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L’APPRENTISSAGE AU SÉNÉGAL

2. Les modes d’apprentissages en Europe

2.2. L’alternance et le compagnonnage ; deux pratiques d’apprentissage en France

L’apprentissage tel qu’il est structuré en France est le résultat d’un long processus. D’après Abriac, Sanchez et Rathelot (2009), la création de la première forme d’apprentissage remonte en 1920. Cependant, c’est la loi du 16 juillet 1971 qui définit le premier cadre réglementaire. Cette loi institue le contrat d’apprentissage et la création des centres de formation d’apprentis (CFA).

L’apprentissage, en France, fonctionne suivant le modèle de l’alternance école-entreprise. Les apprentis sont des salariés liés aux entreprises par un contrat de travail. L’apprentissage constitue la première voie de formation en Allemagne. Ceci est loin d’être le cas en France : seuls 5.20 % des jeunes français (Abriac, Rathelot, & Sanchez, 2009), dans la tranche d’âge des 16-25 ans choisissent de se former en apprentissage contre 16 % (1.8 millions) des moins de 24ans en Allemagne13. En 2017, 294800 apprentis ont signé un contrat en France. Cette tendance se maintient 14. La tendance à la baisse est plus marquée chez le voisin allemand. D’après le site web Les échos, qui cite les chiffres de l’Office Fédéral de la Statistique Destatis, l’Allemagne a compté 515.700 apprentis en 2017 soit 100.000 de moins que dix ans plus tôt15.

La durée moyenne de la formation par apprentissage est d’un an et demi. Ceux qui s’y engagent peuvent, en fonction de leur niveau, prétendre au CAP ou BEP pour les diplômes du niveau V, au Bac professionnel ou Brevet Professionnel pour les diplômes du niveau IV et aux

13 Rabreau, M. (2016, janvier 8). Apprentissage : comment l’Allemagne met la France KO. Le Figaro

14 (“L’apprentissage en 2017—Ministère du Travail,” .)Site web,

34 diplômes allant du Bac + 2 à l’ingénieur pour les niveaux III à I16.

La différence majeure entre les deux modèles se trouve au niveau du mode de gestion. En France, la gestion de l’apprentissage, pour une grande partie, est assurée par les pouvoirs publics (État et Régions). Le financement provient de la taxe d’apprentissage, des Conseils Régionaux et de l’État17.

Le système d’apprentissage est souvent critiqué pour son manque de performance (Rabreau, 2016). En revanche, il a démontré son efficacité par rapport au système de formation professionnelle classique, grâce à sa capacité de doter les jeunes qui en bénéficient de compétences et connaissances attendues dans l’emploi conditionnant ainsi leur insertion facile sur le marché du travail selon Abriac et al (2009). Ainsi, de plus en plus de jeunes s’y engagent pour se former.

Cependant, bien que l’apprentissage “moderne” (alternance) soit bien installé en France, il ne constitue pas, pour autant, le seul type d’apprentissage pratiqué dans ce pays ; le compagnonnage coexiste à ses côtés. D’ailleurs, la France reste le seul pays européen où il continue à être pratiqué (Icher, 2010). Ce type d’apprentissage vieux de plus de 500 ans fonctionnant sur le modèle de société corporative, peut-être défini comme une association regroupant des hommes et des femmes (sociétaires, affiliés, aspirants et compagnon) qui, par le voyage organisé au sein d’une communauté fraternelle, ont fait le choix d’apprendre, puis approfondir un métier particulier, dans le but d’en maitriser ses principales difficultés afin de pouvoir, ensuite, en vivre professionnellement, tout en se consacrant à la transmission des savoir acquis durant leur tour de France des formateurs (Icher, 2010, p. 10).

Pour Herzog (2004), le compagnonnage, dans sa structuration actuelle, est semblable à l’apprentissage en Allemagne ou en Suisse. Toutefois, il garde quelques spécificités qui lui sont

16 Publication de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques. (DARES), juillet

2015. N°57 http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/2015-057.pdf

17 Publication de la Direction de l'Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques. (DARES), juillet

35 propres, s’agissant notamment :

➢ du public : Ils sont environ 4000 jeunes français âgés de 16 à 17 ans qui, à l’issue de la troisième année de collège, font le choix d’entrer comme apprentis en compagnonnage. Pour accéder à ce cercle, le jeune est associé à une maison de compagnons et c’est en son sein que se décide son parcours de formation. L’effectif des apprentis dans une maison de compagnon varie de 15 à 150 apprentis. L’accès était exclusivement réservé aux garçons, mais depuis quelques années, le compagnonnage s’ouvre aux filles ;

➢ du statut de l’apprenti : le jeune apprenti commence immédiatement le travail dans le métier de son choix. Il perçoit la moitié du SMIC comme rémunération ; ➢ de la structure : certains apprentis présentant une situation particulière sont logés en interne dans la maison de compagnons qui est équipée de salles de classe, de dortoirs, de réfectoires etc. Toutefois, pendant les périodes de stage avec le maître stage (jeune compagnon), les jeunes subissent une formation accélérée et tous deviennent internes ;

➢ de la formation : la formation allie « apprentissage professionnel et instruction scolaire, éducation pratique et développement psychologique » (Herzog, 2004, p. 259). Il faut entre 7 et 8 ans pour dérouler le programme dans son entièreté. La formation procède par inclusion progressive. Au début de sa formation, le jeune apprenti est amené à pratiquer des tâches pénibles et à observer ses aînés dans le métier (patrons et collègues plus expérimentés). « L’enseignement explicite est épisodique et est habituellement adapté à une tâche spécifique » (Herzog, 2004, p. 261). Des stages périodiques sont mis en place pour des formations accélérées. Les contenus sont axés sur des savoirs divers que la pratique professionnelle quotidienne ne permet pas d’explorer en profondeur (des contenus professionnels, la culture, etc.). C’est l’occasion de brassages entres les jeunes novices et les plus expérimentés. Ce mélange fait partie des moments important de la formation, car il est l’occasion d’échanges constructifs entre membres d’une maison de compagnon sans distinction de statut.

➢ des formateurs : les formateurs sont les patrons et compagnons eux-mêmes. Animés par l’amour de la transmission et leur habilité légendaire avec les jeunes, ils prennent part aux enseignements. Occasionnellement, pendant les stages de formation accélérée (deux semaines sur huit), les enseignements sont, sous le

36 contrôle informel des pairs, assurés par les jeunes qui ont acquis nouvellement leur grade de compagnon.

➢ du lieu de formation : Pendant ces longues années de formation, le jeune à l’issue de ses (2 à 3) années d’apprentissage passées dans sa maison de compagnon, est amené, dans le cadre du tour de France des compagnons, à travailler pour environ une dizaine d’employeurs dans autant de villes différentes. Ceci a pour objectif de le confronter à la multiplicité des pratiques, des outils, des techniques, etc. Par ailleurs cette variété des encadreurs et des lieux de formation, permet au jeune de développer une facilité d’adaptation. Le jeune réside sur le lieu de formation, ce qui a pour effet d’accroitre son sentiment d’appartenance à une communauté de praticiens.

➢ les strates et les rituels de passage : le principe de l’émulation personnelle est très prégnant chez les jeunes compagnons ; « ils ressentent un abandon joyeux et auto-satisfaisant lorsqu’ils sont absorbés dans la réalisation de tâches difficiles du métier, laquelle tâche était au début juste au-delà de leur sphère de compétence » (Herzog, 2004, p. 263). Pour les jeunes qui souhaitent devenir compagnons, il est impératif, après trois années d’apprentissage et l’obtention du CAP ou BEP, de relever un petit défi professionnel (réaliser une petite œuvre). C’est seulement après cela que les jeunes après une initiation solennelle18 peuvent acquérir le statut d’aspirant. Il faut 2 à 3 années pour être aspirant et 4 à 5 années pour devenir compagnon. Pour acquérir le statut de compagnon, l’aspirant doit réaliser un chef d’œuvre.

Malgré cette obligation de passage entre les différentes étapes qui doit, au fil des années, amener le jeune de son statut d’apprenti à celui de compagnon, tout est fait pour tomber les barrières entre les générations et cohortes d’âges.

Le compagnonnage est un dispositif d’apprentissage qui confère à la communauté un rôle prépondérant dans la formation des jeunes apprentis. Cela en fait, selon Herzog, un modèle dont l’adaptation peut être d’un grand intérêt pour les pays du sud. Car, toujours selon l’auteur,

37 il correspond mieux aux réalités socioéducatives de ces derniers.

3. L’apprentissage traditionnel en Afrique : une continuité de

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