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1 La législation primaire au sommet de la hiérarchie britannique des normes.

La législation primaire se situe au sommet de la hiérarchie des normes britannique (§1). Quant aux contestations de la primauté du Parlement, parfois apparues dans la jurisprudence et la doctrine, elles sont sans effet pratique à ce jour (§2). Enfin, il est nécessaire d’exclure réso- lument de l’étude les conventions de la Constitution (§3).

§1. La législation primaire au sommet de la hiérarchie britannique des

normes.

La doctrine britannique a toujours eu une grande conscience des différences mais égale- ment des similarités de son ordre juridique avec les autres systèmes juridiques, qu’ils soient américain, français ou allemand. La structure hiérarchique des ordres juridiques et, spéciale- ment, le contentieux constitutionnel sont bien connus. Dicey discute ainsi sans hésitation de la façon dont, selon le Colonial Laws Validity Act 1865, les lois des colonies devaient être con- formes aux lois votées à Westminster. A propos de la décision The Queen v. Burah (1878) 3 App. Cas. 889, il s’intéresse à ce que « le devoir de la Haute Cour de Calcutta était d’étudier ce que la législation du gouverneur général était ou non constitutionnelle »165. La mécanique du

contentieux constitutionnel américain lui est également familière, y compris avant le dévelop- pement du contentieux constitutionnel français. Dicey écrit ainsi à ce propos que :

« Pour un juriste français, en effet, empreint des traditions parlementaristes françaises, tout ceci pourrait bien être incompréhensible, mais un juriste anglais peut aisément voir que les pères de la république américaine traitaient les actes du Congrès comme les cours anglaise traitent la

165 DICEY (Albert Venn), Introduction to the Study of the Law of the Constitution [Introduction à l’étude du droit de la Constitution], op. cit., p. 101-102: « the duty of the High Court of Calcutta to consider whether the leg-

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législation déléguée, et en créant la Cour suprême ils ont pu avoir en tête les fonctions du Conseil privé »166.

Les législations primaire et secondaire (ou déléguée) sont revêtues de l’autorité d’Acts of Parliament ; il reste encore à qualifier la législation primaire de formellement constitutionnelle (A) et établir comment la législation secondaire est fondée sur la législation primaire (B).

A. Qualifier la législation primaire de formellement constitutionnelle.

La législation primaire, composée des Acts of Parliament, émanés de la Reine en Parle- ment est la marque de la souveraineté parlementaire britannique. Nulle norme de droit ne peut être utilement opposée à une loi du parlement de Westminster devant une juridiction. Ces leg- islations, susceptibles d’intervenir en toute matière, peuvent être matériellement constitution- nelles ou non, mais la primary legislation est formellement constitutionnelle167. Les lois pri-

maires correspondent ainsi à un échelon unique de la hiérarchie des normes continentales qui regrouperait droit législatif et droit constitutionnel. Cette spécificité a toujours posé un défi de description aux observateurs continentaux. Tocqueville explique déjà que :

« En Angleterre, on reconnaît au parlement le droit de modifier la constitution. En Angleterre, la constitution peut donc changer sans cesse, ou plutôt elle n’existe point. Le parlement, en même temps qu’il est corps légi- slatif, est corps constituant »168.

Quoiqu’imprécise, cette affirmation a le mérite d’une grande clarté quant à la nature de la législation primaire britannique. Dicey ne s’en formalise d’ailleurs pas ; à propos de l’exposé de Tocqueville, il estime que :

166 Idem, p. 164 : « to a French jurist, indeed, filled with the traditions of the French Parliaments, all this might

well be incomprehensible, but an English lawyer can easily see that the fathers of the republic treated Acts of Congress as English Courts treat by-laws, and in forming the Supreme Court may probably have had in mind the functions of the Privy Council ».

167 La distinction entre les Acts votés dans les formes habituelles et les Acts votés en fonction des Parliamentary

Acts 1911 et 1949, est volontairement laissée de côté ; la secondary legislation est quant à elle bornée par une loi d’habilitation.

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« Ses expressions manquent de précision et pourraient provoquer des cri- tiques, mais la description du parlement anglais comme assemblée “à la fois législative et constituante” est une formule pratique pour résumer le fait que le Parlement peut changer toute loi »169.

Autrement dit, dès lors que seule une loi primaire peut déroger à une autre loi primaire, il peut être affirmé que, formellement au moins, la législation primaire britannique est constitu- tionnelle. Ainsi présenté, ce constat rappelle explicitement celui de M. Eisenmann, qui affirmait que « le “principe de constitutionnalité” signifie que seule une loi constitutionnelle peut déroger à une loi constitutionnelle »170.

B. Une législation secondaire fondée sur la législation primaire

Les sources de droit inférieures à la primary legislation sont souvent confondues tant dans leur nature que dans leur ordre de préséance. La législation secondaire se trouve placée, dans la hiérarchie des normes, entre la législation primaire et les autres sources de droit. La législation secondaire, secondary legislation, est composée de normes générales écrites, prises en applica- tion de la législation primaire. Celle-ci habilite des autorités administratives – généralement la Couronne et donc les ministres – à énoncer des normes générales et abstraites dans tel ou tel domaine, ou pour l’application de telle ou telle loi. Tant que les actes pris sur le fondement de la législation primaire sont conformes à celle-ci, ils s’appliquent avec la force d’Acts of Parlia- ment. Le contrôle de conformité mis en œuvre en la matière est qualifié de contrôle de l’ultra vires.

Le droit de l’Union européenne, quant à lui, est pris en compte par le European Commu- nities Act 1972, peu important à ce jour les discussions relatives au Brexit171. Son article 2 (1)

assure l’application des normes de droit de l’Union européenne d’effet direct ; l’article 2 (2) de cet act prévoit un pouvoir général de création de secondary legislation pour la transposition des directives européennes. Le droit de l’Union européenne est donc appliqué avec l’autorité des

169 DICEY (Albert Venn), Introduction to the Study of the Law of the Constitution [Introduction à l’étude du droit de la Constitution], op. cit., p. 88 : « his expressions are wanting in accuracy, and might provoke some criti-

cism, but the description of the English Parliament as at once “a legislative and a constituent assembly” sup- plies a convenient formula for summing up the fact that Parliament can change any law whatever »).

170 EISENMANN (Charles), La Justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche, op. cit., p. 21.

171 Par Brexit, est entendu le processus de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, en application de l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, mis en œuvre suite au référendum consultatif du 23 juin 2016.

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Acts of Parliament. Néanmoins, il n’est pas de primauté du droit de l’Union européenne : la législation ultérieure de Westminster s’impose à la législation secondaire. En pratique, cette conséquence de la suprématie du parlement conduit les juridictions à pratiquer une forme d’in- terprétation conforme au droit de l’Union européenne.

§2. Une contestation de la primauté du Parlement sans effet pratique à ce

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