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Intégration/insertion

Dans le document Balises pour l’alphabétisation populaire (Page 90-94)

Le terme intégration est le plus souvent utilisé et compris comme un processus d’inté- riorisation des valeurs, des normes et des manières de voir dominantes. Il constitue un terme de compromis entre une vision assimilationniste, qui demanderait aux minorités de se fondre dans le paysage, et une vision communautariste, qui accepterait de concevoir la société comme une simple juxtaposition sur le même territoire de groupes culturels différents.

Idéalement « l’intégration, ce serait l’action de faire interagir divers éléments en vue d’en

constituer un tout harmonieux et de niveau supérieur », selon la définition pédagogique de

ce mot qui parait bien adaptée à la définition du « vivre ensemble ».

En éducation populaire, le mot intégration est entendu « comme l’appropriation des ins-

truments d’analyse et d’action pour mieux agir sur le contexte politique, économique, social et culturel. » En cohérence avec le 3e mode de travail pédagogique de Lesne dans lequel les

conditions de vie de chacun sont le point de départ et le point d’arrivée du processus de formation. Il s’agit d’acquérir la compréhension et l’analyse des réalités concrètes pour agir socialement.

Il ne s’agit donc pas d’une question de « droits et devoirs » ou de conformité à des normes sociales.

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conçus, plutôt que comme des acteurs de changement social, acteurs à part entière de l’espace public. Comme le soulignent l’UNESCO et Serge Wagner, l’alphabétisation n’est pas automatiquement émancipatrice. « L’alphabétisation peut entrainer l’aliénation

de l’individu en l’intégrant à un ordre établi sans lui. Elle peut l’intégrer, sans sa participation, à un modèle étranger de développement » et « l’activité d’alphabétisation s’inscrit dans le sens du statu quo et renforce les inégalités sociales lorsqu’elle ne permet qu’une appropriation limitée de cet outil culturel. »

Pédagogie

« La pédagogie est-elle une pratique ? Un art ? Une science ? Un art et une science ? Une dis-

cipline ? Une théorie ? Une théorie pratique ? Une discipline scientifique ? Une praxis ? Une autre chose ? Un discours ? Et, de qui la pédagogie est-elle l’affaire ? », demande Étiennette

Vellas, qui conclut par cette proposition :

La pédagogie est une « théorie pratique » qui articule, en tentant de les relier avec cohé-

rence :

des intentions politiques reposant sur des convictions, des finalités, des valeurs,

une philosophie et une éthique sociale ;

des conceptions sur l’apprentissage : théories, savoirs,… ;

des pratiques assumées par le formateur-pédagogue basées sur un choix de méthodes, d’outils et de techniques et sur un dispositif organisant leur mise en

œuvre.

L’articulation de ces trois pôles construit des pédagogies qui se caractérisent par le choix : de finalités et d’enjeux ;

de la nature de la relation pédagogique proposée (posture du formateur, rapport au savoir, rapport au pouvoir,…) ;

des modalités d’organisation ;

des modalités d’évaluation envisagées ;

des méthodes, outils, techniques et situations utilisées.

Les choix posés par les formateurs et formatrices, qui sont des pédagogues, prati- ciens-chercheurs, caractérisent des modes d’actions pédagogiques, développés dans la partie MISES EN PRATIQUE.

L’action pédagogique est aussi faite de « mille autres petits riens », comme le rappelle

Mireille Cifali : des êtres particuliers, un contexte à nul autre pareil, une rencontre sin- gulière, un courage, une envie, des chemins buissonniers, une posture, des paroles, une manière d’être,… qui font qu’un dispositif est habité et peut ou non aboutir à une créa-

tion, à la réussite d’un projet. Une action pédagogique se réalise dans une temporalité où un projet se structure dans un possible, des échecs, des décisions, des reprises, des interrogations, des angoisses, des doutes, du risque, de l’intelligence.

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5 TRAVAILLER EN ALPHABÉTISATION

POPULAIRE

« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble, par

l’intermédiaire du monde. » Paulo Freire

L’alphabétisation populaire est un projet politique et pédagogique. Au-delà de l’acquisi- tion de savoirs, elle vise une reprise de pouvoir sur sa vie et le changement social. Le but du formateur n’est plus seulement d’apprendre quelque chose à son interlocuteur mais de rechercher avec lui les moyens de transformer le monde dans lequel ils vivent. Travailler en alphabétisation populaire c’est :

5.1 Agir pour le changement

Vouloir améliorer la société.

Adopter une pensée réflexive et faire preuve d’esprit critique. S’informer sur l’actualité sociale, politique, économique, culturelle.

Participer aux débats politiques sur l’alphabétisation et ses enjeux de société. Viser l’émancipation et la participation citoyenne.

Participer à la création, au développement et à la réalisation de projets dans une perspective d’action collective, participative et émancipatrice.

Collaborer avec différents acteurs de son environnement. Participer à l’évaluation des projets et des initiatives.

5.2 Accompagner la construction des savoirs

et compétences

Travailler en alphabétisation populaire, c’est aussi être capable de reconnaitre les expé- riences et les savoirs des apprenants et d’abandonner un statut d’expert unique et cen- tral, pour adopter une posture de facilitateur qui accompagne les personnes dans leurs démarches d’alphabétisation :

Reconnaitre l’autre comme un acteur à part entière et considérer que, quelle que soit leur situation, « un lecteur débutant n’est pas un penseur débutant ».

Tous les apprenants ont développé des savoirs de vie et des savoirs d’expé- riences qui non seulement constituent des points d’appuis pédagogiques essen-

tiels mais sans lesquels les autres types de savoirs (scientifiques, d’actions,…) sont incomplets.

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Adopter une posture de « formateur accompagnateur/facilitateur/ médiateur/… » à la place d’une posture de « formateur transmetteur de savoirs ».

Se situer comme accompagnateur d’un processus de changement, ce qui suppose de considérer les personnes dans une relation de parité où l’autre est sujet qui construit son parcours, où l’autre est reconnu dans ses savoirs (et non dans ses manques), où l’autre est entendu dans ses désirs (qui vont bien au-delà de la maitrise de telle ou telle technique ou compétence).

Se situer dans une relation de coresponsabilité dans un travail à mener

ensemble, à travers lequel les contenus sont élaborés ensemble. C’est sortir du rôle de « celui qui sait » et qui apprend à « celui qui ne sait pas ».

Prendre un risque avec l’apprenant. Seul, l’apprenant ne peut pas prendre le risque du « nouveau » s’il ne sent pas l’engagement du formateur. La formation ouvre à un autre espace ; elle ouvre à une autre relation : relation à soi, aux autres, au monde. Apprendre c’est « changer de forme » au sens étymologique. Il y a un risque à changer de forme. Le formateur est accompagnateur de cette prise de risque à travers ce processus de changement.

Comme le souligne Paulo Freire, la pratique de l’éducation en elle-même est porteuse de libération ou d’aliénation non pas tant par le contenu des idées qu’elle transmet, mais d’abord par la relation éducateur/éduqué qu’elle instaure.

5.3 Être garant du cadre

5.3.1 Soutenir les apprentissages

Travailler l’apprentissage et les obstacles à l’apprentissage.

Connaitre l’alphabétisation populaire, ses pédagogies et ses outils.

Construire des démarches et outils d’apprentissages cohérents avec les principes de l’alphabétisation populaire.

Favoriser la prise de responsabilité et la participation active des personnes à leurs démarches d’apprentissages, à l’organisation des activités, aux projets.

Susciter l’expression des demandes et des aspirations au sein d’un groupe. Déterminer avec les apprenants les objectifs de formation en tenant compte de

leurs demandes et besoins, du sens que la formation a pour eux, des buts de l’alphabétisation populaire et du contexte.

Réaliser des projets collectifs et soutenir les personnes dans leurs projets. Prévoir les suites du projet : les ressources nécessaires, les attentes créées, etc. Aider les personnes à reprendre du pouvoir sur leur situation.

Rendre explicite et valoriser les savoirs et compétences des apprenants. Planifier les évaluations et les réajustements. Mettre en œuvre des pratiques

d’évaluations participatives tant du processus que des apprentissages qui en découlent et rajuster les démarches en fonction des objectifs et des besoins. Garder des traces écrites des pratiques afin d’être en mesure de les échanger et de

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