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INRA, UR 454 Microbiologie, 63122 Saint-Genès Champanelle, France Introduction

Les aliments d’origine animale sont des substrats parfaitement adaptés au développement d’un écosystème bactérien plus ou moins complexe. La description de ces écosystèmes repose en premier lieu sur l’identification des espèces bactériennes qui s’appuie depuis maintenant de nombreuses années sur des méthodes moléculaires adaptées, PCR ou sondes spécifiques d’espèces. Les approches classiques de caractérisation de ces écosystèmes sont basées sur la mise en culture des bactéries comme préalable à l’identification des espèces en présence (Figure 1). Ces approches ne donnent cependant accès qu’à un aspect limité de la diversité bactérienne puisque seules les bactéries cultivables et les espèces majoritaires peuvent être isolées puis identifiées. En effet, on oublie trop souvent qu’une partie des bactéries est réfractaire à la mise en culture. Quelques méthodes moléculaires permettent une approche directe s’affranchissant de l’étape de mise en culture des bactéries (Figure 1). Les approches basées sur la PCR ou RT-PCR, les puces à ADN, le séquençage des produits PCR peuvent être mises en œuvre pour identifier en partie les bactéries en présence. Des méthodes moléculaires plus globales telles que DGGE ou TGGE couplée à du séquençage peuvent permettre d’avoir une image plus ou moins complète de la diversité bactérienne à partir d’une grande variété de matrices alimentaires. Plus récemment l’approche par pyroséquençage de produits PCR permet de mener des études exhaustives de la diversité bactérienne avec une analyse sans à priori sur les espèces en présence permettant ainsi de décrire l’ensemble du microbiome, c'est-à- dire l’ensemble des gènes bactériens. Ces approches encore peu utilisées sur les aliments vont apporter un éclairage nouveau sur les microbiotes des aliments et sur leur évolution au cours des procédés.

Figure 1 : Schéma d’identification des espèces et du microbiote au sein d’un aliment

Aliments Extraction des bactéries

Culture sur des milieux plus ou moins sélectifs Numération et isolement Identification phénotypique conventionnelle des espèces Méthodes moléculaires Extraction ADN-ARN PCR RT-PCR ADNr 16S ou gène ubiquiste Analyse des amplicons par DGGE ou TGGE Séquençage de chaque amplicon, comparaison avec des profils de référence Pyroséquençage des amplicons Tests morphologiques, culturaux, biochimiques…. Mise en culture PCR ou RT-PCR spécifique d’espèces Identification moléculaire des espèces Identification exhaustive du microbiome (ensemble des gènes)

Absence de mise culture

Identification du microbiote (ensemble des espèces) Hybridation puce à ADN spécifique d’espèces Aliments Extraction des bactéries

Culture sur des milieux plus ou moins sélectifs Numération et isolement Identification phénotypique conventionnelle des espèces Méthodes moléculaires Extraction ADN-ARN PCR RT-PCR ADNr 16S ou gène ubiquiste Analyse des amplicons par DGGE ou TGGE Séquençage de chaque amplicon, comparaison avec des profils de référence Pyroséquençage des amplicons Tests morphologiques, culturaux, biochimiques…. Mise en culture PCR ou RT-PCR spécifique d’espèces Identification moléculaire des espèces Identification exhaustive du microbiome (ensemble des gènes)

Absence de mise culture

Identification du microbiote (ensemble des espèces) Hybridation puce à ADN spécifique d’espèces

Une approche directe sans mise en culture des bactéries

Différentes approches permettent d’évaluer la diversité bactérienne en s’affranchissant des étapes de mise en culture des bactéries qui ne permet d’avoir accès qu’à un faible pourcentage du microbiote des aliments. Ces approches sont basées sur l’analyse de l’ensemble du contenu en ADN ou ARN bactériens présents dans l’échantillon. Elles sont basées sur l’analyse des amplicons ou produits obtenus par l’amplification par PCR de l’ADN ou ADNc (ARN) à partir d’amorces ciblant des régions relativement bien conservées mais polymorphes dans le génome des bactéries. Le choix de ces amorces est un point clé pour la qualité de l’analyse. Cependant, l’étape la plus critique dans ces approches directes est l’efficacité de la méthode d’extraction et de purification de l’ADN ou ARN des écosystèmes des aliments. En effet, il faut que malgré la variété des matrices, l’ADN ou ARN de toutes les bactéries aussi bien à Gram négatif que positif soient accessibles et que les inhibiteurs potentiels de la réaction d’amplification enzymatique de l’ADN puissent être éliminés. De nombreuses méthodes d’extraction ont été développées. Les méthodes les plus utilisées reposent soit sur une lyse mécanique des bactéries par l’utilisation de billes de verre ou de zirconium, soumises à une forte agitation soit par une lyse enzymatique. La plupart des méthodes moléculaires utilisées sont basées sur l’analyse phylogénétique des séquences codant pour le gène de l’ARN 16S (ADNr 16S) bien que d’autres gènes ubiquistes peuvent être également ciblés tels que les gènes rpoB ou gyrB. L’ADNr 16S qui sert habituellement de référence pour l’identification des bactéries a la caractéristique d’avoir des régions très conservées de part et d’autre de régions polymorphes avec des signatures caractéristiques selon les espèces. Dans cette synthèse, nous avons fait le choix de nous focaliser sur les méthodes les plus performantes pour analyser les ADNr 16S.

Les approches par DGGE ou TGGE

Les méthodes de DGGE ou TGGE pour « Denaturing ou Temperature Gradient Gel Electrophoresis » sont de plus en plus utilisées pour la caractérisation des écosystèmes des aliments et notamment pour les aliments fermentés. Ces méthodes sont basées sur les différences de mobilité électrophorétique en conditions dénaturantes d’amplicons de même taille mais dont les séquences nucléotidiques présentent du polymorphisme (Figure 2). Les conditions dénaturantes sont obtenues au cours de l’électrophorèse soit par une concentration croissante d’urée et de formamide pour la DGGE ou par une augmentation croissante de la température pour la TGGE. Les amplicons initialement double brin migrent dans le gel de polyacrylamide jusqu’au moment où ils atteignent des conditions dénaturant leur domaine le moins stable, c’est à dire celui ayant le plus bas point de fusion. A partir du moment où les ADN sont partiellement dénaturés, leur migration est alors fortement freinée. Afin d’augmenter le seuil de résolution, une queue de 30 à 40 pb riche en bases GC est généralement ajoutée à l’une des extrémités des fragments PCR afin de s’assurer que la dénaturation des fragments reste toujours partielle. Ces techniques sont sensibles et peuvent permettre la séparation de fragments se différentiant par seulement une base. Ainsi il est possible d’obtenir un profil électrophorétique de la population bactérienne. Afin d’identifier les espèces en présence, il faut ensuite pourvoir assigner chaque fragment PCR à une espèce ou un genre par détermination de la séquence. Les produits PCR peuvent être séquencés soit directement par purification à partir du gel soit après avoir été préalablement clonés dans un vecteur. Une revue de Ercolini (2004) fait le point sur l’application de la méthode de DGGE à l’étude des écosystèmes des aliments et présente les différentes paires d’amorces utilisées pour cibler les régions variables de l’ADNr 16S.

Les approches par TGGE et surtout par DGGE ont été utilisées pour caractériser toute une variété d’aliments, notamment fermentés. La première caractérisation d’un aliment par ce type d’approche a été réalisée sur une boisson fermentée à base de maïs, le pozol (Ampe et al., 1999). Depuis, ces méthodes ont permis la description de laits crus et de plusieurs écosystèmes fromagers (Ercolini et al., 2001, 2003 ; Lafarge et al. ; 2004 ; Ogier et al., 2002, 2004). Quelques études sur la dynamique des populations bactériennes ont également été réalisées sur des fromages traditionnels (Florez et Mayo, 2006 ; Bonetta et al., 2008 ; Coppola et al. ;2001 ; Randazzo et al., 2002 ; Ercolini et al., 2004). Elles ont été également appliquées à des produits carnés et ont permis la description des populations bactériennes dans des saucisses fraîches (Cocolin et al., 2004) et des saucissons (Cocolin et al., 2001, 2004, 2006 ; Fontana et al., 2005 ; Rantsiou et al., 2005). La revue de Rantsiou et Cocolin (2006) permet d’avoir une vue d’ensemble sur les études décrivant les écosystèmes des saucissons. Des populations de bactéries lactiques ont également été décrites par ces approches au cours de la fabrication de vin et de whisky (Renouf et al., 2006 ; van Beek et al., 2002). Les travaux de Cocolin et al. (2007) ont permis une optimisation de la méthode de DGGE pour quelle soit applicable à divers aliments, viandes fraîches, saucissons et chorizos, jambons secs, et fromages frais ou affinés, ce qui permet de réaliser une étude comparative sur toute une gamme de produits.

Figure 2 : Analyse des amplicons par DGGE

R= profil de référence, E1= espèce 1, E2= espèce 2, E3= espèce 3, A= aliment

L’approche par pyroséquençage

Le pyroséquençage est une technique de séquençage qui a été récemment développée. Elle permet un séquençage rapide (5 millions de base/heure au lieu des 5000 b/h par la technique traditionnelle de Sanger) et à moindre coût (environ 10 fois moins cher). La principale limite de cette méthode est la taille des séquences obtenues entre 250 et 400 bases à l’heure actuelle. Cependant, elle a l’immense avantage de permettre le séquençage direct des ADN amplifiés au sein de l’échantillon sans étape de séparation des produits grâce à l’utilisation de billes de capture. Ainsi les produits amplifiés et étiquetés des gènes codant pour l’ARN 16S peuvent être directement séquencés permettant de déchiffrer le microbiome, c'est-à-dire l’ensemble des gènes, ce qui permet d’estimer la richesse du microbiote en présence (Youssef et al., 2009). Cette approche a jusqu’à maintenant surtout été utilisée pour inventorier les microbiomes de l’environnement (sol, océan) ou du tube digestif mais n’a été que peu appliquée à la caractérisation des aliments. Cependant, les quelques études réalisées sur les aliments laissent envisager tout le potentiel de cette approche. Le pyroséquençage a été mis en œuvre pour la description des populations bactériennes à différents stades du procédé de dix pâtes de mil fermentées, compléments alimentaires très populaires en Afrique de l’Ouest (Humblot et Guyot, 2009). Dans cette étude, ils ont généré plus 137 000 séquences d’ADNr 16S de 200 bases mettant en évidence la dynamique des populations bactériennes au cours de la fermentation et la présence de nombreuses bactéries faisant habituellement partie du microbiote digestif en plus des traditionnelles bactéries lactiques (Humblot et Guyot, 2009). Récemment, sept produits de la mer fermentés asiatiques ont été caractérisés par pyroséquençage des ADNr 16S sur la base de quelques 13 000 séquences (Roh et al., 2010). Dans cette étude, la présence d’un groupe d’archébactéries non cultivable et jamais décrit dans des aliments fermentés a été révélée. De plus, l’approche par pyroséquençage permet d’avoir accès à des données sur une grande partie du micobiote sous dominant.

Conclusion

Les outils moléculaires actuellement disponibles, aussi bien en terme de performance et sensibilité que de coût, vont permettre de revisiter les écosystèmes bactériens des aliments. Appliqués à une large gamme d’aliment, ils vont apporter des connaissances nouvelles sur ces microbiotes, aussi bien au niveau des espèces en présence que sur leur évolution au cours des procédés de fabrication. Il est ainsi possible de faire un inventaire d’un écosystème sans avoir à se focaliser sur les groupes de bactéries les plus connus et les plus souvent décrits. Les

Aliment

ADN bactérien total ADN bactérien total

Extraction d’ADN GC GC GC GC GC GC GC GC GC GC

Amplification par PCR d’un fragment variable d’un gène cible (ADNr 16S) Ajout d’une extrémité GC riche

GC GC GC GC GC GC GC GC GC GC R E1 E2 E3 A GC Purification de chaque bande et séquençage

méthodes présentées ici sont loin d’être exhaustives mais celles que nous avons choisi de décrire ont fait la preuve de leur application à des aliments.

Références

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- Coppola S., Blaiotta G., Ercolini D., Moschetti G., 2001. J. Appl. Microbiol., 90, 414-420. - Ercolini D., Moschetti G., Blaiotta G., Coppola S., 2001. Syst. Appl. Microbiol., 24, 610-617. - Ercolini D., Hill P.J., Dodd C.E., 2003. Appl. Environ. Microbiol., 69, 3540-3548.

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- Ogier J.C., Lafarge V., Girard V., Rault A., Maladen V., Gruss A., Leveau J.Y., Delacroix-Buchet A., 2004. Appl. Environ. Microbiol., 70, 5628-5643.

- Randazzo C.L., Torriani S., Akkermans A.D., de Vos W.M., Vaughan E.E., 2002. Appl. Environ. Microbiol., 68, 1882-1892.

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- Rantsiou K., Cocolin L., 2006. Int. J. Food Microbiol., 108, 255-267.

- Renouf V., Claisse O., Miot-Sertier C., Lonvaud-Funel A., 2006. Food Microbiol., 23, 136-145. - Roh S.W., Kim K.H., Nam Y.D., Chang H.W., Park E.J., Bae J.W., 2010. ISME J, 4, 1-16. - van Beek S., Priest F.G., 2002. Appl. Environ. Microbiol., 68, 297-305.

- Youssef N., Sheik C.S., Krumholz L.R., Najar F.Z., Roe B.A., Elshahed M.S., 2009 Appl. Environ. Microbiol., 75, 5227-5236.

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