• Aucun résultat trouvé

15 -La négociation organisationnelle fait son apparition dans les pays anglo-saxons. Elle y constitue un instrument majeur dans l’organisation des relations de travail entre employeurs et salariés. Les partenaires sociaux sont amenés à définir eux même la plupart des normes applicables à leurs rapports comme aux rapports entre salariés et employeurs. Ces règles doivent être adaptées aux souhaits des salariés en même temps qu’aux exigences et moyens de l’entreprise94. La négociation collective permet « de combiner, en réponse aux revendications des uns et des autres, progrès social et progrès économique : à l’amélioration des conditions de travail, des salaires, des modalités de départ à la retraite, répondent une motivation accrue du personnel, une augmentation du temps de fonctionnement des installations industrielles ou commerciales »95. La négociation organisationnelle présente pour particularité de chercher à concilier intérêts des salariés et de l’entreprise. Sans pour autant opposer ces intérêts, l’idée de concessions réciproques imprègne fortement les négociations et accords organisationnels.

En France, si la négociation collective a également pour objet l’organisation des relations entre employeurs et salariés, les partenaires sociaux et le législateur ont cependant opté pour un système limité à l’amélioration des conditions de travail et des garanties sociales des salariés. L’article L 2221-1 du Code du travail, dans sa rédaction de 1971, limitait l’objet des conventions et accords collectifs de travail à la détermination des règles relatives à la négociation des conditions de travail ainsi que des garanties sociales des salariés96. Ainsi, l’organisation des relations de travail incombait principalement au législateur et accessoirement à l’employeur. La loi fixait toutes les règles régissant les relations entre employeurs et salariés de l’embauche à la rupture, incluant les difficultés rencontrées au cours de l’exécution du contrat de travail.

94 TEYSSIE (B.),« La négociation collective. Loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 », JCP éd. CI 1983, n° 14056, p. 511 et s.

95 TEYSSIE (B.), « A propos de la négociation collective d’entreprise », Dr. soc. 1990, p. 575 et spé. p. 576.

16 - Le législateur a progressivement élargi l’objet des conventions et accords collectifs de travail à l’ensemble des conditions d’emploi et de formation professionnelle. Aujourd’hui, les statistiques dressées par la DARES97 montrent clairement que, tous niveaux confondus, les thèmes abordés par la négociation sont majoritairement organisationnels. Outre les salaires, les thèmes les plus abordés sont le temps et l’organisation du travail98, la participation et l’intéressement99, l’emploi100, la formation professionnelle, les classifications, la retraite complémentaire et la prévoyance et la Gestion Prévisionnelle de l’Emploi et des Compétences101 (GPEC). Les accords relatifs aux conditions de travail et à l’hygiène et la sécurité n’arrivent que très loin derrière. La négociation permet ainsi une meilleure organisation de l’entreprise et de son personnel.

La difficulté de ces accords ne réside pas dans les thèmes abordés, mais dans les logiques dérogatoires ou "donnant-donnant" auxquelles ils obéissent.

Les accords "donnant-donnant" se caractérisent par l’existence de concessions réciproques. Ce synallagmatisme102, bien connu du droit des contrats, a fait son apparition au sein des conventions et accords collectifs de travail avec l’accord national interprofessionnel du 13 juillet 1981 qui prévoyait la réduction du temps de travail à 39 heures en contrepartie d’une certaine flexibilité103. Les accords collectifs "donnant-donnant" retrouvent une vigueur considérable dans les années 90 à propos de la

97 Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques.

98 D’après les chiffres communiqués par le ministère du travail et la DARES pour 2008, sur 22 115accords d’entreprise au total, 6325 accords relatifs au temps de travail ont été conclus (contre 4 933 accords en 2007). Cf. La négociation collective en 2008, Bilans et rapports, La documentation française, 2009, p. 409.

99 En 2008, 4 079 accords d’entreprise traitaient de la participation et de l’intéressement. Ibid. 100

Pour 2008, 1 173 accords d’entreprise portant sur l’emploi ont été conclus contre1 009 en 2007. Ce chiffre a encore augmenté en 2009 au regard du contexte économique pour atteindre le nombre de 2 966 accords. Ibid.

101 Cf. La négociation collective en 2008, Bilans et rapports, op. cit., p. 533 et suivants. En 2008, 300 accords de GPEC ont été signés et enregistrés auprès de la DDTEFP contre 172 en 2007 et 81 en 2006. 102 La notion de synallagmatisme dans les conventions et accords collectifs de travail est aujourd’hui couramment employée. Cf. notamment LEGER (N.), Le synallagmatisme et la convention collective de

travail, Thèse Paris I, 2003, sous la direction de M. Jean-Emmanuel RAY ; 103

MORIN (M.-L.) et SUBLET (R.), « La loi quinquennale, une étape pour le régime du temps de travail,

31 négociation sur l’emploi104. Suite à la signature de l’accord national interprofessionnel du 31 octobre 1995, la question de l’emploi et du chômage n’est plus uniquement un domaine réservé aux gouvernements, les partenaires sociaux prennent des engagements préservant ou améliorant le niveau d’emploi. Dans un certain nombre d’accords, les employeurs s’engagent à maintenir l’emploi pendant une durée déterminée et en contrepartie, les organisations syndicales consentent à écarter l’application de règles étatiques ou négociées plus avantageuses pour les salariés105. Aujourd’hui, l’emploi constitue toujours la principale contrepartie d’une plus grande souplesse pour les entreprises106. Ces accords "donnant-donnant" conduisent souvent à écarter l’application de dispositions contenues dans des normes "supérieures". En ce sens, ces accords sont également dérogatoires.

À la différence des accords "donnant-donnant", les accords dérogatoires ne doivent pas nécessairement comporter de concessions réciproques, mais uniquement des dispositions qui dérogent à une norme légale ou conventionnelle supérieure107 dans un sens moins favorable aux salariés108. Suivant cette approche, les dispositions contenues dans les accords dérogatoires ont vocation à se substituer sans condition aux dispositions contenues dans des normes supérieures109. Quelle que soit la forme

104 L’emploi est un objet de la négociation ajouté à l’art. L 2221-1 C. trav. Par la loi n° 82-957 du 13 novembre 1982 relative à la négociation collective et au règlement des conflits collectifs du travail, J.O. du 14 novembre 1982, p. 3414.

105 GAUDU (F.), « L’ordre public en droit du travail », in Le contrat au début du XXIième siècle, Mélanges offerts à J. GHESTIN, LGDJ 2001, p. 363.

106 Les négociations sur l’emploi se nouent de plus en plus autour de la délicate question des délocalisations.

107 La doctrine a limité la notion d’accord dérogatoire aux accords qui écartaient l’application d’une disposition légale normalement impérative. Ce concept a une vocation beaucoup plus large. En effet, il faut également parler d’accord dérogatoire lorsqu’un accord de niveau inférieur contient des dispositions moins favorables qu’une convention ou un accord de niveau supérieur. D’ailleurs le Code du travail parle de dérogation lorsqu’un accord d’entreprise est moins favorable qu’un accord de branche. Cf. l’art. L 2253-3 C. trav. qui dispose que « En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds de la formation professionnelle, une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels. Dans les autres matières, la convention ou l’accord d’entreprise ou d’établissement peut comporter des stipulations dérogeant en tout ou en partie à celles qui lui sont applicables en vertu d’une convention ou d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large, sauf si cette convention ou cet accord en dispose autrement ».

108 COUTURIER (G.), Droit du travail, Les relations collectives, Tome 2, PUF, coll. Droit Fondamental, 2ième éd. 1994, p.502, n°224.

109

BONNECHERE (M.) in « L’ordre public en droit du travail ou la légitime résistance du droit du travail à la flexibilité », Dr. Ouvrier 1988, p. 171 et spé. p. 177.

empruntée par les accords organisationnels, ils ont bouleversé l’articulation des conventions et accords collectifs et mis en évidence leur manque de légitimité.

B. Les incidences de la finalité organisationnelle sur le droit de la

Documents relatifs