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Le style sauvage de W. Robinson concernait aussi l’intégration du domaine agricole au delà du jardin, l’esthétique champêtre fondée sur des structures végétales rurales comme les prés, le bocage , les vergers et sur le savant art d’y arranger les compositions florales de façon informelle en introduisant les effets de taches végétales. La nature sauvage et agricole est soit une réalité existante sur le terrain, préservée comme une toile de fond de leur peinture

jardinée, soit une succession de motifs esthétiques symboliques de cette nature rurale. La dimension paysagère de sa théorie reposait essentiellement sur le maintien des traces rurales anglaises comme un paysage esthétique domestique et sur la valorisation de certaines essences indigènes peu présentes dans les parcs sophistiqués. Le discours embrassait

essentiellement des considérations de jardinage pratique et n’effleura que superficiellement l’aspect scientifique des équilibres écologiques, peu connus à cette époque.

W. Robinson dépassa la notion de jardin des abords immédiats de la maison et intégra, comme dans le jardin paysager anglais, le concept plus large de « paysage

environnant » comprenant les espaces de nature spontanée, les espaces agricoles et les abords des routes. En effet, il investissait d’autres espaces comme les bois, les champs, les prairies autant que les terrains de jeux avec des essences comme les narcisses ou les jonquilles : « Dans les plus petits jardins, il peut exister assez d’espace pour décliner le « jardin

sauvage », mais dans les vastes jardins où il existe des espaces généreux dans les marges de la prairie, dans le bocage, dans le parc ou le long des cheminements et des routes dans les bois, on peut parvenir à des effets nouveaux magnifiques par cette démarche.»43

G. Jekyll montra aussi dans son jardin de Munstead Wood que les diverses parties du jardin ne sont pas isolées mais forment un tout. La grande bordure peut se voir comme un ensemble, comme une succession de tableaux ou une myriade de détails. Elle fait partie d’une

composition plus vaste. En effet, la bordure de fleurs se fond dans le cadre des bois et dans le paysage plus lointain des collines environnantes. « De même que les jardins sauvages ne devraient jamais ressembler à des jardins ordonnés, ou à des lieux où se sont égarées des plantes qui n’ont rien à y faire, les sentiers dans les bois ne devraient jamais ressembler à des allées de jardins. Il ne doit avoir ni limites franches, ni frontières visibles. Il se fond

imperceptiblement dans le bois, il est de même nature que lui, avec cette seule différence qu’il est uni et dégagé, sans racine apparente, ni fougères, ni ronces, car on les aura enlevées quand on l’aura tracé. »44

indiquait G. Jekyll.

Hors des terrains sauvages, elle créait des parterres conçus à la manière de W. Robinson. En résumé, elle considérait qu’il valait mieux laisser intacts les boisements mais, à leur lisière, s’autoriser quelques plantations audacieuses de fleurs telles une touche légère « comme ici du bouillon blanc et là de la digitale pourpre. Car lorsque l’on se tient dans la partie ouverte, il est plaisant de prolonger sa vue loin dans les bois en laissant y pénétrer par endroits les

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G.Jekyll, Couleurs et jardins, edition Hersher, France , 1989, traduction S. Gleize, édition originale Colour in

Flower garden, 1908, Londres. 44

influences du jardin, mieux encore de faire rejoindre l’un et l’autre. » Contrôlé, celui-ci est autant naturel qu’apprivoisé.

W. Robinson et G. Jekyll consacrèrent tous deux un chapitre entier de leur livre à la revalorisation du verger. Ce verger ne doit ni être strictement utilitaire, ni seulement esthétique selon cette dernière « Nul doute, mon verger ne sera pas seulement un lieu de beauté, agréable à l’œil et à l’esprit mais un lieu de repos, un repos à peine troublé par l’intérêt qu’il suscite. Ce sentiment renvoie -t-il aux jours anciens et rudes où l’homme vivait de la cueillette et de la chasse ? Ou bien vient-il du charme direct qu’offre le lieu direct avec une nature généreuse qui met tous les sens en éveil. » 45

G. Jekyll conseilla même la création de verger d’essences spontanées : « Si l’emplacement du verger est tel qu’un espace le sépare du jardin d’agrément, pourquoi ne pas faire de cet endroit un verger naturel de fruits plus sauvages, avec le néflier rameux, le cognassier, et d’autres encore parmi mes plus gracieux des petits arbres d’Angleterre. »46

Nous pouvons souligner que cette volonté d’interpénétration du jardin, du verger et de la forêt relève plus d’une diffusion du jardinage dans la partie rurale d’un grand domaine plutôt qu’un emprunt de paysage traditionnel comme par exemple dans les jardins japonais et paysagers anglais.

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G. Jekyll, Couleurs et jardins, op. cit.

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35 Un sauvage esthétisé comme œuvre d’art colorée

impressionniste

Diplômée de l’école des Beaux arts de Londres en 1862, G. Jekyll apporta une réelle philosophie nouvelle de la couleur dans le jardin et l’énonça plus conceptuellement que W. Robinson. En 1882, Miss Jekyll rédigea pour la revue de W. Robinson, The Garden, un article intitulé « La couleur dans le jardin de fleurs ».Ce même thème fut repris par W. Robinson dans son ouvrage The English flower garden où il y consacra un chapitre entier .

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