E XISTENCE D ’ UN PRINCIPE DE RESPONSABILITÉ
L’ ÉTENDUE DU CONTRAT MÉDICAL À M ADAGASCAR
B. L’obligation médicale : une obligation de moyens
32. La formule d’Ambroise Paré 251 et les conclusions de l’arrêt de principe
de 1936 252, relatent fort bien l’intensité ou plus précisément les limites de l’obligation
médicale. Monsieur Paré, en sa qualité de chirurgien, dit : « Je le pansai et Dieu le
guérit » 253 L’arrêt Mercier pose le principe selon lequel : « Le médecin ne promet au malade
la guérison mais il prend l’engagement de lui donner des soins non pas les quelconques […] » 254.
Ces deux affirmations laissent entendre que le médecin n’est pas tenu de guérir le malade pour la seule et simple raison qu’il n’en a pas les moyens 255. À lire les
affirmations, le rétablissement du malade relève du sacré et ne pouvant être cautionné par le soignant. Néanmoins, le devoir médical oblige le professionnel à prendre toutes les mesures de nature à conduire à un résultat : la guérison 256. Ainsi,
le médecin ne promet rien d’autre que de se conformer à la diligence du bon père de famille en mettant au service du patient, des soins consciencieux 257. Mais en quoi
251 Ambroise Paré (1510 – 1590) fut chirurgien et anatomiste. Il était chirurgien des champs de
bataille. Cette expérience professionnelle lui a permis d’acquérir une compétence dans le traitement des plaies par armes à feu. Il est le précurseur de la ligature des artères après amputation qui remplace la cautérisation qui était de pratique à l’époque. Il a également inventé et perfectionné les prothèses. En tout cela, Ambroise Paré est identifié comme le père de la chirurgie moderne. Selon J. P. POIRIER,sa principale originalité est la conception exigeante qu’il eut de sa profession, tant sur le plan technique que sur le plan humain, http://fr.wikipedia.org.
252 Arrêt Mercier.
253 J-M.DELACOMPTÉE, Ambroise Paré, La main savante, éd., Gallimard 2007, p. 1966 à 1967.
254 Cass civ., 20 mai 1936, D.P. 1936.1.88, concl. P. Matter, rapp. L. Josserand, R.T.D. civ. 1936.
691, obs., Demogue.
255 La médecine n’étant pas une science exacte, il ne pourra être reproché au médecin de ne pas être
parvenu au résultat qui est la « guérison » du patient, www. Jureka.fr.
256 R.DEMOGUE, Traité des obligations en général, t. 5, n° 1237, p. 539.
257 « Le médecin ne promet pas la guérison, il promet simplement de soins assidus, éclairés et prudents » ; « Il se
forme entre lui et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien, l’engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, du moins lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserves faites de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science », arrêt Mercier,
Cass. civ., 20 mai 1936. Les mentions relatives aux missions de l’expert indiquées dans un arrêt de la cour d’appel en date du 15 juin 2006, résument bien la portée du devoir de soins consciencieux : « L’expert doit dire si les soins prodigués à Mme Y. durant la grossesse par le docteur C., ont
été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science à l’époque des faits, dire si cette conformité a été respectée tant lors de l’accouchement qu’après la naissance de l’enfant ; s’il y a erreurs médicales, dire si elles font suite à des négligences ou à un défaut dans l’organisation des soins. Enfin, dire si le docteur C. a fourni les informations suffisantes à la sage-femme et au docteur M. pour la bonne conduite de l’accouchement ». Par ailleurs, la conformité aux données acquises suppose pour le professionnel, le
fait de se tenir continuellement informé afin de perfectionner les connaissances. La Cour de cassation, dans un arrêt de la 1ère Chambre civile en date du 28 juin 1960, affirme l’obligation des
médecins d’entretenir et de perfectionner leurs connaissances, voir : C. MANOUIL, La
responsabilité du médecin du travail, Mémoire de D.E.A. 2000, Université de droit et de la santé, Lille,
p. 5. En effet, l’échange interprofessionnel d’informations faisant partie des devoirs de probité entre confrères (article 3 du Code de déontologie et article R. 4127-3 du Code de la santé
consiste concrètement la conscience médicale ? Monsieur le procureur général Matter en livre sagement la réponse : « La conscience médicale consiste à prodiguer des soins conformes
à la conscience et à la science médicale ». Le Code de la santé publique confirme cette thèse
en précisant qu’il s’agit des soins qui offrent « la meilleure sécurité sanitaire au regard des
connaissances médicales avérées » 258. La Cour de cassation dans ses motifs en date du
25 février 1997 résume la conscience médicale en ces termes : « La technique utilisée
était non seulement justifiée, mais la meilleure en l’état des connaissances médicales… Le matériel employé était exempt de vice et que le praticien l’avait vérifié avant son utilisation » 259. Enfin, le
principe de conformité aux données acquises de la science 260 a trouvé son
prolongement naturel dans le Code de déontologie médicale qui dispose que : « Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement
au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents » 261. Ainsi, la loi, la jurisprudence, la doctrine
et la déontologie s’accordent sur l’idée fondatrice de la « conscience médicale » : la conformité aux données acquises ou avérées de la science. Considérant, l’évolution des progrès de la science, les données éprouvées et admises par la communauté scientifique sont des éléments mouvants 262. En matière de responsabilité médicale,
cela implique de déterminer l’état des connaissances médicales dont on est en droit d’exiger du médecin au moment où sa responsabilité est mise en jeu. Pour ce, la Cour de cassation se base sur les usages médicaux valides à l’époque des faits 263.
Une pratique médicale devient un usage du moment où elle a dépassé le stade
publique), contribue au perfectionnement des acquis. La loi quant à elle, pose le principe selon lequel « Lorsque plusieurs médecins collaborent à l’examen ou au traitement d’un malade, ils doivent se tenir
mutuellement informés », article R. 4127-64 du Code de la santé publique.
258 Article L.1110-5 alinéa 1 Code de la santé publique.
259 Cass. civ 1ère, 25 février 1997, Bull. 1997, n° 72, p. 47, la Cour de cassation ne manque pas de
préciser qu’en agissant de la sorte, le médecin a pris les précautions d’usage, recommandées en pareil cas et que la méthode choisie eu été judicieuse.
260 L’expression d’origine jurisprudentielle (arrêt Mercier 20 mai 1936), « données acquises de la science »,
a été substitué par la loi du 4 mars 2002, à la référence « connaissances médicales avérées » (article L.1110-5, al. 1. du Code de la santé publique).
261 Article 32 du Code de déontologie correspond à l’article R.4127-32 du Code de la santé
publique.
262 Voir : M. BACACHE, La faute technique, n° 472266, LexisNexis SA 2011, Droit médical et
hospitalier, fasc. 18-2, p. 6-7 ; certains auteurs soulignent le caractère non-statique du concept « connaissances médicales avérées », A. LAUDE,B. MATHIEU etD. TABUTEAU, Droit de la santé, 2e éd.,
Thémis droit, Puf, 2009, p. 420.
263 Dans un arrêt de 1974, la Cour de cassation a considéré qu’une erreur de diagnostic était
excusable si elle était « normalement possible et justifiable en l’état de la science et de la pratique médicale à
l’expérimentation pour devenir une pratique courante à l’époque des faits 264.
Autrement dit, les données acquises de la science sont celles qui sont valides au moment des soins 265. Pour les apprécier, le juge a souvent recours aux experts 266. 33. En somme l’obligation de moyens caractérisant le contrat médical, invite le
praticien à agir avec diligence professionnelle et humaine. Le manquement à ce devoir engage la responsabilité médicale. Il incombe à la victime de le prouver. À présent, il sied d’observer la déclinaison de l’obligation médicale de moyens en droit malgache.