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ACCORDS ORGANISATIONNELS

SECTION 2 : DES CRITERES DE SELECTION PERTINENTS POUR LA REPRESENTATION

B. La branche d’activité

89 -Au niveau de la branche d’activité, la loi du 11 février 1950 (relative aux conventions collectives et aux procédures de règlement des conflits collectifs de travail) a prévu que seules les organisations syndicales et patronales les plus représentatives pouvaient participer à l’élaboration et à la conclusion des conventions collectives étendues. Pour sélectionner les organisations les plus représentatives de la branche, le législateur a posé cinq critères de représentativité336. Ces critères ont vocation à

335 CE 9ème et 10ème sous sections réunies, 30 décembre 2009, n° 310284, Union Syndicale Solidaires, mentionné aux tables du recueil Lebon. L’Union Syndicale Solidaires a demandé au premier ministre de modifier les textes prévoyant la composition du comité économique et social. Suite au rejet implicite du premier ministre, l’Union Syndicale Solidaires a saisi le Conseil d’État. Les juges ont annulé cette décision de rejet et ont enjoint au premier ministre de réexaminer la demande de l’Union Syndicale Solidaires au motif qu’il devait vérifier si le syndicat demandeur remplissait les différentes conditions pour être reconnu représentatif au niveau national et s’il pouvait désigner des représentants au conseil économique et social.

déterminer les organisations qui représentent au mieux les travailleurs de cette branche sur l’ensemble du territoire. Ces organisations sont celles qui comptent le plus d’effectifs, qui sont indépendantes de l’employeur, qui justifient de cotisations de leurs adhérents et qui disposent d’une certaine expérience337. Le législateur a ainsi consacré dans la loi de 1950 une conception professionnelle et nationale de la représentativité syndicale338.

90 - D’après les articles 31f et suivants de la loi de 1950, une ou plusieurs organisations syndicales nationales d’employeurs ou de travailleurs, considérées comme les plus représentatives, peuvent demander à ce que se réunisse une commission mixte afin de conclure une convention collective de branche (c’est-à-dire, ayant pour objet de régler les rapports entre employeurs et travailleurs d’une branche d’activité déterminée pour l’ensemble du territoire). Il appartient ensuite à l’administration de déterminer les organisations syndicales pouvant y participer. Bien que peu de contentieux se soit élevé339 sur la représentativité au niveau de la branche, les quelques décisions rendues par les juges administratifs sont très riches d’enseignements.

L’une des décisions les plus intéressantes côté syndicats de salariés est à rapporter à la Fédération Nationale des Syndicats Indépendants des Industries Chimiques et Similaires. Cette fédération a demandé à participer à la commission mixte chargée de modifier la convention nationale de la chimie. Le ministre du travail a refusé sa présence au motif que cette fédération n’était pas représentative au niveau de la branche de la chimie. Cette décision est contestée devant les juridictions administratives et en dernier ressort devant le Conseil d’État340. Les juges ont rappelé d’abord, que « d’après l’article 31 f du livre 1er du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi du 2 janvier 1973 […], seules les organisations syndicales d’employeurs et de travailleurs

337 Nous avons volontairement écarté le critère purement circonstanciel relatif à l’attitude patriotique des syndicats sous l’occupation.

338

ARSEGUEL (A.), thèse, op. cit., p. 389.

339 Nous pouvons citer un exemple ancien concernant la fédération de la chimie FO. Suite à quelques divergences au sein de la fédération chimie Force Ouvrière, une partie des dirigeants de cette fédération allaient se détacher de la confédération FO pour rejoindre la CFDT et créer en 1972 la fédé-unie-chimie. Ces deux fédérations allaient demander à siéger dans la commission paritaire de branche, l’une cherchant à exclure l’autre. Or, pour éviter tout contentieux et par conséquent, tout blocage, le ministre du travail de l’époque décida de convier les deux fédérations sans examiner leur représentativité effective. Pour cela, le ministre s’était fondé sur l’arrêté de 1966 présumant représentatives toutes les fédérations affiliées aux cinq confédérations reconnues représentatives au plan national.

93 les plus représentatives pour l’ensemble du territoire devaient être convoquées aux séances des commissions mixtes nationales et signer les conventions collectives nationales susceptibles d’être étendues ». Ensuite, « qu’aux termes du dernier alinéa du même article 31 f la représentativité des organisations syndicales est déterminée d’après les critères suivants : les effectifs, l’indépendance, les cotisations, l’expérience et l’ancienneté du syndicat, l’attitude patriotique pendant l’occupation ». Ce n’est qu’après avoir effectué ces rappels que les juges ont examiné si cette fédération était réellement représentative dans la branche de la chimie. Or, il résultait des pièces versées au dossier que « la Fédération Nationale des Syndicats Indépendants des Industries Chimiques et Similaires ne groupait à l’époque des décisions attaquées qu’une très faible partie des travailleurs de la branche et ne pouvait, par suite, être regardée comme l’une des organisations syndicales les plus représentatives ».

Le raisonnement suivi par les juges montre bien que la représentativité des organisations syndicales au niveau d’une branche doit être appréciée notamment par rapport aux effectifs. Une décision beaucoup plus récente a dénié la qualité de syndicat représentatif de la branche des télécommunication à l’Union Professionnelle Sud Télécommunication au motif que « les effectifs et l’audience de celle-ci étaient limités aux fonctionnaires placés en activité au sein de l’entreprise France Télécom » et ne permettait pas de conférer à cette organisation professionnelle une représentativité suffisante au niveau de la branche considérée341. Le même raisonnement a été suivi par le Conseil d’État pour dénier la qualité représentative dans la branche des structures associatives cynégétiques à la Fédération Départementale des Chasseurs de la Drôme342.

À l’inverse, le Conseil d’État a reconnu la représentativité du Syndicat National de l’Enseignement de la Conduite et de l’Éducation Routière (SNCER-FEN) au motif que « si le Syndicat National de l’Enseignement de la Conduite et de l’Éducation Routière (SNCER-FEN) ne regroupe qu’une faible part des salariés du secteur de l’enseignement de la conduite routière, il établit, dans un secteur où le taux de syndicalisation est très bas et où les entreprises sont très dispersées, avoir une activité effective, être présent dans un nombre important de départements et avoir obtenu des sièges au conseil supérieur de l’enseignement de la conduite automobile, témoignant ainsi d’une

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CE, sous-sections 2 et 7 réunies, 7 juillet 2004, n° 213284, Inédit au Recueil Lebon.

audience réelle dans la profession et supérieure à celle de toute autre organisation syndicale de salariés du même secteur »343.

91 - Si les décisions sont relativement rares coté syndicats de salariés, elles sont beaucoup plus nombreuses en ce qui concerne la représentativité de branche des organisations patronales. Suivant le même raisonnement que pour les organisations syndicales de salariés, les juges administratifs se sont exclusivement référés aux critères légaux et jurisprudentiels.

C o n c l u s i o n d u c h a p i t r e 1 :

92 - Le concept de représentativité ainsi que ses critères ont été conçus pour rendre compte de la capacité à représenter conférée aux organisations syndicales nationales de branches ou interprofessionnelles. Or, compte tenu des particularités de chaque niveau d’appréciation, il est devenu impossible de maintenir une définition et des critères de représentativité universels. Toutefois, l’opinion d’une représentativité spécifique pour chaque niveau défendue par le professeur Arséguel vient d’être consacrée344. Les partenaires sociaux ainsi que le législateur ont récemment pris compris qu’un système unique de représentativité, reposant sur des critères identiques, ne permettait pas de matérialiser la capacité réelle à représenter des organisations syndicales. Suite à la position commune du 9 avril 2008 signée par les partenaires sociaux, le législateur a réformé les critères de représentativité et a adopté une appréciation variable de cette capacité selon le niveau considéré. Dans l’entreprise, seules les syndicats répondant aux sept critères cumulatifs visé au nouvel article L 2121-1 du Code du travail et ayant obtenu au moins 10% des voix aux dernières élections professionnelles peuvent être reconnus représentatifs. Au niveau de la branche, seules les organisations répondant aux conditions de l’article L 2221-5 du Code du travail peuvent être reconnues représentatives. Ainsi, ces organisations doivent justifier, en plus des sept critères et d’une audience de 8%, d’une implantation territoriale équilibrée au sein de la branche.

343 CE 17 janvier 1997, Rec. p. 23.

344 ARSEGUEL (A.), thèse, op. cit., p. 355. Cet auteur propose que le législateur adopte une définition de la représentativité nationale et interprofessionnelle, dans laquelle sont reprises les qualités intrinsèques que les syndicats doivent présenter et établir avant d’être reconnus parmi les plus représentatifs.

95 La loi du 20 août 2008 ajoute ainsi un critère propre à la branche matérialisant la capacité d’une organisation syndicale à représenter l’ensemble des salariés de la branche. Suivant la même logique, le législateur a ajouté un critère de représentativité propre au niveau national interprofessionnel. L’article L 2221-9 du Code du travail dispose désormais que sont représentatives au niveau national et interprofessionnel les organisations syndicales qui satisfont aux critères de l’article L 2121-1, qui sont représentatives à la fois dans des branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services et qui ont recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles centralisés à ce niveau. En ajoutant une condition tenant à la vocation interprofessionnelle des organisations syndicales, le législateur consacre la position adoptée par Conseil d’État dans son arrêt UNSA du 5 novembre 2004345. Désormais, toute organisation syndicale qui souhaite être reconnue au niveau national interprofessionnel doit nécessairement avoir été reconnue représentative dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services.

93 -Les anciens critères de l’article L 2121-1 du Code du travail ont été créés pour sélectionner les organisations les plus aptes à représenter l’intérêt collectif des travailleurs au niveau national. La réforme du 20 août 2008 a démontré d’abord que les anciens critères ne pouvaient pas s’appliquer de manière universelle à tous les niveaux d’implantation et ensuite qu’ils ne permettaient pas de rendre compte de la capacité réelle à représenter, notamment au niveau de l’entreprise. En effet, à ce niveau, la représentation des salariés tend à se rapprocher d’une représentation de personne nécessitant un "quasi mandat". Or, une telle représentation s’accommode mal avec un système de représentativité présumée de manière irréfragable. Afin de rétablir une représentativité réelle, la loi du 20 août 2008 supprime toute présomption de représentativité et oblige chaque organisation syndicale à apporter la preuve de sa capacité à représenter les salariés.

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CE, Assemblée du contentieux, 5 novembre 2004, n°257878, Union Nationale des Syndicats Autonomes, Dr. soc. 2004, p. 1098.

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CHAPITRE 2 : UN CONCEPT INADAPTE A LA

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