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Le savoir – Savoir que, pourquoi, comment

Dans le document Balises pour l’alphabétisation populaire (Page 131-134)

Le savoir est un ensemble de faits, de principes, de théories et de pratiques liés à un domaine de travail ou d’étude. Le savoir se construit en réponse à une question : il est lié à la recherche d’explication. Il est transmissible par l’élaboration d’un langage approprié.

Sa caractéristique n’est pas d’être vrai mais d’être raisonné et susceptible de remises en causes par de nouveaux éléments. Le savoir permet de poser de nouvelles questions qui contribuent à « lire le monde » de façon nouvelle. Le savoir est collectif. Il est lié à une communauté de savoir (mathématiciens, pêcheurs à la ligne, formateurs,…).

Le savoir peut se transformer en information, soit en « savoir mort » lorsqu’il présenté comme un fait, détaché de sa problématique, des contextes de sa production, de son histoire et de son devenir. Ce qui est souvent le cas en contexte scolaire. À l’inverse, une information peut être le point de départ d’une curiosité et d’une question de recherche débouchant sur de nouveaux savoirs.

4.2.2 Faire vivre le savoir comme une aventure

humaine

Les résultats de la science sont souvent enseignés comme des faits non problématiques, établis par la mise en œuvre d’une démarche scientifique. Pourtant les savoirs scienti- fiques ne relèvent pas du vrai et du faux. Ce sont des savoirs critiques qui questionnent en permanence ce qui est possible, impossible, nécessaire.

Outre les questions sociétales et scientifiques, traiter les langages comme des objets de recherche permet aussi d’aborder un ensemble passionnant et incontournable de savoirs historiques, géographiques, géopolitiques, anthropologiques, philosophiques, Com- prendre ce qu’ils sont, d’où ils viennent et comment ils fonctionnent est indispensable pour se les approprier. Et ce d’autant plus lorsque l’on est sorti de l’école primaire sans les maitriser.

Le savoir devient ainsi réponse aux questions que les hommes se sont posées, se posent aujourd’hui et se poseront demain en se confrontant à des problèmes critiques et nou- velles questions.

Ainsi apprendre, ce ne sera pas trahir, parler le langage des autres. Ce sera participer à une aventure humaine. Ce sera prendre conscience que les savoirs sont des produits de l’invention humaine, fruits d’échanges, d’emprunts, d’interactions multiples entre les hommes. Ce ne sera pas être mystifié par des savoirs dont l’apparente simplicité et la banalisation de leur usage occultent la complexité, par des savoirs périmés par le déve- loppement des technologies et les avancées de la science, par des savoirs transmis sous forme d’information, comme des évidences, coupés de leur signification originelle et des questions auxquelles ils répondent.

Le savoir est générateur d’inégalité et d’oppression s’il est fragmentaire, morcelé et non relié à ses origines, ce qui en rend la compréhension impossible.

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Permettre une appropriation critique des savoirs, c’est rechercher le sens de tout objet susceptible d’être travaillé en formation à travers les situations rencontrées. C’est mettre le sens au centre (voir page 59) en questionnant et construisant les significations sociales de l’objet et de ses usages ainsi que le sens personnel :

D’où vient ce savoir ? Où en est-il de son histoire ? Quels obstacles et ruptures

ont jalonné sa construction ? Dans les représentations ? Dans les conditions de son élaboration ? Compréhension de ses origines, de son histoire, de son évolution humaine

en tant qu’histoire appartenant à chacun.

De quoi est-il fait sur le plan de sa structure ? Compréhension de ses propriétés, des

caractères qui le composent dus à l’immense inventivité des hommes.

Comment fonctionne-t-il ? « Comment ça marche ? » Compréhension de son

fonctionnement, des conditions permettant à l’objet de fonctionner.

À quoi sert ce savoir ? Compréhension de la multitude de ses usages.

À qui sert-il ? Compréhension des pouvoirs positifs et négatifs qu’il donne aux

hommes.

Que m’apporte ce savoir dans ma vie ? Quel pouvoir me donne-t-il ? En tant

qu’action et réflexion possible ? En tant qu’utile à mon expérience et ma vie ? Prenons par exemple la demande d’« apprendre l’alphabet ». C’est effectivement indis- pensable. Mais l’alphabétisation populaire invite à ne pas répondre uniquement et auto- matiquement de manière technique à des demandes qui le sont de premier abord. La Roue invite à se demander à quoi sert l’alphabet, d’où il vient, comment il s’est construit, comment on va faire pour l’apprendre. Et à se mettre en recherche.

4.2.3 Relier les connaissances – Croiser les savoirs et

les pouvoirs

« Et pourquoi sont-ils là, ces gens-là ? S’il n’y avait pas d’apprenants, de quoi parleraient-ils ?

Si on ne prend en compte que les décideurs, on n’avancera pas. Avant de juger une situation, il faut en connaitre tous les paramètres. C’est pour cela que le point de vue des apprenants est indispensable. » Yves Huysmans

Les savoirs des sciences, comme les savoirs professionnels, comme les savoirs d’expé- riences des formateurs et des apprenants sont tous des savoirs véritables.

Toute personne détient potentiellement les moyens de comprendre et d’interpréter sa propre situation et celle de son environnement. Cette possibilité d’analyser l’expérience vécue et d’en tirer des enseignements permet de développer des savoirs d’expériences. Transformer des connaissances intimes en savoirs d’expériences implique que chacun puisse «  mettre en parole  » pour faire de son expérience un récit susceptible d’être échangé avec d’autres. Le récit est un mode de transmission de l’expérience et moyen de

C OMPRENDRE , RÉFLÉ CHIR ET A GIR LE MONDE 123 PROJET

SITUATION Apprendre L’ALPHABET

RÉFLÉCHIR

QUESTIONNER cet objet

CHERCHER des réponses aux questions MOBILISER sa capacité de penser

S’AUTORISER

À apprendre

À écrire, à laisser sa trace À prendre un crayon en main À utiliser un clavier

À essayer, à se tromper, à raturer, à recommencer

SE SITUER

Ce que je sais déjà

Pourquoi je veux apprendre l’alphabet

Ce que cela va changer dans ma vie. Quel(s) pouvoir(s) va-t-il me donner

Dans quelles situations je vais l’utiliser

COMPRENDRE LE MONDE

Connaitre l’alphabet ce n’est pas suffisant pour savoir lire, pourquoi ?

D’où vient l’alphabet ? L’histoire de l’écriture, la calligraphie, les différents systèmes d’écriture du groupe, du monde,…

Comment fonctionne-t-il ? Comment fonctionnent les systèmes d’écritures ? Ce que c’est que lire, ce que c’est qu’écrire,… Comment il est fait ? Différentes polices, différentes manières d’écrire une même lettre

À quoi sert l’alphabet ? À classer (dictionnaire), à épeler (dire son nom au téléphone…), à écrire (geste graphique), à comprendre ce qu’on lit et se faire comprendre quand on écrit (fonctions orthographiques et grammaticales des lettres dans la compréhension écrite,…)

CONSTRUIRE ENSEMBLE

Comment on va s’apprendre les noms et l’écriture des lettres, quand et comment s’exercer, mémoriser, quand et comment l’utiliser Projets en lien avec alphabet (calligraphie, photos des lettres dans la ville,…)

Apprendre à écrire manuellement. Choisir sa ou ses « police(s) » d’écriture manuelle. Maitriser le geste graphique. Orienter l’écriture dans l’espace

Apprendre à utiliser le clavier. Choisir les polices du traitement de texte

CRÉER – AGIR

Utiliser l’alphabet en situation : pour écrire, pour épeler, pour classer, pour chercher au dictionnaire, pour prendre des indices de compréhension en lecture

Réaliser et donner à voir et à entendre un projet (par exemple une exposition d’œuvres calligraphiques)

… Évaluer

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confronte les expériences individuelles pour les « mettre en parole collective »

(de quoi veut on témoigner, quel savoir veut-on mettre en texte, qu’est ce qui est commun, ne l’est pas) ;

« mette en problème », qu’il formule le ou les problématiques de recherche (pour-

quoi est-ce ainsi ? comment faire pour ?) ;

produise des idées explicatives en lien avec l’expérience vécue de chacun, les mette

en débat argumenté, se mette en recherche d’apports complémentaires ;

« mette en action » : qu’il organise sa prise de parole (présentation et communication

des savoirs d’expériences, de manière compréhensible pour d’autres, extérieur à ce groupe).

Les situations d’analphabétisme n’empêchent pas de travailler, d’avoir des centres d’in- térêts, de se cultiver,… Il ne s’agit pas de cantonner les apprenants comme « experts du vécu » de situations d’analphabétisme. Ils peuvent aussi être experts dans d’autres domaines, avoir de nombreuses connaissances et savoirs. Échanges de savoirs, de chefs- d’œuvre,… sont autant de moyens de les communiquer et partager.

4.3 Développer ses compétences de recherche

Accéder à l’information et aux savoirs va mobiliser démarches et compétences de recherche telles que celles-ci, diversement mobilisées selon les situations. Démarches qui croisent celles de la formation-action-recherche, de l’entrainement mental, la pédagogie du chef-d’œuvre, les démarches d’auto-socio-construction de savoirs et plus largement toute approche d’alphabétisation populaire qui implique de « mettre en parole,

mettre en problème, mettre en réflexion, mettre en action » (voir pages 64 et 65). Ces

démarches concernent tout apprentissage, y compris orthographe et grammaire, com- préhension d’énoncés oraux, écrits, mathématiques, etc.

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