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ABORDER LES PRATIQUES D’ENSEIGNEMENT EN MILIEU

6. La dimension épistémique de la pratique

La dimension épistémique de la pratique enseignante peut être abordée à deux niveaux. En effet, nous entendons le processus d’enseignement-apprentissage au sens d’une transaction entre enseignant et apprenant dont l’objet est le savoir. Pour son développement personnel, on s’attend, au terme de la transaction, que tout ou du moins une partie de ce savoir soit acquis par l’apprenant. Aussi, comme objet de développement des enseignés (Altet & Vinatier, 2008), l’axe du savoir est un constituant déterminant de la pratique. En effet, il est le premier déterminant des pratiques enseignantes : les pratiques d’enseignement du professeur de mathématiques ne peuvent pas être similaires à celles du professeur de technologie. Dès lors, nous pensons que le premier niveau de la dimension épistémique de la pratique enseignante concerne l’épistémologie des savoirs.

S’intéresser à cette épistémologie des savoirs, c’est s’interroger sur le statut qui leur est accordé : la ou les disciplines et/ ou sciences auxquelles ils font référence, leur validité, leur cohérence, leur pertinence ainsi que celles des modalités de leur transmission en fonction de l’objectif visé (Develay, 1993). Ce niveau de l’épistémologie ne nous intéresse pas dans le cadre de ce travail. En revanche, il est important de savoir que le statut épistémologique assigné aux savoirs déteint beaucoup sur ce qu’il convient d’appeler, selon Brousseau (2006),

82 l’épistémologie spontanée des professeurs46.

Pour Brousseau, l’enseignant en tant qu’individu appartient à un groupe, une culture. Il a une expérience propre, des connaissances et des croyances. Ces décisions, leurs motivations et les modes opératoires qui y sont liés, dépendent de cette épistémologie construite au fil de l’expérience pour répondre aux situations didactiques auxquelles il doit faire face. Cette épistémologie spontanée ou pratique constitue, le second niveau épistémologique qu’il faut considérer dans la pratique enseignante.

Notre intérêt pour l’épistémologie pratique des maitres d’apprentissage est motivé par une volonté de comprendre, comme l’ont fait Altet avec les enseignants de CE2 (2002)47 et encore Amade-Escot (2014) avec les professeurs de sport, les déterminants et organisateurs de ces éventuelles pratiques enseignantes des maitres d’apprentissage.

On appelle organisateur de la pratique tout ce qui contribue à doter une action ou une suite d’actions de structures assez pertinentes pour qu’elles se déroulent dans des conditions données (Vinatier & Pastré, 2007). Selon Vinatier et Pastré (2007), s’intéresser à la notion d’organisateur dans la pratique enseignante, c’est admettre l’idée qu’au-delà des variables observées dans l’activité enseignante, existent des modes d’organisation qui peuvent être différents selon les situations et/ou selon les enseignants. « La notion d’organisateur est donc aussi à comprendre comme une régularité découverte après coup, au terme d’une démarche scientifique » (Vinatier & Pastré, p 99). Un organisateur se construit suivant deux logiques :

➢ l’une découle du rapport du praticien à la situation. Elle se fonde sur le sens que le praticien donne aux composantes de la situation dans la mesure où elle se construit sur « une réalité interne au sujet avec, en outre, ses motivations, ses intentions, et les schèmes qu’il développe dans sa confrontation aux situations » (Vinatier & Pastré, p99).

46 Brousseau G. (2006), Epistemologia e formazione degli insegnanti, La matematica e la sua didattica, anno 20,

n°4, 621-655, Sylvia Sabaragli, Carocci Faber, Pitagora Editrice, Bologna

83 ➢ l’autre naît de l’accommodation entre les traits de personnalité propres à l’enseignant et les "injonctions" institutionnelles. Ces dernières dépendent « des composantes du champ didactique de référence, lesquelles sont déterminées par le cadre institutionnel et politique d’exercice du métier » (Vinatier & Pastré, p99).

Par exemple, en montrant que l’interactivité est organisatrice de la pratique enseignante, Altet (2002) nous apprend que la pratique est déterminée par la situation. En effet, à la suite de recherches comme celles de Doyle, Lessard et Tardif avant eux, l’auteure montre « que ce sont les trames interactionnelles avec les élèves qui commandent la logique des évènements en classe » (Altet, 2002, p87).

Amade-Escot (2014) réaffirme les conclusions d’Altet et va plus loin. Ses recherches sur l’épistémologie pratique des professeurs de sport, permettent de conclure que la pratique enseignante entretient des liens étroits avec le contexte immédiat car obéit à la dynamique situationnelle. Ainsi l’action de l’enseignant serait-elle guidée par un « sens pratique » (Bourdieu, 1980) en ce sens qu’elle se régulerait en fonction de la situation ainsi que des connaissances des élèves. Toutefois, à en croire l’auteur, le fait de tirer parti de la situation n’empêche pas le professeur d’inscrire sa pratique dans les orientations cadres de l’institution. En outre, cette recherche montre aussi que l’expérience joue un rôle primordial dans la pratique enseignante (Amade-Escot, 2014).

Autrement dit, cette recherche révèle deux niveaux de détermination de la pratique. La pratique enseignante est donc surdéterminée par l’institution, les procédés et normes de la spécialité, mais aussi autodéterminée en ce qu’elle se nourrit de la situation (en tirant parti des avantages et s’accommodant des contraintes) mais surtout en ce qu’elle se nourrit de l’expérience passée du professeur.

Identifier, analyser et comprendre les organisateurs de la pratique des MA est, en notre sens, un préalable à la caractérisation de celles-ci. Toutefois, faudrait-il préciser que le niveau de détermination institutionnelle, qui est une caractéristique centrale de la pratique enseignante en milieu scolaire, ne peut être considéré dans le cadre d’une étude qui s’intéresse à l’apprentissage en milieu traditionnel. Il s’agira alors, pour nous, de nous intéresser à ces organisateurs de la pratique des MA pour voir en quelle mesure l’expérience entendue comme « activité qui se déroule » et l’expérience au sens du vécu sous-tendent les fondements

84 épistémologiques de leur pratique en vue de développer les compétences professionnelles des AP.

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