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C HAPITRE 3 T ERMINOLOGIE DE LA RECHERCHE

1.4. La création de valeur

Les nouveaux modes de management amènent souvent les discussions sur la création de valeur. Ainsi, il est fréquemment demandé à chaque entité, chaque fonction de l'organisation de contribuer (toujours plus) à la création de valeur de l'entreprise. Cette notion paraît claire lorsque les managers l'abordent et la défendent, pourtant, il ne semble pas qu'il s'agisse d'un concept sémantiquement maîtrisé.

Un exemple précis est celui d'un entretien avec un consultant, prônant la création de valeur, notamment de la part de la FRH, à qui la question de savoir ce qu'il entendait par création de valeur a été posée, et plus précisément quels étaient les outils (indicateurs) mis en place pour mesurer cette contribution ; à cela, aucune réponse satisfaisante n'a pu être apportée.

La raison en est simple, c'est tout bonnement parce que le concept de création de valeur est équivoque. Il s'agit bien d'un phénomène à la mode, mais la plupart des managers ne parviennent pas à en expliquer les tenants et les aboutissants.

Il convient alors de s'interroger sur ce que revêt ce concept de création de valeur, et pourquoi il est couvert de tant d'ambiguïté.

1.4.1. Une ambiguïté certaine entre création de richesse et création de valeur157

Le thème est maintenant devenu très à la mode et de nombreux articles, séminaires et colloques, lui sont consacrés ; des conseils en management en font l’un de leurs chevaux de bataille. Il devient urgent de savoir ce que ce concept de création de valeur apporte réellement de nouveau et d’enrichissant.

157 Claude Jouineau, Ingénieur conseil Ancien Président de l’AFAV, La « création de valeur » (ou de richesse)

et la « Valeur », au sens de nos disciplines Valeur : ce que celles-ci et la création de richesse peuvent s’apporter mutuellement.

Une entreprise a une vocation qui est généralement de vendre des produits ou des services, et le produit de cette vente correspond à une création de richesse, disons de richesse brute. Pour cela, il lui a fallu utiliser du capital, employer des hommes, faire des achats, payer des taxes et impôts ; elle a consacré à cette activité une certaine richesse ; elle a consommé de la richesse. La différence entre la richesse brute créée et la richesse consommée constitue la création de richesse nette. Si celle-ci était négative, c’est-à-dire s’il y avait finalement destruction de richesse, l'entreprise ne pourrait pas perdurer. Une création de richesse nette suffisante est nécessaire à la pérennité et au développement de l’entreprise.

Ce qu'elle doit consacrer à l’obtention des moyens nécessaires à son activité, de façon juste nécessaire et équitable, est appelé par les économistes « coût d’opportunité » de ces moyens. Ces coûts d’opportunité vont nécessairement au capital permanent (donc aux actionnaires), aux banques (pour les emprunts par exemple), au personnel, aux dirigeants, aux fournisseurs, à la collectivité (les impôts, taxes, etc.).

La richesse nette créée sera savamment répartie entre les actionnaires (la partie des dividendes qui excède le coût du capital ou, plutôt, de la mise de fond de celui qui a acheté des actions), le personnel, les dirigeants, un peu les fournisseurs pour en faire de véritables partenaires, et la société elle-même car elle garde des liquidités, fait des investissements, etc. Ce que la société conserve pour son développement bénéficie finalement aux actionnaires car l’augmentation du potentiel de l’entreprise est perçue par la Bourse et les actions se valorisent.

La part de richesse nette créée qui revient finalement et au total aux actionnaires est maintenant appelée création de valeur pour l’actionnaire (shareholder value added), ou plus simplement création de valeur (pour faire plus court, ou pour faire oublier le fait que c’est ici le « capitaliste » qui reçoit, et non le « travailleur » ?). En fait d’ailleurs, bien que ce ne soit pas très logique, on inclut même dans la création de valeur la rémunération de la mise de fonds, si bien que cette création de valeur pour l’actionnaire, sur une période donnée, est constituée par la progression du cours de bourse et par la totalité des dividendes versés.

Les choses se compliquent au niveau du langage lorsque certains désignent la totalité de la création de richesse, quels qu’en soient les bénéficiaires, par la même expression de création de valeur. L'objectif ici, est de faire un effort de distinction entre création de richesse (brute ou nette) et création de valeur (pour l’actionnaire).

1.4.2. La création de valeur : un effet de mode

Beuscart (1999)158 consacre un article dans lequel elle fait le point sur l’effet de mode relatif au concept de création de valeur dans l’entreprise. Ainsi, elle précise que :

« sous la pression des marchés financiers, les dirigeants français ne jurent plus que par la création de valeur. Mais rares sont ceux qui ont réussi à dépasser l’effet de mode. Et réussi à décliner le concept jusque dans leurs divisions opérationnelles ».

158 Beuscart F. (1999), « La conversion forcée des patrons à la création de valeur », L’Usine Nouvelle, Hors Série, Septembre.

De nombreux managers souhaitent créer de la valeur autant pour l’actionnaire, le salarié que pour le client. Mais, en réalité, il semble difficile d’atteindre de manière satisfaisante ces trois cibles, sans que personne ne soit lésé. On ne peut maximiser la valeur pour tout le monde à la fois et des arbitrages sont nécessaires. Ces arbitrages motivent la mise en place d’indicateurs permettant un éclaircissement sur les informations pouvant satisfaire les différents partenaires et parties en présence, au détriment d’une certaine justice et d’une certaine honnêteté. D’autant que de nombreuses informations perdent de leur pertinence par l’utilisation de ratios et d’indicateurs peu lisibles.

A ce sujet, Beuscart souligne que :

« flairant le filon, les grands cabinets en management se sont engouffrés dans la brèche…, tous proposent méthodes et instruments de mesure à leurs clients… A l’origine, il y a l’idée que les indicateurs de mesure traditionnels ne reflètent qu’imparfaitement la réalité économique de l’entreprise. L’approche par les résultats comptables ne tient pas compte notamment du coût du capital… »

On peut aussi s’interroger sur la pertinence de tel ou tel indicateur utilisé de façon un peu aveugle. Différentes activités jugées et classées par ces différents indicateurs se verront parfois appréciées différemment par l’un ou par l’autre. Ils ont certainement tout leur intérêt, mais il faut savoir choisir celui qui convient à une situation déterminée.

1.4.3. Impact de la notion de création de valeur sur le management

Au niveau stratégique, au niveau de la Direction Générale et à des niveaux de responsabilité suffisamment élevés, la prise en compte, pour les décisions de management, de la création de richesse est sans aucun doute très importante. Bien sûr, il y a parfois opposition sur la création de richesse, à relativement court terme ou à long terme ; et lorsque l’intéressement des managers est basé trop brutalement et de manière trop rigide sur un ratio unique, il peut s’ensuivre des effets très pervers.

Par contre, au niveau du management opérationnel, les choses sont moins nettes. Tout d’abord, les responsables ne peuvent intervenir pour des actions ou annonces qui créent parfois de la valeur pour les actionnaires d’une façon artificielle, et souvent très temporaire. Par ailleurs, dans leurs actions de gestion et leurs décisions, ces responsables se basent sur les critères et ratios définis par le haut management et il faut espérer que ceux-ci sont effectivement bien bâtis et prennent en compte la création de richesse. Néanmoins, tout système rencontre de temps en temps ses failles, et il est important que tout responsable soit suffisamment au fait de ces questions pour alerter sa direction s’il y a lieu.

Mais si nous regardons ce qui est généralement proposé aux responsables opérationnels pour agir en vue d’une création de richesse, c'est bien souvent la déception qui prend le pas. Certes, tous les types d’action classiquement recommandés pour une bonne gestion opérationnelle, pour la recherche de la compétitivité et la profitabilité d’une entreprise, sont retrouvés.

De même, les décisions stratégiques que le haut management doit envisager dans un objectif de création de valeur sont passées en revue, les indicateurs et ratios, les concepts à prendre en compte sont bien examinés, même si peu d’études comparatives ont été menées. Mais la

manière dont il est possible de décliner ces préoccupations en règles et directives utilisables par les responsables opérationnels n’est pas évoquée.

1.4.4. Une difficile appréciation au niveau opérationnel et dans des projets spécifiques

Outre, une difficile utilisation de ce à quoi il est possible d’avoir recours au niveau opérationnel, un autre problème subsiste : celui de la difficile appréciation de cette création de valeur dans des projets spécifiques et ponctuels.

Jusqu’ici, ce potentiel était apprécié, la sélection des projets à retenir était faite à l’aide d’un certain nombre de ratios ou indicateurs classiques. Rappelons la recherche du point mort qui indique le délai de récupération de l’investissement, le ROI (retour sur investissement), la VAN (valeur actuelle nette), le TIR (taux interne de rentabilité), le cash-flow actualisé bien sûr.

Comment les indicateurs de création de richesse s’appliquent-ils, non à une activité dans son ensemble mais à un projet déterminé, comment doivent-ils compléter ou remplacer tel indicateur anciennement utilisé, comment se situent-ils par rapport aux anciens indicateurs ? Car si autrefois déjà on était parfois confronté au fait que différents projets indépendants avaient des classements d’intérêt différents selon le critère utilisé, ce sera probablement davantage le cas avec cette multiplication d’indicateurs.

Par ailleurs, pas plus que les anciens, ces indicateurs ne prennent directement en compte les risques, plus ou moins grands, auxquels est exposée une activité.

Enfin, ces indicateurs sont-ils vraiment significatifs pour les potentiels de création de richesse de certains projets, activités ou situations ? Les cours de bourse peuvent ne les refléter que partiellement. Lorsque des ressources immatérielles s’accumulent, que la formation et la capacité des équipes s'accroissent, il y a constitution d’un potentiel de création de richesse, et à terme, ceci est difficilement pris en compte.

Il apparaît donc, suite à cette description sommaire, mais non moins enrichissante, que la notion de création de valeur prend de l'importance dans les modes de management actuel. Et certains promoteurs, voient en les NTIC des outils utiles et nécessaires pour une bonne appréciation et une bonne gestion de la valeur dans l'entreprise, par les différentes entités, les différents acteurs, les différents projets.

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Sans vouloir défendre la thèse d'un déterminisme technologique, il est évident au regard des argumentations techniques qui précèdent que l'introduction des technologies dans la sphère organisationnelle est un élément autant perturbateur que novateur. Les modes de travail, de coordination, de management sont bouleversés et les métiers évoluent.

On s'aperçoit également que l'implantation de ces technologies et surtout leur bon fonctionnement dépend largement de la prise en compte de la dimension humaine dans le processus.

Les besoins de l'entreprise et le contexte d'action influenceront le déploiement de la technologie. Ainsi, dans des contextes d'appropriation assimilables, il est possible d'observer une mise en place et des conséquences complètement différentes pour une même technologie. Et parallèlement, dans des contextes différents, il est possible d'observer une mise en œuvre

similaire. Ceci pour montrer que la technologie, quelle qu'elle soit, possède des caractéristiques qui lui sont propres, mais c'est bien le contexte d'implantation, et l'objectif qu'on lui assigne qui feront la différence.

Nous avons présenté dans la première section, quatre technologies pouvant être qualifiées d'interactives (car permettant aux acteurs organisationnels d'interagir et de travailler ensemble sur des projets communs). Ce que nous avons voulu faire apparaître ici sont les attendus et les possibilités de ces technologies tant au niveau de l'organisation qu'au niveau de la fonction RH.

En effet, au regard des prescriptions qui en sont faites dans la littérature ou même par les éditeurs de logiciels, ces technologies sont censées représenter et permettre des potentialités d'usages qui font que les entreprises vont choisir ou non d'implanter telle ou telle solution selon les attentes et les besoins qu'elles ont dans le contexte singulier dans lequel elles se trouvent.

Mais quoi qu'il en soit, toute mise en place de technologies modifie à des degrés divers l'organisation dans son ensemble, mais également ses sous-systèmes fonctionnels.

En ce qui concerne la FRH, la conception ou la refonte du SIRH (solution intégrée de type ERP, environnement intranet, GED, workflow, etc.) en lien avec les nouveaux contextes fonctionnels demande de redéfinir le rôle de la fonction RH dans le cadre de la stratégie globale de l'entreprise. Conduire avec succès l'évolution informatique de la GRH implique aussi une coopération étroite entre deux mondes qui, encore aujourd'hui, ont souvent du mal à communiquer : l'Informatique et les Ressources Humaines. Or, les architectures (informatiques) d'usage interfèrent avec la structure de la FRH relativement à ce qu'elles autorisent ou exigent, selon leurs potentialités techniques, mais aussi les volontés et attentes des promoteurs des différents projets. C'est pourquoi, une véritable prise de conscience est nécessaire pour comprendre en quoi, l'implantation de nouvelles technologies, et la manière dont elles sont implantées peuvent avoir un impact fort sur la structuration, tout autant que sur le contenu ou le positionnement de cette fonction dans l'organisation.

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