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C HAPITRE 3 T ERMINOLOGIE DE LA RECHERCHE

1.3. La gestion de la connaissance dans l'entreprise 150

Parmi les projets qui occupent l'esprit des dirigeants d'entreprises, celui de la gestion et du partage des connaissances est certainement l'un des plus transversaux.

Le périmètre flou de la connaissance rend la démarche quelque peu hasardeuse et d'autant complexifiée que le nombre d'outils disponibles est important et leur destination variée.

Chaque unité fonctionnelle de l'organisation aura des besoins spécifiques et une définition particulière. Ce nouveau mode de gestion porte le nom communément utilisé de Knowledge Management (KM). Mais que revêt exactement ce concept et pourquoi accorder tant d’importance au management de la connaissance ?

1.3.1. Une difficile appréhension de la connaissance

Plusieurs typologies de connaissances dans l'entreprise ont été proposées dans la littérature (Baumard, 1996151). Elles peuvent être utiles pour déterminer les connaissances essentielles à capitaliser par l'organisation. (Grundstein, 1995152 ; Grundstein et Barthès, 1996153) distinguent d'une part, savoir-faire (capacité de concevoir, établir, vendre et supporter des produits et des services) et, d'autre part, qualifications individuelles et collectives (capacité d'agir, de s'adapter et d'évoluer). Ces auteurs distinguent les éléments tangibles (données, procédures, plans, modèles, algorithmes, documents d'analyse et synthèse) et les éléments intangibles (capacités, talents professionnels, connaissances privées, connaissances sur l'historique de l'entreprise et les contextes de décision, etc.). Par conséquent, lors d'une opération de capitalisation, les éléments tangibles peuvent être pris en considération pour la capitalisation (gestion des données techniques, gestion de documents, gestion de configuration), alors que les éléments intangibles requièrent la formalisation de savoir-faire (acquisition et représentation de savoir-faire et de raisonnement sur un tel savoir-faire). Le savoir-faire, les faits techniques, les spécifications de produit, la logique de conception, l'expérience ou l'expertise sont des exemples de types de connaissance utiles pour la mémoire

150 Dossier spécial « Gestion de la connaissance », CXP Informations, n° 284, 01 au 15 octobre 2000. Et n°291, 1er Février 2001.

151 Baumard P. (1996), Les organisations déconcertées. La gestion stratégique de la connaissance, Masson. 152 Grundstein M. (1995), « La capitalisation des connaissances de l'entreprise, système de production des connaissances », Actes du Colloque L'Entreprise Apprenante et les Sciences de la Complexité, Aix en Provence, France, 22-24 mai.

153 Grundstein M., Barthès J.P., « An Industrial View of the Process of Capitalizing Knowledge », Fourth

d'entreprise. Par ailleurs, de Azevedo (1997154) introduit la distinction entre connaissances expertes et connaissances d'usage. Ces dernières étant liées à l'organisation même de l'entreprise et non à ses métiers de base.

Apparaît donc très clairement, l'importance de la connaissance, et surtout de la gestion de la connaissance dans et pour l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, depuis quelques années, se développe l'intérêt pour le knowledge management, concept qui amène même certains managers à exiger une expertise dans ce domaine spécifique, soit en interne, soit en ayant recours à un prestataire extérieur.

La difficulté du développement du KM dans l'entreprise réside dans son application à l'ensemble de la structure. Dans bon nombre de cas, force est de constater que ces projets restent conscrits à un département ou à un contexte d'application. Par ailleurs, un frein à son développement est également le fait que le savoir est dans l'organisation souvent synonyme de pouvoir. Resurgissent donc les barrages au partage de l'information par la crainte de perte de pouvoir de certains membres organisationnels.

Dans ce contexte, il devient donc urgent de faire évoluer les mentalités et d'accompagner le changement social et culturel, comme le changement organisationnel, voire même technologique, suite à l'introduction massive de nouvelles technologies venant en support du KM.

Il faut en réalité que le projet devienne un projet organisationnel dans lequel les acteurs de l'organisation puissent y trouver leur place et leurs intérêts.

La mise en place de portails peut permettre à l'entreprise d’inscrire cette solution dans la continuité de l'organisation. Celui-ci autorisera, d'après les profils des utilisateurs, le filtrage des informations restituant ainsi un contenu pertinent pour chaque utilisateur en tenant compte des impératifs de confidentialité.

1.3.2. Qu’est-ce que le Knowledge Management ?

L'émergence du concept de KM a eu lieu au début des années 90. Dès 1995, on a assisté à une prolifération d'articles dans la littérature spécialisée et de nombreuses conférences sur le sujet ont été proposées aux décideurs et aux responsables des systèmes d'information. Malgré tout, son essor ne s'est pas fait sentir les premières années, et le concept n'a pas eu le succès escompté.

Deux catégories de freins se sont opposées au développement du KM dans l'entreprise :

- les freins culturels et organisationnels au changement : difficulté des acteurs de s'approprier ce nouveau mode de gestion et de bouleverser l'organisation pour ce concept émergent.

- les freins technologiques : les éditeurs n'ont pas su fournir aux entreprises les détails nécessaires aux outils constitutifs d'un système de KM, et soulignaient une relative immaturité des technologies disponibles.

Prax [2000]155 insiste, pour sa part, sur trois caractéristiques du KM :

154 de Azevedo H. (1997), Contribution à la modélisation des connaissances à l'aide des systèmes multi-agents. Thèse de doctorat, Université de Technologie de Compiègne, Heudyasic.

- c’est une approche qui tente de manager des items aussi divers que pensées, idées, intuitions, pratiques, expériences émises par des acteurs dans l’exercice de leur profession ;

- c’est un processus de création, d’enrichissement, de capitalisation et de diffusion des savoirs qui implique tous les acteurs de l’organisation, en tant que consommateurs et producteurs ;

- il suppose que la connaissance soit capturée là où elle est créée, partagée par les hommes et finalement appliquée à un processus de l’entreprise.

Ce nouveau mode de gestion nécessite de prendre en considération, et simultanément, trois aspects fondamentaux : les hommes, l’organisation et les outils156.

Les hommes parce que ce sont eux qui vont permettre la capitalisation de la connaissance ainsi que les effets de synergie. L’organisation, car c’est dans cette structure et dans un contexte spécifique que sera mise au point la solution de KM. Et enfin les outils parce qu’ils vont être le support essentiel à ce mode de gestion.

1.3.3. Enjeux du KM pour l’organisation

Le KM s'inscrit dans une logique de rentabilité et de valeur, grâce à une bonne gestion du capital immatériel.

En matière de DRH, et plus précisément lorsque la DRH est considérée comme acteur de la stratégie de l'entreprise, le KM devient un des plus récents outils au service de la mission de la DRH.

En fait, en faisant référence aux théories évolutionnistes de la firme, il faut considérer la connaissance détenue par le personnel comme étant un facteur clé de succès de l'entreprise. Il convient, par voie de conséquence, de lui accorder une place privilégiée. Il faut donc, pour accroître la compétitivité de l'entreprise, trouver une méthode pour formaliser, fédérer, organiser et développer l'ensemble des connaissances. Cette méthode ne sera mise en place qu'avec le concours des nouvelles technologies et principalement des technologies de réseaux qui permettront cette diffusion et ce partage de la connaissance. On trouvera ainsi l'intranet, la GED, le groupware, le workflow, les outils décisionnels, etc. Ces outils vont autoriser la structuration d'un « cycle de la connaissance » comprenant la formalisation, la validation, le stockage et la réutilisation, en y associant la gestion des individus, les interactions entre les utilisateurs du système et les unités de connaissance permettant d'enrichir le système au fur et à mesure de son utilisation.

Ces outils de gestion de la connaissance vont fournir à l'entreprise un référentiel qui lui permettra d'acquérir un avantage concurrentiel. Ceci faisant partie intégrante de la stratégie de l'entreprise. La DRH occupe à ce niveau un rôle décisif. Et, dans la mise en place d'un tel processus, c'est bien la DRH qui a un rôle moteur, tant dans son concours à l'élaboration d'une stratégie RH cohérente avec la stratégie globale, que dans la motivation et l'implication des différents acteurs organisationnels.

156 « Un géophysicien tout seul n'est pas capable de trouver de pétrole. Une entreprise pétrolière sans son

géologue ne peut pas trouver de pétrole. En matière de compétences, l'important réside dans la capacité de l'entreprise à rendre pérenne et applicable, la somme des compétences du géologue, du géophysicien, du foreur, du raffineur ». C'est par cette métaphore que Jean-Yves Prax débute son intervention lors du Forum KM 2000,

En effet, ce sont les hommes qui détiennent le savoir, et la DRH pourra, grâce à ces outils, localiser les compétences et jouer son rôle de fédérateur des ressources humaines de l'entreprise.

Par ailleurs, la structure formelle de l'organisation aura un impact direct sur l'architecture de la solution de KM retenue, et la DRH aura alors un rôle de conseil important. C'est elle qui pourra de façon optimale participer à l'élaboration des règles de circulation, de partage, de transfert des connaissances et donc des compétences au sein de l'entreprise.

En particulier, elle pourra préconiser les méthodes limitant au maximum l'émergence de jeux de pouvoir pouvant freiner le processus. Elle pourra également définir les grands axes d'une politique de motivation des salariés permettant de construire réellement un référentiel de connaissances favorisant le succès du projet de KM.

On se rend bien compte ici qu'il existe des liens complexes entre les changements technologiques, organisationnels et sociaux. La DRH doit remplir les rôles qui lui sont assignés, à savoir garant du climat social, accompagnateur du changement,etc., tout en permettant l'adhésion du personnel à ses ambitions et impératifs stratégiques.

La connaissance est une affaire humaine ; le knowledge management plonge ses racines dans les ressources humaines, mais parallèlement, il modifie radicalement la contribution des ressources humaines à l’économie : la dynamique du knowledge management est une dynamique de bouleversement de la fonction des hommes dans l’entreprise, une modification complète de la dynamique des organisations et le vecteur d’une révolution du travail.

1.3.4. Les outils du knowledge management

Le développement du travail de groupe, notamment avec le support des technologies définies précédemment, constitue un fort appui à la mise en commun des connaissances dans l’entreprise.

Auparavant, la mémoire organisationnelle était portée par les membres de l’organisation sans forcément être capitalisée. Le problème étant qu’avec le départ de l’un de ses membres, une partie de la mémoire organisationnelle « s’évaporait » au même moment.

L’entreprise se doit, pour être efficace, de capitaliser sa connaissance pour ne pas perdre une partie de son capital immatériel.

Ainsi, l’enjeu du knowledge management est que la performance collective soit supérieure à la somme des performances individuelles. En d’autres termes, elle doit développer des effets de synergie, qui sont rendus possibles par la « prolifération » des NTIC dans la sphère organisationnelle.

Ces NTIC facilitent les échanges entre les acteurs, et par là même facilitent l’enrichissement mutuel des savoirs.

Prax (2000, p.122) précise que :

« Les NTIC, apportent une réponse nouvelle à notre problématique d’ingénierie de la connaissance collective : au lieu de chercher à gérer, traiter et diffuser des données, elles se placent comme facilitateurs de la communication, de la coordination et de la coopération entre les acteurs, et par conséquent du processus de créateur de sens. Au lieu de chercher à stocker l’information, elles mettent en place des dispositifs de capitalisation,

c’est-à-dire d’incitation à l’enrichissement mutuel des savoirs ; au lieu de chercher à diffuser, elles tissent un réseau, non linéaire et sans cesse renouvelé, de liens informationnels co-construits par les auteurs-lecteurs et les lecteurs-auteurs ».

A ce titre, l’ensemble des technologies définies dans la section précédente contribue à créer une véritable dynamique de la connaissance organisationnelle. C’est une des raisons pour lesquelles ces technologies, même si elles sont souvent sous-utilisées (par rapport aux potentialités qu'en exposent les éditeurs), sont implantées dans l’entreprise. Le gain de temps, la diminution des coûts, la capitalisation de la connaissance, la diffusion et le partage de l’information en sont indéniablement les facteurs déclencheurs.

Cette dynamique de la connaissance, implique certes un effort considérable de la part de l'ensemble des membres organisationnels, mais ce n'est pas sans effet sur son efficacité et sa création de valeur.