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LA DETERMINATION NECESSAIRE DU CONTENU DU « BLOC DE CONSTITUTIONNALITE » FRANCAIS

Ainsi que l’a écrit M. Favoreu en systématisant la notion de « bloc de constitutionna- lité » : « la composition du bloc de constitutionnalité varie selon la nature des actes soumis au contrôle »243. Dès lors, il n’est pas suffisant d’affirmer que la source de droit pertinente pour la

recherche d’un droit constitutionnellement garanti d’accès aux informations détenues par les personnes publiques est le « bloc de constitutionnalité ». C’est d’ailleurs en ce sens que l’ex- pression « droit constitutionnel formel » ne peut être considérée comme synonyme. Au sein du bloc de constitutionnalité, il faut donc identifier quelles sont les normes proprement formelle- ment constitutionnelles, c’est-à-dire ne pouvant être modifiées que par une norme de rang équi- valent. Ensuite, afin de répondre à la condition de l’invocabilité du droit par toute personne, il est nécessaire de se limiter à la part du bloc de constitutionnalité composée des droits que la Constitution garantit, au sens de son article 61-1 relatif à la question prioritaire de constitution- nalité.

Cela signifie s’appuyer sur la Constitution de 1958 et les renvois de son préambule (§ 1), mais encore, au sein de cet ensemble, identifier le corpus des droits que la Constitution garantit (§ 2).

§1. L’appui sur la Constitution de 1958 et les renvois de son préambule

Il semble raisonnable de s’appuyer sur la conception la plus large de la notion de « cons- titution formelle », dans les trois systèmes juridiques étudiés. Ce principe est pourtant spécifi- quement porteur de difficultés dans le cas de la France. A ce jour, le préambule de la Constitu- tion de la 1958 alinéa 1er énonce que :

« Le peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le pré- ambule de la Constitution de 1946, ainsi qu’aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004. »

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Dès 1958, la question s’est posée de la valeur du préambule et des deux textes auxquels il renvoyait à l’époque : la Déclaration de 1789 et le préambule de la Constitution de 1946. Le Conseil constitutionnel a tranché explicitement la question avec la décision Conseil constitu- tionnel, 16 juillet 1971, Loi complétant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet

1901 relative au contrat d’association, dite « liberté d’association », n° 71-44 DC. Le Conseil, « vu la Constitution et notamment son préambule », s’appuie, considérant n° 2, sur les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République pour contrôler la loi soumise à son con- trôle.

Il est nécessaire de présenter le mécanisme des renvois par le préambule de la Constitution de 1958 (A). La normativité de ce « bloc de constitutionnalité » est désormais bien admise (B).

A. Le mécanisme des renvois par le préambule de la Constitution de 1958

Depuis la décision Liberté d’association de 1971, il est largement admis que le renvoi aux textes mentionnés leur fait partager la valeur constitutionnelle de la Constitution qui les mentionne dans son préambule. Les énoncés de la Charte de l’environnement, du Préambule de la Constitution de 1946 et de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen doivent être considérés comme exprimant des normes constitutionnelles à part entière. Le texte de la Cons- titution du 4 octobre 1958 comprend d’ailleurs plusieurs articles en ce sens. Depuis la révision constitutionnelle du 25 novembre 1993, la notion de « protection des Droits de l’homme et des libertés fondamentales » a été introduite dans le texte avec l’article 53-1 de la Constitution. Suite à la révision du 28 mars 2003, les articles 72 et 73 de la Constitution évoquent l’exercice « d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ». Depuis celle du 23 juillet 2008, l’article 61-1 alinéa 1 évoque les « droits et libertés que la Constitution garantit ».

Une lecture du droit constitutionnel formel limitée aux articles de la Constitution est aride. Les droits et libertés alors garantis par le texte lui-même sont en grande majorité ceux du Par- lement et des parlementaires pour la tenue des sessions et l’exercice de leur mandat. Pour les citoyens, il s’agit avant tout de la garantie de la liberté individuelle, dont la garde est confiée à l’autorité judiciaire par l’article 66 de la Constitution. Il en va de même pour la présence au Conseil constitutionnel des anciens présidents de la République, ou encore de la possibilité

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d’accorder la grâce244. Les articles de la Constitution assurent essentiellement une garantie de

droits procéduraux rattachés à la notion de constitution matérielle, semblables à ceux suscep- tibles d’être mis en œuvre lors d’un recours constitutionnel organique en Allemagne.

B. Une normativité du bloc de constitutionnalité désormais admise

A ce jour, la doctrine majoritaire s’est rangée à la jurisprudence du Conseil constitution- nel. De fait, le champ du droit constitutionnel formel ne se limite plus au droit matériellement constitutionnel. L’interprétation qui prévalait en 1958, tant de l’intention des rédacteurs que du contexte général, était ainsi celle d’une garantie des droits de l’exécutif et non pas d’une exten- sion du contrôle de constitutionnalité aux textes auxquels le préambule renvoyait245. Le système

alors mis en place était cohérent, le rôle du Conseil constitutionnel consistant à assurer que le Parlement n’outrepasse pas la limite de sa compétence. Le droit comparé lui-même, à l’époque, militait en ce sens, dans la mesure où les catalogues de droits existants étaient explicitement définis comme normatifs. Cette interprétation n’est plus pertinente.

Le « bloc de constitutionnalité », auparavant le « bloc de la constitutionnalité », est de- venu incontournable pour l’étude du droit et du contentieux constitutionnels français246. La va-

lidité de ce bloc doit être considérée comme acquise relativement au contrôle a priori de la validité de la loi. Lorsque les premiers auteurs théorisent l’existence de ce bloc, la jurisprudence semble déjà clairement établie en ce sens ; la question n’est déjà plus tant celle de savoir si un « bloc » de constitutionnalité existe, mais notamment d’établir ce qui distingue le bloc de cons- titutionnalité appliqué au contrôle de la validité des lois ordinaires, du bloc de constitutionnalité appliqué au contrôle des règlements des assemblées parlementaires, problème abordé par M. Emeri247 puis traité systématiquement par M. Favoreu248. Pour la présente étude, c’est sous

l’angle du contrôle a posteriori de la validité de la loi que le bloc de constitutionnalité doit être abordé.

244 Respectivement articles 56 et 17 de la Constitution.

245 En ce sens, l’étude de la rédaction du préambule de la Constitution par M. Boda est particulièrement révélatrice : BODA (Jean-Sébastien), « Retour sur l’élaboration du préambule de la Constitution de 1958 », RFDC 2016- 2, 106, p 283-308.

246 Expressions respectivement employées par Louis Favoreu et Claude Emeri.

247 EMERI (Claude) et SEURIN (Jean-Louis), Chronique constitutionnelle et parlementaire française, op. cit. 248 FAVOREU (Louis), « Le principe de constitutionnalité », in WALINE (Marcel) (dir.), Recueil d’études en

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