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IV Les modèles étiologiques populaires de l'hypertension artérielle

1) L'hypertension artérielle, un phénomène majoritairement multicausal

L'hypertension artérielle est conçue majoritairement comme pluri ou multicausale (34). Lorsque les personnes interrogées attribuent leur hypertension à une seule cause (25), le « stress » domine cette étiologie populaire. Viennent ensuite l'hérédité, la « tension nerveuse »

et la vieillesse. Ainsi, l'alimentation n'est jamais mise en cause isolément (sauf pour une personne et dans un cas très particulier, celui d’un phénomène allergique).

Neuf des personnes interviewées n'ont pas réellement exprimé, évoqué la ou les causes de leur hypertension artérielle lors des entretiens. Cela ne signifie pas pour autant que ces personnes n'ont aucune idée concernant l'étiologie de leur hypertension mais simplement qu'aucun élément ne leur permet encore de véritablement privilégier une ou plusieurs pistes par rapport aux autres.

Causalités évoquées Nombre

Causes uniques « Stress » 10 Hérédité 6 « Tension nerveuse » 5 Vieillesse 3 Alimentation 1 Causes Multiples

Hérédité et « tension nerveuse » 8

Hérédité et « stress » 5

Hérédité et alimentation 1

Hérédité et vieillesse 2

« Tension nerveuse » et « stress » 6

« Stress » et alimentation 1

« Stress » et vieillesse 3

Alimentation et vieillesse 1

Hérédité, « tension nerveuse » et « stress » 3

Hérédité, « stress » et vieillesse 1

Hérédité, « tension nerveuse » et alimentation 1

« Tension nerveuse », « stress » et alimentation 1

« Stress », alimentation et vieillesse 1

Hérédité, « tension nerveuse », « stress » et alimentation 1

Total 59 Causalités évoquées Hérédité 25/59 Isolément 8/59 En combinaison 19/59 « Tension nerveuse » 25/59 Isolément 5/59 En combinaison 20/59 « Stress » 31/59 Isolément 10/59 En combinaison 20/59 Vieillesse 11/59 Isolément 3/59 En combinaison 8/59 Alimentation 7/59 Isolément 1/59 En combinaison 6/59

Quant à cette conception multicausale de l'hypertension, deux combinaisons sont privilégiées dans les données recueillies : celle de la « tension nerveuse » et du « stress » et, celle de l'hérédité et de la « tension nerveuse ».

Le tableau ci-contre récapitule ces données1

2) Le « stress »

Bien que le « stress » soit un terme fortement usité dans notre société, il n’est pas porteur d’une signification unique. Le « stress » est aujourd’hui médiatisé comme un des principaux maux de notre mode de vie moderne. Le terme de stress a longtemps été défini, dans la pensée médicale comme « une réponse non spécifique que donne le corps à toute demande qui lui est faite » (Lecourt, 2003 : 1087). Le stress était donc essentiellement pour la pensée savante une stimulation. La dimension psychologique était absente de cette approche et a fait par la suite l'objet d'importants développements pour rejoindre son étymologie d'origine latine : stringere qui signifie étreindre, serrer, accompagné d'émotions c'est-à-dire angoisse, anxiété, sentiments de détresse, d'abandon, de délaissement, de solitude, d'impuissance… que l'individu éprouvent dans une situation. Le stress, sous ses différentes expressions, est la cause la plus citée par les interviewés (31). Cependant, le « stress » n'a pas nécessairement les mêmes origines c’est-à-dire n'est pas engendré par les mêmes événements. Il ne sera pas, ici, utilisé dans son acceptation médicale mais dans le sens qu’il recouvre pour nos répondants : nous l’écrirons donc entre guillemets.

2 -1 - Le « stress », pression sociale

Zoé, 80 ans : « La pression (ici l’attente chez le médecin) fait monter la tension. »

René, 77 ans, postier : « Alors je ne sais pas si j’avais de l’hypertension ou si c’était uniquement de l’anxiété. Donc ça fait à peu près 40 ans. J’avais un métier qui me prédisposait aussi, avec beaucoup de soucis. »

Elise, 70 ans, aide-soignante : « Peut-être un surcroît de travail parce que vraiment, l’hôpital et puis … et il y avait les enfants, il fallait que … il fallait répondre et… à manger, qu’ils soient propres, qu’ils soient… »

Georges, 72 ans, employé : « En 1993. Je bougeais au boulot. J'avais tout l'entretien du Lycée. Ce n'était pas un travail de force mais j'avais beaucoup de stress. Parce que j'étais responsable de tout l'entretien. En 1986, je n'ai jamais rien dit à personne, mais moi j'attribue ma crise au stress. Je vais vous dire pourquoi… parce qu'on m'avait donné des tas de nouvelles responsabilités avec un tas de nouvelles formations techniques et cela m'a beaucoup stressé. J'avais une formation de menuisier charpentier et j'avais toute la responsabilité de l'entretien du lycée. Et en 1985, on a changé de mode de chauffage : on avait tout mis électroniquement. Et j'avais toute la responsabilité de l'électronique et personne qui pouvait me seconder. Cela m'a plu, mais cela m'a beaucoup travaillé parce que tout le monde comptait sur moi. On m'appelait à toutes les heures du jour ou de la nuit. Je l'ai mieux géré à partie de 1988 car je connaissais mieux tout le système.»

Guillaume, 54 ans, chef standardiste : « Je n'ai pas d'explication vraiment à mon hypertension mais bon je pense qu'il y a une part de stress. Parce qu'à l'époque où j'ai commencé à faire de l'hypertension, c'était l'époque où les travaux à mon travail ont commencé, où il avait beaucoup de travail, beaucoup de stress, c'est le mot. (…). C'est vrai que je suis Chef au standard, je suis responsable de la gestion du téléphone et tout ça. Et c'est vrai qu'on nous

1 Ces données correspondent à 59 entretiens, puisque 9 personnes ne se sont pas exprimées clairement sur les causes de leur hypertension artérielle.

met un peu la pression, il y a des problèmes et le stress est présent. C'est tout lié. (…). C’est vrai que de plus en plus, je sens que je suis tendu, stressé. Au travail, on vous demande toujours plus dans un temps plus réduit et puis les moyens ne suivent pas, alors c’est stressant. Et puis, il faut voir ce que l’on entend au téléphone. On supporte, on supporte, on essaie de temporiser mais des fois c’est dur, ça pèse. D’ailleurs à la fin de la journée, si j’ai été stressé, j’ai du mal à m’endormir parce qu’habituellement je m’endors de suite. Si j’ai des difficultés à m’endormir, c’est que je n’ai pas réussi à évacuer le stress. »

Le travail et plus précisément les charges de travail ainsi que les responsabilités constituent le facteur essentiel dans le « stress ». Le travail est donc le lieu, pour certaines des personnes entendues dans cette enquête, qui favorise le « stress » car il oblige l'individu à se dépasser en permanence, à se remettre en cause, à sans cesse repousser les limites de ses connaissances et de ses compétences afin de répondre aux attentes et d'atteindre les objectifs fixés. Les individus doivent toujours aller plus vite, augmenter leur rendement, tout en fournissant un travail de qualité de plus en plus grand et n’ont pas droit à l’erreur. En d’autres termes, le travail est le lieu privilégié où « l’on met la pression », comme le rappelle un de nos répondants, où « l’on est tendu ». Le champ sémantique de la pression sociale et celui de la pression artérielle est le même : la « tension » :

« Il y a beaucoup de facteurs qui déclenchent des sauts de tensions, il peut y avoir des tensions dans le couple, il peut y avoir des tensions avec les problèmes qu’ont mes enfants... des soucis » (Isidore, 74 ans, artisan).

L’entité nosologique populaire « tension » est une métaphore de la pression sociale.

Damien, 70 ans, ouvrier : « Il y a eu beaucoup de problèmes familiaux, il y a 3 ans. Je suis venu ici en 1993, j'habitais dans ce truc (dit-il en montrant sa maison) : il y avait des rats, il y avait tout. De 1993 à 1998, j'ai passé 5 ans où je n'ai rien fait parce que je n'avais pas les fonds nécessaires. Et puis en 1998, mon fils a changé de poste et a commencé à bien gagner sa vie et là, il m'a aidé financièrement. J'ai pu faire mes travaux, j'ai doublé les murs, j'ai fait ma chambre au fond, ma salle d'eau. J'ai fait mettre l'eau là, il y a peu de temps. J'allais à la fontaine. Je vis un peu à la dure quoi!! Cette année, je vais essayer de mettre les écoulements derrière et de faire la fosse septique. Et là, je vais avoir le confort!! Alors quand cela (les travaux de la maison) a démarré, cela a démarré et d'un coup il y a eu encore un coup d'arrêt et ça, cela m'a fait mal!! (…). J'aurais eu des conditions de vie normale, je n'aurais peut-être pas eu d'hypertension. »

Isidore, 74 ans, artisan : « Enfin, les causes sont lointaines, je veux dire, datent pas d’aujourd’hui quoi ! Les conséquences, il y a très longtemps, comment dirais-je, par … Enfin, moi j’ai fait une analyse par rapport à mon enfance. Nous, on est des enfants de la guerre, on a été privés d’un tas de choses. Je suis un ancien ce qu’on appelle un enfant caché, j’ai échappé à l’holocauste par miracle. Donc on a eu une jeunesse très très perturbée, un manque de beaucoup de choses quoi ! »

Lilas, 82 ans, commerçante : « J’ai eu ça, parce que mon mari avait une démence sénile. Vous savez que… pour supporter ça ! C’est pénible ! Et ça lui a duré 3 ans, mais il n’est pas mort de ça. Il est mort du cancer. Enfin va ! Alors un jour, j’étais à bout ! J’ai téléphoné au docteur B., j’ai dit : « Si vous ne venez pas, docteur, je vais mourir ! » J’étais à bout ! Je ne pouvais plus le supporter, hein ! C’est intenable, vous savez, les gens qui ne savent pas ce qu’ils font, qui ne savent pas ce qu’ils disent, qui t’engueulent toute la journée ! Alors il est venu. Il m’a trouvé peut-être 20 de tension ce jour-là. Alors c’est là qu’il m’a donné ces …. (…) Oui, ça c’est déclenché à ce moment-là parce que jusqu’à ce moment-là, ça allait. »

Des conditions d'existence pénibles, matérielles, financières, conjoncturelles ou des rythmes de vie difficiles sont également citées par les personnes interrogées (10) même si le mot de stress n'est jamais prononcé.

Dans cette étiologie de l’hypertension artérielle, les conditions sociales sont fortement présentes par les contraintes qui pèsent sur les individus : pression au travail (par un meilleur rendement, des responsabilités plus grandes, l’acquisition de nouvelles compétences), manque alimentaire, de confort, de salubrité, et d’assumer seul une situation difficile et pesante à l’égard de son conjoint. Les interviewés établissent un lien entre la détérioration de leur état de santé et l’accumulation d’événements source de « stress ». Les contraintes ou pressions

sociales pèsent sur les individus qui répondent par une réaction physiologique :

l’hypertension artérielle.

À cette catégorisation de « stress », il est nécessaire de ne pas oublier que l'étiologie populaire de l'hypertension artérielle est souvent multi ou pluricausale. Le discours de Benoît et de Rémi illustre parfaitement cette réalité :

Rémi, 62 ans, chauffeur routier : « J'ai trop travaillé, travaillé trop fort, une usure sûrement. C'est vrai que j'ai fait du travail de force à un moment donné. C'est certainement pour ça que maintenant on me dit " de ne pas faire d'efforts violents". De toute façon, je suis à la retraite depuis 2 ans. »

Le travail a, pour Rémi, imposé une contrainte : celle de « travailler trop et trop fort ». L’accumulation de ce travail, dans l’effort qu’il a réclamé aussi bien dans son intensité que dans sa durée, conduit à une usure du corps qui s'exprime ensuite par une hypertension artérielle.

Benoît, 60 ans, pompier : « J'ai fait une batterie de tests parce qu'ils (les médecins) n'arrivaient pas à trouver l'origine. À la fin de cette série de tests, entre temps, il m'avait donné un traitement mais chaque fois, on avançait par élimination. Et puis en fin de compte, ils en ont conclu que c'était le stress. J'ai été un peu surpris par la conclusion, je rigolais doucement parce que je lui ai dit : " je suis pompier, le stress je connais, je gère". Et puis en fait de compte, quand j'ai pris ma retraite, je me suis aperçu qu'il avait peut-être raison parce que j'ai plus rien. C'est vrai qu'il y a eu le traitement entre temps. (…) Est-ce que c'est l'âge ? Est-ce que c'est l'apparition du cholestérol qui a aggravé le fonctionnement. Je ne sais pas. Mais certainement l'âge y est pour quelque chose parce que l'on gère plus les choses de la même façon. En vieillissant, on encaisse plus les choses de la même façon. On récupère moins vite quand on est dérangé. Avant je recevais un coup de téléphone la nuit, après s'il fallait je me rendormais immédiatement, les dernières années par exemple, je n'y arrivais plus. Il y a peut être quelque chose qui a joué dans le déclenchement de mon hypertension. J'y ai beaucoup réfléchi et…. En fait j'aurais dû prendre ma retraite en même temps que mon beau- frère. Et on l'avait demandé en même temps, lui avait 56 ans et moi 55 ans, à ce moment-là. Et lui l'a eu et pas moi. En fait j'aurais dû être en retraite en 1998 et je l'attendais, je l'ai pas eu ma retraite par contre j'ai eu mon hypertension. En fait, j'aurais dû partir le 15 août 1998, officieusement, c'est ce qui était prévu et puis cela ne s'est pas fait. Je l'ai mal pris je crois. Plus j'y réfléchis, comme j'avais des responsabilités puisque j'étais chef adjoint au directeur départemental et plus je pense que cela m'a marqué de ne pas pouvoir partir en retraite parce que dans ma tête c'était tout réglé. Et quand j'ai appris que je ne partais pas, cela m'a séché. Cela avait été trop programmé pour que cela ne se fasse pas. Ce n'est pas évident quand tout a été calculé dans sa tête. »

Si le « stress » demeure l'élément dominant dans l’attribution causale de Benoît, les effets de l'âge font aussi leur apparition dans son discours, non pas comme une usure du corps qui réagit par une hypertension artérielle mais par un vieillissement qui conduit à une moins bonne maîtrise de la gestion du stress. L’usure de l’âge diminue la résistance au « stress » et

favorise l’hypertension artérielle. Benoît ajoute un autre élément important, les conditions de son départ à la retraite « j'aurais dû être en retraite en 1998 et je l'attendais, je l'ai pas eu ma retraite par contre j'ai eu mon hypertension ». Sa retraite, qui n’est pas arrivée en temps et en heure prévus, a été vécue comme une déception événementielle et comme une grande frustration. Le discours de Benoît nous amène à une autre signification du « stress ».

2 – 2 - Le « stress », choc émotionnel

Renée, 75 ans, commerçante : « Moi, j’étais toujours nerveuse mais c’est après le décès de ma fille que ça a … ça a commencé, c’est comme ça quoi ! »

Renée précise qu’elle « était toujours nerveuse », comme si cet état de nervosité pouvait être une prédisposition à l’hypertension artérielle. Néanmoins l’événement déclencheur de son hypertension artérielle est, pour elle, le décès de sa fille.

Annette, 68 ans, institutrice : « C'est en 95 que j'ai eu besoin d'un traitement, à la mort de papa. »

Nine, 75 ans, agricultrice : « C’est-à-dire que ça été très dur parce que j’ai perdu un gamin de 22 ans et c’est de là que ç'est parti. (…). J'ai perdu mon mari j'avais juste 39 ans. Après j'ai perdu en 71, on avait un gros troupeau, j'ai perdu toutes mes bêtes. (…). J'ai eu beaucoup de pépins »

Malgré la pudeur de Nine vis-à-vis des événements auxquels elle a été confrontée durant sa vie, elle attribue son hypertension artérielle comme une réaction à cet enchaînement d’événements néfastes (l’enchaînement de causalités étant un modèle étiologique souvent décrit en anthropologie de la maladie : Favret-Saada, 1977 ; Augé, 1984 ; Saillant, 1988) Jean, 75 ans, cadre : « Il y a plusieurs années, j’ai eu un problème parce que mon épouse… enfin, c’est la première fois que ça c’était manifesté, … mon épouse était touchée par la maladie d’Alzheimer et ça m’a beaucoup perturbé. (…). Je ne sais pas si on peut appeler ça de l’hypertension, ça a été accidentel. »

Jean explique lui aussi, son hypertension artérielle, comme une réaction aigue à l’annonce de la maladie de son épouse.

Isidore, 74 ans, artisan : « Ben vous savez, on a perdu un fils, ça a déclenché je crois à ce moment-là. On a perdu un fils qui avait 20 ans.»

Arnold, 64 ans, employé : « J'ai eu des problèmes familiaux il y a une dizaine d'années et je pense que cela a été le facteur déclenchant de mon hypertension. (…). J'ai eu un problème de divorce à l'époque que j'ai très mal ressenti et très mal vécu et donc peut-être… je pense que cela a été le facteur déclenchant parce qu'auparavant je n'avais aucun problème de santé. »

L'accident biographique c'est-à-dire le décès, le handicap, la maladie d'un proche, parents, enfants, frères ou sœurs ainsi que la rupture, le divorce représentent les événements majeurs du « stress » entendu comme choc émotionnel. Cette catégorisation du « stress », en tant que choc émotionnel ou pression sociale n’est pas toujours distincte dans les interprétations et explications de leur hypertension artérielle.

Noa, 50 ans : « Alors je sais pas quand elle a commencé, c’est avec la force des choses : la maladie que j’ai eu, l’handicap de mon mari, sa maladie la sclérose en plaque qui est pas facile à gérer, et toutes les poussées, les départs en hôpital en catastrophe, les ennuis financiers, enfin un tas de trucs qui fait que … qui ont fait que je me suis retrouvée coincée et puis c’est devenu… Je démarre au quart de tour. Alors que, on en parlait avec fille hier, j’étais, pendant ma jeunesse, enfin j’étais très très calme. Très calme, très très calme. Très calme, posée, et, vraiment rien me perturbait, rien me perturbait. J’ai accepté, j’ai patienté, euh… sans m’énerver, sans … puis après avec … les événements de la vie. Je me suis trouvée

seule à gérer, à faire le chef de famille pendant un certain temps, en attendant que mes enfants grandissent. »

Le terme de « stress » n'est pas toujours employé par nos répondants. Il est remplacé par les termes suivants (13) : « problèmes », « contrariétés », « soucis », qui sont, malgré tout, tenus pour responsables de leurs « montées de tension » ou du « déclenchement de leur hypertension ».

Ainsi sous cette conception populaire du « stress », nous avons distingué :

- Le « stress », pression sociale - Le « stress », choc émotionnel

L’attribution causale c’est-à-dire l’interprétation des causes, de ses manifestations et de ses conséquences, par nos répondants, est plus proche d’un langage sur la société, que sur leur propre corps. L’élaboration des causes évoquées constitue des formes de modèles explicatifs de leur hypertension artérielle. Le déclenchement de ce dysfonctionnement mécanique, qu’est l’hypertension artérielle, est provoqué par différentes sources considérées, par nos interviewés, comme « stressantes ». L’hypertension artérielle est souvent perçue comme l’expression de la pression sociale permanente qui pèse sur les individus. D’ailleurs les extraits d’entretien montrent combien certains individus résistent avant de finalement céder sous la pression. De plus, le « stress » comme pression sociale est parfois vécu comme une cause socialement acceptable : elle valorise l’individu certifiant la reconnaissance de sa réussite professionnelle par la charge de travail qu’elle lui incombe et des responsabilités qui lui sont données, comme nous l’avons entendu souvent dans les dialogues entre médecins et patients (« Ah, vous êtes tendu, je comprends, trop de pression au travail » M1). Mais le « stress » comme pression sociale peut, tout aussi, être interprété comme un acharnement du sort qui ne cesse de semer des embûches sur le parcours de l’individu. La pression sociale est alors vécue comme une contrainte permanente. Les critères sociaux prennent, dans cette signification, leur importance : activité ou inactivité, possibilité de ou impossibilité, participation sociale ou « exclusion partielle ». Nous avons vu, dans la physiologie populaire, l’importance de la notion d’équilibre. Or, cette notion n’est pas seulement propre au corps, elle correspond aussi à la possibilité pour l’individu de maîtriser au mieux les pressions et les demandes de la vie sociale. Elle s’accompagne du sentiment de bien-être aussi bien physiologique que psychologique, d’efficience dans l’activité, d’accomplissement personnel