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L’ENVIRONNEMENT : UNE RELATION AMBIGUË

B- La structure, médiateur de la relation environnement/contrôle

Dans les études sur les relations environnement/contrôle, il faut faire une place à part pour celles traitant des systèmes de contrôle et de leurs liens avec la structure, elle-même fonction de l’environnement.

Au titre de telles recherches, on trouve celle de Gordon et Narayanan (1984). Partant de la typologie établie par Burns et Stalker (1966), ces deux auteurs montrent que les structures organiques sont associées à un environnement perçu comme incertain. Cette incertitude entraîne alors un besoin accru d’informations externes, de nature non financière, destinées à diminuer l’incertitude de l’environnement. Cela voudrait donc dire que les budgets, outil de gestion essentiellement tournés vers l’intérieur de l’entreprise, sauf pour les prévisions, et de nature financière ne sont pas appropriés pour des environnements turbulents. Sans que l’étude le montre, on peut supposer qu’ils conviendraient mieux à des environnements stables et prévisibles.

Cunningham (1992), dans une étude sur les relations entre stratégie et contrôle, évoque l’importance de l’environnement et de la stabilité dans l’utilisation des budgets : « controller executives in all three companies stated that traditional output controls are effective for operating costs because the processes by which costs are incurred are certain and cost relations are known and predictable, at least over the short run ». L’auteur ne précise pas davantage comment est permise cette stabilité, ni de quelle manière concrète elle agit sur le processus budgétaire. Dans les activités de distribution, les budgets ne lui semblent pas être utilisés comme moyen d’évaluation, compte tenu de la difficulté à imputer la responsabilité de tout écart. En effet, celui-ci dépend-il du manager ou d’événements extérieurs ? Les budgets sont donc juste utilisés comme des indicateurs de performance. L’auteur remarque également que les entreprises recherchent une structure centralisée lorsqu’il s’agit de faire face à un environnement incertain.

De la même façon, Macintosh et Daft (1987) montrent indirectement que des entreprises ayant des environnements incertains ont davantage recours à des modes d’appréciation subjective de la performance. En effet, des interdépendances réciproques augmentent l’incertitude des managers. Dans ce cas, les modes de contrôle reposent essentiellement sur des rapports statistiques, sujets à interprétation. Par contre, des entreprises dans des environnements plus prévisibles, gérées par des interdépendances en série, ont recours à des méthodes d’évaluation plus mécaniques, tels que les budgets. Cela suggère donc

que l’incertitude n’est pas liée à l’utilisation des budgets. Du mode de structuration des activités dépend l’incertitude ressentie par les managers et le type de contrôle utilisé.

Child, dans une étude citée par Kalika (1988), conclut que les entreprises décentralisées sont plus efficaces dans des environnements stables, alors que les entreprises centralisées peuvent plus facilement faire face à un environnement turbulent. Cette idée va à l’encontre des résultats de travaux déjà cités. Mais il ne dit pas si le budget sert à gérer des entreprises décentralisées dans des environnements stables.

D’autres auteurs ont des conclusions opposées et trouvent une relation entre budgets et incertitude de l’environnement. Ainsi, Waterhouse et Tiessen (1978) ont perçu le rôle d’intermédiaire joué par la structure dans les relations environnement - contrôle. Ils cherchent ainsi à montrer que la structure d’une organisation dépend de son contexte et à différentes structures vont correspondre des outils de contrôle différents. Deux variables contextuelles sont retenues : la technologie et de l’environnement. S’appuyant sur les travaux de Crozier (1963) et Thompson (1967), ils notent que le pouvoir dans une organisation dépend de la maîtrise d’un certain nombre d’incertitudes de l’environnement et de la technologie. Une incertitude accrue devrait conduire à une décentralisation plus importante. Ils posent alors l’hypothèse qu’un environnement stable et une technologie bien maîtrisée permettent une centralisation accrue du pouvoir. Un contrôle de type procédural est alors parfaitement adapté : les auteurs citent l’exemple des coûts standards. Quand l’environnement devient incertain, alors le contrôle repose sur la sélection, la socialisation et la professionnalisation. L’un des outils utilisable dans ce cas devient le budget. Il est parfaitement adapté à un environnement instable pour une entreprise ayant une structure décentralisée. Notons que cette étude est une revue de la littérature sans validation empirique.

Kalika (1988) dans son important travail sur les structures des entreprises françaises s’intéresse aux liens existants entre environnement et structure. Il trouve qu’à un environnement complexe et variable d’un point de vue technologique correspond une entreprise différenciée, standardisée, planifiée, contrôlée et décentralisée. Cette différenciation requiert une plus grande intégration. C’est à ce type d’environnement que correspond le contrôle budgétaire. Le budget est donc l’outil de gestion d’un environnement turbulent et complexe. Khandwalla dans deux études citées par Kalika (1988) montre que dans un environnement incertain, les entreprises les plus performantes sont celles ayant réussi à « développer les organes capables de traiter cette incertitude, de se différencier et de s’intégrer en conséquence », ce qui nécessite

sans doute de recourir aux budgets. Des structures organiques sont alors plus adaptées à des environnements turbulents dynamiques et changeants. Ces résultats sont conformes à l’étude menée par Khandwalla en 1972.

Enfin, si l’on considère le contrôle budgétaire comme un attribut de la structure, il est alors possible de rattacher l’apport des historiens des affaires à cette analyse. Ainsi, Chandler (1962) développe-t-il l’idée selon laquelle l’environnement agit sur la stratégie qui, à son tour, conditionne la structure. C’est alors la complexité et l’incertitude des marchés qui incitent les managers à adopter des structures divisionnelles, contrôlées par les budgets et le ROI. Un environnement complexe et incertain surcharge la direction générale de travail et l’oblige à mettre en place de nouveaux outils de contrôle, permettant une délégation accrue. Pour Franko (1974), l’environnement moins concurrentiel qui prévalait en Europe, comparé aux Etats-Unis, peut expliquer pourquoi les entreprises du vieux continent ont pris du retard dans le développement de certains outils de gestion1. C’est d’ailleurs dans cette logique que Desmeuraux (1992) analyse l’apport de Williamson. Ce dernier décrit l’existence des hiérarchies comme une réponse efficace aux déficiences du marché. Ces dernières ne permettant plus l’allocation et la coordination efficaces des ressources, du fait de l’incertitude et des problèmes d’asymétrie d’information, ce sont alors des mécanismes organisationnels qui prennent le relais. Le contrôle budgétaire permet ainsi de diminuer les coûts de transaction.

Les relations entre l’environnement et le contrôle ne sont donc pas toujours clairement établies même si la majorité des études semblent montrer une utilisation des budgets dans des environnements prévisibles et stables. Aucune de ces études ne montrent clairement pourquoi les budgets sont utilisés dans des environnements stables. L’étude de la relation environnement - contrôle n’a donc pas été poussée à son terme.

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Il donne notamment l’exemple de la chimie française dans l’entre-deux guerre. Nous verrons plus loin, au travers du cas de Saint-Gobain, pourquoi il s’agit d’un mauvais exemple. Sans rejeter pour autant certaines des conclusions de Franko, il y aurait aussi beaucoup à dire sur son analyse du marché de la glace et de l’aluminium quant aux conséquences sur la structure des entreprises étudiées.