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L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire

étude originale sur données françaises

Section 1. En quoi la législation française constitue-t-elle un objet de recherche intéressant ?

D. Le déroulement de la procédure

1. L’ouverture de la procédure de redressement judiciaire

a. Les conditions d’ouverture

- La cessation des paiements

Une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation doit être entreprise à l’encontre de toute personne en situation de cessation des paiements, c’est-à-dire dont l’actif disponible ne lui permet pas de faire face à son passif exigible. Ce critère se rapproche dès lors davantage de l’illiquidité que de l’insolvabilité (lorsque les dettes sont supérieures à l’actif). Il s’agit d’une notion à la fois comptable et juridique, qui consiste à rechercher dans le bilan financier le passif à court terme (dettes certaines, liquides et exigibles) et le comparer avec l’actif disponible (encours de caisse, créances recouvrables, stocks immédiatement vendables, immeubles dont la vente est sûre à court terme). En effet, le bilan ne constitue qu’un élément d’appréciation, que toute juridiction se doit d’interpréter notamment au vu des délais de réalisation des actifs. Il arrive ainsi qu’une cessation des paiements soit déclarée si le débiteur parvient à respecter ses échéances de court terme par des moyens frauduleux, ou inversement qu’un tribunal hésite à la constater en l’absence de signe extérieur de cessation des paiements tel que le non-paiement de dettes fiscales, des saisies ou des chèques sans provision. Dans certains cas, il arrive que le tribunal ouvre la procédure judiciaire sans cessation des paiements, par exemple en cas d’inexécution du règlement amiable, de fraude du dirigeant ou encore, ou encore de non-respect d’un locataire-gérant de son obligation de rachat dans le cadre d’une cession.

La date de cessation des paiements, souvent peu aisée à déterminer, est fixée par le tribunal qui peut remonter jusqu’à dix-huit mois précédant le jugement d’ouverture. Si le tribunal omet de la préciser, elle se confond avec la date du jugement d’ouverture. Durant la période suspecte, i.e. entre la cessation des paiements et le jugement d’ouverture, tous les actes du débiteur peuvent être annulés, celui-ci risquant de dissimuler ses biens ou de favoriser certains créanciers.

- La qualité exigée

Le champ d’application des procédures collectives peut aussi bien concerner les personnes physiques que morales. Concernant les personnes physiques, la loi du 25

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janvier 1985 a élargi le champ des procédures collectives aux artisans, seuls les commerçants pouvant auparavant bénéficier du traitement collectif. La loi du 30 décembre 1988 a quant à elle étendu l’application de la procédure aux agriculteurs. D’autres personnes physiques peuvent être soumises à la procédure judiciaire par voie de conséquence, par exemple lorsque des sanctions sont prononcées à l’encontre du dirigeant, ou encore lorsque les associés d’une personne morale sont tenus solidaires du passif (sociétés en nom collectif, groupements d’intérêt économique…). En conséquence, les personnes exerçant une activité économique à vocation non commerciale (professions libérales) sont soumises à un régime de déconfiture ; elles ne bénéficient pas des effets protecteurs de la loi et leurs créanciers peuvent les poursuivre individuellement.

La loi de 1967 a étendu le champ d’application des procédures collectives à toutes les personnes morales de droit privé, y compris les sociétés civiles et morales non commerçantes ainsi que les sociétés de droit privé concessionnaires de services publics. Les établissements et les collectivités publics sont exclus de la procédure, à l’exception des sociétés d’économie mixte.

Par ailleurs, il arrive qu’une activité soit exercée par plusieurs sociétés, dont les bilans se confondent. Par conséquent, la théorie de la confusion des patrimoines a été créée afin d’intégrer à la procédure collective toutes les personnes qui participaient à la société, qu’elles soient physiques ou morales.

b. Les modalités de saisine du tribunal

La législation donne compétence au tribunal de commerce pour les commerçants et artisans et au tribunal de grande instance pour les agriculteurs et les personnes morales de droit privé non commerçantes. Quatre acteurs ont la possibilité de saisir le tribunal.

- La saisine par le débiteur : la déclaration de cessation des paiements

Tout débiteur en situation de cessation des paiements doit en faire la déclaration au greffe du tribunal compétent dans un délai de quinze jours, sous peine de sanction. Si c’est une personne physique, elle doit se présenter elle-même sauf mandat spécial. Si c’est une personne morale, la décision revient à l’organe d’administration, sous

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réserve de la consultation des délégués du personnel, sans quoi il commet un délit d’entrave.

- La saisine sur assignation d’un créancier

Le tribunal peut également être saisi par un créancier, ce quel que soit le montant de sa créance. Cependant, dans la mesure où la demande d’ouverture ne peut constituer une demande subsidiaire de demande de paiement, les créanciers sont souvent réticents à exercer leur droit de saisine. En particulier, ceux munis d’une sûreté espèrent la faire jouer en-dehors de toute procédure. Les créanciers répugnent souvent à remettre en cause une relation commerciale, ce type de saisine constituant une procédure contentieuse.

- La saisine d’office par le tribunal ou par le procureur de la République

Afin de pallier la carence du débiteur ou de ses créanciers, chaque tribunal de commerce comprend une cellule de prévention et une cellule de saisine qui permet à son président de se renseigner sur la situation du débiteur. L’ouverture de la procédure n’est pas automatique : ce n’est que s’il pense que l’entreprise est en situation de cessation des paiements ou qu’une procédure a été mal engagée qu’il convoque le débiteur et déclare une cessation des paiements en motivant sa décision.

c. Le jugement d’ouverture

- La préparation du jugement d’ouverture

Afin d’appréhender la réalité de la cessation des paiements, le tribunal déclenche une enquête préalable sur la situation de celle-ci et procède à l’audition du débiteur, des délégués du personnel et de toute personne qu’il juge utile d’entendre. Il commet un juge-enquêteur à qui il confie la mission de recueillir tous renseignements sur la situation économique et sociale de l’entreprise et de dresser un rapport adressé au tribunal, remis au débiteur et discuté en chambre du conseil de manière contradictoire. Après s’être assuré que l’entreprise est bien en situation de cessation des paiements, le tribunal prononce l’ouverture de la procédure collective, qui fait l’objet d’une large publication.

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- La désignation des organes de la procédure

Un juge-commissaire, qui dispose de larges pouvoirs d’investigation, est alors désigné afin d’assurer le bon déroulement de la procédure et la protection des intérêts en présence. Un administrateur est obligatoirement désigné dans le régime général afin d’assister le dirigeant dans les affaires courantes de l’entreprise114 et d’évaluer ses chances de redressement, de même qu’un représentant des créanciers afin d’enregistrer et de vérifier les créances sur l’entreprise. Les contrôleurs, innovation de la loi de 1994, sont des créanciers volontaires désignés par le juge commissaire afin de seconder le juge-commissaire dans sa mission de surveillance de l’administration de l’entreprise et d’assister le représentant des créanciers dans sa fonction de vérification des créances. Enfin, un représentant des salariés, nommé par ses pairs, a également pour fonction d’aider le représentant des créanciers, son rôle se limitant toutefois à la vérification des salaires.

- Le choix de la procédure et de la durée de la période d’observation

Dans un premier temps, le tribunal doit déterminer, au vu d’un premier diagnostic établi par les enquêtes préliminaires, si l’entreprise doit disparaître du circuit économique ou si elle mérite d’être redressée. Dit différemment, il doit choisir entre une procédure de liquidation ou de redressement judiciaire, laquelle donne lieu à une période d’observation au cours de laquelle les perspectives économiques de l’entreprise sont analysées.

Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire est choisie, le jugement d’ouverture fixe la durée de la période d’observation, ce qui revient finalement, pour les petites entreprises, à déterminer le régime légal applicable115. Si ces entreprises choisissent un régime simplifié, leur période d’observation ne pourra pas excéder huit mois, ce qui peut être suffisant dans des très petites structures ou dans les cas où une liquidation est prévisible, de sorte que cela évite d’engager des mesures inutiles et coûteuses. Dans le cadre d’un régime général, la période d’observation peut être ramenée à vingt mois. Une entreprise soumise au régime simplifié peut à tout moment, si elle estime avoir

114 Le régime auquel est soumise l’entreprise défaillante dépend de la taille de celle-ci (les plus grosses sont soumises au régime général automatiquement, les autres de manière optionnelle). Les principales implications de cette distinction sont la durée de la période d’observation (plus longue dans le cadre du régime général) et la nomination d’un administrateur judiciaire (dans le régime simplifié, le dirigeant continue seul à gérer les affaires courantes).

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besoin d’une assistance dans l’administration de ses affaires ou simplement de davantage de temps, se placer sous le régime général.