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L’analyse formelle du modèle principal-agent n’est pas applicable à la lieutenance

partie qui suit de l’impossibilité d’assimiler un contrat d’agence à une relation de lieutenance. A partir des principes de base de la théorie de l’agence présentés jusqu’ici, l’analyse de la relation principal-agent s’est orientée dans plusieurs directions dont une est le développement d’un modèle formel de contrat principal-agent, dont une présentation « canonique » nous est proposée par Ross (1973).

L’analyse formelle du modèle principal-agent n’est pas applicable à la

lieutenance

Ross pose qu’agent et principal ont chacun une fonction d’utilité de type Neumann- Morgenstern, G(.) et U(.), et cherchent tous deux à maximiser leur utilité espérée. L’agent choisit une action « a » dans un espace A des actions réalisables. Le revenu de « a » est une fonction appelée w(a,θ), θ étant l’état aléatoire du monde (θ appartenant à Ω, ensemble des états du monde possibles). Par hypothèse l’agent et le principal se sont accordés sur un salaire f à verser à l’agent en contrepartie de ses services. On a donc :

f = f(w(a,θ);θ)

La maximisation de l’utilité espérée de l’agent s’écrit donc théoriquement ainsi: max E{G[f(w(a,θ);θ)]} (Ross, 1973, p. 134)

Que dire des composantes de la formule dans le cas de la lieutenance ? L’hypothèse de l’agent rationnel qui cherche à maximiser son utilité paraît tout à fait valide. Certes la liberté de l’homme n’est pour Calvin que fruit de la grâce de Dieu. « C’est Dieu [...] qui fait en nous le vouloir et le parfaire » (Calvin, 1978b, liv. II, III, § 9). L’introduction d’une maximisation d’utilité a cependant un sens. : « C’est une grâce spéciale de Dieu, quand il nous vient en l’entendement d’élire ce qui nous est profitable, et de le désirer ; et aussi d’autre part, quand notre esprit et notre cœur fuient ce qui nous est nuisible » (Calvin, 1978b, liv. II, IV, § 6). L’homme effectue donc bien un choix rationnel dans un espace A des actions possibles.

Dans la relation de lieutenance, si f est le salaire que peut attendre le lieutenant du principal en réponse à l’action a, f représente une communion avec Dieu et le contentement de sa situation. Autrement dit, f est la satisfaction de l’agent liée à la couverture suffisante de ses besoins. Par ailleurs, w est le « revenu » de l’action a. Il signifie donc une augmentation de la prospérité comprise comme richesse collective, justice sociale, et reconnaissance commune de la bonté divine. w représente donc un avantage pour la société, une utilité sociale, qui répond au bien commun défini comme le bien-être général de la société.

Mais dans la lieutenance, f n’est une fonction ni de a, ni de w. Calvin, nous l’avons vu, insiste bien sur le fait que Dieu refuse toute relation causale entre ce que rapportent les actions de l’homme w et le profit f qu’en tirera l’individu. De même il refuse toute relation causale entre a et f. f est un donné et n’entre dans aucune logique de marché. G(.) n’est donc pas une fonction de f. Il faut donc trouver ailleurs la recherche de l’utilité de l’homme.

Si nous reprenons la définition de la lieutenance, elle implique d’agir comme Dieu l’aurait fait à sa place en se déportant de tout intérêt propre. Il ne s’agit pas ici d’intégrer l’intérêt d’autrui dans sa propre fonction d’utilité, mais plus radicalement d’abandonner volontairement sa propre recherche d’utilité en laissant Dieu en être seul maître. Le

modèle principal-agent est ici modifié. L’agent abandonne la recherche de sa propre utilité pour oeuvrer à la recherche de la volonté de Dieu. Dieu se charge hors de tout cadre contractuel (liberté absolue de Dieu) de maximiser l’utilité de l’agent. A l’agent ensuite de considérer cette utilité donnée comme un optimum.

La fonction de maximisation qui s’applique selon Ross au principal est dans le cas type : max E{U[w(a;θ)-f(w(a;θ))]} (Ross, 1973, p. 134)

Dans le cas de la lieutenance w n’est pas diminué par f. La forme de la recherche de l’agent devient donc : max E{U[w(a;θ)]}

Que devient la fonction objectif de Dieu ? Dieu n’a besoin de rien pour lui-même. L’idée que Dieu pourrait avoir le désir d’accroître son utilité n’a aucun sens.

De même, on ne peut attribuer à Dieu une fonction d’utilité de type Von Neumann- Morgenstern, parce que l’application du théorème implique de répondre à des critères de rationalité auxquels Dieu échappe. Il se garde bien en effet, selon Calvin, de s’engager à répondre de façon rationnelle aux attentes des hommes. Dieu reste libre de ses résultats comme nous l’avons vu ci-dessus. Il n’empêche que Dieu a des attentes vis-à-vis des hommes, donc sans s’engager sur l’idée problématique d’une maximisation d’utilité, on peut donc maintenir que Dieu a une fonction objectif envers les hommes.

Que demande Dieu ? Comme nous l’avons vu, Dieu demande à l’homme d’abandonner la recherche de sa propre utilité pour rechercher exclusivement ce qu’il estime en conscience être la volonté de Dieu. D’une façon très générale, cette volonté se traduit économiquement comme l’augmentation du bien commun compris comme enrichissement collectif et distribution efficace. En réalité, nous pouvons comprendre que Dieu ne cherche pas à agir dans telle ou telle action à l’exclusion des autres, puisqu’il agit en toutes, bonnes ou mauvaises. En revanche, Dieu veut que l’homme suive une trajectoire vers lui, c’est-à-dire que le plus possible d’actions « a » de l’homme appartiennent à un sous ensemble Ao, tel que Ao soit inclus dans A, et qu’Ao reflète l’ensemble des actions dont l’intention est de servir Dieu.

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