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POUR LE CONDITIONNEMENT D’UVC DE BŒUF SOUS ATMOSPHERE 1 LEGRAND I., 2 RECOULES E.

1

Institut de l'Elevage, Service Qualité des Viandes, 14310 Villers-Bocage, France

2

Ecole d’Ingénieurs de Purpan, 31076 Toulouse cedex 3, France

Introduction

Depuis quelques années, en France comme dans d’autres pays, la commercialisation des viandes rouges au détail se réalise de manière croissante sous forme d’UVC (Unités de Vente au Consommateur) proposées au rayon libre service. Le conditionnement sous atmosphères protectrices enrichies en oxygène est en plein développement, prolongeant la durée de vie microbiologique de la viande, tout en exacerbant la couleur rouge demandée par le consommateur. L’apparition d’une décoloration précoce du produit limite toutefois la durée de vie à une dizaine de jour, certains produits pouvant même s’altérer avant la DLC. Elle génère des pertes pour les industriels conditionneurs et/ou distributeurs, qui recherchent une technique garantissant la couleur rouge désirée sur toute la DLC.

L’emploi de faibles doses de monoxyde de carbone au sein de l’atmosphère pourrait constituer une solution intéressante. Ce gaz sécuriserait les durées de vie commerciales grâce à la formation de carboxymyoglobine en surface, de couleur vive et stable (Turubatovic et al., 2008). Récemment autorisé par les Etats-Unis (Sorheim, 2003 ; FDA, 2004), l’emploi du CO dans les atmosphères de conditionnement des viandes reste interdit par la Communauté européenne (European Commission, 2001). Cette dernière estime la technique de nature à masquer une éventuelle perte de salubrité du produit, du fait d’une couleur maintenue très attractive, induisant le consommateur en erreur.

Ce texte présente les résultats d’un travail réalisé sur le sujet, pour le compte d’Interbev et de FranceAgriMer (Legrand et Recoules, 2010). Le projet entendait examiner les freins à l’autorisation du CO en Europe, en travaillant sur le problème de la détection d’éventuelles altérations microbiologiques de la viande conditionnée en présence de ce gaz. Ce travail était aussi l’occasion, pour la filière, de récupérer une première série des données officielles sur les performances de cette technologie dont il est beaucoup question dans les récentes recherches en viande à l’international.

Matériels et méthodes

Outre une étude bibliographique sur le monoxyde de carbone (CO), le travail compte deux expérimentations, en conditions françaises, sur des UVC de bœuf sous atmosphère contenant de faibles doses de CO (0,4%). Un premier

essai étudie une atmosphère sans oxygène (0,4% CO/69,6% N2/30% CO2, et absorbeur d’oxygène) ; et un second une

atmosphère suroxygénée (0,4% CO, 69,6% O2/30% CO2). Il s’agit de voir s’il existe des indicateurs d’une éventuelle

altération microbiologique des viandes, accessibles au consommateur, pour des DLC courantes, respectivement 21 et 8 jours. Afin d’augmenter les chances d’observer de forts développements microbiens, les viandes sont contrôlées bien au-delà de la DLC. De plus, deux modalités de conservation sont suivies dans chaque essai, l’une intégrant une rupture de la chaîne du froid (passage de 2°C à 8°C) dans le dernier tiers de la DLC et l’autre dès le premier tiers de la DLC. La viande provient de 22 vaches laitières Prime Holstein, respectivement 12 et 10 pour les essais 1 et 2, les deux circuits de température étant étudiés intra-animal. Les 14 steaks de faux-filet d’un même animal sont affectés de manière aléatoire à l’une des 4 dates de contrôle retenues : J0 (avant conditionnement), J0+16, +23 (DLC+2) et +31 jours en l’absence d’oxygène ; J0, J0+6, +9 (DLC+1), J0+12 jours en présence d’oxygène, soit 2 steaks à J0 et à chaque date pour chaque circuit de température. Les contrôles portent sur le niveau de contamination des steaks (flore aérobie mésophile, bactéries lactiques, flores d’altération) et sur l’aspect commercial apprécié de manière sensorielle par un jury de 5 personnes et par des mesures instrumentales de couleur, au Chromamètre CR-300 de Minolta et au spectrocolorimètre. Des évaluations sensorielles sur viandes grillées sont aussi réalisées, afin de détecter d’éventuelles dégradations

d’odeurs et de flaveurs. Quelques données complémentaires sont obtenues, pour les atmosphères exemptes d’O2, sur des

faux-filets de 4 autres animaux. Certaines de ces viandes sont ensemencées avant le conditionnement, à hauteur de 103

Pseudomonas spp. ou de 103 entérobactéries. Il s’agit de se donner les moyens d’observer l’évolution de viandes microbiologiquement chargées dès le conditionnement, dans les mêmes conditions de température que pour les essais principaux.

Résultats et discussion

En l’absence d’oxygène, le conditionnement sous atmosphère modifiée incluant 0,4% de CO permet de maintenir une couleur rouge « cerise » à la viande sur de longues durées, dépassant la DLC de 21 jours (tableau 1). Les résultats de l’essai principal et des analyses complémentaires avec ensemencements en flores d’altération sont très disparates quant à l’évolution des qualités microbiologiques et commerciales des UVC. Mais, ils conduisent rarement à des situations à risque pour le consommateur. Deux cas de figures sont principalement observés :

- des viandes présentant en moyenne une faible évolution microbiologique, malgré d’importantes ruptures de la chaîne du froid pour une partie d’entre elles (tableau 1 même constat dans l’essai suivant, en présence d’oxygène, tableau 2),

- des UVC présentant de fortes évolutions des contaminations, notamment en entérobactéries, en médiocres conditions de conservation, mais un gonflement consécutif des barquettes, rendant le produit inachetable par un consommateur. Il reste quelques UVC présentant de notables évolutions bactériologiques, au sein d’un lot évoluant en moyenne très peu (premier cas évoqué). Ni l’évaluation sensorielle des viandes crues, ni celle des viandes cuites (intensité et qualité d’odeurs) ne permettent de déceler systématiquement les steaks en question (n = 18). Le risque sanitaire ne semble donc pouvoir être totalement exclu, même s’il est difficile de conclure sur ce point. Reste que ces viandes ont déjà au moins 16 jours de conservation et que les niveaux de contamination ne sont pas rédhibitoires.

Au vu de ces résultats, il semble qu’une piste intéressante consisterait à utiliser le monoxyde de carbone au sein d’atmosphères exemptes d’oxygène sur l’actuel créneau des UVC suroxygénées, pour une durée de l’ordre d’une douzaine de jours. Ceci permettrait de limiter les pertes subies au détail par les conditionneurs industriels et/ou distributeurs, sans risque majeur.

Tableau 1. Mesures sensorielles (échelles en 5 points), instrumentales et microbiologiques moyennes des steaks

conditionnés sous atmosphère exempte d’O2 et contenant 0,4% de CO, après le déconditionnement.

J0 J0 + 16 j J0 + 23 j J0 + 31 j J0 + 16 j J0 + 21 j J0 + 31 j T° maîtrisée T° mal maîtrisée Evaluations sensorielles

(5 = parfait, 3 = limite, 1= très dégradé ; n = 60/cellule, 120 pour les odeurs)

Intensité d’odeur - 4,71 4,66 3,93 4,62 4,33 3,48 Altération de couleur - 4,62 4,03 3,98 4,43 4,07 4,22 Appréciation globale - 3,82 3,77 3,13 3,73 3,52 2,88 Mesures de couleur (n = 12/cellule) a* (CIE L*a*b*) 19,55 28,65 28,85 28,92 27,53 29,59 28,61 R630 - R580 (rouge vif) 12,82 20,45 19,36 18,11 19,45 19,65 17,72 Contaminations (log10 UFC/g ; n = 12/cellule)

Flore aérobie mésophile 1,76 2,04 2,67 3,99 3,69 2,92 3,77

Flore lactique 0,96 1,35 1,55 1,11 2,30 1,81 1,77

Entérobactéries 0,95 0,95 1,23 1,74 1,56 1,55 2,33

Par contre, il y a globalement peu d’intérêt à introduire 0,4% monoxyde de carbone au sein d’UVC suroxygénées telles que couramment rencontrées à la distribution, en conditions françaises. La forte teneur en oxygène permet d’obtenir une couleur de teinte habituelle, mais la présence de monoxyde de carbone n’empêche pas les rapides altérations de couleur. Les performances sont proches de celles de classiques atmosphères suroxygénées : la dégradation commerciale précède l’altération microbiologique (tableau 2). Ce résultat est décevant, mais le risque de santé publique semble inexistant.

Tableau 2. Mesures sensorielles (échelles en 5 points), instrumentales et microbiologiques moyennes des steaks

conditionnés sous atmosphère enrichie en O2 et contenant 0,4% de CO, après le déconditionnement

J0 J0 + 6 j T° maîtrisée J0 + 9 j J0 + 12 j J0 + 6 j T° mal maîtrisée J0 + 9 j J0 + 12 j

Evaluations sensorielles (5

= parfait, 3 = limite, 1= tres dégradé; n = 50/cellule)

Altération de couleur - 4,50 3,14 2,68 4,16 3,02 2,56

Appréciation globale - 4,36 3,22 2,76 4,02 3,04 2,56

Mesures de couleur

(n= 10/cellule) a* (CIE L*a*b*) 20,28 23,78 21,89 20,10 22,20 21,04 19,64

Contaminations

(log10 UFC/g ; n = 10/cellule) Flore aérobie mésophile 1,22 1,12 1,60 2,50 1,30 2,44 3,83

Conclusions

Longtemps pratiquée en Norvège avant d’être délaissée suite à l’interdiction européenne de 2001, l’utilisation du CO dans les UVC de viande est autorisée depuis peu aux USA, mais controversée. D’après les expérimentations effectuées, l’introduction de 0,4% de CO dans une atmosphère exempte d’oxygène permet de garder une couleur de viande très attractive sur de longues durées. Le risque sanitaire semble réduit, mais ne peut être totalement écarté : la variabilité des résultats microbiologiques obtenus est importante, de même que les liens avec l’aspect commercial des UVC. Il serait nécessaire de consolider ces données et de mieux connaître l’impact microbiologique du CO, si la profession souhaitait faire remonter son intérêt pour la technique auprès des instances officielles.

Références bibliographiques

European Commission, 2001. Opinion of the Scientific Committee on Food on the use of carbon monoxide as component of packaging gases in modified atmosphere packaging for fresh meat. SCF/CS/ADD/MSAd/204 Final, adopted December 13 and published December 18, 2001, Brussels, Belgium, 9p.

FDA, 2004. Agency Response Letter GRAS Notice No. GRN 000143. Center of Food Safety and Applied Nutrition, Office of Food Additive Safety, July 29.

Legrand I., Recoules E., 2010. Compte rendu final n° 000932112. Interbev et FranceAgriMer.

Sørheim, O., 2003. Request for an amendment inserting CO as a packaging gas, in annex 1 of Directive 95/2 EC., 2 p.

Turubatovic L.R., Milijasevic M.P., Jovanovic J.B., Velebit B.M., 2008. Proceedings 54th ICoMST, session 3A.14.

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