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Georg Matter

Lic. Phil. I Georg Matter, collaborateur au Site et musée romains d’Avenches, Fondation Pro Aventico et ProSpect GmbH

matter@pro-spect.ch/www.pro-spect.ch

Extrait de :

C. Bélet-Gonda, J.-P. Mazimann, A. Richard, F. Schifferdecker (dir.).

Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien. Actes. Delle (F) - Boncourt (CH), 21-22 octobre 2005. Mandeure, sa campagne et ses relations d’Avenches à Luxeuil et d’Augst à Besançon.

Actualités archéologiques régionales.

Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté et Porrentruy, Office de la culture et Société jurassienne d’Émulation, 2007, 328 p., ill. (Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté, série Environnement, sociétés et archéologie 10 ; Cahier d’archéologie jurassienne 20).

Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien

Le théâtre romain d’Aventicum s’inscrit entre la petite ville moderne d’Avenches (Vaud, Suisse) et le vil-lage de Donatyre (Vaud, Suisse), au pied d’une col-line en pente douce délimitant au sud-est la plaine de la Broye (fig. 1). Il se situe à l’ouest des quartiers urbains antiques, construits selon un plan ortho-gonal, et s’intègre dans une zone comptant divers temples et édifices publics. Plus nettement encore que pour les théâtres d’Augst (Bâle, Suisse) ou de Mandeure (Doubs, France), on relève à Avenches une relation architectonique avec un temple ou un sanctuaire ; associé au temple du Cigognier situé en face, il forme un ensemble architectural de largeur identique et orienté selon un même axe.

En 1786, l’architecte et ingénieur bernois Eras-mus Ritter identifia les ruines comme étant celles d’un théâtre romain. Cette année-là, il s’attacha à l’étude de l’édifice et observa, à la périphérie, des restes de voûtes et de plusieurs murs concentriques, dont l’un qu’il considéra comme correspondant aux ruines d’un praecinctio. En 1823, Rodolphe de Dompierre, premier conservateur d’Avenches, esquissa un relevé de la ruine. Suite aux difficultés économiques qui surgirent au milieu du XIX e siè-cle, elle servira une fois encore de carrière. À cette occasion, le dégagement de presque la totalité des murs fut accompagné de quelques découvertes spectaculaires, comme celle du magnifique buste d’une jeune femme, appartenant probablement à la famille impériale julio-claudienne. Dès l’hiver 1889-1890, l’Association Pro Aventico, nouvellement fondée, lança les premières fouilles archéologiques. Jusqu’en 1914, on dégagea les parties originales de la maçonnerie tout en assurant la restauration de l’édifice. En 1926-1927 et de 1939 à 1942 auront lieu d’autres fouilles de grande envergure (fig. 2),

accompagnées de mesures de conservation. Afin de faciliter la compréhension de la ruine par les visi-teurs, on reconstruisit quelques gradins du secteur inférieur de la cavea, ainsi qu’un des vomitoria desser-vant la première praecinctio.

Aujourd’hui, la ruine apparaît marquée par les tra-vaux de restauration et les reconstitutions entreprises au cours du siècle dernier (fig. 3). Il y a quelques années seulement, on ignorait dans quelle mesure les parties visibles des murs restaurés et les aména-gements de terrain correspondaient effectivement à la structure originale. Pour établir l’état des lieux, on effectua deux campagnes de sondages en 1998 et en 1999. En 2002, la Fondation Pro Aventico lança un projet visant à étudier l’histoire de la construction ainsi que l’architecture du monument, alors connues en partie seulement. Ce projet, soutenu par le Fonds national suisse de la Recherche scientifique, permit d’entreprendre trois autres campagnes de fouilles, durant lesquelles on s’est essentiellement attaché à l’étude du bâti. Au total, en 1998 et 1999 ainsi que de 2002 à 2004, on a donc pratiqué près de 70 son-dages ; associés à l’élaboration des sources conser-vées dans les archives et touchant aux fouilles et aux restaurations anciennes, ils constituent la base des travaux d’élaboration en cours.

On peut résumer comme suit les premiers résul-tats de ces investigations.

Sur la base de vestiges attestant la présence d’édifices antérieurs au théâtre, on définira pour la construction de ce dernier un terminus post quem entre 100 et 120 ap. J.-C. Comme l’indique l’étude du plan au sol, ce projet nécessita une importante planification. Selon que l’on tient compte ou non de la zone située à l’avant du monument, on peut définir un équilibre largeur/longueur de 8 : 5 ou de 5 : 4 (fig. 4). Il en découle un module architectural de 9 pR qui servit visiblement d’élément de base à la construction. L’édifice lui-même est constitué d’une zone en demi-cercle réservée au public, dont les substructions indiquent qu’elle était partiellement isolée des autres. La cavea, subdivisée en trois sec-teurs concentriques, se termine par les basiliques et par les aditus ; on relèvera que les rangées supérieu-res réservées aux spectateurs s’étendaient sans doute Fig.1. Plan schématique

d’Avenches : topographie et ville moderne (gris) et ville antique (noir). Localisation du théâtre. (J.-P. Dal Bianco, G. Matter - Fondation Pro Aventico)

Fig. 2. Théâtre romain d’Avenches. Vue générale de la zone de l’aditus NE après les fouilles des années 1926-1927. (Chapallaz et fils, Lausanne, 1929)

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Le théâtre gallo-romain d’Aventicum-Avenches (Vaud, CH) Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien

Fig. 3. Théâtre romain d’Avenches. Plan de situation, état 2004. (D. Studer, G. Matter - Fondation Pro Aventico)

Fig. 4. Théâtre romain d’Avenches. Plan schématique avec schéma régulateur. (G. Matter - Fondation Pro Aventico)

0 10 50 m 570250 570250 192200 570350 570250 192200 192150 570250 192150 570350 192250 192250 453 461 46 0 4 5 8 45 9 453 455 454 456 462 457 458 459 460 461 459 458 460 461 462 457 456 455 454 4 5 9 460 4 6 1 4 6 2 4 6 3 4 6 4 465 4 5 6 461 462 Chemin de Selle y Chemin de la Ria

au-delà des basiliques et jusqu’à la façade. Les aditus permettaient d’accéder à la zone de l’orchestra et de la scène, dominée par une plate-forme de plan rectan-gulaire et bordée d’une proédrie.

On disposait de deux voies d’accès différentes : l’une à l’avant, par les arcades des basiliques, et l’autre à l’arrière, pratiquée dans le mur en demi- cercle ; apparemment, on ne pouvait pénétrer que dans la partie centrale de ce dernier puisque, sur les côtés, le niveau de circulation contemporain du théâtre était trop bas pour permettre de pénétrer de plain-pied dans l’édifice. On ne parvient à restituer que partiellement les voies de circulation dans les substructions de la cavea, en raison de leur piètre état de conservation. On a par contre pu repérer un

deambulatorium, à la périphérie, ainsi que cinq vomi-toria sur la première praecinctio et six vomivomi-toria sur la

seconde praecinctio. On peut admettre, sans toutefois disposer d’arguments à toute épreuve, que la troi-sième rangée était accessible par des cages d’escaliers conduisant à la summa cavea. Ces hypothèses, fon-dées essentiellement sur le plan au sol de l’édifice et touchant aux voies de circulation, sont corrobo-rées par une restitution des gradins des parties en élévation, aujourd’hui disparus. Quelques éléments architecturaux fournissent des arguments décisifs pour cette restitution, comme par exemple un bloc de gradin (fig. 5) qui n’avait pas jusqu’alors été iden-tifié comme tel ; il permet de conclure à un pendage

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confirmer la structure observée dans le vomitorium 10. D’autres éléments de décor montrent que le bâtiment était richement paré. On a en effet retrouvé des pla-ques de revêtement de paroi ornées, des chapiteaux de pilastre et des fragments de corniche en calcaire blanc, ainsi que des tesselles de mosaïque en verre ou les restes d’un revêtement en opus sectile consistant en plaquettes de pierres de couleur importées.

Si les structures architecturales révèlent que le théâtre fut planifié et édifié selon un seul et unique concept, on observe cependant quelques transfor-mations et modifications au cours du temps. D’une part, on décèle en divers endroits des traces de répa-ration et de consolidation, visant sans doute à stabi-liser un bâtiment ayant visiblement subi des dégâts. On dut prendre des mesures particulièrement dra-coniennes dans la zone du mur délimitant la cavea, où plusieurs piliers de soutènement massifs durent être mis en place (fig. 7.1). Par ailleurs, on a éga-lement entrepris des modifications structurelles ou fonctionnelles, comme l’édification ultérieure du

postscaenium le long du mur de scène extérieur (fig.

7.2). Dans un contexte identique, on relèvera égale-ment deux murs flanquant les basiliques (fig. 7.3),

Fig. 7. Théâtre romain d’Avenches. Plan schématique des transformations et d’éléments de consolidation. (G. Matter - Fondation Pro Aventico)

de la cavea allant de 27° à 29°. On peut, par ailleurs, démontrer que le module architectural, défini sur la base du plan au sol, fut également appliqué lors de la planification de l’élévation.

De nombreux autres éléments architecturaux évo-quent quel était l’aspect des parties visibles et des façades du monument. Grâce à des fragments de cor-niche, à deux chapiteaux de pilastre ornés de feuilles d’acanthes (fig. 6), à une base de pilastre engagée

in situ dans la maçonnerie restaurée, et en tenant

compte du module architectural, on peut proposer une reconstitution approximative de la composition de la façade de l’enceinte en demi-cercle. En outre, on dispose à présent de nombreux résultats pour le décor architectural également. Fait déjà relevé au cours des fouilles anciennes, les parties de mur visi-bles sont formées de moellons de calcaire alternant avec des moellons de grès, pour former une sorte de diagonale ou un décor en zigzag, ce qu’est venue

Fig. 6. Théâtre romain d’Avenches. Châpiteau de pilastre en grès coquillier (172 x 81 x 45 cm), orné de feuilles d’acanthe. (G. Matter - Fondation Pro Aventico)

Fig. 5. Théâtre romain d’Avenches. Bloc de gradin en grès coquillier. (L. Francey, G. Matter - Fondation Pro Aventico)

Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien

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Le théâtre gallo-romain d’Aventicum-Avenches (Vaud, CH) Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien

Bibliographie

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secretan 1919 : SECRETAN (E.). Aventicum : son passé et

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BÖGli 1963 : BÖGLI (H.). Aventicum, la ville romaine et le Musée.

1963, p. 30-33. (Guides archéologiques de la Suisse 19).

matter et al.1999 : MATTER (G.) et al. Die Sondierungen

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matter 2002-2004 : MATTER (G.). Chronique des

fouilles archéologiques : Théâtre romain, En Selley. Bulle-tin de l’Association Pro Aventico, 44-46, 2002-2004.

matter 2004 : MATTER (G.). Le théâtre remis en scène,

Aven-ticum. Nouvelles de l’Association Pro Aventico, 6, 2004, p. 4-5.

morel 2007 † : MOREL (J.) Aventicum-Avenches (Vaud,

CH), capitale de l’Helvétie romaine, Aventicum et ses sanctuaires. In : BÉLET-GONDA (C.), MAZIMANN (J.-P.), RICHARD (A.), SCHIFFERDECKER (F.) (dir.). Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien. Actes. Delle (F)-Boncourt (CH), 21-22 octobre 2005. Mandeure, sa campagne et ses relations d’Avenches à Luxeuil et d’Augst à Besançon. Actualités archéologiques régionales. Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté et Porrentruy, Office de la culture et Société jurassienne d’Émulation, 2007, p. 35-46. (Annales Littéraires de l’Université de Franche-Comté, série Environnement, sociétés et archéo-logie 10 ; Cahier d’archéoarchéo-logie jurassienne 20).

qu’on suppose être en relation avec l’agrandissement du complexe architectural du temple du Cigognier et du théâtre, augmenté des deux temples édifiés à la deuxième moitié du IIe siècle ap. J.-C. au lieu-dit Au Lavoëx (Morel 2007). Il pourrait s’agir d’une sorte de mur d’enceinte destiné à séparer ce complexe archi-tectural des quartiers urbains environnants.

L’excavation, au cours du dernier tiers du IIIe siè-cle ap. J.-C., d’un fossé de près de 6 m de large pour 1,5 m de profondeur tout autour de l’édifice fit du théâtre un véritable lieu fortifié. Toutefois, ce fossé devait perdre sa fonction au cours du premier quart

du IV e siècle ap. J.-C. déjà, comme le montre la coupe à travers son remplissage. Au-dessus du fossé, on a pu relever une séquence stratigraphique témoignant d’une activité d’habitation à proximité du théâtre pour la période allant du IV e au VIIe siècle ap. J.-C. Il s’agit de l’un des rares cas où l’on peut, à Aven-ches, évoquer la présence d’un habitat de la période du haut Moyen Âge.

Les travaux d’élaboration des investigations menées de 1998 à 2004 battent leur plein et dure-ront jusqu’à fin 2006. La publication des résultats est prévue pour 2007-2008.