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Les réseaux de promoteurs de l’éducation physique du sapeur-pompier Logiques de diffusion, 1914-

B. Une codification distinctive d usages gymniques de l’officier de « valeur »

IV. L’introduction d’un modèle alternatif : le soldat du feu athlète complet

5. De l initiative à l innovation

La nouveauté pour devenir une innovation doit être adoptée par un groupe extérieur à celui qui la promeut. Effectivement, des sapeurs-pompiers occasionnels s’engagent dans la pratique, ont-ils un goût préalable pour cette activité ? Faute de sources précises sur les concourants et les mécanismes d’adhésion, les réponses restent absconses. Néanmoins, il semble à l’examen de rapports sur les concours initiaux, que des participants ne possèdent pas d expériences « sportives » préliminaires591.

Avant cet évènement, survenu le 18 mars 1929, l’organisation des pompiers n’était pas un sujet de préoccupation pour les hauts fonctionnaires, chefs de service, demeurant à Saigon. Il était convenu que les bâtiments en pierre étaient préservés du feu, déniant les quartiers populaires où les résidences sont exposées au risque de propagation de l’incendie, puisque fabriquées avec des lattes de bambou tressées. Le sinistre affectant des riches propriétaires colons, inquiets de la défense de leurs biens, amènent les autorités à faire appel à un agent européen averti pour gérer le corps de sapeurs-pompiers. La commission spéciale, constituée pour arrêter les principes de la réorganisation, acte l’achat du matériel d’incendie moderne puissant et le recrutement d’un expert. Le danger du feu passant les frontières de classe sociale, la réforme de la lutte contre l’incendie à Saigon est engagée. À l’instar du développement de l’hygiène aux XVIIIe et XIXe siècles, des règles d’assainissement sont appliquées pour contrer l’épidémie de peste, lorsque l’ensemble de la population est touchée, et en particuliers quand les strates sociales dominantes sont atteintes.

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Schmauch Jean-François, colonel, « Le commandant Henri Delannay, un sapeur-pompier d’exception »,

L’Histoire, n° 98, fiche 87.

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« Tous les pompiers de Saigon sont des indigènes. Les premiers ont été recrutés parmi les coolies de la voirie, c'est-à-dire dans une des classes les moins élevées. Ils étaient plus ou moins paludiques, sans vigueur, d’une force musculaire à peu près nulle. Á leur arrivée, nous dit le capitaine Delannay, ils devaient se mettre à quatre pour transporter un tuyau d’aspiration de l’auto-pompe Somua ; maintenant deux hommes suffisent, et parfois même un seul. Beaucoup d’entre eux manipulent aujourd’hui sans difficulté la gueuse de 40 kg., et les fiches indiquent un petit homme de I m., 60 qui soulève plusieurs de suite 70 kg. Leur éducation physique a été assurée, suivant les principes de la « Méthode Naturelle », par le capitaine Delannay, aidé de son adjoint M. Louis Félix (…). », « La Méthode Naturelle chez les Annamites », L’Éducation Physique, 33e année, nouvelle série, n° 35, juillet-août- septembre 1935, p. 219. Article signé des initiales de Lucien Stéfani.

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Entretien avec son fils Gérard Delannay, à son domicile, Amboise, 20 mars 2004.

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La séance débutait à six heures du matin jusque 7h30 pour bénéficier d’une température clémente.

Henri Delannay, « Chronique corporative. Une lettre », La Prévention du Feu, 10e année, n° 123, novembre 1933, p. 294.

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« Chez les Sapeurs-Pompiers de Tourcoing », La Vie hébertiste, Organe de liaison et d’information des amis de la Méthode Naturelle, 1ère année, n°10, juillet 1938.

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« Concours d’entraînement physique. Challenge Gachet », p. 5. Certaines équipes et des participants ont abandonné.

L’initiative déclenche un cercle vertueux, puisqu’elle est secondée au niveau national par un officier de la corporation des sapeurs-pompiers volontaires. Le commandant Mazouaud de la compagnie de Brive-la-Gaillarde, organise dans la foulée, en juillet 1937, le premier concours national d’éducation physique et de gymnastique des sapeurs-pompiers communaux592

. Cet officier593, entrepreneur de peinture décorative, sportif, licencié en 1924 au club athlétique de Brive, appartient au collectif des volontaires. Accordé au dessein du capitaine Daragon, il le seconde et se fait le porte-parole de l’éducation physique chez les sauveteurs occasionnels594. Son œuvre promotionnelle ne se borne pas à l’établissement du premier concours national d’éducation physique, il sollicite le président fédéral, en lui adressant un argumentaire en faveur du développement de ce programme d’instruction, dans lequel il rend hommage aux entreprises de Daragon. Il contre argumente, à l objection de structures spécifiques et onéreuses, dédiées à la pratique physique, qu un champ, une cour, sont suffisants, puisqu il s agit d exercices de course, de saut, de grimper, de lancer et de ramper. Et il plébiscite la nécessité de ce type d instruction pour ajouter de la valeur professionnelle au pompier. « Que chacun jette à bas les vieux préjugés et vainqueurs de toute vaine timidité, vous modèlerez votre corps et votre âme offrant ainsi largement une nouvelle force au service du d’dévouement. »595

. Sa dispense, impérieuse, permettra d assouplir son corps, "raidi par un travail journalier opiniâtre", lui procurera de l assurance interventionnelle.

Avant l’année 1936, l’éducation physique ne fait pas l’objet de débats ou de propositions au sein de la Fédération nationale, structure diffusionniste de prescriptions des sapeurs-pompiers communaux. Les initiatives repérées sont privées, conduites en dehors de ce niveau décisionnel. Un tournant institutionnel s’effectue par l’intermédiaire du commandant Jules Lerondeau596

, nouveau président fédéral en juillet 1936, suite au décès du traditionnel gestionnaire Georges Guesnet.

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« Comme l’a fait le Corps de Sapeurs-Pompiers de Pierre-Bénite en 1936, le Corps de Brive-la Gaillarde (Corrèze) organise les 3, 4, 5 juillet un Concours sportif entre Sapeurs-Pompiers. Cette manifestation nationale entre corps dont les effectifs et l’organisation permettent la création de sections de gymnastique est fort intéressante et il est désirable qu’elles se développent de plus en plus. », « Brive-la-Gaillarde – Concours sportif S.-P. », Le Sapeur-

pompier, n° 468, juin 1937, p. 157.

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30/06/1878, Brive-la-Gaillarde (Corrèze) – 04/05/1954, Brive-la-Gaillarde. Son père, Pierre Mazouaud, est chauffeur. Sapeur-pompier volontaire depuis le 01/07/1905. Le 14/07/1908, il est nommé lieutenant. Le 06/05/1924, capitaine. Licencié du club athlétique de Brive. En octobre 1936. Il communique, un article plaidoyer pour l’éducation physique des sapeurs-pompiers communaux, aux responsables de la Fédération. Les 3, 4, 5 juillet 1937, à Brive, il organise le premier concours national d’éducation physique pour les corps civils. Sources. Archives nationales, Base Léonore, dossier n° 19800035/31/3944. « Licences délivrées. Exercice 1923-1924 », L’Athlétisme, Bulletin officiel de la Fédération française d’athlétisme, affiliée à l’Union des Fédérations françaises de sports

athlétiques, 4e année, samedi 24 mai 1924, série bleue n° 106. Bibliothèque nationale de France, Gallica. Il est aussi le fondateur et secrétaire général de l’Association des colonies scolaires de vacances, et président de la Société des

secours mutuels des sapeurs-pompiers de Brive.

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Capitaine Mazouaud de Brive-la-Gaillarde, « Pour la Force au Service du Dévouement », L’Alarme, n° 105, septembre 1936, p. 1799.

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« De l’entrainement physique », article adressé aux responsables de la fédération nationale et inséré dans l’organe de presse corporatif, Le Sapeur-pompier, 48e année, n° 455, 15 octobre 1936, p. 358.

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28/08/1863, Paris (6ème) - 29/10/1938, Soissons (Aisne). Propriétaire immobilier. Lègue sept immeubles à la ville de Soissons. Capitaine au 9e régiment territorial d’infanterie. 40 ans de service, 5 campagnes.1883-1886, sapeur-pompier à Creil (Oise). 1886, entre sous-lieutenant au corps de Montereau (Seine-et-Marne). 1903, lieutenant à la compagnie de Soissons. 1908, capitaine commandant. 1924, chef de bataillon, inspecteur départemental des services d’incendie de l’Aisne. Totalise cinquante deux années de service. Adjoint au maire de Soissons, élu le 17/05/ 1925. Gestionnaire des finances municipales. 1924. Premier vice-président de la Fédération nationale des

sapeurs-pompiers français. Juillet 1936, nommé suite au décès de Georges Guesnet à la présidence de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français. Archives nationales. Base Léonore, dossier : LH/1603/88.

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