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Interactions précoces, accordage et développement neurologique

présence de leur mère, elle-même agitée et loghorréïque, comme si la rythmicité propre du sujet était abolie et remplacée par la « rythmicité » anarchique et trop

1.4.6 Interactions précoces, accordage et développement neurologique

A cette étape de la présentation, je propose une synthèse des recherches actuelles en neurobiologie à propos des effets d’une relation d’attachement insécure sur le développement de l’hémisphère droit du cerveau, la régulation des affects et la santé mentale du jeune enfant

Il est intéressant de constater que les résultats des recherches récentes dans ce domaine semblent venir corroborer les hypothèses psychanalytiques, notamment le modèle freudien de liaison intrapsychique, ainsi que les modèles qui concernent les interactions précoces et leurs enjeux. Les neuroscientifiques sont les premiers à inviter à la prudence quant à la saisie de leurs résultats par la psychanalyse. Toutefois, ceux-ci paraissent pouvoir

202 Il en sera à nouveau question lorsque je présenterai en détail les caractéristiques des défaillances parentales auxquelles les enfants de ma population de recherche ont été confrontés. Voir Chapitre 1 § 1.7.4 “Distorsion de la seduction narcissique”

au moins valider le principe selon lequel l’emprunt des modèles neuroscientifiques pour une métaphorisation du fonctionnement de l’appareil psychique est pertinent.

Il semble que les neurobiologistes insistent tout autant que les psychologues cliniciens sur le rôle déterminant que joue la qualité des interactions précoces dans l’évolution des facultés du sujet. Le cerveau pourrait ainsi être considéré comme un organe bioenvironnemental ou biosocial. L’incorporation des informations que je vais présenter brièvement, et de façon non-exhaustive, dans le développement des modèles de compréhension psychologiques, semble permettre d’établir des liens plus étroits entre le développement optimal du cerveau et le développement psychoaffectif du sujet, mais également d’appréhender les effets de dégénérescence neurologique des pathologies mentales ainsi que la corrélation étroite et bilatérale qui unit les sphères psychique et physiologique.

J’ai été particulièrement sensible aux éléments fournis par la recherche actuelle en neurobiologie à propos de l’incidence dommageable des traumatismes relationnels précoces sur le développement de certaines zones et fonctions cérébrales. La découverte de la congruence des observations, en termes d’effets néfastes pour l’acquisition des capacités de régulation des états émotionnels, dont dépendent en particulier les facultés d’adaptation sociale et d’apprentissage, m’a amenée à formuler l’hypothèse méthodologique suivante : l’intégration des données fournies par le croisement des recherches en neurobiologie, psychopathologie et psychologie clinique pourrait permettre de construire un modèle de compréhension interdisciplinaire, psychoneurobiologique, de l’étiologie des pathologies du lien et de la nature des dysfonctionnements qui leur sont propres.

Il est aujourd’hui admis en neurosciences que la régulation de l’affect est un principe central du développement humain. A.R. Damasio 203 affirme que les émotions seraient des expressions directes du principe de biorégulation dans les organes complexes. Celui-ci participerait aux principales fonctions du cerveau qui consisteraient à traiter en permanence les informations qu’il reçoit sur ce qui se passe dans le corps et dans l’environnement, afin de pouvoir mettre en œuvre les stratégies physiologiques et comportementales nécessaires à la dynamique adaptative vitale. Ces fonctions seraient le produit de systèmes biologiques structurels qui apparaîtraient dès la prime enfance. Elles concerneraient particulièrement l’hémisphère droit du cerveau qui connaîtrait une maturation intense pendant les trois premières années de vie. L’hémisphère droit serait responsable du traitement des informations correspondant au registre des émotions sociales, qui participeraient aux fonctions affectives d’attachement et réguleraient les états affectifs, ainsi que les fonctions corporelles. Il interviendrait également au niveau du contrôle des fonctions vitales, qui permettraient à l’organisme de lutter activement ou passivement avec le stress

204 . A.N. Schore 205 suggère que la maturation de ces capacités régulatrices du cerveau dépendrait de l’expérience constituée par les relations affectives qui se noueraient entre l’infans et la personne qui prend soin de lui. Il considère que cette expérience, selon sa qualité, pourrait influencer de façon positive ou négative la maturation de la structure du cerveau et, par conséquent, le développement psychobiologique du

203 DAMASIO A.R., (1998), Emotion in the perspective of an integrated nervous system, in Brain Research Review, n°26, pp. 83-86

204 WINTTLING W., (1997), The right hemisphere and the human stress response, in Acta physiologica Scandinavia, supplement n°640, pp. 55-59

205 SCHORE A.N., (1994), op. cit.

sujet. En effet, il a observé que les traumatismes relationnels précoces influant sur le système de l’attachement inhiberaient le développement du cerveau droit. Selon D.

Cicchetti et D. Tucker 206 , l’expérience environnementale jouerait un rôle majeur pour la différenciation des tissus du cerveau, car elle influencerait la production du matériel nucléïque et mitochondrique (« nuclear and mitochodrial genetic material ») qui rendrait le système nerveux central apte à réagir au stress et à s’adapter. Ces deux fonctions sont considérées comme primordiales pour la survie de l’individu humain qui naît encore inachevé, car elles fonderaient la capacité à tolérer et à incorporer des nouveautés, ainsi le principe de complexification du système cérébral. Or, depuis la théorie de l’attachement développée par J. Bowlby 207 , il est admis que ces fonctions sont tributaires des émotions sociales précoces, issues du lien de communication privilégié que le petit enfant tisse avec sa mère et intériorisées sous la forme d’une capacité à générer et à maintenir des états de sécurité interne. Ainsi, d’après L.A. Sroufe 208 , l’attachement pourrait se définir comme

« a dyadic regulation of emotion » (régulation dyadique de l’émotion), dont l’enjeu principal serait que l’enfant puisse parvenir à réagir de manière cohérente au stress.

A ce stade, il convient de préciser dans quel sens j’entends le terme « stress », car c’est une notion que j’ai employée déjà à plusieurs reprises. Lorsque j’utilise le terme « stress », je fais allusion à une réaction de l’organisme et du psychisme aux facteurs d’agression physiologiques et psychologiques, ainsi qu’aux émotions agréables et désagréables, qui nécessitent la mise en œuvre de processus d’adaptation. Le stress est décrit par les chercheurs comme une expérience subjective qui se traduit par des réactions neurochimiques dans différentes zones du cerveau droit.

H.D. Critchley, R. Elliott, C.J. Mathias et R.J. Dolan 209 ont démontré le rôle important du système nerveux central dans la capacité à « faire face » et l’implication du système limbique dans les fonctions de gestion du stress. L’émotion dépendrait de la communication entre le système nerveux autonome et le cerveau droit. S. Spence, D. Shapiro et E. Zaidel

210 ont établi qu’il existerait des connexions entre ce dernier et le système limbique.

Pour ces auteurs, la corrélation entre les événements survenus dans la petite enfance et la future capacité à l’évolution adaptative serait saisissable du fait que l’environnement social précoce aurait un impact direct sur la maturation du système limbique dépendant de l’expérience. Cette hypothèse semble corroborée par les recherches de P. Kehoe et col. 211

206 CICCHETTI D., TUCKER D., (1994), Development and self-regulatory structures of the mind, in Development and psychopathology n°6, pp. 533-549

207 BOWLBY J., (1969-1973), op.cit.

208 SROUFE L.A., (1996), Emotional development : the organization of emtional life in the early years, Cambridge University Press, New-York

209 CRITCHLEY H.D., ELLIOTT R., MATHIAS C.J., DOLAN R.J., (2000), Neural activity relating to generation and representation of galvanic skin conductance responses : a functional magnetic resonance imaging study, in Journal of neuroscience, n°20, pp. 3033-3040

210 SPENCE S., SHAPIRO D., ZAIDEL E., (1996), The role of the right hemisphere in the physiological and cognitive components of emotional processing, in Psychophysiology n°33, pp. 112-122

211 KEHOE P., SHOEMAKER W.J., TRIANO L., HOFFMAN J. et AARONS C., (1996), Repeated isolation in the neonatal rat produces alterations in behavior and ventral striatal dopamine release in the juvenile after amphetamine challenge, in Behavioral neuroscience n°110, pp. 1435-1444

qui estiment que la qualité et le contenu des interactions précoces avec l’environnement premier façonneraient de manière profonde la capacité à réagir aux stimuli du stress. Dès la naissance, l’enfant utiliserait ses capacités sensorielles en pleine maturation (odorat, goût, toucher…) pour entrer en contact avec son environnement social. Des études fonctionnelles récentes par I.R.M. montrent que, vers 18 mois, il se produirait, chez l’enfant placé dans un contexte interactionnel fournissant les stimulations adéquates, un changement métabolique rapide du cortex visuel primaire. A.M. Schore 212 interprète ce changement comme une conséquence de l’expérience vécue dans les situations de « face à face » mère-enfant.

Selon lui, ces situations, synonymes de synchronie affective, représenteraient le principal stimulus de l’environnement social de l’enfant. Cette synchronie, proche du concept de D.

Stern 213 d’accordage affectif, est reconnue dans sa dimension interactive.

A partir des études d’observation du nourrisson, C. Trevarthen 214 décrit un dialogue sensoriel et affectif sophistiqué entre la mère et le bébé qu’il nomme « intersubjectivité primaire ».

La capacité de l’environnement à « accorder » et stimuler son bébé fournirait des expériences co-régulatoires 215 de stimulations partagées de confort et de transition.

Ceci formerait des « modèles » pour permettre à l’enfant de réguler les états de son corps et de son esprit, de développer des capacités de mentalisation et de gérer des transitions essentielles entre les différents états émotionnels. Ainsi le nourrisson pourrait acquérir ses capacités de régulation, y compris des fonctions de base telles que la respiration et la fréquence cardiaque, la modulation et l’intégration sensorielle, motrice et affective, ainsi qu’une auto-régulation plus haute, corticale, par la « danse de l’accordage » de l’intersubjectivité primaire, dès sa naissance 216 . On peut citer, à titre d’exemple, le fait que lors d’une expérience de stress induisant des réactions biologiques d’éconduction et d’accélération des rythmes cardiaque et respiratoire, sudation, etc…, telles que Freud déjà les avaient repérées, l’apaisement des rythmes semble se faire par accordage aux rythmes de l’objet qui tient dans les bras en rassurant et consolant. Dans la posture du portage, le bébé se trouve en effet corps à corps, « cœur à cœur » pourrait-on dire, contre son objet. Il se produirait ainsi une imitation corporelle et sensorielle identificatoire, qui permettrait au bébé de retrouver des rythmes apaisés.

Donc, se « connecter » sensoriellement à l’état physique et émotionnel du donneur de soin fournirait littéralement à l’enfant des connexions organiques, structurelles, qui formeraient la base de toute une vie de fonctionnement socio-affectif.

Pour agir comme un régulateur du stress de l’enfant, la mère doit être capable de réguler ses propres états affectifs. Selon E.D. Chapple 217 , si l’attachement est perçu

212 SCHORE A.N., (2001),Effects of a secure attachment relationship on right brain development, affect regulation, and infant mental health, in Infant Mental Health Journal vol.22, pp. 7-66

213 STERN D., (1989), op.cit.

214 TREVARTHEN C., (1979), Communication and cooperation in early infancy : a description of primary intersubjectivity, in Before speech, M. Bullowa ed., London and Cambridge, Cambridge University Press

215 SCHORE A. N., (2001), op. cit.

216 ARCHER C., in ARCHER C., BURNELL B., (2008), op. cit.

217 CHAPPELL E.D., (1970), Experimental production of transients in human interaction, in Nature n°228, pp. 630-633

comme une synchronie interactive, le stress correspondrait à une a-synchronie au cours d’une séquence interactive. Si une expérience de synchronie suit rapidement l’a-synchronie, l’enfant pourrait surmonter le stress. Il est admis aujourd’hui que le processus de réexpérimentation d’un affect positif, issu d’une adéquation, permettrait d’accéder aussi à l’intériorisation du principe que la négativité peut être endurée. E.Z. Tronick

218 insiste néanmoins sur le fait que ce mécanisme de récupération (« interactive repair ») impliquerait que l’expérience d’a-synchronie ne soit pas d’une durée ni d’une intensité excessive et que l’expérience de synchronie suive rapidement. Il pose également comme condition sine qua non que les expériences d’a-synchronie soient proportionnellement moins fréquentes que les expériences de synchronie.

Ainsi l’attachement opérant, en tant que potentialisateur du rétablissement du sentiment de sécurité après un affect négatif, mais aussi de l’amplification interactive des affects positifs, présiderait à l’acquisition des sentiments de sécurité et d’équilibre internes, ainsi qu’à l’éveil de la curiosité. K.E. Grossman et P. Zimmerman 219 font de cette dernière capacité un indice d’évaluation de la santé mentale adaptative de l’enfant.

Un environnement socio-émotionnel optimal semble également nécessaire pendant les trois premières années de vie pour que chaque niveau limbique établisse des connections bi-dimensionnelles avec les autres. Les premières modifications liées aux stimuli affectifs apparaîtraient dans l’amygdale 220 , les expériences les plus tardives et les plus complexes liées au plaisir et au déplaisir, dans l’aire orbito-frontale. Ces opérations sont d’abord latéralisées dans le système limbique droit. Or, à la naissance, seul le cortex somato-sensoriel primitif serait métaboliquement actif. W.T. Greenough et J.E. Black 221 ont montré que, dans la période post-natale précoce, la persistance d’un niveau critique de stimulation tactile de qualité spécifique et à contenu émotionnel adéquat serait fondamental pour le développement des autres zones du système : les apports sensoriels émanant de la mère pendant le nursing seraient nécessaires pour la croissance dendritique, qui autoriserait le principe d’interconnection.

A l’inverse, les recherches montrent que des expériences de désaccordage affectif, et une insuffisance des stimulations sensorielles adaptées mèneraient à l’établissement de structures cérébrales particulières. Mc Ewen 222 , comme B. Cyrulnik 223 , évoquent

218 TRONICK E.Z., (1989), Emotions and emotional communication in infants, in American Psychologist n°44, pp. 112-119 219 GROSSMAN K.E., ZIMMERMAN P., (1999), A wider view of attachment and exploration. Stability and change during the years of immaturity, in CASSIDY J. and SHAVER P.R. (Eds.) Handbook of attachment : theory, research and clinical application, New York Guilford Press, pp. 760-786

220 BERRIDGE K.C., (2000), Measuring hedonic impact in animals and infants : microstructure of affective taste reactivity patterns, in Neuroscience and Biobehavioral Review n°24, pp. 173-198

221 GREENOUGH W.T., BLACK J.E., (1992), Induction of brain structure by experience : substates for cognitive development, in GUNNAR M.R.and NELSON C.A.,(Eds.) Minnesota symposium on child psychology vol.24, Developmental behavioral neuroscience, Hillsdale, N.J. Erlbaum

222 Mc EWEN P., (2000), Stress, sex and the hippocampus : from serendipity to clinical relevance, Boston, MA : Boston University School of Medicine Annual Psychological Trauma Conference in cooperation with the Trauma Centre, Arbour Health System 223 CYRULNIK B., (2004), Le réel et sa représentation. Les requis de la résilience, in Journal de la psychanalyse de l’enfant, n

° 34, pp.205-217 CYRULNIK B., (3/12/2007), Comment préserver l’enfance ?, Conférence présentée dans le cadre du colloque pour les 30 ans de la Fondation pour l’Enfance, Paris

l’élagage dendritique des cellules nerveuses et des connexions neuronales, c’est-à-dire la dégénérescence de la partie des cellules nerveuses (dendrite) qui établit les connexions, lorsque celles-ci ne seraient pas régulièrement et adéquatement utilisées.

Certains chercheurs, dont C. Bonnier 224 et Pr. J.J. Heckman 225 soutiennent que la confrontation prolongée à un environnement gravement désaccordé produirait une atteinte neurologique considérable et durable. Ils étayent leur hypothèses sur l’utilisation des IRM.

Ainsi la « nature » du développement dépendrait de l’usage par lequel un nourrisson établirait sélectivement des voies neuronales en accord avec son expérience antérieure.

On parle de « frayage neuronal ».

Le cortex orbito-frontal serait dans une période critique pendant les deux premières années post-natales. Or, la maturation limbique à direction orbito-frontale servirait de médiateur à ce que D. Stern 226 appelle « subjective self », c’est-à-dire l’accomplissement développemental du Moi subjectif ou du sens de soi subjectif, selon les traductions. En effet, ce système, qui intègrerait les sphères psychologiques et biologiques de l’esprit et du corps, est reconnu pour jouer un rôle essentiel dans l’interprétation des signaux de personne à personne, dans l’association d’émotions et d’idées, et son efficience est estimée indispensable pour l’imitation des interactions sociales 227 .

J. Mirenowicz et W. Schultz 228 ont montré que le développement du cortex orbito-frontal dépendrait de la quantité d’activations de neurones à dopamine des structures médianes, qui sont chargées de la régulation des émotions vives. Chaque activation résulterait de sensations de plaisir expérimentées au cours des interactions précoces avec l’environnement.

Ainsi les chercheurs en neurosciences dont je viens d’évoquer les travaux, comme les chercheurs en psychopathologie et psychologie clinique, considèrent que la capacité du sujet à réguler ses émotions dans les relations avec d’autres personnes n’est pas innée. Elle serait selon eux tributaire du développement du système orbito-frontal, qui découlerait de l’expérience d’interactions précoces adéquates pendant les trois premières années de la vie. L’adéquation serait caractérisée par un niveau suffisant de synchronie affective et par une faible fréquence d’expériences de stress, rapidement régulées par l’environnement. Il est donc admis que l’accès à cette fonction mentale d’auto-régulation, qui autorise le développement et l’investissement ultérieurs de relations aux autres, n’est pas évident et peut se trouver entravé par la confrontation récurrente et prolongée aux dysfonctionnements de l’environnement. Les études réalisées jusqu’ici ont tendance à conclure que si un sujet se développe dans un tel contexte, il court

224 BONNIER C., neuropédiatre au Centre Neurologique W. Lennox des Cliniques Universitaires Saint-Luc de Bruxelles (Belgique), (2005), Conférence « Le diagnostique de maltraitance chez l’enfant au sein des équipes SOS Enfants »

225 HECKMAN J.J., Prix Nobel, (1999), A Note On Policies to Reward the Value Added by Educators, (co-authored with J.

Cawley), in Review of Economics and Statistics http://jenni.uchicago.edu/home_page/projects.html 226 STERN D., (1989), op.cit.

227 SCHORE A.N., (1994), op.cit.

228 MIRENOWICZ J., SCHULTZ W., (1996), Preferential activation of midbrain dopamine neurons by appetitive rather than aversive stimuli, in Nature n°379, pp. 449-451

le risque de ne pas acquérir les compétences psychoneurobiologiques qui constituent les principales sources et garanties de la motivation humaine pour engager et entretenir des liens positifs avec son environnement. La perte de réseaux neuronaux potentiellement sains et la création de voies neuronales distinctes, singulières, destinées à lui donner les meilleures possibilités d’adaptation et de survie pourraient secondairement nuire à ses capacités d’adaptation sociale.

En effet, les abstractions issues des expériences subjectives précoces, représentations symboliques des structures cérébrales correspondantes, constitueraient autant de « cartes routières » internes 229 qui auraient pour objectif d’être fonctionnelles. L’enjeu serait toujours la survie par adaptation à l’environnement. Elles devraient donc permettre au sujet de faire des prédictions rapides sur le futur, afin de déterminer des conduites et modes de réaction qui viseraient à sauvegarder l’intégrité du sujet. De ce point de vue, on peut considérer qu’il s’agirait d’un processus défensif et adaptatif : il répondrait à un objectif économique de réaction, facilitant la survie développementale et donnant à l’individu une « acuité » fonctionnelle en termes de performance.

Ainsi, chez le sujet qui a vécu des traumatismes relationnels précoces de façon récurrente et prolongée, le corps serait en perpétuelle alerte, prêt pour des expériences de stress extrême, mais ses modèles internes, ses « représentations d’interactions généralisés » pour reprendre l’expression de D. Stern, seraient limités et rigides : il serait

« câblé » pour réagir rapidement et défensivement à une menace perçue, par des réactions de « lutte, fuite, blocage ». Les réponses neurobiologiques à la peur, comme à d’autres affects négatifs intenses, comme la honte, pourraient ainsi sérieusement inhiber la capacité d’un enfant à se sentir en sûreté, protégé, soigné, de façon réelle. Or, si un enfant est régulièrement renvoyé, à partir d’une ligne de base de peur 230 , vers des états d’alarme « lutte, fuite, blocage » dès sa petite enfance, il devient peu probable qu’il reconnaisse et bénéficie de l’environnement attentif et réconfortant qu’il peut rencontrer plus tard.

C. Archer 231 soutient que les phénomènes neuro-psychologiques que je viens de présenter renderaient la thérapie particulièrement difficile. Selon ses recherches, les efforts pour rendre l’enfant cognitivement capable de comprendre ses perceptions, déformées par les traumatismes issus des expériences de désaccordage émotionnel, ne pourraient pas aller au-delà de la réaction automatique au stress de son corps.

Elle questionne l’efficacité du traitement après-coup car l’application de connaissances récentes, acquises verbalement, à des états du moi précoce risque d’être difficile. Selon elle, la dissonance entre les informations récentes, acquises cognitivement, et la réalité neurobiologique et intrapsychique actuelle de l’enfant, pourrait entraîner un stress supplémentaire, associé à des attitudes d’auto-critique qui entraveraient les évolutions thérapeutiques espérées.

C. Archer montre notamment comment la récupération et le traitement efficace des traces mnésiques traumatiques constituées avant l’acquisition du langage par la « cure par la parole » sont problématiques, car un effet rebond du traumatisme serait probable pendant la phase de récupération. A partir de son expérience clinique, elle pointe que,

C. Archer montre notamment comment la récupération et le traitement efficace des traces mnésiques traumatiques constituées avant l’acquisition du langage par la « cure par la parole » sont problématiques, car un effet rebond du traumatisme serait probable pendant la phase de récupération. A partir de son expérience clinique, elle pointe que,

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