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Une immigration familiale et âgée

CONTEXTE NATIONAL

III. 2 ( ) mais aussi dans l’espace

I.1 Une immigration familiale et âgée

Au début des années 90, pour qui était intéressé par l’immigration d’ex-URSS, il suffisait de passer quelques heures à l’aéroport de Lod et d’observer les vols en provenance de Moscou, St-Pétersbourg, Kiev ou bien encore Bakou, pour comprendre l’ampleur du « défi d’intégration » qu’Israël allait devoir relever. Parmi les familles entières descendant des nombreux vols qui se posaient à Lod, on pouvait voir aux côtés de jeunes couples accompagnés de leurs enfants, les grands-parents, voire les arrières grands-parents. L’arrivée en Israël de familles composées de trois voire quatre générations constitue un des traits caractéristiques de l’immigration d’ex-URSS au début des années quatre-vingt-dix. Israël voit s’organiser un véritable transfert de familles et comprend alors que la tâche de l’intégration

L’accueil des Juifs ex-soviétiques : « gérer l’urgence »

devra revêtir une dimension sociale qui ne saurait se limiter à l’aide aux logements et à l’emploi.

Comme le souligne la Figure 13, cette vague migratoire se caractérise par sa faible proportion de moins de 14 ans, 17,9% de l’ensemble du flux d’ex-URSS contre 19,5% en moyenne dans l’ensemble de l’immigration en Israël, et corrélativement par la plus forte proportion de 65 ans et plus, 11,2% contre 10,7%. Cette caractéristique est également remarquable si l’on compare la part des moins de 14 ans avec celles du pays de départ et du pays d’accueil qui s’élevaient à 23% dans la population russe et 28,7% dans celle d’Israël192.

A titre de comparaison, soulignons la très nette différence de profil démographique existante avec l’immigration des Juifs éthiopiens (cf. Afrique sur la Figure 13), la part des 65 ans et plus ne représentant que 7,4% et celle des moins de 14 ans, 40,2%. Ce profil démographique, pour la classe 0-14 ans, est à rapprocher de celui de la population musulmane d’Israël, cette classe constituant 43,4% de l’ensemble de cette population (la classe 65 et plus regroupe juste 2,5% de la population musulmane).

Figure 13 - Immigrants et migrants potentiels, par âge et dernier pays de résidence (1997)

0% 20% 40% 60% 80% 100% Amériques &

Océanie ex-URSS (partie

occidentale)

ex-URSS (partie orientale)

Europe Afrique Asie Tota l Continents d'origine Par t d es classes d g 75+ 65-74 55-64 45-54 35-44 25-34 20-24 15-19 5-14 0-4

Source: Statistical Abstract of Israel 1998, n° 49, Central Bureau of Statistics, Jerusalem.

Notes: Sont compris les touristes qui ont changé leur statut pour celui d' immigrant ou immigrant potentiel. Les données pour l' Asie incluent les républiques asiatiques de l' ex-URSS.

De fait, des disparités de profil démographique existent au sein même du groupe migrant ex-soviétique et reflètent la variété de ses origines géographiques. En comparaison de la structure démographique des Juifs de l’occident ex-soviétique, les Juifs originaires d’Asie centrale notamment présentent une population structurellement plus jeune, avec trois points de plus pour la classe « moins de 14 ans » et un point et demi de moins pour celle des « 65 ans et plus » (cf. Figure 13). Cette variation s’explique par une natalité plus élevée chez les

192 Voir Avdeev A., Monnier A., 1996, Mouvements de la population de la Russie 1959-1994 : Tableaux démographiques, Paris :

Chapitre cinq

communautés juives issues des régions asiatiques où les populations autochtones ne sont pas concernées, pour des raisons culturelles principalement, avec la même intensité que celle plus occidentale par la dynamique malthusienne opérante en ex-URSS193. La CEI présente un fort

gradient ouest-est du taux de natalité : les Etats occidentaux, comme la Russie, l’Ukraine ou la Biélorussie, présentent des taux de natalité (entre 9,6 et 9,8‰ en 1995) qui sont deux fois, voire trois fois, inférieurs à ceux de l’Azerbaïdjan (19,1‰) ou de l’Ouzbékistan (29,8‰) [Radvanyi, 1997].

La composition démographique de cette immigration s’avère ainsi radicalement différente de celle qu’avait pu connaître Israël lors des grandes aliyot de son histoire. Au cours des années cinquante-soixante, l’immigration juive d’Afrique du Nord, avec une part importante de jeunes immigrants (36% du flux global), avait inscrit Israël dans un processus d’édification démographique où la pyramide des âges présentait une large base. L’entrée des ex-Soviétiques ne fait par contre qu’accentuer l’érosion progressive de la classe d’âge « 0-14 ans » dans l’immigration globale. En effet, une perte de 10 à 15 points, selon le sexe considérée, y est enregistrée depuis la création de l’Etat. Une telle variation trouve son origine dans la mutation des foyers d’émigration qu’a connue Israël depuis ces dernières années : à la prédominance des flux en provenance des rives nord-africaines se sont substitués (outre celui d’ex-URSS) notamment ceux issus d’outre-Atlantique caractérisés par une immigration de faible ampleur composée de populations plus malthusiennes et aussi de retraités.

Autre indicateur de la structure démographique, l’âge médian des immigrants d’ex- URSS présente néanmoins une dynamique à la baisse : 37,2 ans en 1990 et 32 ans en 1998. Cet indicateur met en évidence un processus interne à la dynamique migratoire ex-soviétique. Comme nous le verrons plus en avant, l’image d’une immigration familiale tend actuellement à s’estomper. Si aux premières heures de l’immigration, ce sont grands-parents, parents et enfants qui ont constitué le contingent le plus important de l’aliya, aujourd’hui les populations âgées se font moins présentes dans l’immigration. Cependant, comme l’ont souligné les démographes du Bureau Central des Statistiques, sur la période 1990-1995, ces immigrants restent de sept ans plus âgés que la population juive d’Israël avec un âge médian de 36,2 ans comparé à 29,2 ans en Israël.

A l’interprétation de cette chute, signifiée par la baisse de la part des populations âgées, il faut ajouter la constance, voire l’accroissement, de celle des familles mono-parentales. Nombreuses sont les femmes seules qui immigrent en Israël avec leur(s) enfant(s). Ce phénomène constitue en effet une autre des caractéristiques de cette immigration. Si l’on observe la proportion de migrants divorcés dans l’aliya selon le sexe, on note que le nombre de femmes divorcées au sein du flux total de femmes est près de deux fois plus élevé qu’au sein du groupe migrant masculin. Sur les quelques 100 000 femmes, âgées de 15 à 55 ans, entrées en Israël entre 1990 et 1994, 15,7% étaient divorcées contre 8% chez les hommes.

L’importance de cette catégorie d’immigrants n’est que le reflet de la fréquence des divorces en ex-URSS : « la fréquence des divorces a en effet augmenté de 25% depuis le début

193 Soulignons que le recours à l’avortement est très fréquent chez les femmes soviétiques (le taux d’avortement total -

TAR- était en 1988 d’environ 3 avortements par femme). Face à l’importance de cette pratique, les services sociaux israéliens ont dû se préparer à une recrudescence de l’avortement en Israël, voir notamment : E. Sabatello, 1991, « Soviet immigration in Israel : consequences for family planning and abortion services », Planned Parenthood in Europe, Vol.20, n°2, pp.9-11, Eitan Sabatello, 1995, « Continuity and change in reproductive and abortion patterns of Soviet immigrants in Israel », Social Science Medicine, Vol.40, n°1, pp.117-124

L’accueil des Juifs ex-soviétiques : « gérer l’urgence »

des années 1990, pour atteindre en 1993, 50% (un mariage sur deux se termine par un divorce) » [Avdeev, 1996 :21]. Ainsi, la part des personnes divorcées apparaît fortement représentée dans l’aliya et se maintient à un niveau élevé avec 14,4% chez les femmes en 1998194.

Inévitablement, une telle caractéristique a tendance à accroître le sex ratio en faveur des femmes, déjà déséquilibré par le fort contingent de personnes âgées dans la migration. Sur la période 1990-1995, l’aliya comptait 84 hommes pour 100 femmes contre 93,5 en Israël (population de 15 ans et plus) et en 1997, les données étaient de 82,3 hommes pour 100 femmes chez les immigrants et 93 pour la population juive d’Israël.

Ces derniers indicateurs socio-démographiques démontrent qu’Israël doit faire face à un formidable défi migratoire, en regard de l’importance des effectifs migrants, mais aussi si l’on prend en compte la part non négligeable des populations requérant une attention sociale particulière. Pour exemple, la classe « déjà marié de 65 ans et plus » est dans le flux global de femmes, de 16 points plus élevés que chez les hommes. En 1995, le troisième âge originaire d’ex-URSS formait 17,5% de cette classe d’âge au sein de la population juive d’Israël (19% chez les femmes, 14,9% chez les hommes).

La lecture de ces informations nous pousse à conclure que la politique d’immigration menée par Israël, symbolisée par la Loi du retour, représente un réel coût pour la société israélienne. Même si cette question ne peut constituer l’essentiel des préoccupations qu’amène la description démographique de l’immigration d’ex-URSS, elle n’en demeure pas moins sous- jacente car, comme nous le verrons au fil de ce chapitre, le débat autour du coût de l’immigration témoigne de l’évolution de la perception de l’immigration en Israël et constitue ainsi un miroir des mutations identitaires du pays qui se sont opérées depuis 1948.

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