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La formation d’un espace social de différences, 1881-

I. La constitution d un réseau de représentants du sapeur-pompier occasionnel

1. La création de la Fédération des officiers et sous-officiers communau

Le champ se forme avec une première formation associative significative, sur l’initiative du capitaine Charles Michel des sapeurs-pompiers ruraux de Vailly-sur-Aisne, lorsqu’il propose en 1881 aux officiers et sous-officiers de son département de se regrouper pour constituer un réseau influent auprès du gouvernement, en vue de reprendre la main sur les orientations de l’organisation des sapeurs-pompiers. En effet, le décret de 1875205

ordonnant les services d’incendie communaux, est un produit purement institutionnel, formalisé sans consultation préalable des sapeurs-pompiers, loin de satisfaire leurs besoins, s’expliquant en partie par une absence de structure représentative de leurs intérêts.

Le projet associatif se fonde sur le constat du manque d’un espace concret de débats propre au milieu. C’est un processus d’autonomisation relative du groupe des pompiers communaux qui est poursuivi, ne conduisant pas à réduire les liens avec la sphère politique, mais au contraire, à construire des relations avec les décideurs étatiques pour faire valoir des conceptions et les instituer. « Ce congrès a pour but d’étudier les modifications que réclame le fonctionnement actuel des services de secours contre l’incendie (…) ». L’ambition s’inscrit dans des héritages de producteurs de réseaux pompiers, au travers des premiers journaux à vocation corporative et de rassemblements départementaux.

La première assemblée se déroule les 18 et 19 septembre 1881 à Vailly-sur-Aisne, et dépasse l’objectif initial d’une association départementale, en confirmant des attentes unionistes à l’échelle nationale restées jusque là à l’état d’envies, puisque quatre vingt treize officiers de

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Repères législatifs. Le décret du 29 décembre 1875, réaffirme la primauté du pouvoir communal dans la décision d’organiser un service d’incendie, devant s’établir par commune, et restant facultatif. Les édiles communaux résolus à fonder un corps de sapeurs-pompiers doivent garantir la possibilité de son financement et l’assurer pendant cinq années au minimum. C’est la même durée contractuelle fixée pour les engagements des hommes. L’acte municipal dispose de marges de manœuvre restrictives, puisque l’autorité centrale est prégnante dans la démarche constitutive, c’est le préfet qui valide les créations, les règlements, ordonne les éventuelles suspensions, et les officiers sont élus et révoqués par le président de la République.

L’article 21 précise les relations opérationnelles dans le cas où plusieurs corps seraient amenés à intervenir sur le même sinistre. Le commandement revient à l’agent le plus haut gradé. La nouveauté se situe dans la possibilité d’élire un inspecteur départemental. De ce fait, le législateur entérine une activité initiée par Gustave Paulin, à la suite de sa retraite du Bataillon des sapeurs-pompiers de Paris, reconverti en inspecteur itinérant des services d’incendie de son département.

Le texte préserve des héritages de la Garde nationale, supprimée définitivement le 25 août 1871, en permettant aux groupements communaux de s’équiper de fusils, d’assurer exceptionnellement un service d’ordre en cas de sinistre, et des escortes lors de cérémonies publiques avec l’accord préalable des autorités militaires. « Sans rompre avec l’héritage de la Garde nationale, le nouveau statut apportait donc des assurances supplémentaires de stabilité et de sécurité. Il supprimait par ailleurs l’ancienne différence entre pompiers municipaux et gardes nationaux. Tous les sapeurs provinciaux, soldés ou bénévoles, casernés ou non, professionnels de la pompe ou simples volontaires, dépendraient à l’avenir d’un régime identique, à la nuance près que la jurisprudence considérait les rares professionnels de l’époque comme de véritables fonctionnaires municipaux. » Lussier Hubert, « Sous le régime de la Garde nationale », Les Sapeurs-pompiers au XIXe siècle. Associations volontaires en milieu populaire, Paris, L’Harmattan, 1987, p. 18.

sapeurs-pompiers se mobilisent et participent à l’évènement. Leurs origines géographiques sont majoritairement inscrites dans la zone initiale d’impulsion mais dépassent cette frontière. Se joignent effectivement des officiers de dix sept autres départements, informés par voie de presse. « Le congrès qui, dans la pensée du promoteur, devait être composé d’officiers du département, a pris tout à coup une extension considérable. La presse, dont le rôle est si puissant à notre époque, s’est empressée de divulguer le but et le lieu de la réunion. »206

La rencontre permise par le préfet de la Marne, mais mise sous surveillance207 avec la nomination d’un rapporteur- participant, le capitaine Wolff, commandant le corps de Soissons (Aisne), paramètre au final la création de la Fédération des officiers et sous-officiers des sapeurs-pompiers de France et

d’Algérie, institutionnalisée le 24 mars 1882208

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Tableau I. Provenance des adhérents

Départements Nb Aisne 84 Marne 09 Oise 07 Ardennes 07 Seine 04

Seine & Marne 05 Seine Inférieure 03 Seine & Oise 02 Pas de Calais 02 Doubs 02 Nord 01 Somme 01 Meurthe-et-Moselle 01 Indre-et-Loire 01 Yonne 01 Jura 01 Corrèze 01 Alpes Maritimes 01 18 133 206

Wolff, Rapport sur le congrès de sapeurs-pompiers adressé à Monsieur le sous-préfet de l’arrondissement de

Soissons, Archives départementales de la Marne, 87 M 67, p. 2.

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Le libre droit de s’associer sera entériné par la loi de 1901. Au début de la IIIème République, le régime s’assure des intentions des officiers de pompiers ayant la possibilité de porter des armes, avant d’autoriser officiellement le regroupement. Le pouvoir étatique de la IIIe République s’édifie par des actions de centralisation marquées. Les évènements de la Commune flottent encore dans les consciences politiques. « Le gouvernement, bien que dix ans se soient écoulés depuis la Commune, conserve la hantise de cet épisode de notre histoire nationale. Il n’ose pas donner son accord à une telle réunion, ni permettre à l’un de ses représentant d’y assister. Il désigne un « délégué », le capitaine Wolff, commandant du corps de Soissons, pour lui rendre compte du déroulement de ce congrès qui se tient à Vailly-sur-Aisne les 18 et 19 septembre 1881, sous la présidence de M. Legry, maire et conseiller général. » « 1882… 2000 Une longue marche », Le Sapeur-Pompier, numéro hors-série 2000, p. 8.

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