elle découle du non-respect des consignes du MA. Dans ce cas, la sanction la plus sévère encourue est la mise à l’écart, exclusion du travail du fautif. Cela intervient si ce dernier est coutumier des faits. Les MA profitent de la survenue d’une erreur pour rappeler les règles de bonnes conduites et de respect du bien du client.

❖ Les pratiques d’évaluation, de motivation et sanction

L’observation n’a pas permis de relever la pratique formelle d’évaluation comme on peut en trouver en milieu scolaire. En revanche, comme nous le verrons, l’analyse fait ressortir qu’il existe des pratiques d’évaluation typique du milieu qui, plus que sur les contenus techniques, s’intéressent aux traits de personnalités de l’apprenti.

L’appel au désir constitue la motivation la plus usitée en MAT. Il existe une sorte de rivalité saine entre les AP. La plupart des AP ont à cœur de montrer qu’ils savent, c’est le meilleur moyen de prouver sa motivation. Or, c’est en fonction du degré d’implication personnelle de l’apprenti que le MA lui confie plus ou moins du travail. Les plus impliqués sont les plus sollicités pour les travaux et les plus responsabilisés par le MA. La sanction la plus extrême qu’encourt un apprenti c’est l’exclusion. Cependant, il arrive rarement qu’elle soit prononcée à l’égard de quelqu’un. Les relations de connaissance étant à la base de la contractualisation, c’est seulement en cas de faute grave qu’on en arrive à ce stade (vol, manque de respect envers le MA). Souvent, la mise à l’écart est la sanction la plus courante. L’apprenti reste dans le groupe, mais le MA ne le sollicite plus, ne lui confie plus aucune tâche. Cette situation peut être temporaire auquel cas, l’apprenti est progressivement réintégré. Elle peut aussi être définitive, le cas échéant, c’est une manière de pousser l’apprenti à la sortie sans avoir

133 à l’expulser ouvertement.

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