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UR370 Unité Qualité des Produits Animaux, INRA, F-63122 Saint Genès Champanelle, France.
2ADIV, 10 Rue Jacqueline Auriol, 63039 Clermont-Ferrand cedex 2, France.
Introduction
Les industriels de la salaison ne disposant pas d’éléments techniques précis pour estimer l’efficacité de leur procédure de refroidissement, l’objectif du présent projet est de définir des abaques de refroidissement pour deux familles de charcuteries cuites : le jambon cuit et le pâté de campagne. En France, il n’existe pas de référentiel spécifique à cette étape du procédé pour les charcuteries cuites. Par défaut, le critère de refroidissement des plats cuisinés, à savoir une descente de la température à cœur des produits à 10°C en 2 heures, est utilisé. Or, ce critère n’est pas envisageable sur des produits volumineux du type charcuteries cuites, à moins d’utiliser des températures négatives au risque de congeler la surface du produit. Cet article s’attache à présenter l’étape de modélisation du refroidissement d’un pâté de campagne, ainsi que sa validation par des mesures expérimentales. A partir du modèle développé, un abaque de refroidissement spécifique au pâté de campagne, donnant le temps de refroidissement pour différents régimes température/vitesse d’air, a été bâti.
Matériels et Méthodes
Expérimentations. L’ADIV a réalisé plusieurs expérimentations, en faisant varier la température de l’air de
refroidissement et la vitesse de l’air. Les produits utilisés dans le cadre expérimental étaient tout à fait représentatifs de la réalité industrielle, de par leur forme et leur taille, du type de moule et de la formulation, choisis suite à une enquête réalisée auprès de professionnels. Trois types d’expérimentation ont été réalisés sur des pâtés ayant une teneur en matière grasse (MG) de 25% et 15%, correspondant aux conditions de refroidissement reportées dans le tableau 1. Tableau 1 : Conditions expérimentales de refroidissement
Température de l’air (°C)
Vitesse moyenne de l’air (m.s-1)
T1 ≈ 1°C Vmin = 1,2
Vmax = 2,0
T2 ≈ -4°C Vmax = 2,0
Trois thermocouples reliés à une centrale d’acquisition ont permis l’acquisition des cinétiques de température à des points représentatifs du produit (cœur (Tc), bord côté moule (Tb) et surface (Ts)), afin de valider précisément le modèle mathématique de simulation du refroidissement. Un quatrième thermocouple placé dans la cellule de refroidissement
permettait de mesurer la température de l’air (Tair).
Modèles mathématique et numérique. La modélisation, réalisée à partir du logiciel Comsol v3.5a, se caractérise par
une approche systémique de l’ensemble des phénomènes physiques survenant dans les processus de refroidissement des produits de charcuterie.
Figure 1 : Modèle numérique créé
Conditions du sous- domaine
- Température initiale (Ti)
- Conductivité thermique k, masse volumique ρ,…
Un modèle (figure 1) a été bâti au moyen de Comsol, suite à la numérisation de la forme et des dimensions réelles d’un pâté de campagne industriel et suite à l’application de conditions de refroidissement prenant en compte les paramètres technologiques (conditions limites) et les paramètres liés au produit (sous-domaine). En résolvant l’équation
Φ = - k grad (T) = - h (Tair – Tmoy), le
modèle développé permet d’obtenir et donc d’extraire la cinétique de température en n’importe quel point de la structure maillée.
Conditions limites
- Température (Tair) et
vitesse de l’air (Vair)
- Coefficient de transfert thermique effectif (h)
Concernant le pâté de campagne, il existe peu d’information sur la variation de la conductivité thermique, k, en fonction de la température et du taux de MG. Cette variable a été déterminée, suite à la mesure d’un gradient de température sur un cylindre de produit disposé dans un fluxmètre, soumis à un chauffage à une température constante de 95°C. Un programme d’optimisation écrit sous Matlab et couplé à ‘Comsol 3.5a’, a permis d’ajuster par méthode inverse la conductivité en fonction de la température, en minimisant la somme des carrés des écarts entre température simulée et
température mesurée. Une augmentation constante de k, de 0,42 à 0,53 W.m-1.K-1 et de 0,39 à 0,52 W.m-1.K-1 pour les
due à une fusion importante de la MG. Une étude de sensibilité a montré l’importance d’intégrer cette variation de k en fonction de la température du produit dans le modèle pour améliorer la précision de la prédiction.
Le coefficient de transfert thermique effectif, h, à appliquer à l’interface air-produit dépend à la fois de la forme du produit et des caractéristiques de l’écoulement (vitesse, viscosité, turbulence…). Il donne une meilleure indication sur le transfert de chaleur que la vitesse moyenne de l’air, plus difficile à mesurer. Pour évaluer h, un « pâté en aluminium » a été usiné (figure 2). Puis, une cinétique de refroidissement de ce bloc d’aluminium a été mesurée pour chaque condition expérimentale de refroidissement testée à l’ADIV (tableau 1), au moyen d’un thermocouple de type K positionné au centre du bloc. Un programme d’optimisation a permis d’identifier un coefficient h, compris entre 22 et 34
W.m-2.K-1, pour chaque condition de refroidissement. Figure 2 : « Pâté en aluminium »
Résultats et Discussion
Figure 3 : Exemple de résultat de simulation représentant des
cinétiques de descente en température d’un pâté
Pour la totalité des calculs effectués (taux de MG différents et conditions du tableau 1), les résultats montrent que l’erreur relative sur la prédiction des cinétiques de température entre la simulation et les résultats expérimentaux est inférieure à 2%, soit une différence de 3,8 min en moyenne, pour, par exemple, atteindre une température de 4°C à cœur du pâté (figure 3). Globalement, l’écart moyen sur la prédiction des températures sur l’ensemble des trois courbes (cœur, bord côté moule, surface) reste très faible (<1,1°C).
Ces résultats montrent aussi l’efficacité du modèle à reproduire une cinétique complète de refroidissement, sur une durée de 5 h, pour des produits à teneur en MG différentes, à condition, toutefois, de disposer au préalable de mesures précises des paramètres k et h.
A partir du modèle développé, des abaques de refroidissement ont été construits, en fonction de la température requise à cœur (10°C ou 4°C), du taux de MG (15% ou 25%), pour différentes valeurs de h et de températures de l’air (figure 4).
Conclusions et Perspectives
Les résultats du modèle montrent une précision très satisfaisante pour prédire le temps de refroidissement à cœur. La simulation permet d’apporter les éléments techniques précis sur les paramètres à maitriser. Ceci permet d’envisager de simuler des régimes de refroidissement en conditions variables pour optimiser au mieux le procédé. La vitesse d’air moyenne autour du produit étant très difficile à mesurer, le coefficient de transfert effectif apparaît comme un paramètre déterminant. Des mesures plus précises de ce coefficient en industrie, dans des zones critiques de la cellule de refroidissement, pourraient permettre d’élargir l’application pour produire des abaques personnalisés, afin de mieux maitriser les aspects qualitatifs de la procédure de refroidissement.
Remerciements
FranceAgriMer, pour le financement de ce projet,
S. Portanguen, pour l’usinage des pâtés en aluminium. Figure 4 : Exemple d’abaque de refroidissement
Erreur relative pour atteindre 4°C à coeur = 1,8%