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3 Exclure résolument de l ’étude les conventions de la Constitution

Les conventions de la Constitution sont à exclure du champ du droit. Soumises à un double discours particulièrement regrettable, ces conventions sont toujours traitées comme fai- sant partie des sources du droit public et nombreux sont les auteurs qui estiment qu’elles s’im- posent aux personnes qu’elles concernent et ont la qualité de « normes »189, ou encore qu’une

convention est « une règle contraignante, une règle de comportement acceptée comme obliga- toire par ceux concernés par la marche de la constitution »190. Ces définitions incluant un élé-

ment d’obligation ne sont pourtant pas consensuelles. Ces conventions of the constitution sem- blent, comme la common law, être l’objet d’une imprécision nourrie et chérie par une partie de la doctrine britannique, permettant à toute personne d’y inclure les éléments de son choix. Sur des tons plus prudents, il a ainsi pu être écrit que :

Les conventions sont « des règles de prudence »191.

« Ni le concept lui-même ni les conventions elles-mêmes ne sont aisément définies, ceci aussi bien relativement à leur formulation qu’à leur appli- cation. Leur utilité, donc, est souvent variable, incertaine et potentielle- ment obscure. En raison de leur caractère élusif et possiblement indé- terminé, leur utilité peut bien être renforcée si elles sont vues non pas tant comme des règles, des préceptes obligatoires ou encore des maximes, mais davantage comme des précédents, guidant plutôt que prescrivant des conduites et des comportements dans des circonstances particulières »192.

189 Pour l’usage du terme norme, p 64, TUSHNET (Mark), « Judicial Accountability in Comparative Perspective » [La responsabilité judiciaire dans une perspective comparatiste], op. cit.

190 WHEARES, Modern constitutions, cité par PARPWORTH (Neil), Constitutional and Administrative Law [Droit constitutionnel et administratif], op. cit., p. 237.

191 SHARMAN (Campbell), « Upper Houses » [Les chambres supérieures], in GALLIGAN (Brian) et BRENTON (Scott) (dir.), Constitutional Conventions in Westminster Systems [Les Conventions constitutionnelles dans les systèmes westminstériens], Cambridge, Cambridge University Press, 2015, XII-275, p 157-172., p. 157 : « conventions, in the sense of rules of prudence ».

192 NETHERCOTE (J. R.), « Parliament » [Parlement], in GALLIGAN (Brian) et BRENTON (Scott) (dir.), Con-

stitutional Conventions in Westminster Systems [Les Conventions constitutionnelles dans les systèmes west- minstériens], op. cit., p 137-156., p. 137 : « neither the concept itself nor the conventions themselves are easily

defined either as to formulation or to application. Their utility is, thus, often variable, uncertain and potentially obscure. Because of their elusive and possibly indefinite character, their utility may well be strengthened if they are viewed not so much as rules or obligatory precepts or maims, but are seen instead as precedents, in particular circumstances guiding rather than prescribing conduct and behaviour. »

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Les conventions sont évoquées au cœur de la constitution britannique, puisque la respon- sabilité des ministres devant le parlement, tantôt individuelle, tantôt collective, en dépendrait. Bien plus que le droit, les conventions laisseraient voir la réalité de la constitution britannique selon certains auteurs193. De façon plus rigoureuse, les conventions doivent apparaître comme

l’expression de l’usage habituel parmi les différents comportements autorisés par le droit. Le fait que les conventions de la constitution permettent de décrire efficacement la vie politique, voire constitutionnelle, britannique194, n’implique ni l’inexistence du droit, ni que les conven-

tions soient elles-mêmes des normes juridiques.

Tous les auteurs s’accordent ainsi pour constater que ces pseudo-normes évoluent par « simple abandon de la pratique antérieure » 195, ou encore lorsque le consensus relatif à leur

existence disparaît196. Les juridictions, d’ailleurs, ne s’y trompent pas : s’il leur arrive de cons-

tater l’existence ou l’inexistence de telle ou telle convention, c’est toujours en les cantonnant au domaine du fait et non du droit197, sans leur attacher de conséquence juridique198. Y compris

dans les manuels récents, c’est vers Dicey que l’on se tourne pour admettre finalement que les conventions « ne sont en réalité pas des lois du tout puisqu’elles ne sont pas mises en œuvre par les cours »199. Ces conventions sont donc à renvoyer au domaine de la morale politique. In fine,

le résumé diceyen selon lequel la sanction des conventions n’est pas juridique mais bien poli- tique tient toujours lieu de référence200.

Dès lors, un droit constitutionnellement garanti à l’accès aux informations détenues par les agents publics ne saurait être recherché au sein des conventions de la constitution

193 DE SMITH (Stanley) et BRAZIER (Rodney), Constitutional and Administrative Law [Droit constitutionnel et administratif], 8e éd., Londres et New-York, Penguin Books, 1998, XII-705 p., p. 27.

194 CRAIG (Paul), Administrative Law [Droit administratif], op. cit., p. 205, mentionne les conventions comme servant à régler la vie constitutionnelle (« there has always been much in the constitutional life of the United-

Kingdom that has been regulated not by statute, but by convention, practice and the rules of the game »). 195 Ainsi WHEARES, idem ; également DE SMITH (Stanley) et BRAZIER (Rodney), Constitutional and Admin-

istrative Law [Droit constitutionnel et administratif], op. cit.

196 RUSSEL (Peter H.), « Codifying Conventions » [Codifier les conventions], in GALLIGAN (Brian) et BREN- TON (Scott) (dir.), Constitutional Conventions in Westminster Systems [Les Conventions constitutionnelles dans les systèmes westminstériens], op. cit., p 233-249, p. 245.

197 MENZIES (Jennifer) et TIERNAN (Anne), « Caretaker conventions » [Les conventions d’interim], in GALLI- GAN (Brian) et BRENTON (Scott) (dir.), Constitutional Conventions in Westminster Systems [Les Conven- tions constitutionnelles dans les systèmes westminstériens], op. cit., p 91-115., p. 92, 103, 105, 109 ; également DUNCAN (Grant), in GALLIGAN (Brian) et BRENTON (Scott) (dir.), Constitutional Conventions in West-

minster Systems [Les Conventions constitutionnelles dans les systèmes westminstériens], op. cit., p 217-232, p. 218.

198 Par exemple, A-G v Jonathan Cape Ltd. [1976] 1 QB 752 (relatif à la publication des mémoires d’un ancien ministre) ; R v Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, ex p Southall [2003] EWCA 1002 (relatif à l’adoption du traité de Nice).

199 Dicey, cité par PARPWORTH (Neil), Constitutional and Administrative Law [Droit constitutionnel et admi- nistratif], op. cit., p. 237.

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britannique, quand bien même certaines conventions toucheraient à l’information des citoyens par le gouvernement ou par le parlement britannique.

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