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Des ententes anticoncurrentielles

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 174-179)

La première pratique anticoncurrentielle prohibée par le règlement communautaire est l’entente. Elle est définie à l’article 3 du règlement n° 01/99 du 25 juin 1999 comme étant tout accord, toute décision d’association et toute pratique concertée susceptible d’affecter le commerce entre les Etats membres et ayant pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

Ainsi définie, la réalisation d’une entente suppose qu’il ait un concours de volonté entre deux ou plusieurs entreprises dans le but d’organiser leur comportement. Par la notion d’entente, le droit communautaire, recourt à un terme générique permettant d’englober plusieurs comportements qui affectent la concurrence375. S’agissant des

374 Les concentrations d’entreprise ne figurent pas dans la convention régissant l’UEAC.

375 Sur la notion d’entente voir également, CONSEIL DES MINISTRES DE l’UEMOA, Annexe 1 du règlement n° 03/2002/ UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur de l’Union économique et monétaire ouest africaine: notes interprétatives de certaines dispositions, Note 2, disponible sur

http://www.uemoa.int/Pages/ACTES/ConseildesMinistres.aspx, (consulté le 07/04/14). Édouard GNIMPIEBA TONNANG, «Recherches sur le nouvel encadrement communautaire des ententes anticoncurrentielles des entreprises en Afrique centrale», Penant, Revue trimestrielle de droit africain, n°

862, janvier-mars 2008, pp. 5-35.

Le concours de volonté qui crée une entente peut se traduire par un accord. La nature ainsi que la forme juridique d’un tel accord importe peu. Il en est de même pour sa validité au regard du droit interne de l’Etat dans lequel il est passé. En guise d' exemple, l’accord constitutif d’une entente peut revêtir une force obligatoire ou être un gentleman’s agreement. CJCE 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma c/ Commission aff .41/69, Recueil de jurisprudence de la Cour 1970 p. 00661. Il peut être passé sous seing privé ou être authentique, être écrit ou se limiter à un simple accord verbal, comporter une signature ou en être dépourvu.

Cet accord peut aussi résulter d’une convention multilatérale ou bilatérale, d’un protocole ou d’une déclaration d’intention et même dans certains cas d’une décision unilatérale. Ainsi une décision unilatérale insérée «dans un ensemble de relations commerciales continues régies par un accord général préétabli» et par

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caractéristiques de la volonté exprimée par les parties à l’entente, elle doit être libre376 et doit porter sur le comportement quelles vont adopter sur le marché377.

L’entente au sens de l’article 3 du règlement UEAC peut également résulter de décisions d’associations d’entreprises. C’est-à-dire des décisions prises par les

«organismes professionnels ne constituant pas eux-mêmes des entreprises, mais rassemblant des entreprises et chargées de veiller à leurs intérêts communs»378. C’est le cas par exemple des ordres professionnels, des syndicats, des corporations etc.379. Tout comme les accords entre entreprises, la forme et la nature de la décision importe peu. Ce qui compte ici c’est le comportement anticoncurrentiel que l’association impose à ses membres380.

laquelle une entreprise définit le comportement anticoncurrentiel auquel les autres se sont conformées peut recevoir la qualification d’entente. CJCE 17 septembre 1985 aff. jointes 25 et 26/84 Ford – Werke AG c/

Commission, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1985 p. 02725. Voir aussi CJCE affaire C-70/93 du 24 octobre 1995, Bayerische Motorenwerke AG contre ALD Auto-Leasing D GmbH, demande de décision préjudicielle: Bundesgerichtshof – Allemagne, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1995 p. I-03439.

Toutefois la preuve de l’acceptation tacite des autres entreprises parties à l’accord général doit être apportée.

En ce sens: Tribunal de première instance des communautés européennes, 3 décembre 2003, Volkswagen AG c/ Commission aff. T-208/01, Recueil de jurisprudence de la Cour, p. II-05141 et CJCE Commission c/

Volkswagen AG, aff. C-74/04 P, Recueil de jurisprudence de la Cour, 2006, p. I-06585. Il apparaît ainsi que l’interprétation des dispositions communautaires relatives à la forme de l’entente se caractérise par une banalisation de celle-ci.

376 Tribunal de première instance des communautés européennes 14 mai 1998, Cascade c/Commission, aff.

T-308/94, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1998, p. II-00925.

377 Tribunal de première instance des communautés européennes 24 octobre 1991 Petrofina SA c/

Commission affaire T-2/89, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1991, p. II-01087.

378 André DECOCQ et Georges DECOCQ, Droit de la concurrence: droit interne et droit de l’Union europenne, Paris, LGDJ - Lextenso, 2014, p. 260.

379 Il faut cependant noter que le droit communautaire ne s’oppose pas à la constitution de telles associations.

L’accord qui est à la base de la création d’un groupement professionnel, ne peut être regardé en tant que tel comme affectant la concurrence. L’association d’entreprise ne peut être considérée comme illicite que si les actes adoptés en son sein sont susceptibles d’affecter le commerce entre les Etats membres et ont pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence.

380 La décision d’atteinte à la concurrence peut avoir comme support les statuts de l’association, les décisions unilatérales adoptées par les instances de directions (CJCE 29 octobre 1980 Heintz van Landewyck SARL et autres c/ Commission, aff. jointes 209 à 215 et 218/78, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1980, p. 03125 conclusion M. Gerhard REISCHL) ou encore un accord entre deux ou plusieurs associations d’entreprises (CJCE 15 juin 1975 Frubo c/ Commission aff. 71/74, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1975, p. 00563).

L’imputabilité de l’entente aux entreprises membres des associations résulte du fait qu’elles sont considérées comme ayant délégué à ces dernières, le pouvoir de définir leur comportement. Dans l’hypothèse d’un accord passé entre des associations d’entreprises, leur responsabilité pour violation des règles de prohibition de l’entente est engagée lorsque cet accord est passé pour leurs propres activités ou celles des entreprises

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La conception extensive de l’entente, se confirme avec l’extension des ententes aux pratiques concertées. Mais, contrairement aux accords entre entreprises et aux accords d’associations d’entreprises pouvant être établies de façon directe, la preuve d’une pratique concertée ne peut être apportée que par induction381. Les pratiques concertées entre entreprises sont établies dès lors que celles-ci, censées être concurrentes sur le marché, adoptent des comportements parallèles économiquement irrationnels382. Elles supposent donc une coordination ou une concertation entre entreprises qui, sans être formalisée par une convention, les amène à coopérer au lieu de se soumettre à la concurrence383. Il y a pratique concertée du moment qu’est établie l’existence d’ «une discipline de comportement volontairement consentie par des entreprises»384.

De ce comportement convenu entre les entreprises doivent naître, des «conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché» au regard de ses caractéristiques en termes de volumes de produits ou de services, de volume et de taille des entreprises qui y évoluent385. Il en résulte, que lorsque les comportements parallèles ont une autre explication que la concertation ou la coopération entre les entreprises, ils ne sauraient être qualifiés de pratiques concertées386 Autrement dit, lorsque la concurrence est biaisée par le comportement des entreprises sans pour autant que

membres et affectent la concurrence. Ce qui signifie que lorsque l’association d’entreprises passe un accord qui affecte la concurrence au nom et pour le compte de ses membres qui avaient préalablement négocié entre eux l’accord et n’a joué aucun rôle actif dans la constitution de l’entente, sa responsabilité ne peut être européennes. Affaire 48-69, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1972, p.00619

383 La notion de pratiques concertées témoigne de la volonté du législateur communautaire de saisir les formes les plus souples de collusion entre entreprises. La volonté d’agir ensemble et le comportement qui se traduit par des pratiques anticoncurrentielles suffisent pour déceler une pratique concertée.

384 Jean SCHAPIRA, Georges LE TALLEC et Jean-Bernard BLAISE, Droit europen des affaires, Paris,

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ci se soient concertées, mais aient agi de façon unilatérale, la qualification d’entente ne pourrait être retenue.

La prohibition des ententes n’est pas absolue. Le législateur de la CEMAC a prévu des exceptions au principe général d’interdiction. L’objectif de ses dérogations est de tenir compte des exigences du développement des pays membres de la communauté. La reconnaissance de ces dérogations constitue alors «une sorte de règle de raison»387 qui accompagne la règle de droit.

387 S’il existe un consensus sur l’exigence pour chaque Etat, de se doter d’une législation sur la concurrence.

Il est également admis que ces règles doivent être adaptées à l’économie nationale ou régionale. Le législateur de l’UEAC procure aux administrations et aux soumissionnaires des moyens importants pour faire régner la concurrence sur le marché de la commande publique. Toutefois les exigences qu’ils posent doivent tenir compte du fait que dans les pays en développement comme ceux de la CEMAC, le droit de la concurrence ne peut être conçu et appliqué avec la même rigidité que dans un Etat développé. Le Professeur SALAH disait à ce propos que, le «grand droit de la concurrence» apparaît comme un luxe que seul les Etats développés peuvent se payer». Mahmoud Mohamed SALAH «La problématique du droit économique dans les pays du sud», RIDE, vol. 12 n°1, 1998, p. 25. Le professeur GAL, estime quant à lui que «dans une économie de petite taille, il est vital que (…) l’efficacité économique ait la priorité sur d’autres objectifs»

parmi lesquels figure la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles. Michal. S. GAL, Competition policy for small market economies, Cambridge, Harvard university press, 2003, p. 47. cité par OCDE, Forum mondial de l’OCDE sur la concurrence, Les économies de petite taille et la politique de la concurrence:

document de référence, n° CCNM/GF/COMP (2003) 4, disponible sur le site de l’OCDE

http://search.oecd.org/officialdocuments/displaydocumentpdf/?cote=CCNM/GF/COMP%282003%294&doc Language=Fr (consulté le 18/04/2014). Par exemple, s’il est nécessaire pour tout Etat ou organisation régionale de se doter de règles interdisant l’exploitation abusive d’une position dominante, cette règle doit être assouplie dans les économies faibles, dépourvues d’un tissu industriel efficace, car autrement, elle peut éloigner les multinationales étrangères. De même l’interprétation restrictive des règles relatives aux concentrations peut favoriser l’atomisation du tissu industriel constitué en très grande partie de petite PME.

Cette exigence de souplesse dans l’application du droit de la concurrence est mise en avant par les rédacteurs de l’avant projet de «règlement relatif à la protection de la concurrence» dans la zone CEMAC, notamment en ce qui concerne le contrôle des concentrations. Ils préconisent un assouplissement du contrôle en le rendant facultatif, en raccourcissant le délai dont disposent les entreprises pour notifier l’opération de concentration et en simplifiant la procédure. Guy CHARRIER, Projet de révision du dispositif institutionnel concurrence de la CEMAC, op. cit. Il apparaît donc qu’il est nécessaire de distinguer le droit de la concurrence (c’est-à-dire les règles objectives qui prohibent les pratiques anticoncurrentielles) de la politique de la concurrence (c’est-à-dire leur mise en œuvre). Voir sur ce point OCDE, «Huit problèmes particuliers concernant les «économies de petites tailles»», Revue sur le droit et la politique de la concurrence, 2004/1, Vol. 6, p. 100. Tout est alors dans l’équilibre que les autorités de la concurrence sauront trouver entre les règles objectives et leur mise en œuvre qui exigera une certaine flexibilité afin de prendre en compte la réalité économique sur le marché de la communauté. En ce sens, Yann AUGUET, «L’équilibre, finalité du droit de la concurrence», in Etudes sur le droit de la concurrence et quelques thèmes fondamentaux, Mélanges en l’honneur d’Yves SERRA, Dalloz, 2006, pp. 29-58.

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Aux termes de l’article 3 du règlement 01/99, pour bénéficier de la dispense de conformité aux dispositions du texte, l’entente doit soit «apporter effectivement une contribution au développement de l’efficience économique», soit «être indispensable à la réalisation de l’efficience économique». Dans les deux cas, elle doit «apporter un bénéfice ou un profit, qui ne soit pas seulement pécuniaire aux consommateurs ou aux utilisateurs». Ainsi, une entente peut être autorisée lorsque, tout en affectant la concurrence et les échanges sur le marché commun, elle permet aussi d’organiser l’activité économique de sorte à obtenir des résultats économiques efficaces. Le bilan économique positif388, est donc le premier critère de validité des ententes. Il est établi par la mise en balance des inconvénients et des avantages naissant de la pratique anticoncurrentielle en cause389. Lorsque ces dernières l’emportent sur les premiers, l’exemption peut être envisagée. Le Bilan positif doit être complété par l’existence de bénéfices, résultant de l’entente, au profit des utilisateurs ou des consommateurs. L’idée est que l’entente ne doit pas profiter qu’aux entreprises. La jurisprudence retient une conception extensive de la notion d’ «utilisateurs»390. En plus, le profit ne doit pas nécessairement être de nature pécuniaire. Selon la Commission de l’Union européenne, il peut être constitué par les conditions avantageuses dont bénéficient les utilisateurs ou les consommateurs ou par le fait qu’ils bénéficient d’un choix plus large ou encore le fait qu’ils peuvent se procurer plus facilement le produit.

La seconde technique d’appréhension de la commande publique par le droit de la concurrence est l’abus de position dominante.

388André Decocq et Georges Decocq, Droit de la concurrence: droit interne et droit de l’Union europenne, op. cit., p.358.

389 Comme le précise la Cour de justice des communautés européennes, les effets en terme d’efficience économique devront être suffisants pour «pour contrebalancer les effets restrictifs de la concurrence que l’entente provoquerait.»: CJCE, 29 octobre 1980, FEDETAB c/ Commission, aff. jointes 209 à 215 et 218/78, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1980, p. .03125

390La jurisprudence européenne a ainsi admis que le partenaire commercial des opérateurs économiques auteurs de l’entente peut être considéré comme un utilisateur, Voir notamment Philippe ICARD, Droit matériel et politiques communautaires, Paris, Éd. Eska, 1999, p. 393.

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