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L ES DISPOSITIONS APPLICABLES AUX CONTRATS DE LA COMMANDE PUBLIQUE

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 88-93)

Le traité instituant l’UEMOA ne contient pas de dispositions régissant spécifiquement les marchés publics, ni les contrats de délégation de service public. Il en est de même par exemple du traité instituant la Communauté économique européenne.

Toutefois ce dernier faisait une allusion aux marchés publics passés dans le cadre des investissements financés par la communauté dans les pays et territoires d’outre-mer180.

Il a fallu attendre l’acte Unique européen entré en vigueur le 1er juillet 1987 pour que les marchés publics soient introduits dans le traité instituant la communauté

180Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, art. 199 (ex. art. 132 du Traité instituant la communauté européenne, http://eur-lex.europa.eu/fr/treaties/dat/11957E/tif/11957E.html), JOUE 2010/C83/01 du 30 mars 2010. Cette disposition prévoit que: «pour les investissements financés par la communauté, la participation aux adjudications et fournitures est ouverte, à égalité de conditions, à toutes les personnes physiques et morales ressortissantes des États membres et des pays et territoires». Il faut dire qu’en 1957, non seulement les marchés publics figuraient en bonne place sur le registre des outils d’interventionnisme de la puissance publique mais en plus la préoccupation majeure de la communauté était la suppression des obstacles tarifaires aux échanges. Voir en ce sens José Maria FERNANDEZ MARTIN, The EC public procurement rules: a critical analysis, Oxford, Clarendon Press, 1996, p. 4-7.

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européenne à travers leur association à la politique de recherche et de développement181. Néanmoins la Cour de justice des communautés européennes (actuelle Cour de Justice de l’Union Européenne) a, bien avant cette révision, appliqué les dispositions du traité de Rome aux marchés publics182. Qu’en est-il dans le cadre de l’UEMOA?

Il a été reproché au traité de Dakar de ne pas jeter les bases suffisantes à la création d’un marché intérieur des contrats administratifs183. Certes, les marchés publics et les contrats de délégation de service public ne sont pas mentionnés dans le traité de Dakar.

Pour autant, ces contrats ne sont pas exclus de son champ d’application matériel.

Le traité confère aux Etats et à leurs ressortissants un certain nombre de libertés fondamentales184 dont la violation rendrait illusoire l’objectif de créer un marché unique, qui est la mission première de l’Union. Ainsi, il garantit, la libre circulation des marchandises185 et des personnes ainsi que la liberté d’établissement et de prestation de services186. La définition de ces libertés est accompagnée de la détermination des mesures

181Acte unique européen du 17 février 1986, Journal officiel des communautés européennes, n° L 169 du 29 juin 1987; Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, op. cit., art. 179, parag. 2 (ex. art. 163, parag. 2 du Traité instituant la communauté européenne, JOUE n° C 325 du 24 décembre 2002.

182Voir notamment, l’ouvrage de Nicolas MICHEL, les marchés publics dans la jurisprudence européenne:

exposé systématique des arrêts et ordonnances de la Cour de justice des Communautés européennes, Fribourg, éditions universitaires, 1995, p.2 et s. Joël ARNOULD, « Les contrats de concession, de privatisation et de services «in house» au regard des règles communautaires. Les instruments de type marché» à l’épreuve du droit européen de la commande publique», RFDA, 2000, n° 1, pp.2-23.

183 Eric P. L. KY, L’intégration par la commande publique: la réforme du droit de marchés publics dans l’Union économique et monétaire ouest africaine, Thèse de doctorat, Université de Poitiers, 2004, 611 p.87.

184 La qualification de liberté fondamentale provient à la fois de la doctrine et de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (anciennement Cour de Justice de la Communauté Européenne).Voir par exemple, CJCE, 17 novembre 2009, Presidente del Consiglio dei Ministri contre Regione Sardegna, affaire N°C-169/08, paragraphe 42Rec. I-10821; Pour une présentation des libertés de circulation dans l’UEMOA et des différentes mesures adoptées par les organes de l’Union pour leur mise en œuvre voir Hamidou S.

KANE, «La libre circulation des personnes et des biens dans l’UEMOA», communication présentée lors de la Troisième rencontre inter-juridictionnelle des cours communautaires de «l’UEMOA, la CEMAC, la CEDEAO et l’OHADA», Dakar, mai 2010, 34 p. Article publié sur le site de l’Institut international de droit d'expression et d'inspiration françaises: (consulté en mars 2014).

www.institut-idef.org/IMG/pdf/CommunicationLibreCirculoPers_Biens_JugeKANE_.pdf

185La notion de marchandise au sens de traité UEMOA peut s’entendre de tous biens pouvant faire l’objet d’une transaction commerciale. Voir en ce sens, Mariane DONY, Droit de la communauté et de l’Union européenne, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2001, p 151.

186 Traité instituant l’UEMOA, op. cit., art. 91 et s.

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qui garantissent leur effectivité. Il s’agit par exemple de l’élimination sur les échanges entre les pays membres de tout droit de douane, toute restriction quantitative, toute taxe d'effet équivalent à une telle restriction et de toute autre mesure d'effet équivalent187.

La Cour de Justice de l’Union Européenne définit les mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives comme «toute réglementation commerciale des Etats membres susceptibles d’entraver directement ou indirectement actuellement ou potentiellement le commerce intra communautaire»188.

Or il est apparu que, laissées à la discrétion des Etats, les règles de passation des marchés publics ont souvent rempli une telle fonction. Tel est le cas de certaines prescriptions figurant dans les cahiers de charge ou les Codes des marchés publics et qui réservent certains contrats aux nationaux parce qu’exigeant des conditions qu’une entreprise étrangère ne peut pas ou peu difficilement remplir189. Il en est de même des dispositions qui confèrent le monopole d’une prestation de service ou de la fourniture d’un bien donné à une seule entreprise190. Entrent aussi dans cette catégorie les dispositions

187 Ibidem, art. 76 (a).

188 CJCE, 11 juillet 1974, Procureur de Roi contre Benoît et Gustave Dassonville, affaire n°8/74, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1974. p. 837.

189 L’article 45 du Code sénégalais des marchés publics issu du décret n°2002-550 du 30 mai 2002, aujourd’hui abrogé, prévoyait ainsi que «la participation aux appels à la concurrence et aux marchés de prestations et fournitures par entente directe dont le financement est prévu par les budgets de l’Etat, des établissements publics, des collectivités locales et des sociétés nationales ou sociétés à participation publique majoritaire, est réservée aux seules entreprises installées au Sénégal, régulièrement patentées ou exemptées de la patente et inscrites au registre du commerce et du crédit mobilier ou au registre des métiers». Une telle disposition exclut des soumissionnaires potentiels, toutes les entreprises étrangères qui n’ont pas les moyens d’ouvrir une filiale régulièrement installée au Sénégal.

190 Au Burkina Faso, l’article 1er du Zatu AN VII 44 du 23 juillet 1990 portant monopole des études et contrôles géotechniques et du contrôle technique en vue de garantie décennale en matière de bâtiments et travaux publics accorde au Laboratoire National du Bâtiment et des Travaux Publics, le monopole des activités dont le texte fait l’objet. Ceci oblige toute personne physique ou morale, étrangère ou de nationalité burkinabè, devant exécuter ou faire exécuter des travaux de génie civil pour le compte de l’Etat ou de ses démembrements, à recourir au LNBTP, détenteur du droit exclusif pour l’exécution de ces prestations.

Toutefois parce qu’un tel monopole n’est plus en phase avec les exigences de concurrence et aussi pour des raisons d’efficacité et de qualité des prestations du LNBTP, l’ouverture à la concurrence de ses activités est en cours. Le ministère burkinabè des infrastructures et du désenclavement a initié une réforme du Zatu de 1990. Un atelier a été organisé à cet effet le 13 juillet 2012 pour ouvrir les discussions avec le secteur privé afin de réfléchir sur les modalités d’une telle réforme.

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instituant une marge de préférence nationale ou exigeant que les soumissionnaires aient leur domiciliation fiscale ou commerciale sur le territoire de l’entité acheteuse, ou exigeant un agrément d’une autorité de ce même pays.

Lorsqu’elle a été sollicitée pour un avis sur le projet d’agrément unique, au profit des établissements bancaires communautaires, la Cour de justice de l’UEMOA s’est fondée sur la nécessité de ne pas entraver les libertés fondamentales du traité pour valider ce projet191. Selon elle, le fait que les établissements bancaires ne puissent créer de succursales que sur la base d’un agrément émanant de l’Etat d’accueil, «constitue un handicap sérieux à l’exercice de la liberté d’établissement (…), la liberté de prestations de services (…), et la liberté de mouvement de capitaux». Afin de remédier à cette situation, elle s’est prononcée en faveur de l’établissement d’un agrément unique qui est un «moyen fondamental de constitution d’un marché bancaire intégré qui consolide le marché financier, ce qui, (...) constitue le socle sur lequel repose tout le processus économique et monétaire de l'organisation d'intégration que constitue 1'UEMOA».

Un tel raisonnement peut parfaitement être transposé dans le domaine des contrats administratifs. Les dispositions des Codes nationaux qui exigent un ou plusieurs agréments délivrés par les autorités nationales entravent les libertés fondamentales garanties par le traité et compromettent l’existence d’un marché commun de la commande publique.

Il apparait ainsi, que, pour la réalisation du marché commun, les contrats de la commande publique ne sauraient être exclus du champ d’application du traité instituant l’UEMOA. Pour reprendre le professeur Alfonso MATTERA, il est juridiquement injustifiable et politiquement inacceptable de libéraliser les échanges de biens et de services lorsqu’on est en face d’acheteurs privés et que ces mêmes achats soient soustraits aux règles communautaires lorsqu’ils s’effectuent dans le cadre d’une commande

191 Cour de justice de l’UEMOA, Avis n° 003/1996 du 10 décembre 1996, Demande d’avis de la BCEAO sur le projet d’agrément unique pour les banques et les établissements financiers, Recueil de la jurisprudence de la Cour, 01-2002, pp 4-18.

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publique192. L’objet de ces contrats, - la commande de biens, de services, de travaux, ou de services de gestion d’un service public - coïncide avec les prestations dont la liberté de circulation constitue une liberté fondamentale garantie par le droit originaire de l’Union.

Ces libertés fondamentales sont reprises dans les directives communautaires relatives aux marchés publics et aux contrats de délégation de service public à travers ce que l’on appelle communément les principes fondamentaux de la commande publique.

En guise d'exemple, la liberté d’accès à la commande publique, en plus de partager la même matrice – le principe général de liberté - que ces libertés fondamentales, en constitue en quelque sorte, une traduction. La Cour de justice de l’Union européenne a estimé, dans une jurisprudence constamment reprise, que les directives dont le but est de coordonner les procédures de passation des marchés publics, visent à supprimer les entraves aux libertés de circulation des marchandises, des services, à la liberté d’établissement et de prestation de services garanties par le traité193

A côté des libertés fondamentales consacrées dans le traité, on trouve aussi ce qu’il est convenu d’appeler les principes généraux du traité. Il s’agit des règles, juridiques ou non, établies en termes assez généraux, destinées à inspirer diverses application et s’imposant avec une autorité supérieure194. Inscrits dans le traité, leur application se retrouve dans les principes fondamentaux de la commande publique.

Ainsi, le principe d’égalité d’accès à la commande publique peut être considéré comme une déclinaison, dans le champ des contrats, de la prohibition de la discrimination en raison de la nationalité posé à l’article 91 du traité195.

192Alfonso MATTERA, «La politique communautaire des marchés publics: nécessité ou souci de perfectionnisme? Quelques réflexions sur le livre de la Commission européenne», Revue du marché unique européen, n°4/1999. p.13.

193CJCE, affaire n° C-380/98 du 3 octobre 2000, University of Cambridge, parag. 16, Recueil de jurisprudence de la Cour, p. I-8035; CJCE, aff. N° C-360/96 du 10 novembre 1998, BFI Holding, parag. 41, Recueil de jurisprudence de la Cour, p. I- 6821 etc.

194Gérard CORNU et ASSOCIATION HENRI CAPITANT, Vocabulaire juridique, Presses Universitaires de France, 2014, 10e éd., p. 804.

195 Traité instituant l’UEMOA, op. cit., art. 91 (modifié).

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De même, la régulation de la concurrence sur le marché de l’Union196 constitue un autre principe général du traité dont la mise en œuvre effective nécessite la prise en compte des contrats passés par les personnes publiques. En effet, sur le marché commun, les acteurs économiques de la sphère publique sont tout aussi importants que ceux de la sphère privée. Dès lors, les transactions commerciales économiques que constituent les achats publics doivent pouvoir s’exercer dans «le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationnalisé et harmonisé», pour reprendre les termes de l’article 4 du traité. Une politique efficace de régulation de la concurrence ne peut exclure l’achat public, tout comme la concurrence participe à l’efficience de l’achat public. De ce fait, la concurrence est l’un des principes fondamentaux du droit communautaire des marchés publics197.

L’harmonisation et la reconnaissance mutuelle des normes techniques prévues à l’article 76 du Traité instituant l’UEMOA jouent également un rôle capital dans la mise en œuvre des procédures de passation des marchés publics. Elles permettent de réduire les obstacles potentiels à l’égalité d’accès à la commande publique entre les différents opérateurs de l’Union.

Ainsi, les dispositions du traité qui s’appliquent à la commande publique ne sont pas des moindres. Analysons maintenant la portée de l’application du traité à ces contrats.

B.

LES ENJEUX DE L

APPLICATION DU TRAITE AUX CONTRATS DE LA COMMANDE

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