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La rémunération des performeurs interrogés

2 Les aspirations des jeunes performeurs

2.1 Les revenus et leur évolution

2.1.3 La rémunération des performeurs interrogés

Tout d’abord, il y a les données qualitatives que nous ont fournies les performeurs que nous avons interrogés, soit les appréciations générales qu’ils nous ont transmises sur le sujet. Nous en présenterons quelques extraits, par contre il faut garder en tête qu’il s’agit de leur appréciation au niveau de leurs revenus, et non pas de leur condition en général. En effet, si certains apprécient la rémunération qu’ils reçoivent, ils ont cependant mentionné d’autres difficultés associées à leur métier qui fait descendre leur niveau de satisfaction globale. Voici quelques courts extraits de nos entrevues:

Kamalesh: « Monetary benefits at present is not so bad. » Samudra: « Now we get comparatively high wages… »

Vaayu: « Now there is a tendency for people other than the performing family to join performance because the income is attractive. »

Radheshyam: « The remuneration we get is also very good. »

Virochan: « It varies, some temples are relatively poor and also lack Hindus around them, such temples pay less. But since we are the one who are authorised to perform there, we do it as a sacrifice to the god and the temple. But more temples which are rich will pay us good wages. Muslims also donate. »

Comme ces extraits le démontrent bien, les performeurs que nous avons interrogés, en général, décrivent leurs revenus comme étant acceptables, du moins ils ne signalent pas de situations dramatiques. Nous avons aussi obtenu des données quantitatives, mais comme nous l’avons déjà annoncé elles expriment une grande variabilité entre les performeurs. Tout d’abord, il faut spécifier que si certains performeurs ont été en mesure de nous donner des chiffres précis au sujet de leurs revenus moyens, un bon nombre d’autres performeurs ont eu plus de difficulté à le faire étant donné la variabilité de leurs revenus. Par contre, ces derniers ont pu nous transmettre le nombre de performances qu’ils faisaient en moyenne par saison, ainsi que les montants moyens qu’ils recevaient, en plus du mode de partage, ce qui nous a permis de calculer leurs revenus. Dans tous les cas, au sujet de la rémunération, on pouvait révéler beaucoup de variabilité d’un temple ou d’un sanctuaire à l’autre, et même d’une année à l’autre.

Pour des performeurs à temps plein, de bonne réputation, mis à part les cas exceptionnels, le nombre de performances en haute saison pouvait varier de 40 à 100. Les jeunes performeurs quant à eux en faisaient moins, par exemple certains d’entre eux, pouvaient en faire entre 20 et 50 performances par année. Cependant, certains de ces jeunes agissaient la plupart du temps comme assistant, musicien, ou alors ils

étaient en charge des vellatam, rituels plus courts avec possession précédant la tenue des rituels principaux.

Pour un Teyyam, les montants remis par les temples varient selon leur richesse. Ces sommes sont habituellement divisées à parts égales entre les membres d’une troupe qui peut compter entre 6 et 10 ritualistes. En général, le montant donné à une troupe par un temple se situe entre Rs. 5000 et Rs. 10 000, bien que les écarts puissent aller de Rs. 2000 jusqu’à Rs. 20 000 dépendamment des occasions et de la richesse des temples. Dans certains cas exceptionnels, comme lors de perumkaliyattam, des festivals étalés sur plusieurs jours, les montants peuvent aller jusqu’à Rs. 50 000. Pour ce qui est des donations, elles pouvaient varier en moyenne de Rs. 1000 à Rs. 5000 par Teyyam, et dans certains cas pouvaient monter jusqu’à Rs. 10 000. Bien sûr lors des grands festivals les donations seront aussi beaucoup plus élevées.

Pour avoir un aperçu de ce que pourrait gagner annuellement un performeur, nous allons présenter le détail de la rémunération de trois performeurs Malayan, de générations différentes, qui nous ont semblé assez représentatifs de la moyenne, d’après les données que nous avons recueillies. Par contre, ces cas ne pourraient rendre compte de la situation beaucoup plus précaire de jeunes performeurs qui cherchent à s’établir, ou de celle de performeurs aux conditions exceptionnelles. De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’il peut y avoir beaucoup de variation d’un temple ou d’un sanctuaire à l’autre, de même que d’une année à l’autre, les chiffres présentés constituent donc des moyennes que nous ont fournies des performeurs.

Tableau 2. Rémunération des performeurs

PERFORMEUR 1

Caste Malayan

Âge 28 ans

Nbre de performances

Comme performeur principal 40 à 50 Nbre de performances

Comme assistant ou musicien 40 à 50 Total des performances 80 à 100 Montant à remis à la troupe

(en moyenne par Teyyam)

Rs.2000 à Rs.20 000; jusqu’à Rs.30 000 Donation au performeur

principal :

(en moyenne par Teyyam)

Rs.1000 à Rs.3000

Salaire mensuel estimé : Rs.15 000 à Rs.20 000

PERFORMEUR 2

Caste Malayan

Âge 39 ans

Nbre de performances estimé comme performeur principal

40 Nbre de performances estimé

comme assistant ou musicien

30 Total des performances estimé 70 Montant à remis à la troupe

(en moyenne par Teyyam)

Rs.5000 en moyenne; jusqu’à Rs.10 000 Donation au performeur

principal :

(en moyenne par Teyyam)

Rs.2000 en moyenne; jusqu’à Rs.10 000

Salaire mensuel estimé : Rs.20 000

PERFORMEUR 3

Caste Malayan

Âge 65 ans

Nbre de performances

Comme performeur principal 40 À 50 Nbre de performances

Comme assistant ou musicien 70 à 80 Total des performances 110 à 130 Montant à remis à la troupe

(en moyenne par Teyyam)

jusqu’à Rs.20 000 Donation au performeur

principal :

(en moyenne par Teyyam)

Rs.1000 à Rs.10 000

Les trois exemples que nous venons de présenter donnent un bon aperçu des revenus moyens des performeurs que nous avons interrogés, mais il faut tenir compte du fait que les revenus mentionnés pour les performeurs ne concernent que la période du Teyyam, donc 6 mois par année, et que dans bien des cas les revenus seront plus bas pendant la saison morte.

À titre comparatif, nous présenterons des salaires mensuels estimés pour des emplois courants dont quelques-uns sont associés à la classe moyenne. Ces estimations nous ont été fournies par des informateurs : conducteur de rickshaw (Rs. 5 000 à Rs. 6 000), travailleur de la construction (Rs. 6 000 à Rs. 12 000), policier (Rs. 14 000) et enseignant (Rs. 10 000 à Rs. 20 000; jusqu’à Rs 30 000), chirurgien (Rs. 30 000 à Rs. 45 000), ingénieur (Rs. 35 000 à Rs.50 000 et plus)

Nous pouvons donc voir que les revenus mensuels de performeurs interrogés (Rs. 15 000 à Rs. 20 000; Rs. 20 000; Rs. 25 000 à Rs. 30 000) peuvent être comparables ou même supérieurs à plusieurs emplois courants, et dans certains cas on arrive très près d’emplois associés à la classe moyenne. Bien entendu, comme nous venons de le mentionner, il faut tenir compte que les revenus de performeurs comptent pour la moitié de l’année seulement, après quoi ils pourront compléter avec des emplois moins bien rémunérés. Autrement dit, il faut penser que sur une base annuelle les revenus des performeurs feront moins bonne figure. De plus, il faut souligner que l’amélioration des revenus demeure récente et qu’une bonne part des performeurs plus âgés n’a pu en bénéficier qu’au moment de leurs dernières années de pratique. En effet, un bon nombre de performeurs nous ont confié que la rémunération avait doublé dans les dix dernières années.

Nous pouvons affirmer, avec une certaine prudence, eut égard à l’ampleur de notre échantillonnage, qu’un performeur doté d’une bonne réputation pourrait obtenir des revenus comparables à ceux que l’on retrouve pour d’autres métiers courants. Si on

peut concevoir qu’un jeune homme pourrait sans doute préférer, en termes de revenus, un emploi associé à la classe moyenne qui soit bien rémunéré, comme ingénieur, ou comme certains emplois administratifs au gouvernement, on se doit d’ajouter que si un manque d’éducation ou d’opportunité ne permettait pas l’accès à ces types d’emplois, comme c’est couramment le cas, la performance pourrait devenir alors non seulement envisageable, mais acceptable, puisqu’elle assure des revenus comparables à des métiers courants et ne mène plus nécessairement à une situation de pauvreté comme c’était le cas autrefois. Comme nous l’avons vu dans certains cas précédemment évoqués, il est possible que de très bons revenus puissent être amassés, mais il s’agit tout de même de cas d’exception, de performeurs ayant une très grande réputation, et des droits héréditaires extrêmement avantageux. Il faut donc souligner que dans la majorité des cas si la performance peut assurer des revenus acceptables, selon certains critères, ils peuvent être nettement insuffisants selon les critères de la classe moyenne auxquels plusieurs aspirent.

Bien sûr, il ne faut pas oublier qu’avant d’atteindre les revenus décrits dans nos trois exemples, un jeune performeur devra parfois devoir patienter jusqu’à l’âge de 25 ou 30 ans, et en attendant ce moment ses revenus pourraient être beaucoup plus bas que ces cas que nous avons exposés. De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’un métier très exigeant, où l’on rencontre aussi, comme partie intégrante à la condition de performeur, des situations éprouvantes comme l’épuisement physique, le manque de sommeil, les jeûnes, les restrictions, les blessures et divers problèmes de santé. Ces éléments font que les revenus d’un performeur sont chèrement gagnés et peuvent affecter la perception qu’ont les performeurs de leur condition et leur désir de persister dans cette voie. Pour les jeunes, ceci constitue un ensemble de facteurs qui pourra affecter leur décision de s’engager dans le métier de performeur.