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Croissance urbaine et organisation de l’espace (1960-1989)

EXTRAIT D'UN DISCOURS D'ANDREI GROMYKO A L’ONU EN MAI

III. 2 1970, la communauté juive comme monnaie d’échanges : vers la réactivation du flux migratoire

III.1 Croissance urbaine et organisation de l’espace (1960-1989)

Le pays dans lequel sont entrés les immigrants d’ex-URSS possède un taux d’urbanisation parmi les plus élevés du monde. Avec 90% de population urbaine, Israël se situe parmi les cinq pays les plus urbanisés du monde110. Malgré les tentatives d’installation des

nouveaux immigrants dans le milieu rural -dans l’esprit du retour à la terre-, le taux d’urbanisation, après avoir quelques peu régressé dans les années cinquante et soixante, a retrouvé des valeurs avoisinant les 90% (cf. Figure 4)111.

Figure 4 - Populations urbaine et rurale juives (1948-1989)

1948 1953 1970 1989 Population rurale Population urbaine 0 10 20 30 40 50 60 70 80 %

GOLDSCHEIDER C. (ed.), 1992, Population & Social change in Israel , Boulder: Westview Press (Brown University studies in population and development), p.66.

Ce fort taux d’urbanisation est l’héritage de la répartition de la population antérieure à la création de l’Etat. Comme le montre la Figure 4, dès 1948, plus de 85% de la population

109 Dans cette partie, les données concernant les localités juives regroupent également celles sises au-delà de la ligne

verte ; ce qui n’est pas le cas pour les localités non-juives.

110 Selon le rapport de la Banque mondiale de 1990, Israël se plaçait au second rang des pays les plus urbanisés, après la

Belgique (la France était au 23ème rang avec 74% de population urbaine).

111 Rappelons qu’au moment de la création de l’Etat plus des deux tiers de la population juive était regroupée dans les

Israël : Un territoire construit sur le binôme Immigration/Geostrategie

juive résidait dans des villes. La politique de développement des localités agricoles afin d’accroître la couverture juive du territoire a progressivement conduit par l’action conjuguée de la croissance naturelle et des migrations (internationales et internes), à un net renforcement de la dynamique d’urbanisation en Israël. La croissance économique du pays et la mécanisation de plus en plus prononcée des activités agricoles ont renforcé ces dynamiques et ont progressivement fait passer une large partie des populations des localités rurales vers des activités secondaires et tertiaires qui ont stimulé une croissance concomitante de la population et de l’urbanisation. De plus, soulignons dès à présent que l’exode rural des seconde et troisième générations juives des localités rurales d’Israël a participé à ce processus d’urbanisation. Motivés par le désir d’occuper un emploi autre qu’agricole, ces nouvelles générations ont également exprimé leur rejet du mode de vie communautaire des kibboutzim, signe peut être de la fin de l’idéal sioniste, de l’entrée d’Israël dans une ère post-sionsiste112.

Entre 1961 et 1989, l’analyse de l’évolution de la répartition de la population entre milieu rural et milieu urbain reflète l’urbanisation qu’a connue Israël sur la période 1960-1989. Globalement, les villes ont connu un taux de variation de population largement supérieur à celui des localités rurales, respectivement + 123% et + 33% (cf. Tableau 13). Si l’on observe les évolutions en différenciant les populations juives et non-juives, quelques spécificités sont à signaler pour chacun des groupes.

Tableau 13 - Taux de variation de population (en %), par types de localités et groupes de population (période 1961-1983)

Types de localité et

groupes de population Population totale Population juive Population non juive

Localités urbaines 123 99 384 200 000 et plus 42 22 888 100 000-199 999 - - 50 000-199 999 19 267 50 000-99 999 204 167 20 000-49 999 58 48 182 10 000-19 999 120 44 5 813 2 000-9 999 53 -12 187 Localités rurales 33 48 -9 Total 109 92 241

source: Population in Localities 1990, Special series n° 916, CBS, Jerusalem, 1992, pp.86-87.

La population juive a poursuivi son urbanisation notamment par un accroissement des localités de 50 000 à 100 000 habitants qui ont connu un taux de variation de population de 167%. Israël compte six localités de cette taille alors que seules deux villes possédaient ce niveau de peuplement en 1961, Petah Tiqwa et Ramat Gan, deux villes en périphérie de Tel Aviv. En 1989, ces deux villes avaient dépassé les 100 000 habitants et des villes qui ne comptaient guère plus de 15 000 habitants en 1961, Herzeliyya, Kefar Sava et Ra’anana, étaient entrées dans le groupe des villes de plus de 50 000 habitants en 1989. Ces villes toutes trois

112 On pourra lire à ce sujet l’article d’Amnon Kapeliouk, « La décadence des kibboutz israéliens », le Monde

Chapitre deux

situées dans la couronne périphérique de la conurbation de Tel Aviv, démontrent le net mouvement de péri-urbanisation que connaît cette métropole.

Par ailleurs, à la base de la hiérarchie urbaine d’Israël, les villes de moins de 10 000 habitants ont enregistré une nette croissance de population, témoignant ainsi du « glissement » de certaines localités du monde rural vers celui de l’urbain. Cependant, cette accession au statut de localités urbaines concerne uniquement des espaces de vie palestiniens puisqu’à un taux de variation de population négatif pour les localités rurales non-juives entre 1961 et 1989, est venu répondre un taux de variation largement positif pour les localités de 2 000 à 9 999 habitants. En 1989, la population dans ces localités non-juives est 3 fois et demie plus élevée que celle des localités rurales alors que ces deux populations étaient équivalentes en 1961. Ces variations viennent témoigner de l’urbanisation des espaces palestiniens que trop souvent nous avons tendance à considérer comme statiques. Comme l’a souligné Michel Foucher, loin d’être des espaces figés, les aires de résidence des Palestiniens dans les territoires occupés connaissent également des croissances importantes : « les surfaces urbanisées par et pour les Palestiniens ont augmenté selon les villes, de 55 à 267%, entre 1968 et 1979. » [Dieckhoff, 1987 :77].

Pour la population juive, la lecture des mobilités internes révèle très nettement les orientations de la répartition de la population à la fin des années 80. Les villes en périphérie de Tel Aviv ont largement profité des mobilités périurbaines de la population juive puisque près de 90 000 personnes originaires du District de Tel Aviv se sont installées entre 1984 et 1990, dans le district Central. Sur cette période, ce dernier a affiché une balance migratoire de + 38 000 personnes. Cette avancée progressive de la population juive du district de Tel Aviv vers l’Est a eu semble-t-il pour effet d’amener une partie de la populations juive du district central à changer de résidence, créant ainsi un mouvement des migrations en chaîne qui a profité aux colonies juives de Cisjordanie principalement113. Les territoires occupés affichent

en effet une balance migratoire nettement positive (+ 36 300 résidents). La péri-urbanisation de Jérusalem a également contribué à établir une balance migratoire excédentaire dans les territoires occupés. Globalement, la diversité des croissances et des mobilités internes a dessiné une répartition de la population qui, malgré les efforts des dirigeants israéliens, présente une nette concentration autour des trois centralités urbaines du pays : Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa. La conurbation de Tel Aviv regroupe à elle seule plus de 36% de la population totale d’Israël et près de 45% de la seule population juive. Les remarques faites préalablement lors de l’analyse des migrations internes, sont ici confirmées. Les villes sises dans les différents anneaux de la conurbation de Tel Aviv possèdent des taux de croissance annuels tous supérieurs à 3,7% et ceci quelle que soit leur importance dans la hiérarchie urbaine d’Israël. Une dynamique similaie est remarquable dans l’aire d’attraction de Haïfa. L’importance des flux de populations juives entre les districts Nord et de Haïfa, visible sur la carte des mobilités internes, s’observe ici avec les forts taux de croissance de villes comme Qiryat Atta, Qiryat Bialik et Qiryat Motzkhin pour le district de Haïfa et Karmiel principalement, pour le district Nord.

Une telle répartition de la population engendre une très forte densité de population dans la plaine côtière mais aussi sur l’ensemble du pays. Hormis le Néguev, la vallée de Jezréel et les sous-districts qui bordent le plateau du Golan, la majorité du territoire présente une densité de population supérieure à 300 hab/km². A titre d’exemple, pour apprécier la densité

113 Notons toutefois que sur la même période, 58 700 personnes en provenance du district central se sont installées

Israël : Un territoire construit sur le binôme Immigration/Geostrategie

de population d’Israël, il nous faudrait imaginer la région Rhône-Alpes (2ème région la plus

peuplée de France) avec une population huit fois supérieure sur une superficie inférieure de moitié. L’impression d’une forte densité de population est renforcée par la présence d’un semis dense de localités rurales dans le maillage urbain israélien. Soulignons dire que la densité de population est élevée en Israël, ou bien qu’il y a un phénomène de péri-urbanisation de Tel Aviv qui sature l’espace littoral, prête à sourire chez les Israéliens qui ne cessent de rappeler que le nouveau venu doit penser chaque chose à une plus petite échelle et que l’impression de saturation de l’espace est inévitable quand un pays développé comme le leur, possède une plaine côtière entre Tel Aviv et Netanya qui atteint à peine les 18km de large.

A la lecture de l’architecture spatiale d’Israël en 1989, il apparaît nettement qu’Israël a acquis une cohésion territoriale grâce à la politique de renforcement de l’infrastructure agricole du pays lancée dès les années 50 et soutenue par les premières vagues migratoires comme nous l’avons souligné précédemment.

Moshavim et kibboutzim constituent le « liant » essentiel de la cohésion territoriale israélienne. Comme l’indique le tableau 14, ces deux types d’établissements agricoles constituent la très grande majorité des localités d’Israël : en 1989, les localités rurales représentent 85% de l’ensemble des localités et sont composées à 45% de moshavim et à 23% de kibboutzim. Entre 1961 et 1989, le bilan des créations de localités rurales indique une augmentation de 220 unités. La lecture de ce bilan en regard des populations rurales juives et non-juives montre que les créations ont essentiellement concerné la première de ces deux populations, respectivement + 249 et - 29. La disparition de localités rurales non-juives s’explique en partie par la croissance naturelle de leur population qui a fait basculer (par effet de structure lié à la définition des types de localités) du rural à l’urbain une partie des localités non-juives (cf.. tableau 14). Pour les localités juives, en plus de l’élan donné par la conquête de la Cisjordanie, de Gaza et du Golan, la stabilité s’explique notamment par l’application de la règle de primogéniture dans les moshavim en ce qui concerne l’utilisation de la terre. Cette règle a favorisé la création de nouveaux établissements ruraux [Goldscheider, 1992:66].

Globalement, le bilan des créations de localités est sans surprise, il penche nécessairement, du fait de la plus grande population juive, en faveur des localités juives : + 271 créations contre + 17 pour les localités non-juives entre 1961 et 1989. Mais il devient réellement intéressant quant ces données sont distribuées au sein des différentes unités administratives israéliennes. La politique de répartition de la population, empreinte de géostratégie, que nous avons explicitée précédemment, est clairement révélée. L’essentiel des créations de localités a été réalisé dans les districts Nord et Sud et dans les territoires occupés. Sur les 271 localités nouvellement créées pour ou par la population juive, 41% l’ont été dans les territoires occupés, 34% dans le district Nord et 15,5% dans celui du Sud (cf. Figure 5). Les localités non-juives se sont principalement réparties au sein du district Nord, l’espace de vie de la majorité des arabes-israéliens.

Chapitre deux

Tableau 14 - Variation du nombre de localités et de la part des types de localités selon les populations considérées (1961-1989)

1961 1961-1983 1983 1983-1989 1989

Population totale

Variation du nombre total de localités + 218 + 68

Variation du nombre de localités urbaines + 46 + 20

Variation du nombre de localités rurales + 172 + 48

Part des deux types de localités dans l'ensemble des localités (%):

Localités urbaines 12 14 15

Localités rurales 78 86 85

Population juive

Variation du nombre total de localités + 198 + 73

Variation du nombre de localités urbaines + 13 + 9

Variation du nombre de localités rurales + 185 + 64

Part des deux types de localités dans l'ensemble des localités (%):

Localités urbaines 10 9 9,5

Localités rurales 90 91 90,5

Population non-juive

Variation du nombre total de localités + 21 -4

Variation du nombre de localités urbaines + 35 + 11

Variation du nombre de localités rurales -14 -15

Part des deux types de localités dans l'ensemble des localités (%):

Localités urbaines 31 53 63,5

Localités rurales 69 47 36,5

source: Population in Localities 1990, Special series n° 916, CBS, Jerusalem, 1992, pp.86-87.

Pour conclure sur cette analyse des croissances différentielles des divers types de localités, on soulignera simplement que le nombre des colonies juives des territoires occupés a atteint un nombre équivalent à celui des localités non-juives sises en Israël, alors que ces colonies n’ont été créées qu’au lendemain de la Guerre des Six-jours. Souligner ce fait témoigne, une fois de plus, si cela devait être encore nécessaire, de l’intensité avec laquelle les dirigeants israéliens ont incité à l’installation au-delà de la ligne verte.

Israël : Un territoire construit sur le binôme Immigration/Geostrategie

Figure 5 - Répartition des localités juives et non juives, par district d’implantation (1961-1989)

-10 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 Disrict de Jérusalem District Nord District de

Haïfa District Central

District de Tel Aviv

District Sud

(a)

Territoires occupés (b)

Localités juives Localités non-juives

(a): entre 1983 et 1989 pour les localités non-juives, (b): entre 1972 et 1989 pour les localités juives; pas de données pour les localités non-juives.

source: Population in Localities 1990 , Special series n°916, CBS, Jerusalem, 1992, pp.66-68.

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