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D ES REGLES COMPLEMENTAIRES

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 158-163)

Lorsqu’on y regarde de plus près, le droit des marchés publics et le droit de la concurrence répondent à une même exigence, celle de libre concurrence. Considérée comme une notion transversale aux deux corps de règle347, la liberté de concurrence permet de montrer que sur le terrain des objectifs, les deux disciplines peuvent se croiser.

346 Ibidem.

347 Olivier GUÉZOU, «Droit de la concurrence et droit des marchés publics: vers une notion transversale de mise en libre concurrence», CP-ACCP, mars 2003, p. 43-47.

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En effet, pour reprendre les mots du professeur Olivier GUÉZOU, «bien loin de s’opposer, droit des marchés publics et droit des pratiques anticoncurrentielles s’épaulent mutuellement, constituant ainsi les éléments clés d’un système de mise en concurrence»348.

Le droit de la commande publique renforce le droit de la concurrence. Ce premier, se fonde sur une idée de protection de l’intérêt général. La mise en œuvre de la liberté de concurrence dans les procédures de passation permet d’atteindre cet objectif qui se décline d’abord en une protection des deniers publics. La protection de l’intérêt général peut aussi se traduire par une garantie du fonctionnement normal du marché. Lorsque les agents chargés d’effectuer un achat public, utilisent les marchés à des fins personnelles en supprimant la concurrence dans la procédure de sélection pour attribuer les contrats à des entreprises choisies en dehors de toutes considérations d’intérêt général, ils faussent la libre concurrence du droit des marchés publics et contribuent à la transgression de la loyauté de la concurrence entre les entreprises sur le marché. Ainsi le fait d’enfreindre le fonctionnent normal du marché peut aussi se faire au détriment de l’intérêt général.

Ainsi, en contraignant l’acheteur public à organiser les procédures de passation de sorte que les soumissionnaires puissent présenter librement leurs offres et soient traités sur un pied d’égalité et dans la plus grande transparence, le droit des marchés publics permet d’éviter que l’intervention des acheteurs publics ne trouble le fonctionnement normal du marché349. Ce qui revient en définitive à protéger le marché. Or, tel est la logique sur laquelle repose le droit de la concurrence.

C’est avec ses règles et ses techniques que le droit des contrats renforce le droit de la concurrence. Au départ, ce que vise le droit des marchés c’est l’effectivité des principes de transparence, de liberté, et d’égalité. Pour atteindre ces objectifs, l’acheteur public recourt à des techniques comme la publicité des avis d’appel public à la concurrence, la

348 Olivier GUÉZOU, «Droit des marchés publics et droit de la concurrence», op. cit., p. 19.

349 Michel BAZEX, «Les droits de la concurrence: l’exemple des marchés publics», op. cit.

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définition claire des procédures et critères de sélections etc.350. Ces techniques lui permettent de faire jouer la libre concurrence entre les entreprises et de le prémunir d’un contentieux. C’est cette libre concurrence que recherche aussi le droit de la concurrence.

Ainsi, la libre concurrence qui, constitue un moyen par lequel les principes d’égalité et de liberté sont mis en œuvre dans le cadre de la commande publique, permet au droit des contrats de compléter et de renforcer le droit de la concurrence351.

A côté des principes fondamentaux de la commande publique, plusieurs dispositions des Codes nationaux des marchés publics, permettent au droit des contrats publics, de recevoir et de renforcer le droit de la concurrence. Le droit de la concurrence veut que l’acheteur sur un marché quelconque effectue son achat de façon rationnelle et éclairée. Ce qui suppose que sur le marché de la commande publique il ne doit pas y avoir d’asymétrie d’information au détriment de l’acheteur public qui peut ainsi effectuer ses achats dans les meilleures conditions en s’adaptant à l’offre. Les dispositions des Codes des marchés publics qui imposent aux cocontractants l’obligation de ne pas sous-traiter la totalité du marché et qui soumettent la sous-traitance à l’approbation de l’acheteur permettent de préserver la rationalité de l’achat public et l’information de l’acheteur sur la réalité de la concurrence352.

350 Olivier GUÉZOU, «Droit des marchés publics et droit de la concurrence», op. cit.. p.14 et s.

351Voir également Laurence IDOT, «Commande publique et droit de la concurrence: un autre regard», Concurrences, n°1, 2008, pp. 52-63.

352 En guise d’exemple, l’article 146 du Code des marchés publics du Gabon dispose, «le titulaire du marché public peut sous-traiter l’exécution de certaines parties de son marché à condition que cette faculté soit prévue dans le dossier d’appel d’offres. (…) Le soumissionnaire a l’obligation d’indiquer dans son offre, la nature et le montant de la partie des prestations qu’il envisage de sous traiter». République du Gabon, Décret n° 0254/PR/MEEDD du 19 juin 2013 portant Code des marchés publics, texte disponible sur www.droit-afrique.com, (consulté le 07/04/2014). Dans le même sens l’article 118 du décret portant Code des marchés publics au Congo prévoit qu’ «en matière de travaux et de services, le titulaire d’un marché public peut sous-traiter l’exécution de certaines parties de son marché à condition: - d’avoir obtenu du maître d’ouvrage ou du maître d’ouvrage délégué l’acceptation de chaque sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement, étant précisé que sont rejetés les dossiers des sous-traitants ne remplissant pas les mêmes conditions légales, techniques et financières requises pour la qualification des soumissionnaires; - que cette possibilité soit prévue dans le dossier d’appel d’offres. Le soumissionnaire a l’obligation d’indiquer dans son offre, la nature et le montant de la partie des prestations qu’il envisage de sous-traiter. La sous-traitance de plus de trente pour cent de la valeur globale d’un marché est interdite. (…) En cas de sous-traitance du marché, le titulaire demeure personnellement responsable de l’exécution de toutes les obligations de celui-ci». République du Congo, Décret n° 2009-156 du 20 mai 2009 portant code des marchés publics, Disponible sur le site du

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Enfin, la multiplication des expressions telles que «mise en concurrence», «appel public à la concurrence» dans les législations nationales relatives aux contrats publics, révèlent l’intégration de plus en plus importante des exigences du droit de la concurrence dans le droit des contrats administratifs.

Le droit de la concurrence renforce aussi le droit de la commande publique. Sous l’angle du droit de la concurrence, une entente ou un abus de position dominante est considéré comme un comportement qui trompe l’acheteur public sur la réalité de la concurrence353. Ces pratiques compromettent son objectif de réaliser un achat efficace et par la même d’économiser les ressources publiques. Donc de telles pratiques qui affectent la libre concurrence, principe sur lequel repose le droit de la concurrence, compromettent aussi l’intégrité de la procédure de passation. Ainsi, lorsque le droit de la concurrence, sanctionne une entente entre des entreprises candidates à une procédure d’appel d’offres, il sanctionne par là même une atteinte à l’égalité entre les candidats, à la liberté des offres et à la transparence.

Toujours, pour soutenir l’idée de complémentarité entre les deux corps de règles, on peut observer que si la loyauté de la concurrence permet le fonctionnement normal du marché, elle permet aussi de garantir la protection des demandeurs. Lorsque la libre concurrence - du droit de la concurrence – est effective, l’acheteur public est protégé de la même façon qu’il le serait si on avait mis en œuvre la libre concurrence dans le droit de la commande publique354.

ministère des finances, du Budget et du portefeuille public disponible sur http://www.mefb-cg.org/code_marches/nvcode_marches.html, (consulté le 07/04/2014).

Pour une étude doctrinale voir notamment Olivier GUÉZOU, «Sous-traitance et droit de la concurrence», in CP-ACCP, juillet-août 2005, pp. 57-61.

353 Voir notamment Conseil de la concurrence, «Décision n° 02-D-48 du 29 juillet 2002 relative à des pratiques relevées sur des marchés de VRD dans les arrondissements de Cambrai, Valenciennes et Avesnes sur Helpe», Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes n°14 du 30 sept 2002, Publication disponible sur le site du Ministère de l’économie et des finances, www.economie.gouv.fr/dgccrf/Bulletin-officiel-Concurrence-Consommation-Repress, (consulté le 07/04/2014).

354 Cette protection est particulièrement importante dans le contexte des Etats de la CEMAC où l’acheteur public fait souvent appel pour les grands marchés aux multinationales étrangères, rodées au techniques

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Le droit de la concurrence, protège l’acheteur public comme un consommateur qui ne doit pas être lésé parce que la concurrence est faussée. Ce qui fait dire au professeur BAZEX qu’ «entre la collectivité publique et son partenaire, il n’y a donc pas de relation de concurrence mais de consommateur à professionnel. En ce sens le Code des marchés publics, plus qu’un Code de la concurrence est un Code de la consommation, et probablement le premier du genre compte tenu de son ancienneté»355.

Il apparaît ainsi que le respect par les entreprises, de la libre concurrence sur le marché de la commande publique en particulier, fait partie des conditions qui permettent d’obtenir un achat public efficient c’est-à-dire un achat qui permet d’économiser les deniers publics tout en obtenant des prestations de qualité. De même, le respect de la libre concurrence par l’administration contractante fait partie des conditions qui garantissent l’objectif de loyauté de la concurrence sur lequel repose le droit de la concurrence.

Dans un cadre de construction d’un marché commun, le droit de la concurrence et celui des marchés publics sont des piliers indispensables et complémentaires. Le législateur de la CEMAC a saisi cette réalité en inscrivant ce qui pourrait être décrit comme l’embryon du dispositif communautaire de la commande publique, dans le règlement qui encadre les pratiques étatiques anticoncurrentielles.

§ 2. D

ES LIENS ILLUSTRES PAR L

INSERTION DE DISPOSITIONS RELATIVES AUX MARCHES PUBLICS DANS LE REGLEMENT RELATIF AUX PRATIQUES ETATIQUES ANTICONCURRENTIELLES

Le règlement n° 04/99 du 18 août 1999 relatif aux pratiques étatiques anticoncurrentielles dans la CEMAC définit des procédures de passation applicables aux

contractuelles internationales et se trouvant par là même en situation de force. Dans une telle hypothèse, l’Etat se retrouve réellement dans la position d’un consommateur dont la protection est nécessaire.

355 Michel BAZEX, « Le Conseil de la concurrence et les marchés publics», AJDA 1994, n° 7, p. 103. Au regard de l’étroitesse des liens entre le droit de la concurrence et celui des marchés publics, le professeur BAZEX en appelle à une refondation du droit de la concurrence par la prise en compte dans le droit de la concurrence, des exigences spécifiques aux interventions des personnes publiques, ce qui devrait conduire à la reconnaissance à «côté des règles de concurrence applicables aux entreprises, de règles de «droit public de la concurrence», dont le régime des commandes publiques n'est qu'un exemple».

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marchés publics dans les Etats de la Communauté (A). Il donne aux organes de contrôle des pratiques commerciales anticoncurrentielles et des aides d’Etats, la compétence pour connaitre des contestations soulevées dans la phase de passation (B).

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