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Apport de sites haut-rhinois à l’étude d’une production régionale de récipients carénés gallo-romains

2 Caractéristiques du lot de jattes carénées de Kembs, Les Bateliers

Il s’agit de vaisselle de table d’héritage probable-ment indigène, sombre, plus ou moins fine, dont la

– Le vicus de Sierentz se trouve sur la basse terrasse alluviale du Rhin, entre la plaine de la Hardt et les premières collines du Sundgau. Il fait suite à un éta-blissement de La Tène finale et se développe au cours du Haut-Empire, grâce à sa situation stratégique au croisement de la route Mandeure-Kembs et de la voie nord-sud située sur le piémont du Sundgau, qui rejoint la voie allant d’Augst à Strasbourg. L’agglomération antique s’organise autour d’une zone artisanale où se concen-trent les activités commerciales. Le vicus semble péricli-ter au début du V e siècle ap. J.-C. (Wolf et al. 1985). Fig. 1. Localisation et

environnement des sites à l’époque romaine. (B. Bakaj - Antéa Sàrl ; B. Viroulet - SDA 68)

Fig. 2. Profils complets de jattes carénées. (A. Murer - Antéa Sàrl ; B. Viroulet - SDA 68 ; J.-P. Gschwind - CRAS)

Premières journées archéologiques frontalières de l’Arc jurassien

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caractéristique identificatoire est une carène accen-tuée par un bourrelet. Néanmoins, quelques rares exemplaires présentent une carène saillante dépour-vue de renflement (fig. 2, Kembs K.93). Les formes sont ouvertes, généralement de grand diamètre (18 à 29 cm), un tiers des individus présente une ouver-ture comprise entre 22 et 24 cm. Comme il est rare de retrouver des profils complets – on constate une fragilité au niveau de la carène, où se situe générale-ment la cassure des céramiques – la détermination de la forme est souvent aléatoire. J.-D. Demarez évo-que des plats carénés à Alle et à Porrentruy (Jura, Suisse) (Demarez et al. 1999a, p. 166) ; le terme de jatte nous paraît plus approprié.

À Kembs, 23 % de l’échantillonnage est produit en terra nigra, 63 % en commune sombre fumigée, les 14 % restants étant constitués de commune som-bre, soit lissée soit dépourvue de traitement de sur-face (fig. 3).

Cet ensemble est largement majoritaire, puisqu’il concerne 57 % du lot, les variantes 5 et 6 totali-sant les deux tiers du groupe. Ce type de lèvre se rencontre principalement au IIe siècle, en com-mune sombre fumigée ;

– groupe 2 : lèvres triangulaires de profil discret ou marqué vers l’extérieur. Décomposé en qua-tre variantes, ce groupe réunit un tiers du corpus. La variante 4 y est prédominante. Cette série se retrouve indifféremment dans les contextes 2 ou 3, en terra nigra ou en commune sombre fumigée ; – groupe 3 : lèvres moulurées à gorge interne, le cas

de figure le moins courant, soit 12 % ; on y dis-tingue trois variantes, la deuxième étant la plus fréquente (60 % des lèvres moulurées). Elles se rencontrent exclusivement dans la phase 3, systé-matiquement en commune sombre fumigée.

La fréquence des variantes (fig. 5 et 6) met en exer-gue trois profils largement prédominants qui consti-tuent à eux seuls 60 % du lot de Kembs. Ces modèles représentent peut-être les standards originaux et/ou détenant le plus de succès auprès de la clientèle. En règle générale, les productions du Ier siècle

sont majoritairement en terra nigra, la technique de l’enfumage devenant prépondérante à partir de la période flavienne. On distingue, schématiquement, trois groupes de pâte :

– une pâte grise, fine et dure (41,5 %) qui concerne essentiellement la terra nigra,

– une pâte blanchâtre, plus ou moins savonneuse (28 %) pour les exemplaires fumigés ou lissés, – une pâte rougeâtre, signe distinctif de cette

céramique (30,5 %), généralement fumigée ou dépourvue de traitement de surface. De qualité relativement médiocre, elle présente des irrégula-rités de cuisson.

2.1 Évolution chrono-typologique des récipients carénés de Kembs

Paradoxalement, alors que tous les exemplaires sont d’apparence similaire, les profils ne sont jamais rigoureusement identiques. Il semblerait que ce modèle, tout en étant stéréotypé, ait autorisé une relative liberté d’exécution aux concepteurs. La typo-logie établie pour le site des Bateliers à Kembs est divisée en trois groupes et six variantes (fig. 4) : – groupe 1 : lèvres rondes, simples, débordantes

et parfois épaisses, subdivisées en six variantes. Fig. 3. Kembs, rapport entre

couleur de pâte et traitement de surface.

(B. Viroulet - SDA 68)

Fig. 5. Kembs, répartition des variantes typologiques. (B. Viroulet - SDA 68)

Fig. 6. Profils les plus courants.

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2.2 Datation et évolution de la production

À Kembs, la production apparaît au milieu du Ier siècle : un quart des individus est issu de la phase 2 (fig. 7). Durant cette période, les pâtes sont grises pour l’essentiel, engobées ou fumigées. Cette vais-selle s’impose durant la première moitié du IIe siè-cle : la phase 3 regroupe près des trois-quarts du

corpus. On constate, durant cette seconde période,

une augmentation significative des variantes, coexis-tant dans les mêmes structures, comme nous avons pu le vérifier à maintes reprises sur le site. La ten-dance générale de l’évolution morphologique entre les deux phases est le développement de la lèvre, dont le profil se fait plus sinueux, et l’accentuation de la transition entre le bord et la carène qui se struc-ture en gorge. La technique de l’enfumage devient prédominante, au détriment de la terra nigra ; d’autre part, les pâtes rougeâtres et blanchâtres sont majo-ritaires. Aucun exemplaire postérieur au milieu du IIe siècle n’est recensé pour l’heure à Kembs.

de cette production. Les deux sites extrêmes, Frotey-lès-Lure (Jacquet et al. 1995, fig. 13.8) et Vindonissa (Ettlinger et al. 1952, n° 176) ont livré chacun un exemplaire unique, probablement isolé. Deux tiers du corpus proviennent du territoire rauraque, un tiers émane de sites séquanes, soulignant les influences commerciales et culturelles existant entre les deux cités. Alors que d’autres sites localisés dans cette unité géographique sont susceptibles de livrer à l’avenir de tels récipients, certains sites à proximité, comme Montbéliard, Mandeure, Bourogne, Grand-villars 2 pour la Franche-Comté et Vicques, Develier, Boécourt pour le Jura (Demarez et al. 1999b, p. 91), semblent échapper à ce marché régional. Les sites s’égrainent le long des axes majeurs nord-sud : de Porrentruy (Jura, Suisse) à Delle (Territoire de Bel-fort, France), le long de l’axe navigable de la rivière Allaine et sur les voies bordant le Rhin entre Augst et Habsheim. Une communication est-ouest reliant ces deux pôles principaux semble établie, comme le prouvent les sites de Florimont (Colney et al. 2003) 3, Laufon (Martin-Kilcher 1980, pl. 28.3) ou encore Rodersdorf, Bahnofstrasse 4 (Soleure, Suisse).

3.2 Essai comparatif du mobilier

Le résultat de cette étude doit être relativisé : selon l’origine des informations, le défaut de descriptif a été préjudiciable à une comparaison optimale. Cette confrontation permet néanmoins de préciser cer-tains traits communs aux différents lots.

La céramique commune sombre est constam-ment prégnante sur l’ensemble des sites, la cérami-que engobée (terra nigra) atteignant péniblement 15 % du corpus. En ce qui concerne la question, sub-jective, de la couleur des pâtes, selon les auteurs, tous les tons existants entre le blanc, le gris et le rouge sont décrits. Cette profusion de teintes est toutefois significative puisqu’elle renvoie à la diversité de pâtes évoquée précédemment à Kembs. Quel que soit le site d’origine de l’échantillonnage, l’hétérogénéité des pâtes constitue une particularité supplémentaire de cette céramique.

Quand la possibilité se présentait 5, nous avons établi des rapprochements typologiques avec le panel de Kembs, mettant en évidence la pluralité des for-mes quel que soit le site d’origine des échantillons. Fig. 7. Comparaison

chronologique entre Kembs et le corpus général. (B. Viroulet - SDA 68)

Fig. 8. Répartition spatiale des découvertes et fréquence des récipients carénés. (A. Murer - Antéa Sàrl)