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I Représentations sociales des médicaments

2) l’ambivalence du médicament : entre cure et poison

« c’est vrai que la thérapeutique pharmaceutique est plus efficace sur le coup mais elle est plus nocive aussi sûrement » (Isidore, 74 ans, artisan))

En grec classique le pharmakon signifie le poison et son antidote, le mal et son remède et finalement toute « drogue »1 capable d’action favorable ou défavorable selon les indications et les doses employées (Lachaux, Lemoine, 1988). Les hypotenseurs n’échappent pas à cette ambivalence : reconnus comme « efficaces » par les personnes hypertendues, ils n’en sont pas moins dangereux. Mais cette toxicité intrinsèque du médicament chimique, substance étrangère introduite dans le corps, n’est pas spécifique à l’hypotenseur, elle procède de la nature même du remède pharmaceutique, du pharmakon.

2.1 - Nocivité digestive

Les difficultés à absorber ou à assimiler les médicaments apparaissent explicitement ou en creux dans les discours des interviewés, pouvant expliquer l’absorption au cours du repas (« Déjà pour l'estomac c'est mieux, il dérouille moins » Pierre, 57 ans, ouvrier). Elles expliquent aussi certains rejets de traitements :

« (prendre les médicaments au cours du repas) « je ne les supportais pas, ça me donnait mal à l’estomac, ça me donnait des nausées ou… je ne les supportais pas. » (Elise, 70 ans, aide-soignante)

« Non (pas d’effets secondaires). Cela s'est toujours bien passé. Il n'y a que quand je suis allée à Bourg où le docteur m'a marqué une gélule mais je peux pas vous dire comment elle était grosse. Mon dieu, pour avaler ça!! Je buvais, je mangeais du pain. Cela me faisait un poids à l'estomac. Dès que je prenais la gélule, j'avais un poids à l'estomac avec des odeurs qui me montaient. Je suis partie en Bretagne avec un de mes fils. Cela faisait plus de 15 jours que je prenais cette gélule. Et je me suis dit tant pis je m'en fous, je vais voir un médecin de Bretagne. Je vais le voir, je lui montre la boîte, je lui explique. Il me dit : vous venez pourquoi? Je lui ai dit : "je présume que c'est ce cachet qui me fait cet effet". Il prend son Vidal et il me dit : "Ah mais c'est très dur à assimiler". Et puis il me dit : "je vais vous donner quelque chose pour votre estomac". Je me suis dit : "Cela va me donner un ulcère à l'estomac". Alors j'ai tout laissé tomber, je n'ai plus pris la gélule » (Hélène, 80 ans, employée)

Dans cet exemple, la nocivité digestive est en lien avec la taille des médicaments. D’ailleurs les personnes décrivent les médicaments hypotenseurs, quand ils les tolèrent bien, comme des médicaments plutôt « petits » : « petit cachet », « petit rond », « C'est des petites pilules, on arrive à oublier que c'est des médicaments », « C’est des cachets tout petits, c’est presque un plaisir de les prendre », « un petit truc de rien du tout ». Ainsi, la taille réduite du comprimé faciliterait son acceptation et son absorption. Mais il faut aussi interpréter ces discours comme une banalisation de la prise médicamenteuse (nous y reviendrons dans le paragraphe II-1).

La nocivité digestive est aussi liée au nombre de médicaments : « Le gros inconvénient des médicaments, c'est que quand il y en a trop, c'est l'estomac qui dérouille!! Et lui, il y est pour rien le pauvre » (Clément, 68 ans, cadre). La prise des médicaments au cours du repas est alors une façon, pour les personnes hypertendues, de diminuer la nocivité digestive présumée :

« Vous savez il y a des gens qui prennent tous leurs médicaments d'un coup, le matin pour ne pas oublier. Alors que moi le matin, je déjeune, je sais que cela ne change pas grand chose mais dans ma tête pour moi, ça change, je déjeune, je prends un morceau de pain, je prends une partie de mes médicaments, je continue de déjeuner et puis je prends le reste : histoire qu'ils ne se retrouvent pas tous ensemble en même temps. Après ils se retrouvent peut-être, ils font ce qu'ils veulent mais moi j'évite de les prendre tous d'un coup. Les

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Au sens ancien de drogue, c’est-à-dire médicament de synthèse dont la prise est susceptible de modifier le fonctionnement de l’organisme (Haxaire, 2002)

médicaments peuvent avoir des effets les uns avec les autres c'est pour ça que j'essaie de les séparer : ça peut des fois jouer. Et puis il ne faut pas qu'ils se collent dans le tube digestif alors que si l'on a mangé, ils glissent tout seul. Alors que si vous prenez tout d'un coup, vous le sentez, ils restent collés » (Clément)

Ce discours nous montre la personnification du médicament par les individus : il a sa propre volonté (« ils font ce qu’ils veulent ») et suit son propre parcours dans le corps une fois avalé, même lorsque l’individu essaie de lui imposer ses desseins (« j’essaie de les séparer »). Il peut ainsi échapper au contrôle du malade qui l’a absorbé et agir à sa guise avec des effets dérangeants pour la personne (« ils restent collés »).

2.2 – Quand le médicament « rend malade »

Rares sont les personnes qui comme Adèle (75ans, employée) pensent que l’hypertension artérielle peut être provoquée par des médicaments : « l’hypertension est surtout à liée à mes peurs, mes angoisses et peut-être aussi à mes prises trop importantes de médicaments (psychotropes) ».

La dangerosité du médicament vient plutôt de son ambivalence, à la fois remède et poison. Cette représentation peut aussi expliquer le fait que certaines personnes ne « supportent » aucun traitement médicamenteux :

« Vous savez, je crois qu’il (le médecin traitant) m’empoisonne plus qu’autre chose !! Je suis allée chez le cardiologue, ils m’ont changé mon traitement. Ce médicament, je ne le supporte pas. Alors dans la nuit, j’ai mal à la tête, mais j’ai toujours eu mal à la tête (...)C’est-à-dire que je ne supportais plus la Trinitrine®, ça c’était le premier traitement en plus du traitement pour l’hypertension. Après il m’a fait passer des tests d’effort et un tas d’examens. Mais il m’a changé le traitement à plusieurs reprises. Il m’a d’abord enlevé la Trinitrine®. Plus tard, il m’a donné un médicament qui me faisait gonfler les jambes. La dernière fois comme j’étais essoufflée, il m’a donné du Moex®. Et puis je suis retournée le voir, j’avais toujours mal à la tête, alors il m’a dit : « il faut enlever le Moex® et on va remettre autre chose ». Mais ce qu’il m’a mis là, je crois qu’il me tue le docteur !!» (Alida, 80 ans, employée)

Le discours médical (ou sa ré-interprétation) vient parfois renforcer cette représentation :

« Et je suis encore tombée sur le même anesthésiste (rires)… qui a dit : « Tu en prends encore de cette saloperie(Fludex®) ! Je ne veux plus que tu en prennes ! » (Elise, 70 ans, aide-soignante)

La représentation du « médicament-poison » est prégnante dans la société française, comme en témoigne son utilisation comme métaphore des mesures économiques de délocalisation. Ainsi, les employés d’une usine qui s’est vue délocalisée dans un pays émergent parlent de sa délocalisation comme un « médicament » en expliquant qu’il est peut- être un remède nécessaire pour sauver leur usine, mais aussi un poison puisqu’elle leur fait perdre leur emploi1.

Si toutes les personnes ne considèrent pas les hypotenseurs comme dangereux, elles perçoivent ou connaissent néanmoins la iatrogénie de certains produits :

«J’ai failli claquer avec un truc qui se terminait en –gan qu’un docteur m’avait donné. Et 8 jours après on retirait le médicament du marché » (patient en consultation)

« Avant de prendre du Doliprane® ou n'importe, je lui avais téléphoné (au médecin) pour lui demander si cela n'était pas contraire. Voilà, quand même. Je fais attention à ça

quand même. Je ne vais pas faire des mélanges qui risquent d'être détonant !! » (Mélanie, 63 ans, commerçante)

La toxicité dangereuse pour le corps, « explosive », vient dans la pensée populaire du mélange des produits, de la réaction chimique non contrôlée qui peut résulter de ce cumul :

« Moi, je ne suis pas médicament ! Moi ! ma sœur en prenait, à peu près, 10 ou 12 par jour. Ma mère, même plus, une quinzaine ! Ma femme en prend aussi pour le sang, la circulation du sang. Elle doit bien en prendre 4 ou 5. Mais moi, alors là…. Mais de toute ma vie, j’en ai pratiquement… Je ne suis pas tellement (médicament) parce que en principe (...) Ce que vous prenez qui fait du bien d’un côté, il faut faire attention, si ça vous… si ça vous….(Fait pas mal de l’autre) (Alphonse, 74 ans, agriculteur).

« Si je peux m’en passer (du Lexomil®), je m’en passe parce que… moi je sais que prendre trop des médicaments, c’est pas bon non plus! Parce que ça vous guéri d’un côté et après on est malade d’un autre » (Laure, 68 ans, employée de maison)

Nous retrouvons la crainte du « mélange » toxique dans le refus d’associer médicaments et alcool, souvent évoquée par les patients pour les antibiotiques ou les vaccins aux cours de nos enquêtes, et exprimée dans cette étude pour l’association hypotenseur- alcool :

« Bon, le midi, il faut que je prenne un verre d’eau avant de déjeuner et puis … bien souvent j’oublie … le midi… j’oublie de prendre… je dis : « Je vais quand même pas mélanger le vin avec les médicaments » (Isidore, 74 ans, artisan)

La crainte du mélange est prégnante dans l’imaginaire populaire, mais aussi savant, comme en témoignent les recommandations médicales de ne pas associer plus de trois médicaments dans une ordonnance. S. Fainzang l’interprète comme une valorisation de la mesure et de la modération dans les sociétés judéo-chrétiennes (Fainzang, 2001 : 51). Nous y voyons plutôt une résistance naturaliste à une transformation profonde du corps par des réactions chimiques plus ou moins contrôlées. Les conceptions du corps dans la société française actuelle sont complexes. Elles sont à la fois « traditionnelles » et « modernes ». Dans la société traditionnelle française, le corps ne se distingue pas de la Nature à laquelle il appartient, le corps est « une passerelle entre le matériel, l’imaginaire, la terre et le cosmos » (Loux, 1979 : 15). Le corps moderne implique la coupure avec les autres, avec le cosmos et avec le sujet (Le Breton, 2001). Cependant, la vivacité des médecines traditionnelles (phytothérapie, magnétisme, leveurs de feu, etc.) et la monté croissante des médecines alternatives de type naturaliste, comme certaines étiologies populaires1, montrent que le corps reste un « relieur » qui met en correspondance l’individu et le monde (Le Breton, 1988), un lien entre l’homme et le cosmos, et la recherche permanente de parenté entre l’homme et la Nature. Cette dimension symbolique du corps nourrit les représentations de la santé et de la maladie : la santé se préserve en assurant l’équilibre entre le corps et son environnement, et la guérison ne s’obtient qu’en réconciliant le corps avec la Nature (Loux, 1979). Dans cette représentation naturaliste, la biomédecine est une médecine « contre nature », dangereuse pour l’homme car les médicaments chimiques sont une substance étrangère au corps humain, susceptible de transformer celui-ci et de rompre l’équilibre entre l’homme et la Nature. À l’opposé, les thérapeutiques naturelles ne modifient pas le corps humain et tout ce qui vient de la Nature est bénéfique pour l’homme (c’est la natura mediatrix de la médecine hippocratique) (Laplantine, Rabeyron, 1987).

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Parmi les causalités les plus souvent évoquées par les individus, quel que soit leur âge ou leur classe sociale en Haute-Provence, la « pleine lune », le « changement de temps » (au sens de climat), les aliments non-naturels (« trafiqués », « chargés de toxines »), la « pollution », expriment la correspondance entre l’individu et son milieu, l’homme et le cosmos et l’équilibre permanent entre l’homme et la nature pour maintenir la santé (Eck- Sarradon, 2003)

2.3 – Les effets néfastes

Le plus souvent, c’est la toxicité des médicaments qui est évoquée à travers des effets néfastes ressentis et attribués au médicament :

« Par contre, là, depuis quelque temps, j'ai perdu, depuis un an, un peu de mémoire. Je pense qu'il y a l'âge mais je me demande si cela ne vient pas de l'hypertension aussi. Ca, c'est mon idée mais cela n'est pas dit que cela soit ça ou peut être lié au traitement » (Christophe, 66 ans, agriculteur)

« Cela me faisait des choses en moi qui faisaient que cela me fatiguait encore plus. J’ai eu des boutons, des hémorroïdes » (Luciana, 60 ans, employée)

« Par contre, j'ai du mal à supporter l'Isoptine®, c'est celui qui m'a donné des plaques de partout : aux mains, aux jambes, aux bras, aux pieds mais pas au visage alors ils m'ont baissé la dose » (Clémentine, 43 ans, ouvrière)

« Le cardiologue m’a donné un médicament qui s’appelle Atacand®, et bien croyez moi, avec Atacand®, je croyais devenir folle ! Oh, la, la ! Ca n’allait pas et ma tension montait, descendait, ça n’allait pas. J’étais mal, j’étais… Je n’avais plus ma tête si vous voulez » (Marcelle, 68 ans, secrétaire)

La nocivité du médicament en raison de ses effets secondaires négatifs n’est pas qu’une perception individuelle, c’est une représentation sociale : « Les médicaments ont toujours des effets secondaires sur l'organisme humain même si on ne le ressent pas » (Arnold, 64 ans, employé). Les personnes qui partagent cette représentation s’attendront alors à ressentir des effets secondaires négatifs.

Parmi ces effets néfastes, la toxicité hépatique des médicaments, souvent évoquée par les patients dans nos enquêtes antérieures (Eck-Sarradon, 2003), se retrouve dans cette étude pour les hypotenseurs:

« C'est vrai que les médicaments, ce n'est pas très bon pour le foie mais c'est le cas de tous les médicaments » (Benoît, 60 ans, pompier).

Le foie a une place particulière dans la physiologie populaire en France1. « Véritable surmoi physiologique, il a à sa charge de faire respecter les lois de l’ingestion » (Duriff- Bruckert, 1994 : 135). Il est l’organe qui légifère les prises alimentaires (trie, sélectionne, corrige, réajuste), comme les prises médicamenteuses. « Trop » de médicaments sera d’abord interprété par les patients à travers la perception de la fonction hépatique. Le foie étant essentiellement un filtre qui discerne la part de ce qui est utilisable (absorbable et assimilable) pour l’organisme, et ce qui est inutilisable qui sera alors rejeté ou refoulé dans une partie du corps qui sera alors salie (et malade à son tour) (Duriff-Bruckert, 1994). La non-acceptation des médicaments, ou le sentiment d’en prendre « trop », sera alors souvent interprété et exprimé par les patients en référence à leur fonction hépatique (être ou non « fragile » du foie).

Certains développent des stratégies, implicites, pour prendre le moins possible de comprimés :

« Je vais tout faire pour qu'il n'augmente pas mon traitement. S'il m'augmente le traitement, j'essaierais, de toute manière, j'essaierais mais si cela me coupe les jambes, je retournerais le voir pour lui demander si je peux l'arrêter. Parce que je ne m'amuse pas avec les médicaments, attention!! Je n'arrête pas les médicaments comme ça! Après je ferais renouveler mon ordonnance par mon médecin généraliste. Mais le cardiologue, il veut me voir une fois par an, mais je suis restée 4 ans sans y aller (...)« Après je l'ai arrêté moi-même parce que si vous voulez mon docteur de médecine générale, il a oublié de me le donner et je ne l'ai pas réclamé. Du coup, je l'ai plus. » (Myrtille, 66 ans, employée)

«Je n’aime pas trop les médicaments. J’en prends parce que je suis obligée, mais jusqu’à temps que je prenne tout ça, je n’en avais jamais pris des médicaments. Je n’en prenais pas pour dormir, j’en prenais… Je n’ai jamais pris de médicaments. Et maintenant, dès fois le docteur, il me demande si j’ai des douleurs, je lui dis que non parce que je sais qu’il va me rajouter quelque chose. Alors ça, je ne veux pas. Je sais qu’il ne peut pas m’en supprimer, mais je ne veux pas en rajouter (rire) » (Georgette, 70 ans, employée)

Ne pas se rendre à la consultation du spécialiste, ne pas rappeler au médecin son oubli de prescription, ne pas parler de ses symptômes sont autant de stratégies pour limiter sa consommation médicamenteuse et ne pas se positionner dans le versant « poison » du médicament, tout en restant en accord avec une représentation du « bon malade » sur laquelle nous reviendrons.

2.4 – À l’opposé des médicaments potentiellement toxiques : les plantes

Certains ont recours aux médecines alternatives pour éviter ou éliminer les effets néfastes dans hypotenseurs : l’iridologie (contre la baisse de la libido), l’acupuncture (« En fait, je suis allé le voir (l’acupuncteur) pour essayer de faire disparaître les effets secondaires du traitement, d'essayer d'éliminer la toxicité du traitement (...) Je voulais éliminer les effets secondaires dû à l'absorption de ce traitement pour l'hypertension »(Arnold, 64 ans, employé).

Les médecines alternatives sont perçues comme plus efficaces pour annuler les effets

néfastes des médicaments, ou éliminer leur toxicité, ou encore là où la biomédecine a échoué (troubles du sommeil, angoisses, etc.) ; la phytothérapie est particulièrement appréciée dans ce cas (supériorité de la Nature sur l’industrie et la pharmaco-chimie). De plus, les médecines « douces » sont une alternative au « trop de médicaments ».

Pour éviter la toxicité du médicament, les personnes ont le plus souvent recours, pour traiter d’autres pathologies, aux médecines alternatives qui paraissent sans danger (« l’homéopathie n’a pas d’effets secondaires » Rosine), l’homéopathie étant perçue comme dépourvue de toxicité hépatique, contrairement aux médicaments industriels (« il est très fragile aussi du foie alors il se soigne à l’homéopathie » Isidore, 74 ans, artisan).

« En tout cas quand vous lisez les contre-indications, vous vous dites quand même c’est pas rassurant, quand je me soigne pour autre chose que ça (l’hypertension artérielle) ben je me soigne avec des plantes, avec de la phyto (...) l'homéopathie offre des médicaments de confort et c'est ce petit confort dont j'ai besoin moi maintenant. Voyez, j'avais des problèmes intestinaux et là j'ai vu un homéopathe, il y a 2 mois, et bien écoutez, je suis déjà très soulagée. Parce que maintenant, j'ai peur d'aller chez le médecin. Je serais allée voir un médecin allopathique, on m'aurait fait faire des examens pas agréables et tout… Je n'en ai pas envie!! Pour l'avoir essayé et pour avoir eu des résultats, j'ai envie d'une médecine plus tranquille. Par contre, je continuerais toujours à prendre mes médicaments pour le cholestérol, le cœur et l'hypertension. Maintenant je veux mon petit confort » (Honorine, 72 ans).

« Je prends des fois un peu de phytothérapie, mais bon (...) J’essaie en me disant : « Tiens, je vais prendre ça, c’est plus… c’est peut-être aussi efficace et un peu moins pas dangereux dirons-nous, mais enfin, euh… un peu moins compliqué que les médecines… Traditionnelles, et bon… Il y a en quelques-unes qui font un peu d’effets. Bon, si des fois je suis un peu stressée, je prends un peu de Valériane, de choses comme ça. Je ne sais même pas si ça fait effet (...) des fois je me demande si c’est pas un peu dans la tête» (Véronique, 70 ans, employée).

Ces logiques du recours aux médicaments homéopathiques ou à la phytothérapie nous aident à comprendre, par une image en négatif, la représentation du médicament industriel sur

lequel porte cette étude et l’image de « brutalité allopathique » (Laplantine, Rabeyron, 1987) qui lui est associée avec la crainte des effets néfastes des médicaments industriels « dangereux » (logique naturaliste). La iatrogénie de la biomédecine (Illich, 1975), souvent dénoncée par les usagers des médecines alternatives, est une forme de violence dont Honorine ne veut plus (« j’ai envie d’une médecine plus tranquille »). Les médecines alternatives sont des médecines « douces » car elles n’empoisonnent pas le corps à long terme comme le font les médicaments.

Enfin, seule une personne nous a dit avoir utilisé de la phytothérapie pour traiter son hypertension artérielle : « Oh si, j’ai un peu essayé. On avait un peu d’olivier. Des bourgeons sauvages, vous savez, vous faites l’infusion (...) Oui, c’est bon, c’est très bon (...) Oh ! ça ne faisait rien…C’est pour la tension, pour… chaque plante a ses vertus (...) Les bourgeons sauvages, ceux qui poussent (...) En infusion (...) avant j’allais jamais chez (le médecin), mais.... le docteur me donne des cachets » (Florence, 94 ans). Les décoctions de feuilles

d’olivier appartenaient à la pharmacopée médicale au début du XXe siècle1. Mais, dans

l’ensemble, les personnes perçoivent les médecines alternatives comme complémentaires des médicaments allopathiques hypotenseurs (logique de la complémentarité). Néanmoins, la phytothérapie populaire nous aide à comprendre les représentations populaires de l’hypertension. Les plantes préconisées dans l’hypertension artérielle répondent à trois