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Israël : Réapprendre à être un foyer d’accueil

CONTEXTE NATIONAL

III. 2 ( ) mais aussi dans l’espace

II.1 Israël : Réapprendre à être un foyer d’accueil

Entre 1990 et 1997, Israël a accueilli plus de 710 000 personnes de l’ex-URSS dont la moitié est entrée lors des deux années qui ont suivi les événements de 1989. Cette statistique révèle à la fois l'importance de cette immigration qui place Israël parmi les premiers pays d'immigration au monde -surtout en proportion de sa population- et le retour à un niveau d’immigration équivalent à celui des premières années de l’Etat. Pour comparaison, comme l’a souligné Anne de Tinguy, cette immigration, à l’échelle de la France, équivaudrait à l’entrée d’environ huit millions de personnes et constitue à elle seule près de 15% de la population du pays [de Tinguy, 1998 :2]. En regard de l’histoire migratoire israélienne, l’entrée des ex- Soviétiques est de même amplitude que celle rencontrée entre 1948 et 1951, le jeune Etat avait alors accueilli plus de 685 000 immigrants, ce qui avait permis le doublement de la population juive d’Israël (cf. Chapitre Un). Si nous devions encore apprécier l’étendue de la tâche d’intégration qu’Israël allait devoir assurer, soulignons que le seul mois de décembre 1990 aura vu immigrer plus de 35 000 ex-Soviétiques soit un nombre d’immigrants équivalent à l’ensemble du flux français vers Israël entre 1919 et 1997.

La soudaine vague d'immigrants de l'ex-URSS a surpris quelque peu Israël. Le pays n'était pas préparé à recevoir un aussi grand nombre de migrants ce qui a provoqué quelques difficultés d'intégration aux premières heures de l'immigration [M.I.A, 1996; Berthomière, 1995; Damian, 1996; Horowitz, 1996]. Israël, pays de tous les Juifs comme l'affirme la Loi du Retour, a dû renouer avec des préoccupations -accueil et intégration des immigrants- qu'il avait quelque peu oubliées. Jusqu'au déclenchement de l'immigration des ex-Soviétiques et depuis la fin des années soixante, la population israélienne puisait essentiellement sa croissance dans son solde naturel. La part de la balance migratoire dans la croissance totale fut même nulle à trois reprises au cours des années quatre-vingt. En termes « sociologiques », cette perte d'attractivité d'Israël dans l'orientation du flux d'émigration au sein de l'espace migratoire international de la communauté juive de l'ex-URSS pose la question d'une éventuelle translation d'Israël vers une société post-sioniste. Cette mutation trouve ses fondements dans le processus de "normalisation" qui s’opère dans la société israélienne et par voie de conséquences, dans la redéfinition des relations et de la hiérarchisation au sein du couple Israël/diaspora.

Cette nouvelle aliya a donc, par son volume, constitué un réel retour à ses origines pour Israël. L'instant était d'autant plus enthousiasmant qu'il s'agissait du "retour" des "Juifs du silence" autour desquels la communauté avait su se regrouper pour demander leur liberté. A cette joie s’est ajoutée l’émerveillement occasionné par le "retour" concomitant d'une autre communauté juive, celle d'Ethiopie. En 1991, l'opération Salomon a en effet permis le transfert de quelques milliers de Juifs d'Ethiopie, les Beta Israël199.

199 Pour plus d'informations sur cette communauté, voir les travaux de Lisa Anteby-Yemini et notamment le numéro

L’accueil des Juifs ex-soviétiques : « gérer l’urgence »

Au-delà de la joie suscitée par l’immigration d’ex-URSS (cf. encadré ci-contre), l’Etat israélien s’est trouvé quelque peu débordé par le nombre des immigrants, et a dû re- développer un programme d’intégration apte à fournir l’aide nécessaire à l’accueil de milliers d’immigrants désireux de refaire leur vie dans leur nouvelle patrie. Cette tâche n’a pas été sans difficultés et a ouvert sur une période que nous avons qualifiée comme l’épopée des Juifs ex- soviétiques en Israël.

II.1.1 Apporter une aide sociale aux olim d’ex-URSS : la politique du Sal HaKlita200

Les cinq premières années de cette immigration ont certainement été les plus intenses quant à la gestion de la vague migratoire. La politique migratoire a évolué entre les désillusions d’une politique basée sur un libéralisme des plus hasardeux et les certitudes d’une politique caractérisée par une volonté d’assistanat des plus paternalistes pour enfin se métamorphoser en une politique où le sujet est devenu acteur. Toutefois, le chemin qui a mené vers cette situation d’équilibre a constitué, et constitue encore pour de trop nombreux Soviétiques, une véritable « traversée du désert » où la perte de statut social a été une rude épreuve.

Avant d’entrer plus avant dans l’analyse du processus de « venue à communauté » des immigrants d’ex-URSS, il est nécessaire de décrire les différentes aides à l’intégration mises en place par le gouvernement israélien.

L’état d’Israël a, depuis le début de l’aliya en provenance d’ex-URSS, développé un programme d’intégration dite « directe ». Auparavant, les olim pouvaient opter pour deux types d’entrée dans la société israélienne : l’une indirecte, l’autre directe. Dans le premier cas, les nouveaux immigrants recevaient un logement dans un foyer d’intégration (Merkaz Klita) où ils pouvaient « s’initier à la société israélienne » et obtenir une assistance socioprofessionnelle ainsi que des cours d’hébreu, pour ne citer que les plus élémentaires des services. Dans le second cas, ils intégraient directement un logement de leur choix et bénéficiaient d’un soutien financier -Sal HaKlita- (« le panier d’absorption »). Un couple avec deux enfants se voyait attribuer une somme d’environ 7 500 euros.

Les nouveaux immigrants, dans le cadre de « l’intégration indirecte », percevaient une aide financière moindre et devaient respecter certains impératifs, le plus important étant de quitter le centre d’intégration au bout de six mois201. Il semble que cette limite ait été instaurée

pour plusieurs raisons. Premièrement, les capacités d’accueil de ces centres ne sont pas assez importantes, surtout depuis les vagues migratoires post-1989, la seule immigration éthiopienne ayant empli largement les Merkaz Klita. Deuxièmement, même si ces centres ont été pensés comme un nécessaire « tampon social » entre l’ancien et le nouveau monde des immigrants, le risque d’un recroquevillement des nouveaux venus dans le cercle fermé du foyer d’intégration semble justifier cette limitation. Ces centres disposant de nombreux services (crèche, supérette, école, synagogue), ils peuvent facilement devenir un obstacle à l’entrée dans la vie israélienne. Troisièmement, six mois est une durée raisonnable pour acquérir un niveau d’hébreu suffisant

200 Terme hébreu qui signifie littéralement « Panier d’absorption »

201 Il faut signaler que la limite de six mois s’applique aux immigrants issus de l’ex-URSS, en ce qui concerne les

Ethiopiens la limite a été fixée à un an. Depuis 1944, les familles doivent s’acquitter d’un loyer d’un montant évoluant entre 300 et 600 shekels par mois suivant la taille du logement demandé. De plus, les familles monoparentales bénéficient du droit de résidence d’une année. Cette extension concerne de nombreux immigrants de l’ex-Union.

Chapitre cinq

pour communiquer avec la population israélienne. Cette limite constitue donc l’instant où le nouvel immigrant peut participer de façon active à la vie sociale du pays202.

Il convient également de souligner l’existence d’un programme d’accueil spécialement dédié aux jeunes immigrants. Parallèlement au soutien financier et social apporté dans le cadre du Sal HaKlita, une politique de promotion de l’immigration de jeunes ex-soviétiques sans leurs familles a été mise en place. Comme nous l’avons indiqué précédemment une des premières motivations à l’émigration vers Israël réside dans le souci des parents de voir leurs enfants se développer dans un environnement juif, l’Agence juive a donc répondu à cette attente en créant le programme Na’Aleh 16203.

Certains parents ne désirant pas ou étant dans l’impossibilité de quitter l’ex-URSS ont, par l’intermédiaire de ce programme, choisi de laisser partir leurs enfants vers Israël. Ces jeunes ex-soviétiques émigrent donc seuls en Israël où ils reçoivent, comme le définit le programme Na’Aleh 16, « une éducation juive et sioniste et redécouvrent ainsi leur religion ». Les quelques milliers de jeunes ex-soviétiques venus dans ce cadre depuis 1994204, se voient

offrir une scolarité au sein des structures d’enseignement israéliennes (écoles publiques et religieuses [yeshivoth] situées dans des villages de jeunes ou des kibboutz principalement) et sont intégrés, lors de leur temps libre, dans des « familles d’accueil » où ils peuvent célébrer le Shabbat et les fêtes juives205.

Au delà du simple souci de procurer une « vie meilleure » à ces jeunes, ce programme est vu comme un moyen supplémentaire pour accroître l’aliya d’ex-URSS : l’expression du bien-être de ces enfants pouvant être l’une des plus fortes motivations à l’émigration des parents...

Depuis 1990, face à l’ampleur de l’immigration, les nouveaux arrivants optent à plus de 90% pour « l’intégration directe ». Cette stratégie d’intégration n’a pas été sans effets sur la capacité d’accueil d’Israël car elle sous-entendait une forte disponibilité en logements.

202 Sur cette question, voir l’étude de Ruth Tamar Horowitz sur les Merkaz Klita, intitulée « Immigrants in Transition :

The Israeli Absorption Center », 1977.

203 Na’Aleh 16 est issue de la fusion des programmes Na’Aleh, du gouvernement israélien, et Aliyah 16, de l’Agence

Juive, qui visaient à l’immigration de jeunes ex-soviétiques en Israël. Ce type de programme s’intègre dans celui connu sous le nom d’Aliyah des jeunes, créé en 1933, et grâce auquel plus de 400 000 jeunes venus du monde entier ont reçu une éducation en Israël. Pour plus d’informations sur l’Aliyah des Jeunes, voir l’ouvrage que Moshe Kol a consacré à ce sujet (cf. bibliographie Moshe Kol, 1965).

204 Lors du lancement du projet Na’Aleh 16 en ex-URSS, le chiffre de 5 000 jeunes qui pourraient venir en Israël via ce

programme avait été avancé.

205 L’analyse du processus d’intégration des jeunes immigrants est un thème important que nous ne pouvons

développer dans cette recherche du fait de son étendue et des compétences qu’il requiert. Soulignons néanmoins trois publications qui permettent d’approcher cette question : D. Guttfreund, J. Mirsky, 1992, « Immigrant students in Israel : A cross cultural primary prevention program to facilitate their adaption », Cross-Cultural psychology Bulletin, N°26, 4 ; J. Mirsky (et al.), 1992, « The psychological profile of jewish late adolescents in the USSR : A pre- immigration study », Israel Journal of Psychiatry and Related Sciences, N°23, 3 ; J. Mirsky, L. Prawer, 1992, To immigrants as an adolescent. Immigrant youth from FSU in Israel, Jerusalem: The Van Leer Jerusalem Institute. On remarquera que ces trois recherches ont été publiées en 1992, une année qui peut être considérée dans le processus de « venue à communauté des immigrants » comme celle de leur démoralisation face aux difficultés d’installation, tant au niveau du logement que de l’emploi, en Israël.

L’accueil des Juifs ex-soviétiques : « gérer l’urgence » 10 Mai 1993, Une journée à l’aéroport...

Nous avions été invité par l’Agence Juive pour assister à l’arrivée du premier vol direct en provenance de l’Extrême-Orient soviétique. Quelques 250 immigrants du Birobidjan allaient inaugurer le premier vol en provenance de Khabarovsk.

Tout avait été organisé avec le plus grand soin. A 12h30, les personnes conviées à cette arrivée s’étaient rassemblées à la célèbre Shalom Gate (Porte de la Paix) par laquelle Anouar El-Sadate était entré en Israël, quelques années plus tôt. Des drapeaux israéliens étaient disposés sur toute la piste d’atterrissage et un orchestre était prêt à faire résonner l’hymne israélien.

Les responsables de l’Agence Juive expliquaient à la presse que dans les prochains mois l’organisation allait installer neuf nouveaux Aliya Centers dans cette région située à plus de 7 000 Km de Moscou et où, selon les émissaires de l’Agence, plus de 12 000 Juifs étaient recensés à Khabarovsk, 15 000 à Novosibirsk, 10 000 au Birobidjan et 4 000 à Magadan et Vladivostok. Comme l’avait souligné Simcha Dinitz, responsable de l’Agence Juive, il s’agissait pour Israël d’une « victoire du sionisme sur le communisme ».

A 14h35, l’orchestre entonna la Hatikva et les premiers immigrants d’Extrême- Orient soviétique posèrent le pied en Israël. La scène nous était certes familière puisque déjà vue de nombreuses fois mais la réalité resta troublante. La succession de familles portant d’imposants sacs contenant les derniers effets personnels ramassés à la hâte, entrecoupés par le passage de jeunes hommes serrant précieusement leur violon ou de septuagénaires arc-boutés sur leur canne par le poids des ans ou bien celui de leurs médailles de l’Armée rouge fièrement épinglées sur leur veston ne pouvait laisser indifférent. Dans quelle étrange région étions- nous (?), l’arrivée de familles juives était hautement célébrée tandis qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, des familles palestiniennes attendaient leur possible retour...

Après de « sonores » célébrations de cet événement, les nouveaux immigrants partirent en direction du hall d’accueil où les attendaient le Ministre de l’Intégration et le Président de l’Agence Juive. Leurs discours, solennels, présentèrent les immigrants comme les artisans de l’édification d’Israël. Si ce n’était la présence, au loin sur le tarmac, du Boeing 747 qui avait déposé quelques minutes auparavant ces olim, nous nous serions cru revenu au 14 mai 1948. Suite à ces discours, des immigrants furent invités à exposer leurs motivations. Au prix de grands efforts et sous l’effet d’une vive émotion, certains les exprimèrent dans un hébreu d’une étonnante fluidité. Nous pouvions ainsi constater les premiers acquis de la politique d’installation d’oulpanim en ex-URSS.

La cérémonie fut clôturée par quelques indications techniques concernant les démarches administratives que les nouveaux arrivants allaient devoir opérer. Un responsable du ministère, tandis que les responsables gouvernementaux se retiraient, expliqua aux olim que dans la rangée de boxes situés tout au long de la salle, des fonctionnaires des services de l’immigration les attendaient pour enregistrer leur entrée et leur remettre la première partie du Sal HaKlita. Une à une, les familles se dirigèrent vers les boxes et après avoir décliné leur identité, ils se virent remettre une carte d’identité provisoire et différents documents qui allaient leur ouvrir les droits offerts à tout nouvel immigrant. Nous observions, en temps réel, le flux d’immigration...

Progressivement montait inévitablement en nous, la question du futur de ces immigrants. Comment ne pas redouter l’avenir en regardant cette jeune femme habillée d’un tee-shirt où l’on pouvait lire en anglais « Je suis allergique aux travaux ménagers ! » alors qu’au même moment, à Tel Aviv, toute proche, de nombreux qualifiés travaillaient comme plongeurs pour gagner leur vie. Les Soviétiques n’ignoraient pas ce fait et comme des milliers de migrants de par le monde, ils se juraient que, eux, allaient réussir.

Chapitre cinq

II.1.2 Fournir un toit aux immigrants : la relance du secteur de la construction

L’allocation d’une aide à l’intégration directe comme le Sal HaKlita supposait en effet le développement concomitant d’une offre en logements pour accueillir les nouveaux venus. Cette question a été la plus sensible et la plus complexe à résoudre. Les immigrants ex- soviétiques des années 90 ne ressemblaient en rien à ceux du début du siècle où, comme le rappelait Samuel Aroni, les olim se passaient les briques de main en main tout en murmurant « bitte, Herr Doctor », et « danke, Herr Doctor ! » [1994 :57]. L’ambiance n’était plus celle d’un pays qui se construisait au fil de l’immigration, il fallait apporter une réponse immédiate à la demande en logements de ces populations qui quittaient l’ex-URSS pour un lieu qui ne pouvait être « que meilleur puisqu’en Occident ».

Aux premières heures de l’aliya, le gouvernement a fait preuve d’un manque notable de planification. L’ampleur de l’immigration, aussi soudaine fût-elle, requérait la mise en place d’un dispositif capable d’accueillir au plus vite les immigrants. Tel ne fut pas le cas. Le pays s’est très rapidement retrouvé submergé par la vague migratoire d’ex-URSS. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce manquement. A la fin des années 80, le gouvernement que dirige Y. Shamir (Likoud) privilégie une politique libérale où les lois du marché orientent le devenir du pays. Une telle politique gouvernementale se caractérisait pour ce qui était du logement par un net désinvestissement de l’Etat sur cette question. La succession de périodes de « Ups and Downs » dans la construction au cours des cinq décennies d’existence de l’Etat l’avait en effet conduit à reléguer au domaine privé cette préoccupation et à n’intervenir qu’à travers des programmes d’aide aux logements [Portnov, 1998 :382]. La part des crédits alloués au logement dans le budget national de développement (National Development Budget) n’avait cessé de s’éroder, passant de 28% de l’enveloppe budgétaire en 1975 à seulement 2% en 1989 [Fialkoff, 1992 :170]. A la fin des années 80, les huit dixièmes des constructions entamées l’avaient été à l’initiative de compagnies privées. Cette situation était d’autant plus paradoxale que l’Etat, à travers son service de gestion du territoire (Israel Lands Administration), possède plus de 90% des terres du pays : l’allocation de terres pour la construction se réalisant à travers deux procédures : 1- via l’adjudication au plus offrant ; 2- via des opérations programmées d’habitat public en partenariat avec des promoteurs privées. [Fialkoff, 1992].

Ainsi face à l’immédiate saturation des logements vacants, du fait de l’ampleur de la vague migratoire et de l’inadéquation des centres d’intégration ainsi que de leur indisponibilité, puisque déjà occupés en grande partie par les immigrants d’Ethiopie, le gouvernement a dû relancer une politique de construction de logements à grande échelle.

Les promoteurs immobiliers sollicités pour relancer l’effort de construction n’ont que tardivement répondu aux appels du gouvernement. Comme l’a mentionné Chaim Fialkoff, suite à l’affaissement du marché immobilier à la fin des années quatre-vingt, en partie dû à la chute de l’immigration, les entrepreneurs ont préféré pratiquer une politique de « wait-and- see ». L’expectative portait notamment sur « l’incertitude quand à la poursuite du mouvement d’immigration, sur les choix des lieux d’établissement des olim et sur la capacité d’achat des nouveaux immigrants » [1992 :172-173]. Face à l’accroissement des difficultés de logement des

L’accueil des Juifs ex-soviétiques : « gérer l’urgence »

promulguant divers décrets d’incitation à la construction, qui ont ainsi fourni les garanties nécessaires aux promoteurs soucieux de ne pas investir à perte206.

L’essentiel des incitations envers les promoteurs a consisté en l’octroi d’un bonus d’environ 13 000 euros pour chaque unité de logement réalisée en moins de sept mois, d’une prime à l’allongement de la journée de travail, d’une réduction du prix des terrains constructibles dans les espaces périphériques, et d’une garantie bancaire, en cas de non cession, équivalente à 100% du coût des logements construits dans les régions périphériques du pays (Galilée et Néguev) et à 50% pour ceux sis dans les espaces centraux. A ces incitations a été couplée la signature d’un contrat d’achat de 20 000 logements clés en main (dont 50% de préfabriqués) et de 25 000 mobile homes dans l’attente de l’achèvement des logements en construction [Fialkoff, 1992 :173, Portnov, 1998 :382]. La reprise en main de la gestion du logement par l’Etat a abouti à une croissance de 3 900% du nombre de constructions initiées par le Ministère de la Construction et du Logement : la moyenne annuelle étant passée de 3 000 logements en 1989 à 120 000 pour 1990 et 1991 [Portnov, 1998 :382].

Si cette politique de construction a su résorber les problèmes de logement rencontrés par les immigrants d’ex-URSS, elle n’a pas été exempte de contre-effets. L’Etat, en tentant de poursuivre sa politique de déconcentration de la population par la construction de logements dans les espaces périphériques du pays, a été confronté au développement d’un taux élevé de non-occupation des logements neufs. Près des deux tiers des constructions financées par l’Etat ont en effet été réalisées dans les districts Nord et Sud et dans celui de Jérusalem (notamment à l’Est de la ville) (cf. Carte 3). Une nette discordance de logique s’est donc fait jour entre les stratégies d’intégration des ex-Soviétiques et celles de l’Etat. En 1990 et 1991, au plus fort de la vague migratoire, les ex-Soviétiques n’ont été que très faiblement attirés par une installation dans les espaces périphériques d’Israël. A cette période, les statistiques témoignent de cette discordance : en 1991, près de 30% de l’ensemble des constructions a été réalisé dans le district Sud alors que seulement 6% des immigrants d’ex-URSS s’y étaient installés dans le sous- district de Beer Sheva, principal espace d’accueil des ex-Soviétiques au Sud [Aroni, 1994 :59].

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