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ACCORDS ORGANISATIONNELS

SECTION 2 : DES CRITERES DE SELECTION PERTINENTS POUR LA REPRESENTATION

B. Des critères complétés par les juges

2. Les critères secondaires

76 - Les critères secondaires demeurent importants dans la détermination des organisations les plus représentatives, mais leur absence ne conduit pas nécessairement 304 La circulaire du 17 Août 1936 (J.O. du 3 septembre 1936, p. 9392) énonçait que « s’il est établi que cette adhésion n’est pas réellement libre, qu’elle s’est effectuée sous la pression ou même sous l’influence de certains patrons, on peut se demander dans quelle mesure un tel syndicat est qualifié pour discuter avec les employeurs des intérêts professionnels des ouvriers et des employés ».

305 CE 12 avril 1940, Rec., p. 141. Le Conseil d’État décide dans cette espèce qu’un « syndicat mixte ne peut pas être reconnu représentatif et ne peut en aucun cas prétendre participer à la commission paritaire chargée d’élaborer une convention collective susceptible d’être étendue à toute une profession ou toute une branche. »

306 DUQUESNE (F.), obs. sous Cass. soc. 21 mai 2003, Dr. soc. 2003, p. 779.

307 MICHEL (S), « Le critère de l’indépendance au sein de l’article L 133-2 du Code du travail », Dr.

ouvrier 2003, p. 133. 308

VERDIER (J.-M.), « Critères de représentativité syndicale, recomposition et contrôle du juge de cassation ? », Dr. soc. 2003, p. 298.

309 Cass. soc. 3 décembre 2002, Syndicat Sud Caisse d’épargne, Bull. civ. V, n° 364 ; Dr. soc. 2003, p. 298, « dès lors qu’il constate l’indépendance et caractérise l’influence du syndicat au regard des critères énumérés par l’article L 133-2 du Code du travail, le tribunal d’instance apprécie souverainement la représentativité ; Et attendu que le jugement, qui a fait ressortir que l’indépendance du syndicat n’était pas contestée et que son influence était réelle, échappe aux critiques du moyen ».

310 Cass. soc. 6 juillet 2005, Syndicat Sud CAM c/ Caisse Régionale de Crédit Mutuel d’Aquitaine et autres, Inédit. Les juges décident à propos de la désignation d’un délégué syndical que « le tribunal d’instance qui, par une décision motivée et appréciant la représentativité du syndicat SUD 47 au regard des critères énumérés par l’article L. 133-2, a estimé que l’influence de ce syndicat n’était pas

caractérisée, en a exactement déduit qu’il n’était pas représentatif et que les désignations effectuées le 25 mai 2001 devaient être annulées ».

83 à leur dénier le caractère représentatif. Si l’on écarte le critère purement circonstanciel de l’attitude patriotique sous l’occupation, seuls demeurent les critères de l’ancienneté et de l’expérience, de l’activité réelle et celui des cotisations.

77 -L’expérience et l’ancienneté constituent un seul critère. En effet, l’ancienneté

donne un éclairage supplémentaire sur l’activité et donc l’expérience de l’organisation en cause. Comme le souligne très justement le professeur Verdier, l’expérience du syndicat s’entend comme le comportement du syndicat, les négociations qu’il a conduites, les actions générales ou particulières qu’il a menées, ce qui sous-entend un minimum d’ancienneté312. Afin de reconnaître la capacité représentative à des organisations syndicales jeunes, l’ancienneté devait demeurer un critère secondaire complémentaire à l’expérience313.

78 -Le critère des cotisations n’existe que pour compléter les critères justifiant la réalité du groupement. Il permet d’abord de montrer que le syndicat dispose de moyens lui permettant d’exécuter ses missions. Le critère des cotisations permet ensuite de corroborer le critère des effectifs. Enfin, l’insuffisance des cotisations syndicales est souvent révélatrice du manque d’indépendance du syndicat, surtout au niveau de l’entreprise314.

79 -De la même manière, le critère de l’activité réelle dégagé par la jurisprudence permet une meilleure reconnaissance de la représentativité de syndicats jeunes mais dynamiques au niveau de l’entreprise. Ce critère sert également aux juges à "secourir" les organisations ayant peu d’adhérents315.

312 VERDIER (J-M.), Traité de droit du travail, op. cit., p.364.

313 FROSSARD (J.), op. cit. Dans ce sens, nous pouvons citer l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 5 mai 1998. Les juges décident que « si la date récente de la constitution d’un syndicat n’est pas nécessairement à elle seule exclusive de sa représentativité, celle-ci ne peut être admise s’il ne résulte d’aucun élément que le syndicat ait fait état, en plus des ses effectifs, d’une réelle activité, de ses ressources ou de son influence ». Cass. soc. 5 mai 1998, Bull. civ. V, n° 221 ; TPS 1998, comm. 289. De la même manière, « ne saurait être reconnue la représentativité d’un syndicat de création récente, sans activité syndicale réelle et dont le défaut d’indépendance est établi ». Cass. soc. 8 janvier 1997, Bull. civ. V, n°14 ; TPS 1997, comm. 87, 2ième esp.

314 Cass. soc. 12 mai 1971, Bull. civ. V, n° 350 ; Cass. soc. 27 oct. 1982, Bull. civ. V, n° 591 ; Cass. soc. 19 juin 1969, D. 1970, somm. p. 10 ; Cass. soc. 22 juill. 1981, Bull. civ. V, n° 748 ; JCP G 1981, IV, p. 367 ; D. 1982, inf. rap. p. 391, obs. Ph. LANGLOIS. – 17 oct. 1990, Bull. civ. V, n° 485.

80 - L’ensemble de ces critères sont utilisés par l’administration afin de déterminer les organisations syndicales les plus aptes à participer à la gestion de différents organismes nationaux et à la commission nationale de la négociation collective. Les différents critères précédemment examinés se sont avérés relativement maniables pour déterminer la représentativité au niveau national. Par contre, ils se sont révélés particulièrement inadaptés pour mesurer la capacité représentative dans l’entreprise. En effet, les critères de représentativité retenus par la loi de 1950 avaient vocation à rendre compte de la fonction de représentation. Ces critères démontraient la réalité et l’authenticité du syndicat représentatif316 et permettaient de vérifier que la majorité ou une forte minorité des représentés se reconnaissaient dans les actions menées par les différentes organisations les plus représentatives.

81 - La représentativité s’est généralisée et est devenue la condition minimale pour l’exercice de quasiment toutes les prérogatives syndicales tant au niveau national qu’au niveau de l’entreprise317. Était-ce judicieux de maintenir un régime unique de représentativité applicable quelque soit le niveau d’appréciation ? La réponse semble indubitablement négative318. En effet, comment soutenir que des critères, posés pour déterminer les organisations les plus représentatives au plan national, peuvent s’appliquer de la même manière dans l’entreprise alors que la fonction de représentation y est rigoureusement différente ? Si au niveau national, il suffit que les représentés se reconnaissent dans l’action du syndicat ; au niveau de l’entreprise, il faut que les salariés, par un acte positif, accordent leur confiance aux syndicats. En effet, si la représentation syndicale nationale peut être qualifiée de représentative, au niveau de l’entreprise, elle se rapproche plus d’une représentation légale ou de personne. Cette

316 VERDIER (J.-M.), « Réalité, authenticité et représentativité syndicales », in Études de droit du travail

offertes à André BRUN, Librairie sociale et économique, Paris 1974, p. 571. Dans cet article, le

professeur VERDIER que deux tendances se dégagent lorsqu’il s’agit de déterminer la représentativité d’une organisation. La première vise à rechercher la réalité et l’influence de l’organisation et la seconde consiste à déterminer son authenticité. Si la réalité et l’influence du syndicat se mesurent essentiellement à l’aide des différents critères légaux et jurisprudentiels, l’authenticité se détermine en plus par rapport au niveau auquel on va apprécier la représentativité.

317

Le professeur VERDIER parle même d’une « exigence fondamentale de la pratique de la liberté et de la pluralité syndicales ». sub. cit. p. 588.

318 ADAM (G.), « La négociation collective en France : éléments de diagnostic », Dr. soc. 1978, p. 420 sp. p. 447. Comme le souligne très justement cet auteur, « c’est simplifier à outrance le problème de la représentativité que de l’envisager comme un système unique, répondant aux même règles à tous les niveaux ».

85 dernière considération confirme que les critères de représentativité sont inadaptés à la représentation d’entreprise. Les juges ont alors complété ces critères de manière à tenir compte des différences entre ces représentations nationales et d’entreprise.

82 -Les anciens critères posés à l’article L 2121-1 du Code du travail ont été élaborés pour déterminer les organisations les plus aptes à négocier et conclure les conventions collectives susceptibles d’être étendues à toute une branche professionnelle. C’est donc à ce niveau que ces critères sont les plus pertinents. Ils permettent à l’administration de déterminer les organisations les plus structurées, les plus stables, les mieux implantées et auxquelles les salariés accordent majoritairement leur confiance.

I I . L e c a d r e d ’a p p l i c a t i o n p r i v i l é g i é d e s c r i t è r e s d e r e p r é s e n ta ti v i t é

83 -Il ressort de l’élaboration des critères de représentativité que ces derniers ont permis à l’administration de déterminer, les organisations les plus représentatives des travailleurs au niveau national afin de collaborer à des organismes nationaux et internationaux compétents en matière économique et sociale. Ainsi, il a été conféré un pouvoir quasi réglementaire aux organisations les plus représentatives dans une branche donnée en leur donnant la possibilité de négocier et de conclure des conventions collectives susceptibles d’être étendues à toute la branche et donc de s’appliquer à tous les salariés.

84 -La représentativité convient-elle à ces représentations nationales ? La réponse semble clairement s’orienter vers la positive. À quelques différences techniques près, qu’il s’agisse d’une représentation interprofessionnelle ou professionnelle, ces dernières sont toutes deux nationales et confèrent des mandats représentatifs aux différentes organisations syndicales qualifiées comme telles. En conséquence, les critères permettant de déterminer les organisations les plus représentatives s’appliquent avec la même pertinence au niveau interprofessionnel ou professionnel ou de branche. D’ailleurs il est admis depuis un arrêt de la Cour supérieure d’arbitrage du 27 novembre 1938 que la représentativité doit être appréciée à l’échelon où se pose la question,

c’est-à-dire dans le cadre territorial ou professionnel dans lequel la capacité représentative est exigée. S’il faut apprécier la représentativité au niveau où se pose la question, rien ne nous oblige à retenir la même conception et les mêmes critères de représentativité. C’est d’ailleurs pour bien montrer les différences qui existent entre les différentes méthodes d’appréciation que nous envisagerons séparément ces deux niveaux.

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