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L’abus de position dominante

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 179-183)

C’est l’article 16 du règlement n° 01/99 qui consacre l’interdiction des abus de position dominante. Selon cette disposition, «est incompatible avec le Marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre Etats membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le Marché Commun ou dans une partie de celui-ci». On retrouve la même prohibition, dans les mêmes termes quasiment à l’article 4.1 du règlement 02/2002 de l’UEMOA391.

La notion d’abus de position dominante est difficile à saisir392 au point qu’on l’ait qualifié de notion «sui generis, juridiquement indéterminée et inclassable, qui englobe des faits matériels hétérogènes et qui ne correspond à aucune réalité économique»393. Toutefois, dans la jurisprudence de la CJCE, il existe quelques critères permettant de distinguer l’abus position dominante des autres pratiques anticoncurrentielles. Dans l’affaire Hoffmann-La Roche & Co. AG contre Commission des Communautés européennes, la CJCE a jugé que «la notion d'exploitation abusive est une notion objective qui vise les comportements d'une entreprise en position dominante qui sont de nature à

391 Selon cette disposition «est incompatible avec le Marché commun et interdit, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le Marché commun ou dans une partie significative de celui-ci». CONSEIL DES MINISTRES DE L’UEMOA, Règlement n°2/2002/CM/UEMOA du 23 mai 2002, op. cit.

392 La question s’est posée de savoir si l’abus de position dominante entrait dans la théorie de l’abus de droit.

Pour une partie de la doctrine l’abus de position dominante n’est qu’un aspect de l’abus de droit. Parmi les auteurs qui soutiennent cette thèse voir notamment Neville BROWN, «Is there a general principle of abuse of rights in European Community Law? », in Niels BLOKKER et Sam MULLER, Towards more effective supervision by international organizations : essays in honour of Henry G. Schermers, Dordrecht, Boston, London, M. Nijhoff, 1994, pp. 511-525. Alors que pour d’autres, l’abus de position dominante, n’est pas un abus de droit. Parmi les auteurs qui rejettent l’inclusion de l’abus de position dominante dans la théorie de l’abus de droit, voir Marco GESTRI, «Abuso del diritto e frode alla legge nell’ordinamento comunitario», cité par Raluca Nicoleta IONESCU (née MOÏSE), L’abus de droit en droit de l'Union européenne, Bruxelles, Bruylant, 2012, p.11. Sur le thème plus général de l’abus de position dominante en doit communautaire, voir Annekatrien LENAERTS «The general principle of the prohibition of abuse of rights: a critical position on its role in a codified european contract law», European Review of Private Law, n° 6, 2010, pp. 1121 à 1154.

393 Edouard GNIPIEBA TONNANG, Droit matriel et intgration sous-rgionale en Afrique centrale:

contribution l’étude des mutations rcentes du march intrieur et du droit de la concurrence CEMAC, op.

cit., p. 286.

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influencer la structure d'un marché où, à la suite précisément de [sa] présence, le degré de concurrence est déjà affaibli». Ce comportement doit avoir pour effet, «de faire obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent une compétition normale (…), au maintien du degré de concurrence existant encore sur le marché ou au développement de cette concurrence».394

Cette décision identifie trois éléments dont la réunion permet d’établir l’existence d’un abus de position dominante. L’entreprise doit d’abord jouir d’une position dominante.

Ensuite celle-ci ne peut être établie, c’est-à-dire ne peut s’exercer que sur un marché appelé marché pertinent. Enfin, la position dominante doit être exploitée de façon abusive affectant de ce fait la concurrence.

Le fait pour une ou plusieurs entreprises d’occuper une position dominante sur un marché ne constitue pas une infraction. Seule son exploitation abusive est prohibée. Selon le législateur de la CEMAC, une entreprise bénéficie d’une position dominante lorsqu’il y détient un monopole ou une situation lui permettant d’acquérir une part supérieure ou égale à 30% du marché395. Parce qu’elle se fonde sur des critères trop restrictives, cette définition ne permet pas d’appréhender toutes les situations de position dominante. Une entreprise qui détient plus de 30% de parts de marché et qui n’a que très peu d’influence sur celui-ci peut-elle être considérée comme ayant une position dominante? Inversement une entreprise qui a moins de 30% de parts de marché et qui se trouve face à des concurrents n’ayant que de très faibles parts va-t-elle échapper au statut d’entreprise en position de domination? Les législateurs des Etats membres de la CEMAC ont sur ce point, essayé de mieux appréhender la réalité du marché. Ainsi au Cameroun, la loi relative à la concurrence ne chiffre pas la part de marché que doit détenir l’entreprise396.

394 CJCE, 13 février 1979, Hoffmann-La Roche & Co. AG c/Commission des Communautés européennes, aff. 85/76, Recueil de la jurisprudence de la Cour, 1979 p. 00461, paragraphe 91.

395 CONSEIL des MINISTRES de la CEMAC, Règlement n°1/99/UEAC-CM-639 du 25 juin 1999 modifié par le règlement n°12-05-UEAC-639 U-CM-SE du 27 juin 2005, op. cit., art. 15.

396 Loi n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence,

http://www.droit-afrique.com/images/textes/Cameroun/Cameroun%20-%20Loi%20concurrence.pdf (dernière consultation novembre 2014).

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Cette part de marché est certes, le premier critère de détermination de la position dominante, mais d’autres critères tenant à l’avance technologique de l’entreprise sur ses concurrents et aux obstacles qu’elle peut mettre en place pour empêcher l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché sont également pris en compte397. Dans le cadre de l’UEMOA, le critère relatif aux parts de marché, bien que déterminant est jugé comme insuffisant pour déterminer la position dominante d’une entreprise. Aussi, doivent être pris en compte l’existence de barrières à l'entrée, l'intégration verticale et la puissance financière de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient398. La législation camerounaise et le règlement de l’UEMOA montrent qu’une appréciation in concreto est nécessaire pour déterminer une situation de position dominante.

Dans le texte de l’UEMOA, la position dominante est définie comme une «situation où une entreprise a la capacité, sur le marché en cause, de se soustraire à une concurrence effective, de s'affranchir des contraintes du marché, en y jouant un rôle directeur». Cette définition reprend une jurisprudence européenne qui consacre le critère de la puissance économique permettant à l’entreprise d’exercer sur le marché une influence substantielle, comme étant le critère de la position dominante.399. Il apparaît donc qu’une

397 Ibidem, art. 10 : « Pour l’application de la présente loi, la dominance d’une entreprise ou d’un groupe d’entreprises s’apprécie notamment par : • la part qu’elle occupe sur le marché; • son avance technologique sur les concurrents; • les obstacles de tout genre qu’ils posent pour empêcher l’entrée de nouvelles entreprises sur le marché».

398Annexe 1 du Règlement n° 03/2002/ UEMOA relatif aux procédures applicables aux ententes et abus de position dominante à l’intérieur l’Union économique et monétaire ouest africaine: notes interprétatives de certaines dispositions, op. cit. Selon la Note 3 de cette annexe, les obstacles peuvent résider dans des dispositions législatives ou réglementaires ou dans les caractéristiques propres au fonctionnement du marché en cause. Elles peuvent aussi résider dans la complexité technologique propre au marché de produit, la difficulté d'obtenir les matières premières nécessaires ou encore les pratiques restrictives des fournisseurs déjà établis.

399 CJCE 14 février 1978, United Brands Company et United Brands Continentaal BV c/ Commission des Communautés européennes (Bananes Chiquita), aff. 27/76, Recueil de jurisprudence de la Cour, 1978, p .0207 paragraphe 65 et CJCE, 13 février 1979, Hoffmann-La Roche & Co. AG c/Commission des Communautés européennes affaire 85/76, op. cit., parag. 38. Selon la CJECE la position dominante est caractérisée par «la puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et finalement des consommateurs».

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appréciation concrète des faits par les autorités de la concurrence ou l’autorité juridictionnelle est le moyen le plus adéquat pour déterminer une position dominante.

Généralement c’est le constat de l’abus qui permet de déterminer la position dominante.

Autrement dit c’est à partir de l’établissement de pratiques qu’une concurrence réelle ne permettrait pas, que l’on pourra préjuger de la position dominante.

Comme la position dominante, son abus est une notion objective, qui ne saurait être systématisée400. Pour déceler un abus de position dominante, l’analyse est orientée sur les effets des pratiques incriminées. Les comportements constitutifs d’abus de position dominante peuvent être classés en deux grandes catégories. D’une part, ceux qui visent l’éviction des concurrents en développant des obstacles au maintien du degré de la concurrence. D’autre part, ceux qui sont inéquitables envers les partenaires en mettant en place des obstacles au développement de la concurrence401.

Entrent dans la première catégorie, les pratiques consistant à éliminer les concurrents, à leur fermer l’accès au marché ou à réduire leurs parts de marché etc. Enfin, les pratiques constitutives d’abus de position dominante peuvent être directes. Tel est le cas lorsqu’une entreprise instaure un blocus sur le marché de sorte que pour exercer leurs activités, ses concurrents doivent passer par elle. Elles peuvent aussi être indirectes lorsque par exemple l’entreprise en situation de position dominante accapare les clients et les fournisseurs.

A la suite de l’abus de position dominante, le droit communautaire de la concurrence s’est attaqué aux concentrations d’entreprises lorsqu'elles ont pour finalité de restreindre la concurrence.

400 Voir Mor BAKHOUM, L’articulation du droit communautaire et des droits nationaux de la concurrence dans l’Union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA), op. cit., p.53.

401 Christophe CABANES et Benoît NEVEU, Droit de la concurrence dans les contrats publics: pratiques anticoncurrentielles, abus de position dominante, contrôles et sanctions, Paris, Ed. Le Moniteur, 2008, p.73-75.

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