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L A DIFFICULTÉ DE LA RÉALITÉ DU LIEN DE CAUSALITÉ

L’ ÉVALUATION JURIDIQUE ET MONÉTAIRE DU DOMMAGE

A. L’examen objectif de la réalité anatomique

111. Par quel procédé l’expert peut-il évaluer le dommage corporel ou la lésion

anatomique de la victime ? Sur quelle base fonde-t-il son évaluation ? Plusieurs éléments entrent en jeu pour évaluer la gravité de la lésion anatomique : l’intensité et la durée de la douleur dont le degré peut varier entre très léger, léger, modéré, moyen, assez important, important. Ce dont il est certain, est que l’appréciation des éléments est très subjective 620. Elle varie en fonction de plusieurs paramètres : âge, sexe,

618 Ou la faculté d’avoir une activité rémunératrice. Deux phases se succèdent pour déterminer le

pourcentage de la diminution des capacités économiques. Tout d’abord, la phase de soins, durant laquelle est déterminée l’incapacité temporaire pouvant être totale ou partielle. Ensuite, après consolidation (état stationnaire de la santé après traitements), l’étape de l’évaluation de l’incapacité permanente. Le juge du fond fixera librement le taux à retenir, en tenant compte notamment du métier de l’intéressé. « Les juges du fond sont souverains dans l’évaluation des dommages

corporels et dans ses modalités de réparation : l’intime conviction avec comme corollaire la motivation de la décision sont les deux sources où se désaltère le juge, pour former le droit de la réparation. Ainsi, le mode et l’évaluation du dommage, c’est-à-dire son étendue, échappe-t-il au contrôle de la Cour de Cassation », M.PÉRIER, J.C.R.A.,

Régime de la réparation, Évaluation du préjudice corporel : Atteintes à l’intégrité physique, Principes généraux de la réparation, 2003.

619 Ainsi, il est possible de parler d’une évaluation bipartite du dommage : l’évaluation médicale et

l’évaluation juridique, voir : A. BENABENT, Droit civil des obligations, éd., Paris, Montchrestien, 2005, 10e éd., n° 264. Deux disciplines s’entrecroisent alors : la médecine et le droit. Dans un

premier temps, les médecins apprécient et qualifient l’importance des atteintes à l’intégrité physique lors de l’expertise médicale. Le médecin expert ne procède à aucun moment à une évaluation monétaire. Dans un second temps, le juge traduit dans le domaine du droit les préjudices subis et en font une évaluation monétaire.

620 La doctrine confirme que l’embarras de l’évaluation du préjudice ne peut être dissipé par la

simple présence de « recettes standardisées » (barèmes d’indemnisation). Et pour les experts, on ne peut employer des règles simples ou des « recettes standardisées » afin de résoudre les difficultés que présente l’évaluation du préjudice. Il s’en suit, la nécessité d’une plus grande rigueur, aidée par beaucoup de bon sens dans la prise en considération de chaque situation, voir : F. BÉLOT, L’évaluation du préjudice économique, Recl. Dalloz, 2007, p. 1681 ; Voir également : J. ORTSCHEIDT, La réparation du dommage dans l’arbitrage commercial international, Th., Dalloz, 2000, n° 436 s.

nature de la profession, caractères particuliers de certaines lésions, etc…L’influence de ces nombreux paramètres sur l’évaluation des préjudices fait que le taux retenu varie d’un expert à l’autre, d’un blessé à l’autre 621. Mais si les critères d’évaluation

sont très éclectiques, le procédé d’évaluation en lui-même est simple ; il s’appuie sur un mode d’examen très pragmatique : établir le passage entre le fait initial et les séquelles. Ce qui nécessite de constater le ou les faits initiaux 622 ; l’analyse de l’état de

séquelle, et l’établissement de l’écart entre les deux. Toute démarche d’évaluation de préjudice consistera à mesurer cet écart ; il traduit la réduction du potentiel physique, psycho-sensorielle ou intellectuelle, résultant de l’atteinte portée à l’intégrité corporelle de la victime 623. La réduction du potentiel est dénommée « incapacité » en

référence avec la possibilité d’une reprise d’activité rémunératrice. L’incapacité peut être totale (IPT) ou partielle (IPP). Elle se lit en pourcentage 624 sur lequel se base le

juge pour calculer l’indemnité à allouer. L’expert est ainsi le garant d’une lecture fiable de l’état séquellaire 625 de la victime et de la précision de la date de

consolidation 626. À l’issu de l’examen anatomique de la victime, il donne un avis 627

sur les dommages physiologique, esthétique et d’agrément, lesquels aboutissement souvent à un préjudice moral.

Après la reconnaissance de l’atteinte à l’intégrité corporelle de la victime, il faut considérer les retombées économiques sur le quotidien de la victime.

621 « La variété des cas individuels engendre nécessairement une variété des indemnisations judiciaires dans leur forme

et leur montant », J. MAZARS, Conseiller à la Cour de cassation, La Cour de cassation et l’indemnisation des

préjudices, colloques et activités de formation 2005.

622 Dans l’évaluation du dommage corporel suite à un accident médical, les faits initiaux examinés

comprennent l’état de santé avant l’accident et la probable prédisposition pathologique du patient. L’intérêt pour le juge de considérer à la fois la santé intacte avant l’avènement du dommage et l’état pathologique du patient, est de pouvoir indiquer la part du dommage qui revient au fait du praticien de celle qui revient à la prédisposition. Pour autant, la participation partielle de la prédisposition à l’aggravation du dommage n’exclut pas la responsabilité juridique du médecin car en droit, la causalité partielle n’est pas admise (voir : 48). Par contre cette participation implique que le médecin ne soit tenu que de la part du dommage qu’il a causé, voir : n 48 et 49.

623 L’écart est alors, l’état d’ « amputation » de la capacité physiologique de la victime.

624 Une notation chiffrée par pourcentage de la gravité de l’infirmité restante, autrement dit, une

appréciation chiffrée du déficit physiologique.

625 Voir : n° 100 et s.

626 La date de consolidation marque le point de départ pour solliciter l’indemnisation définitive du

préjudice de la victime. La consolidation est acquise au jour où l’état du blessé est devenu anatomiquement et fonctionnellement définitif, c’est-à-dire au jour où aucune ressource thérapeutique n’est plus susceptible d’entraîner d’amélioration appréciable et que les séquelles ne sont vraiment plus susceptibles d’évolution ultérieure.

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