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L’espace palestinien, l’armature de la politique d’organisation du territoire israélien

EXTRAIT D'UN DISCOURS D'ANDREI GROMYKO A L’ONU EN MAI

III. 2 1970, la communauté juive comme monnaie d’échanges : vers la réactivation du flux migratoire

I.1 L’espace palestinien, l’armature de la politique d’organisation du territoire israélien

I.1.1 La Palestine mandataire : un espace dichotomique

Dans sa dimension démographique, l’espace mandataire présentait une géographie humaine dichotomique où un territoire juif se juxtaposait à un territoire arabe. L’espace de vie juif, comme nous l’avons souligné dans la partie précédente, s’est développé dans la plaine côtière, dans la vallée de Jézréel et la Galilée tandis que les populations arabes étaient regroupées essentiellement dans les espaces centraux de la Palestine (qui deviendront la Transjordanie), dans la région de Gaza et son arrière-pays, et en Galilée.

Cette dernière région constituait l’un des espaces de vie que partageaient les deux populations auxquels il faut ajouter divers centres urbains. Le premier d’entre eux est Jérusalem. Al Quds pour les uns, Yeroushalim pour les autres, a toujours constitué un lieu de rencontres pour ces deux populations. Puis viennent la ville de Haïfa et l’espace urbanisé de Tel Aviv et Jaffa. A la veille de la guerre israélo-arabe, Haïfa, sur une population totale de 140 000 personnes, comptait autant de résidents arabes que juifs (cf. encadré). A Jaffa, qui comptait 70 000 personnes à la veille de la guerre, le quartier arabe de Hayy al-Manshiyya constituait une véritable zone de contact avec Tel Aviv, deux fois et demi plus peuplée [cf. Khalidi, 1998 :76].

Israël : Un territoire construit sur le binôme Immigration/Geostrategie

Globalement, au lendemain de la guerre, la population arabe ne représente plus que 156 000 personnes sur l’ensemble du territoire sous contrôle israélien70. Une partie non

négligeable des Palestiniens restés dans les frontières du nouvel Etat juif était constituée de véritables réfugiés. Certains Palestiniens qui avaient quitté leur propriété devant le danger créé par le déclenchement du conflit pour des zones moins exposées (dans les limites de l’actuel Etat d’Israël) ne furent jamais autorisés à retourner sur leurs terres. Les Arabes dits Israéliens ont vécu, malgré l’octroi de la nationalité israélienne, sous un régime d’exception militaire jusqu’en 196671.

Pour les Israéliens, ces lieux de vie communs, malgré une réelle ségrégation ethnique des quartiers, ont constitué des objectifs majeurs dans le projet de maîtrise du territoire.

Au lendemain de la création de l’Etat, l’immigration a servi le projet politique israélien qui s’était donné pour devise les propos de Ben Gourion : « la colonisation, voilà la véritable conquête » [Segev, 1998 :121]. De cette période à nos jours, la perception du territoire chez les dirigeants israéliens s’est constamment établie dans une perspective géostratégique reposant sur la logique « accroissement démographique = sécurisation des frontières ».

Haïfa, la première illustration des pensées stratégiques de l’Etat d’Israël

Selon Benny Morris, lors d’une visite à Haïfa, les 1 et 2 mai 1948, Ben Gourion avait exprimé les visées des dirigeants sionistes concernant les populations arabes : « (a) A Haïfa, leur nombre ne devra pas excéder les 15 000, (b) deux tiers devront être chrétiens, un tiers musulmans, (c) tous les chrétiens devront être concentrés à Wadi Nisnas, (d) les musulmans devront être concentrés dans le quartier de Wadi Salib ».

Cette déclaration soulignait l’idée d’une délocalisation des populations arabes permettant d’installer les immigrants dans les habitations des expulsés et exilés, et, en termes de quotas, montrait les considérations stratégiques qui faisaient des Palestiniens, une potentielle « cinquième colonne » au sein du nouvel Etat.

Le projet de « ghettoïsation » des Arabes de Haïfa fut appliqué dès que les forces britanniques eurent évacué la ville. Au cours de la première semaine de juillet plus de 720 familles arabes furent déplacées essentiellement à Wadi Nisnas.

Une fois ces populations déplacées, l’opération Shikmona fut déclenchée. Il s’agissait de détruire une partie des habitations abandonnées afin d’améliorer l’aménagement de la ville et de construire de nouvelles habitations pour de nouvelles populations juives. Pour les Israéliens, la situation de guerre dans laquelle était le pays lors de ces opérations a justifié les déplacements de populations arabes et le non-octroi de compensation aux arabes pour leurs habitations détruites.

Source : MORRIS B., 1990, 1948 and after, Israel and the Palestinians, Oxford : Clarendon Press, pp.149-171.

I.1.2 L’appel migratoire lié à la création de l’Etat : l’occasion des premières tentatives d’organisation de l’espace

La configuration socio-spatiale de la Palestine et les modifications territoriales issues de la Première guerre israélo-arabe ont permis de dégager trois grands types d’espace d’accueil

70 Selon Eisenstadt [1985:332], la majorité d’entre eux était composée de Musulmans, environ 107 000, puis de

chrétiens (34 000) et de 15 000 Druzes et Bédouins.

71 De premiers signes de relâchement de l’étreinte militaire sur cette population se sont fait jour dès 1963 permettant

Chapitre deux

de l’immigration dans le nouvel Etat : les localités abandonnées par les populations arabes lors de la guerre de 1948, les centres d’accueil en périphérie des villes juives et les espaces ruraux (kibboutzim et moshavim).

I.1.2.1 L’occupation des espaces abandonnés par les populations arabes

Le premier espace d’accueil qui va accroître la structure urbaine d’Israël réside dans le mouvement d’installation des immigrants juifs dans les logements des localités arabes vidées de leur population par la guerre72. La nécessité de loger au plus vite les nouveaux arrivants et

d’occuper l’espace conquis lors du conflit a motivé cette politique d’occupation des logements arabes. Les villes de Jaffa, Haïfa, Jérusalem, Lod, Ramleh, Yavné, Acre et Be’er Sheva voient s’installer des milliers de juifs dans les logements abandonnés par les populations arabes, plus de 123 000 selon Eisenstadt [1954 :109]73.

Parallèlement à l’installation dans les principales centralités urbaines palestiniennes conquises, ce sont de nombreux espaces ruraux qui ont vu se substituer une population immigrante juive à celle d’origine palestinienne décimée ou exilée. Dès mars 1950, par la voie législative, cette politique d’appropriation des biens arabes a été légitimée par le gouvernement de Ben Gourion. La promulgation de la loi relative aux terres « désertées » a rendu l’Etat propriétaire des terres appartenant aux personnes définies, au lendemain du conflit, comme absentes [Bensimon, 1989:392] (cf. encadré).

L’appropriation des terres « abandonnées » a renforcé l’une des clefs majeures de la politique israélienne en matière d’aménagement territorial dans la

mesure où celle-ci a accru les surfaces de terres détenues par l’Etat (environ 95% de la totalité). Elias Sanbar a rappelé que les conquêtes militaires israéliennes avaient finalement permis avec la destruction de 415 villages arabes, la mainmise sur 1,6 million d’hectares [Sanbar, 1994 :66]74. Le fait qu’Israël soit propriétaire de la quasi totalité des terres du pays lui a conféré

une plus grande latitude pour mettre en pratique sa volonté politique et les orientations définies par les aménageurs.

L’appropriation israélienne des terres arabes Est considérée comme personne absente : « Toute homme qui était propriétaire légal d’un bien situé en territoire israélien, ou en tirait les fruits, ou en avait la détention, personnellement ou par l’intermédiaire d’autrui. Celui qui était citoyen du Liban, de l’Egypte, de la Syrie, de l’Arabie Saoudite, de la Transjordanie, de l’Irak, du Yémen et résidant dans ces pays ou en Palestine.

Celui qui était citoyen palestinien avant le 1er

septembre 1948 et qui a quitté son domicile habituel en Palestine pour un endroit situé soit à l’étranger, soit dans une partie de la Palestine qui était occupée à l’époque ou, s’il s’y était rendu, par des forces armées qui ont empêché la création de l’Etat d’Israël ou qui l’ont combattu après sa création. »

BENSIMON D., ERRERA E., 1989, Israéliens, des

Juifs et des Arabes, Bruxelles : Complexe

(Historiques), pp.392-393.

72 Un préalable à chaque établissement dans des espaces durables et semi-durables a été le passage, pour de courtes

périodes, dans des centres d’accueil bien souvent constitués par les anciens campements militaires britanniques.

73 Selon Pierre Feuillie, près de 250 000 familles se seraient installées dans les logements abandonnés [1953 :127].

74 Soulignons que E. Errera estime à 650 000ha, la superficie des terres arabes que se sont appropriées les Israéliens.

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Aujourd’hui, les seuls vestiges de cette période consistent en quelques superbes bâtisses arabes comme celles du quartier de Ge’ullim à Jérusalem mais surtout en le souvenir de ces lieux transmis de génération en génération chez les Palestiniens exilés de 194875.

I.1.2.2 Les ma’abaroth ou la genèse de nouveaux centres urbains

A coté de l’organisation d’un nouvel espace de vie juive dans les structures palestiniennes abandonnées, le gouvernement israélien a mis en place pour les nouveaux immigrants de véritables camps de transit appelés ma‘abaroth.

En 1950, plusieurs dizaines de camps de transit ont été érigés. Deux options furent adoptées quant à la localisation des ma’abaroth, soit une implantation en périphérie des villes préexistantes, soit dans une zone pionnière définie comme espace à développer. Les nouveaux immigrants s’y installèrent par milliers avec pour logements des tentes ou des baraques en bois. Ces premiers Israéliens trouvèrent à travailler soit dans les fermes ou villes avoisinantes à leur camp76 ou sur les chantiers lancés par l’Etat comme la construction d’infrastructures telles les

voies de communication ou bien encore ceux voués à la création de nouvelles localités rurales ou urbaines.

Outre l’idée de sécuriser les frontières qui prédominait dans cette politique d’organisation de l’espace, il s’est agi de freiner la concentration urbaine de la population juive dans les trois grandes villes de Jérusalem, Haïfa et Tel Aviv. Cette dernière regroupait 43% de la population urbaine en 1948 [Karmon, 1971 :90].

Le succès de ce premier essai de déconcentration de la population fut mitigé. Certes, le but qu’était la diminution de l’importance de Tel Aviv dans l’ensemble de la population urbaine fut atteint avec une part inférieure à 30% en 1957, mais celle-ci s’est faite au prix d’un fort mouvement de péri-urbanisation. Les localités à vocation agricole qui se trouvaient en périphérie de Tel Aviv ont profité de la croissance apportée par l’implantation de ma’abaroth. Pour certaines d’entre elles, le processus d’urbanisation entamé avant 1948, du fait de leur proximité avec le centre économique que constitue Tel Aviv, a été accéléré. La croissance de Petah Tiqwa notamment, comme l’indique le tableau 9, en est une illustration.

75 Il n’est pas rare de voir pour qui emprunte la ligne de bus reliant Jérusalem à Tel Aviv, de vieux Palestiniens, arc-

boutés sur leur canne en olivier, montrer à leurs petits enfants les lieux de leurs anciens villages quittés cinquante ans plus tôt. Aujourd’hui, le village d’Abu Gosh témoigne de la présence passée des Palestiniens dans cette région du petit triangle (ou dite encore « corridor de Jérusalem ») entre les deux grandes cités israéliennes. Sur l’histoire d’Abu Ghosh, cf. Benny Morris [1990:191-204] ; voir également celle du village de Deir Yâsîn où la totalité de la population arabe fut massacrée par les groupes militaires juifs en avril 1948.

76 Avec la saisie des terres abandonnées par les populations arabes, la superficie des terres agricoles a considérablement

Chapitre deux

Tableau 9- Croissance des anciennes localités agricoles de la plaine côtière (1948-1967)

Localités 1948 1952 1967 Nahariyya 1 700 9 000 20 200 Pardes Hanna 2 600 5 500 10 000 Hadera 11 800 21 000 30 000 Netanya 11 600 26 500 57 800 Ra' ananna 5 900 9 000 11 600 Kefar Sava 5 500 16 900 22 200 Herzliyya 3 500 18 100 35 600 Hod HaSharon 3 500 12 600 12 400 Ramat HaSharon 1 100 7 600 15 400 Rishon le Sion 10 400 20 500 40 000 Nes Ziona 2 300 9 500 12 000 Rehovot 12 500 23 000 34 000 Petah Tiqwa 21900 41 000 73 500

source: Karmon Y., 1971, Israel: a regional geography , London: Wiley-interscience, p.91.

Avec l’instauration de la politique des ma’aboroth, de nombreuses colonies agricoles dans la périphérie de Tel Aviv principalement, ont accédé au statut de localités urbaines. L’arrivée de nouvelles populations aux activités économiques non agricoles a diversifié le tissu socioprofessionnel préexistant et conduit ces lieux dans un processus d’urbanisation des plus intenses. En 1948, les treize localités mentionnées ci-dessus ont connu une augmentation globale de leurs résidents supérieure à 74 000, et en 1952, celle-ci a avoisiné les 180 000.

A la fin de cette première période, à l’échelle de l’Etat, la politique d’aménagement de l’espace présente quelques résultats intéressants. Premièrement, la politique de déconcentration du district de Tel Aviv se réalise au profit de sa périphérie -comme nous l’avons souligné précédemment- mais aussi des espaces septentrionaux et méridionaux du pays. La politique de sécurisation des espaces faiblement peuplés d’Israël prend forme. Entre 1950 et 1953, ces espaces limitrophes ont rassemblé plus d’un quart de l’ensemble des nouveaux venus alors qu’à peine plus de 15% des migrants de la grande vague migratoire de 1948-1949 s’y étaient installés.

La mise en œuvre d’une politique de répartition de la population constituait un réel défi pour les autorités. A la différence des Etats industrialisés d’Europe, comme l’a souligné Sitton, il s’agissait dans le cas israélien de faire venir des capitaux et des hommes et non pas simplement de maintenir en place des populations par l’apport massif de fonds et autres avantages financiers. A contrario, le cas israélien avait comme avantage d’inciter à l’installation, dans des régions peu hospitalières, des groupes de populations qui n’avaient pas toujours de liens dans le pays.

I.1.2.3 Densification des espaces ruraux et sécurisation des frontières

Le milieu rural a également nettement profité de la politique d’orientation des nouvelles populations dans les espaces peu peuplés d’Israël. Au cours de sa première décennie, le pays a vu la part de la population rurale passer de 15 à 22%. Cette croissance, certes de moyenne amplitude, a toutefois permis d’engager le pas vers une dispersion de la population. La tentative de diffusion de la population juive s’est réalisée à travers la création de colonies rurales. Certains kibboutzim et moshavim ont été créés avec l’idée que de ces créations, des

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centralités urbaines, sous l’effet du développement économique, verraient le jour et qu’elles constitueraient les villes intermédiaires qui faisaient défaut à la structure urbaine d’Israël dominée par une « ville primatiale »77 et sa périphérie, représentée par Tel Aviv et ses

extensions que sont, à l’époque, Ramat Gan, Holon et Bne Braq.

Le développement du milieu rural s’est principalement réalisé par la création de nombreux moshavim. Dans les vingt premières années d’Israël leur nombre a plus que quadruplé passant de 82 à 345 (cf. Tableau 10). Ces mouvements de population ont été l’occasion de sécuriser les frontières notamment dans la région de Beth Chéan78.

Tableau 10 - Evolution du nombre d’implantations rurales (fin 1947-1967)

Nombre d' implantations rurales Population

Type 1947 1967 1947 % 1967 % Moshava 45 60 25 300 25 50 200 19,9 Kibboutz 140 233 51 000 50,5 81 700 31,4 Moshav 82 345 23 800 23,5 120 500 46,8 Moshav Shitufi 11 22 1 300 1 4 900 1,9 Total 278 660 101 400 100 257 300 100

source: KARMON Y., Israel a regional geography , London: Wiley-Interscience, p.85.

Le Néguev avec une superficie représentant près de la moitié du territoire d’Israël a constitué, en tant qu’espace sous-occupé et frontalier, un des autres objectifs de peuplement des décideurs israéliens. L’aridité de cet espace méridional a été le principal obstacle à la colonisation. Les premières tentatives ont consisté en la relève de la ville de Be’er Sheva. Avec à peine plus de 5 000 habitants essentiellement arabes avant 194879, tous partis au cours de la

guerre, la transformation de cette cité aux portes du désert en capitale administrative et économique du Néguev a permis un rapide essor démographique de la région. De nombreux immigrants originaires d’Afrique du Nord s’y sont installés et fin 1950, la population s’élevait déjà à 8 300 personnes et a atteint les 20 500 en 1955. Outre les ressources en cuivre, phosphates et autres sels minéraux de la mer morte, le développement économique de cette région a tenu essentiellement en l’aptitude des Israéliens à amener l’eau jusqu’au cœur du désert. Ainsi, parallèlement au programme de répartition de la population dans le Néguev a été

77 Le terme est ici employé dans la lignée du concept de distribution primatiale tel que l’a défini Peter Haggett dans son

ouvrage L’analyse spatiale en géographie humaine, [1973 :118] et Denise Pumain, qui dans son ouvrage La dynamique des villes [1982 :18], envisage les villes « primatiales » comme des villes dont « la zone d’influence, considérablement étendue, dépasse le cadre national, et contribue donc à agrandir leur population ». Cette dernière conception designe parfaitement la situation de Tel Aviv s’inscrivant dans une logique métropolitaine « alimentée en population et autres

ces de croissance » par les réseaux de la diaspora juive. sour

78Localisé au sud du Lac de Tibériade entre la vallée du Jourdain et le mont Guilboa à l’ouest, cet espace a connu dès

l’après-guerre une nette croissance de la population avec un quadruplement de celle-ci au cours de la première décennie d’Israël. Cette augmentation de population juive s’est faite notamment grâce à la création de cinq moshavim essentiellement peuplés de nouveaux immigrants. La ville de Beth Chéan, majoritairement habitée par de nouveaux arrivants employés aux travaux agricoles dans les villages avoisinants a largement profité de cette politique d’aménagement pour développer sa population. Beth Chéan rassemblait les 9/15 de la population juive de sa région en 1958 [Dov Nir , 1968].

79 Il n’y avait que peu de Juifs à Be’er Sheva au début du siècle. En janvier 1921, Jacob De Haan dans son récit de

voyage, indique la présence de 500 familles environ dont les activités sont essentiellement tournées vers le commerce. Dans son récit, De Haan souligne l’origine de ces familles juives lorsqu’hébergé chez un des deux meuniers de la ville, il écrit : « ce midi, nous avons mangé du chou-fleur sucré. Et des pommes de terre poivrées avec du poulet. Et le potage en dernier lieu : parce que Be’er Sheva est située en Russie ». Par ces mots, à travers la description du déroulement du repas, il indique l’origine russe de ses hôtes qui cohabitaient essentiellement avec des populations bédouines principalement issues de la tribu Térabine [De Haan, 1997 :40].

Chapitre deux

élaboré le Plan national d’irrigation qui, dès les années 50, prévoyait en premier lieu la canalisation des eaux du Yarkon (qui se déverse dans la mer à hauteur de Tel Aviv) vers le désert. Cette tâche a constitué et constitue encore le principal défi qu’Israël doit relever pour développer cette région80.

Avec la mise en place des premiers plans de répartition de la population se sont faits jour les prémices d’une géographie ethnique de la population israélienne. Comme l’indique le tableau 11, pour la période 1956-1958, les Orientaux ont été majoritairement installés dans les espaces de développement. Plus des deux tiers des Juifs venus d’Afrique du Nord y ont été affectés tandis que les Hongrois, par exemple, se sont répartis autant dans ces zones reculées du pays que dans la bande côtière. A l’argument qui dénonçait, face à ces pratiques d’orientation des nouveaux arrivants, une discrimination ethnique fut opposée l’histoire migratoire du yichouv. Les responsables de l’agence juive ont expliqué ces disparités de répartition des nouveaux immigrants par le fait que les Ashkénazes entrant en Israël disposaient, du fait des premières aliyoth, d’un réseau relationnel plus important que celui des Orientaux, ce qui leur permettait de trouver plus aisément à se loger aux côtés de leurs prédécesseurs. Les données produites dans les travaux de Sitton semblent attester de cet état de fait. Le cas récent des immigrants russes montre que la faiblesse de leur présence dans les espaces de développement semble s’expliquer par leurs réseaux familiaux puisque près de la moitié d’entre eux ont trouvé un foyer d’accueil auprès de parents, essentiellement dans la région de Tel Aviv.

Cependant, ces premiers mouvements de protestation signifièrent, comme l’explicitera S.N. Eisenstadt, l’émergence du « problème ethnique » en Israël. En termes de mobilités, ces tensions ont poussé certains Orientaux à une ré-émigration interne en direction des quartiers défavorisés de Tel Aviv et de Haïfa.

Dans la seconde moitié des années cinquante, la politique de dispersion de la population juive par la création de colonies agricoles a été progressivement stoppée du fait d’un appauvrissement des ressources en terres et en eau [Schachar, 1985 :200]. A partir de cette période, la politique d’aménagement territorial s’est orientée vers un développement des espaces urbains d’Israël. Après la première phase d’accroissement de la population qu’avait été

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