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Caractéristiques des interactions défaillantes

psychopathologie parentale et constitution des troubles chez l’enfant

1.7.5 Caractéristiques des interactions défaillantes

Pour la population que j’ai étudiée, en croisant les éléments fournis par les observations que j’ai moi-même réalisées et ceux qui m’ont été rapportés en Centre d’Accueil mère – enfant ou par les professionnels du service de P.M.I 309 , ainsi qu’en me référant aux travaux de E.

Pickler 310 , A. Tardos, G. Appell 311 , M. David 312 , S. Fraiberg 313 , M. Baracco, M.Lamour

314 , j’ai pu faire ressortir les caractéristiques suivantes.

L’alternance imprévisible dite « du tout au rien » se manifeste à deux niveaux : on peut l’observer au niveau « micro », c’est-à-dire au cours d’une séquence interactive, et au niveau

« macro », c’est-à-dire dans l’organisation générale du mode de relation parent-enfant.

∙ Au niveau « micro », le parent passe soudainement d’une position de

surinvestissement et de sur stimulation du bébé, sans tenir compte de l’état de disponibilité de celui-ci, à une position de désinvestissement. Le parent ressent le besoin d’engager une relation avec son enfant et le réveille ou interrompt son activité autonome pour le câliner ou tenter d’engager un « jeu ». Les « jeux » sont souvent en réalité des actions de sur-stimulation du corps du bébé, intrusives et excitantes : « chatouilles », « portés en l’air à bout de bras », voire « lancés en l’air » ; certains peuvent retirer à l’enfant l’objet avec lequel il joue, puis le cacher afin de récupérer son attention. Ces attitudes semblent faire vivre à l’enfant des expériences d’empiètement, sources de stress extrême et de tension débordante, auxquelles il réagit par des manifestations de surexcitation ou de déplaisir, puis de désorganisation, et enfin de détresse. Celles-ci déçoivent les attentes du parent, puis le blessent et finalement déclenchent un état d’angoisse insupportable. Il peut alors mettre en œuvre des conduites visant à faire cesser les pleurs, mais elles sont appliquées dans un tel état de tension qu’elles deviennent très maladroites et inadéquates : certains cherchent à bercer l’enfant, mais le bercement est saccadé, l’enfant est tenu trop serré, etc… d’autres proposent à manger, ou enchaînent des

309 Service Social de Protection Maternelle et Infantile

310 PICKLER E., (1986), Placement familial thérapeutique, Entretiens de Bichat, in Neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, (1986), 34, 10, Paris, pp. 433-476

311 APPEL G., TARDOS A., (1998), Prendre soin d’un jeune enfant, Erès éd., Ramonville Saint-Agne

312 DAVID M., APPELL G., (1966), La relation mère-enfant. Etude de cinq patterns d’interaction, in Psychiatrie de l’enfant, IX, PUF, Paris, pp. 445-532 DAVID M., HARNISCH D., KREISLER A., LAMOUR M., (1984), Recherche sur les nourrissons de familles carencées, in Psychiatrie de l’enfant, XXVII, PUF, Paris, pp. 175-222 DAVID M., (1987), Souffrance du jeune enfant exposé à un état psychotique maternel, in Perspectives psychiatriques 26 ème année, 6 (1), Paris, pp. 7-22 DAVID M., (1990), Protection du développement du bébé exposé aux positions paradoxales de sa mère psychotique, in CAREL A., HOCHMAN J., VERMOREL H., Le nourrisson et sa famille, coll. L’Enfant, Cesura, Lyon, pp. 159-169 DAVID M., (1991), Entre mère et bébé : impact d’un état psychotique délirant chronique, in sous la direction du Dr M. SASSOLAS, Les parents psychotiques et leurs enfants, Editions Santé mentale et communauté, Villeurbanne, pp. 49-61

313 FRAIBERG S., (1989), Fantômes dans la chambre d’enfants, coll. Le Fil rouge, P.U.F éd., Paris

314 BARRACO M., LAMOUR M., (1995), Perturbations précoces des interactions parents-nourrisson et construction de la vie psychique : le jeune enfant face à une mère psychotique, in Psychiatrie de l’enfant n°38, pp. 2529-2554

présentations de stimuli. Les manifestations de refus, les cris et les pleurs de l’enfant ne font qu’accroître la détresse du parent, il ne peut mettre en œuvre les conduites de contenance, réassurance et apaisement nécessaires. Le parent ressent alors le besoin de mettre à distance l’objet-source de cet état. Il adopte alors une attitude de rejet-abandon de l’enfant (en s’en détournant brusquement, en le posant dans son lit ou son parc…). Envahi par des pensées persécutrices ou mélancoliques, le parent n’est plus disponible pour recevoir et transformer les appels de détresse de l’enfant, ni pour les percevoir en tant que tels.

J’ai recensé deux grands types de réaction :

∙ soit le parent s’agite et s’adresse brutalement à l’enfant pour le faire cesser : il peut secouer l’enfant, crier plus fort, le menacer…Le parent est en état de rage, son visage est déformé par la colère et devient effrayant. C’est dans ce contexte que peuvent survenir des passages à l’acte violents, lorsque le parent ne parvient pas à contenir la décharge motrice de ses impulsions agressives à l’encontre de l’enfant, perçu comme un persécuteur. Ceci constitue de nouvelles expériences de stress extrême traumatogènes.

∙ soit le parent adopte une attitude de repli psychique et de déconnexion perceptive qui peut l’amener à ne plus entendre les cris : certains se « retirent dans leurs pensées » et s’absentent psychiquement du réel et de la relation ; leur visage se fige et devient inexpressif, leur regard se vide ou s’échappe dans le vague ou dans la contemplation ; ils deviennent sourds et aveugles à ce qui se passe autour d’eux. D’autres s’enferment dans une autre pièce, d’autres encore créent une autre source de bruit en augmentant le volume de la télévision ou de la chaîne stéréo.

Il semble que cette attitude de désinvestissement vise de façon préconsciente à protéger l’enfant et le parent des mouvements de décharge violente que celui-ci pressent ne pas être en capacité de contenir. Toutefois, elle est également à la source d’une expérience de stress traumatogène pour l’enfant car celui-ci se retrouve seul, confronté à des sentiments de détresse, de souffrance et d’impuissance et à des sensations de douleur psychique qui débordent les capacités de régulation de son moi immature. Il se ressent incompétent à apaiser son état.

On peut retrouver cette alternance de mouvements de surinvestissement-désinvestissement au niveau « macro » de la relation parent-enfant.

Les soins sont apportés de façon anarchique, sans régularité, sans permanence dans la qualité de la présence émotionnelle du parent, sans rythme repérable par l’enfant. Parfois le parent est disponible à l’expression d’un besoin de l’enfant et peut y répondre avec plaisir et de façon adéquate. Mais d’autres fois, tourmenté par des états d’angoisse et de souffrance personnels, le parent n’est pas en capacité de s’adapter à l’enfant : soit il ne perçoit pas et donc ne répond pas au besoin, soit il perçoit le besoin mais y répond de façon mécanique,

« la tête ailleurs », soit il y répond en état d’agacement et de tension, sous-tendu par des affects de haine inconscients très violents.

Il me semble que l’enfant est ainsi maintenu en état d’incertitude et donc d’insécurité permanent. Il ne sait jamais à quel type de relation, à quel type d’objet, il va avoir affaire.

Il ne peut jamais savoir quel type de réponse recevra tel ou tel de ses comportements.

Sans rythme régulier, sans constante dans les relations, il ne peut se construire de repères, ni expérimenter la prévisibilité. L’établissement des fonctions d’anticipation me paraît ainsi gravement compromis.

De manière générale, on note une défaillance des soins corporels : l’enfant est habillé avec des vêtements de prix, mais sans qu’il soit tenu compte de l’à propos de la tenue : l’enfant est trop habillé alors qu’il fait chaud, pas suffisamment alors qu’il fait froid. Le corps de l’enfant est manipulé, touché, senti, embrassé, mais le parent s’adresse très peu à lui : souvent, il ne lui parle pas, au motif qu’il ne comprend pas le langage.

Voici une série d’observations qui me paraissent bien illustrer ce phénomène :

Je participe aux visites médiatisées entre Jonathan, 8 ans, et son père. Lorsque Jonathan arrive, son père passe un très long moment à examiner son corps, de façon très intrusive : il « l’ausculte » littéralement. Il soulève son T-Shirt pour vérifier s’il n’a pas la peau sèche, il lui ouvre la bouche pour vérifier l’état de ses dents… Pendant le reste de la visite, il s’adresse essentiellement à moi, tout en touchant sans cesse Jonathan. Il s’empare de ses membres (main, bras, pied) pour les embrasser, il palpe son dos, ses bras, caresse ses cheveux, sans paraître remarquer que Jonathan est mal à l’aise et tente maladroitement d’esquiver les caresses paternelles.

Le père de Nourredine, 7 ans, se comporte de la même façon. Mais chaque fois qu’il touche son fils, il porte sa main à son visage pour l’embrasser. Il m’explique un jour qu’il s’agirait d’un geste « traditionnel » qui se pratiquerait avec des reliques saintes. En faisant cela, on « prend » un peu de la relique et on le met en soi. Il dit aussi que cela permet de ne pas embrasser directement un objet qui est trop sacré pour qu’on y applique les lèvres directement.

Lorsque Gregory, 8 ans, rencontre sa mère, elle lui demande sans arrêt de venir sur ses genoux pour lui faire un câlin. Elle cherche à l’embrasser sans cesse. Lorsque Gregory, gêné, refuse ou s’esquive, elle lui demande d’un air triste : « Tu ne m’embrasses pas, tu ne m’aimes plus ? » Gregory rougit et s’exécute, visiblement de mauvaise grâce. Il prend alors une voix de fausset et geint « Oh mais si, je n’aime que toi maman… » Sa mère est radieuse et le laisse alors jouer un moment. En dehors de sa présence, il dit qu’il n’aime pas que sa mère lui demande des câlins. Il dit « ça me fait chaud, ça m’excite, et puis, je ne suis plus un bébé. » Lorsqu’on lui demande pourquoi il ne dit pas à sa mère qu’il ne veut pas autant de câlins, il répond : « Mais je ne veux pas qu’elle pleure, alors je le fais quand même. » Lors d’une visite, il refuse d’aller sur ses genoux. Il dit que c’est parce que nous trouvons que cela fait trop de câlins. La mère est alors très en colère contre nous, nous accuse de la priver de l’affection de son fils qu’elle voit peu. Elle dit : « c’est mon enfant, je ne le vois pas beaucoup, j’ai bien le droit d’avoir les câlins que je veux. » Nous lui suggérons que c’est peut-être embarrassant pour Gregory, et qu’il y a d’autres moyens de partager un bon moment. Elle nous répond qu’elle sait mieux que nous que Gregory adore ses câlins et que nous essayons de lui mettre ces idées dans la tête pour le lui prendre.

Il me semble que l’on retrouve ici , médiatisés par le corps de l’enfant, les fantasmes de transpercement, corrélés selon P.C. Racamier 315 aux fantasmes d’agglomération qui organisent la relation de séduction narcissique pathologique incestuelle. Ils répondraient au voeu de violer l’intimité corporelle et psychique de l’objet. « Il ne s’agit que d’envahir, de pénétrer, de faire effraction ; il ne s’agit que de prise et d’emprise. » (p.86)

Chez d’autres parents, j’ai observé que le rapproché corporel suscite des mouvements pulsionnels ou anxieux si intenses qu’ils n’osent pas toucher le corps ou certaines parties du corps de l’enfant.

315 RACAMIER P.C., (1996), op. cit.

S. Fraiberg 316 rapporte également que certains parents projettent sur leur enfant la maltraitance qu’ils font subir à leur propre corps : comme eux, l’enfant est sale, mal et insuffisamment habillé. Ils ne parviennent pas à « prendre soin » du bébé. L’enfant est très peu porté, et de façon maladroite : le parent est tendu, ses gestes sont brusques, le bébé est porté « comme un paquet ». J. Hopkins 317 rapporte les observations effectuées par M. Ainsworth 318 . Celle-ci décrit le « syndrome de rejet » présenté par certaines mères à l’égard de leur bébé :

« caractérisé tout d’abord par une aversion profonde du contact physique, qui les conduisaient à repousser les tentatives de leur nourrisson à initier un contact physique. De plus ces mères avaient une tendance à être brutales ou menaçantes avec leurs nourrissons et à penser que les exigences de leur nourrisson

présentaient un conflit avec leurs propres activités. Elles étaient clairement restreintes dans la gamme d’expression de leurs émotions, communiquant un sentiment de détachement ou de raideur, qui peut être interprété comme un effort pour contrôler l’expression de leur ressentiment. Ces résultats indiquent que les bébés qui ont des mères qui évitent le contact physique ont des mères qui sont probablement également « hors d’atteintes » émotionnellement. »

Selon J. Hopkins, cette défaillance du « holding » parental a des conséquences désastreuses sur la qualité des modèles d’attachement 319 intériorisés par l’enfant, ainsi que sur la constitution de l’image de soi pour l’autre. Elle décrit comment l’enfant s’organise à partir de l’évitement de la relation et de l’attachement : il « se sent intouchable, répugnant ou contaminé. Ces sentiments doivent être retracés dans le traitement de l’enfant comme émanant à l’origine des parents, et non pas attribués seulement à la haine et à la culpabilité que l’enfant ressent inévitablement. » (p. 64)

J’ai pu observer aussi des situations où l’enfant est porté mais sur le mode du « collé-serré », sans ajustement tonico-postural, et d’une façon qui empêche les interactions visuelles ou langagières : le visage du bébé est contre le torse du parent, ou placé derrière son épaule. Ou bien le bébé est toujours en appui-dos contre le torse du parent et son visage tourné vers l’extérieur. Le parent peut dire qu’il a hâte que l’enfant grandisse, mais il ne le laisse jamais déployer d’activité exploratrice autonome : toute tentative est vécue comme un mouvement de séparation insupportable qui est aussitôt interrompu.

Lorsque je travaillais pour l’Aide Sociale à l’Enfance, j’ai eu connaissance de plusieurs situations où l’enfant est nourri lorsqu’il manifeste de la faim, mais le biberon n’est pas donné dans les bras : certains parents bloquent le biberon par un coussin ou le suspendent par une ficelle de façon à ce que l’enfant se nourrisse seul.

J’ai rencontré également certains parents qui pouvaient s’occuper de leur enfant en s’opposant à ce que quiconque s’en approche, le prenne dans les bras, etc., puis le laisser

316 FRAIBERG S., (1989), op. cit.

317 HOPKINS J., (1992), Echec du « holding » : quelques effets du rejet physique sur l’attachement de l’enfant et sur son expérience interne, in Devenir, vol.4, n°4, pp. 49-67

318 AINSWORTH M. et al., (cités par HOPKINS J.), (1978), Patterns of attachement : A psychological study of the strange situation, Hillsdale, N.J. : Lawrence Erlbaum Associates

319 Je développerai plus loin l’étude des apports de la théorie de l’attachement élaborée par BOWLBY J., (1969-1980), Attachement et perte vol. I, II, III, PUF, Paris) pour la compréhension des troubles de la relation manifestés par la population observée.

soudainement à une grand-mère, une voisine, une amie pendant plusieurs jours sans donner de nouvelles. Ces situations m’ont paru refléter une alternance entre des périodes de recherche de relation fusionnelle avec l’enfant et des périodes d’abandon agi. Ceci m’a fait supposer une intolérance majeure aux manifestations de séparation-individuation ainsi qu’aux manifestations « tyranniques » des besoins du petit enfant, inhérentes à son état de dépendance extrême. Le discours de ces parents m’a semblé indiquer qu’ils pouvaient, dans ce cas, prêter à tort des intentions persécutrices à l’enfant, tout en établissant une communication paradoxale : « Il le fait exprès, il m’en veut, il me rejette, il est méchant, il me crie dessus, il ne m’aime pas » ou à l’enfant : « Tu ne me fais jamais de câlin, viens me faire un câlin / tu m’étouffes, va-t’en ! » ; « regarde-moi ! tu ne me regardes jamais ! / arrête de me regarder comme ça, tu me fais peur. »

Souvent, ces parents avaient beaucoup de difficulté à être attentifs à leurs manifestations émotionnelles et à l’impact qu’elles pouvaient avoir sur leur enfant. Ils peinaient à les différencier et à y donner un sens. Les parents exprimaient des affects très violents, dans une excitation intense et érotisée qui débordaient les capacités de gestion du psychisme de l’enfant : ils parlaient bruyamment, criaient leur angoisse, leur désir ou leur frustration, sans capacité de modulation ni d’ajustement.

Il me semble qu’il existe souvent chez ces parents une confusion dans les investissements libidinaux dont l’enfant fait l’objet : chez eux la dimension de « tendresse » n’a pu être élaborée, et se manifeste à la place une érotisation de l’investissement, qui participe à ce que P.C. Racamier a décrit des liens « incestuels » 320 . L’enfant semble investi comme un partenaire amoureux, sur fond d’annulation des différences de génération, et des tabous organisateurs.

A titre d’exemple, voici le texte d’une chanson, écrite par une mère à son fils, âgé de 9 ans. Elle le lui a remis en ma présence, en lui disant qu’elle l’avait écrit en pensant à lui.

« J’aurais voulu te dire les signaux dans la nuit les ombres où je me cache pour écouter la pluie. J’aurais voulu te dire Mes rêves à venir Mais t’as voulu partir Alors je les déchire. J’aurais voulu te dire Les parfums qui me touchent Les secrets de mon âme Juste un doigt sur la bouche. J’aurais voulu te dire A ton premier sourire Mes plus violents délires Le goût de mes désirs. Refrain : Et des tonnes de « je t’aime » A l’est d’Eden Des mots fous qui résonnent Dans les rues de Rome Des murmures interdits Au fond de l’Asie Et mes yeux dans tes yeux Y mettre le feu J’aurais voulu te dire Ce que personne n’a dit A l’heure où je chavire Mon corps qui s’abandonne J’aurais voulu te dire Des tendresses à mourir Et pour te retenir Les mensonges les pires. »

A la lecture de ce texte, on peut penser que cette femme pensait à un amant et non à son fils, lorsqu’elle l’a écrit. Le problème est qu’elle le lui donne en le présentant comme quelque chose qui lui est spécialement destiné. La confusion tendresse maternelle / désir amoureux semble s’être faite au moment du don. Comment l’enfant peut-il recevoir ce texte ? Quelle excitation érotique, quels fantasmes oedipiens pourrait-il venir entretenir et valider ?

Je propose à présent d’exposer la situation suivante, à partir de laquelle je tenterai ensuite de développer et d’affiner le modèle que je viens de présenter. Le compte-rendu assez long de cette séquence (qui en réalité n’a pas duré plus de vingt minutes !) me paraît illustrer les oscillations d’investissement en fonction de l’état émotionnel et des pensées de la mère que je viens d’évoquer.

320 RACAMIER P.C., (1996), L’inceste et l’incestuel, Editions du Collège, Paris.

Au cours d’une consultation, j’observe la scène suivante entre une mère et sa fille, âgée de 4 ans. Irène est occupée à faire une construction de cubes avec beaucoup de soin pendant que j’écoute sa mère me parler de sa difficulté à envisager l’entrée de sa fille à l’école maternelle. Elle m’explique qu’Irène n’est jamais allée à la crêche, ni chez une nourrice, car elle prétend ne pas supporter que quelqu’un d’autre qu’elle s’occupe d’Irène.

Elle me dit que sa fille est « tout pour elle », qu’elle est « son rayon de soleil » et qu’elle se sent très mal lorsqu’elle n’est pas auprès d’elle.

A cet instant, la tour de cubes d’Irène s’effondre avec fracas. Sa mère, qui la regardait avec un air attendri tout en me parlant de son amour exclusif pour elle, change tout à coup d’attitude : son visage s’assombrit et se durcit. Elle crie à Irène : « Tu ne peux pas faire moins de bruit ? Tu ne vois pas que je parle avec la dame ? Je n’ai pas le droit de parler ou quoi ? » Irène la regarde, pétrifiée. Puis commence à rire de façon saccadée et à jeter les cubes en disant « Boum ! Boum ! » Sa mère lui attrape le bras et la secoue : « Tu

A cet instant, la tour de cubes d’Irène s’effondre avec fracas. Sa mère, qui la regardait avec un air attendri tout en me parlant de son amour exclusif pour elle, change tout à coup d’attitude : son visage s’assombrit et se durcit. Elle crie à Irène : « Tu ne peux pas faire moins de bruit ? Tu ne vois pas que je parle avec la dame ? Je n’ai pas le droit de parler ou quoi ? » Irène la regarde, pétrifiée. Puis commence à rire de façon saccadée et à jeter les cubes en disant « Boum ! Boum ! » Sa mère lui attrape le bras et la secoue : « Tu

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