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Pépite | Dynamique des cultures professionnelles des sapeurs-pompiers français : sociogenèse du modèle mythifié du sapeur-pompier "Héros sportif", 1818-1966

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Texte intégral

(1)Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. FACULTÉ DES SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES École doctorale SESAM – Laboratoire Clersé UMR CNRS 8019. Thèse pour l’obtention du doctorat Discipline : SOCIOLOGIE. DYNAMIQUE DES CULTURES PROFESSIONNELLES DES SAPEURS-POMPIERS FRANÇAIS Sociogenèse du modèle mythifié du sapeur-pompier « héros sportif », 1818-1966. Présentée et soutenue publiquement le 24 mars 2017 par Jacky DOCTOBRE. Jury de soutenance : Sébastien FLEURIEL, Professeur de sociologie à l’université Lille 1, directeur de thèse. Joris VINCENT, Maître de conférences à l’université de Lille 2, codirecteur de thèse. Jacques DEFRANCE, Professeur émérite à l’université Paris Ouest Nanterre, rapporteur. Sylvia FAURE, Professeure de sociologie à l’université Lyon 2, rapporteure. Sylvie CÉLÉRIER, Professeure de sociologie à l’université de Lille 1. Romain PUDAL, Chargé de recherche CURAPP, université de Picardie Jules Vernes.. © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(2) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. 2 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(3) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Remerciements. J’adresse mes plus vifs remerciements à :. - Monsieur Sébastien Fleuriel, Professeur d université, sociologue et directeur du laboratoire Clersé à l université de Lille 1, et à monsieur Joris Vincent, Maître de conférences, historien à l université de Lille 2, pour leur attention à ce projet de recherche, leur soutien et leurs regards éclairants, dès la première heure au point d écriture final.. - À tous les sapeurs-pompiers, hommes du rang, officiers, anciens-sauveteurs, administrateurs, de toutes les catégories, pour leurs accueils bienveillants, témoignages et contributions à l accès aux archives. À ce qu ils représentent comme invention d un groupe social et force collective au service de la population.. - Aux rencontres révélatrices de ma vocation pour la recherche en sciences sociales et humaines, je pense, en particulier, au début de mes études universitaires, au professeur Éric Passavant, Maître de conférences à l université de Picardie Jules Vernes, au Professeur d université Jacques Defrance, Paris X Nanterre. Également, au travers de la lecture des travaux de sociologues et sociohistoriens, qui ont mis des mots sur ce que je percevais, ressentais, sans en avoir le vocabulaire précis pour le nommer. Cela a eu l effet net de simplifier et d apaiser mes questionnements. Je remercie ces penseurs et leur héritage scientifique, m ayant permis de m acculturer à un nouveau langage social, pour rendre intelligible des logiques sociétales.. 3 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(4) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. À mon fils, Louis. 4 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(5) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Table des matières. Introduction générale. 10. Le stéréotype du sapeur-pompier sportif en question (11). Penser le groupe social des sapeurs-pompiers comme un espace de différences (13). La dynamique des cultures professionnelles des sapeurs-pompiers (16). Modèles culturels attribués et appropriation (17). Périodisation (18). Sources (19). Chapitre I. La construction sociale du soldat du feu de Paris, l’introduction et la formation d’usages gymniques, 1818-1880. Sociogenèse du stéréotype du sapeur-pompier "héros-gymnaste". Introduction. 24. I. Les conditions sociales à l’introduction de la gymnastique chez les sapeurs-pompiers de Paris. 1. Du garde pompe au soldat du feu. Du civil au militaire (25). 2. L’introduction de la gymnastique : une réponse au système de socialisation des sapeurspompiers militaires parisiens ? (31). 3. L’expérimentation de la méthode d’éducation physique d Amoros (32). II. Les usages sociaux de la gymnastique des soldats du feu. 35. 1. Des techniques du corps spécifiques (35). 2. Une vision renouvelée du travail et du corps (43). 3. La traduction d’Amoros des usages sociaux de son éducation physique (45). 4. La gymnastique, discipline d’intériorisation des codes culturels militaires (47). 5. L’internalisation de l’expertise gymnastique des soldats du feu (50). III.. Logiques de diffusion du modèle de formation corporelle du soldat du feu. 57. 1. Le concours de manœuvre de la pompe à incendie (60). 2. Les ayants-droit sapeurs-pompiers civils (62).. Conclusion. De suggestions aux oppositions débattues.. 66. Annexes. 69. 5 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(6) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Chapitre II. La formation d’un espace social de différences, 1881-1913. Introduction I.. La constitution d un réseau de représentants du sapeur-pompier occasionnel 1. 2. 3. 4. 5.. II.. 81. La création de la fédération des officiers et sous-officiers communaux (81). Le droit d’entrée (83). Position et prise de position des responsables de la Fédération (84). Une pratique culturelle de référence (91). L’acquisition de reconnaissances économiques et symboliques (94). Un schisme : les organisations urbaines casernées.. 1. 2. 3. 4. III.. 95. La division du groupe des sapeurs-pompiers communaux (95). Le retrait du volontaire, les exemples de Tourcoing et de Lyon (97). Une séparation institutionnelle (98). La stratégie de réunion (104). Positionnement social et controverses. 106. 1. Le lieutenant Ivan Hitzemann : le militaire zélé et le pompier rural (106). 2. La marginalisation et la doxa fédérale (109). IV. 1. 2. 3. 4. V.. L’opposition des styles de vie des sapeurs-pompiers. 112. La distance / la proximité (112). L’expérience / la qualification (113). L’esthétique militaire / le vulgaire (116). L’attachement à l’armement/Le désintérêt (122). Les répertoires culturels de la pratique. 125. 1. Le concours de manœuvres de pompes à incendie. L’apprentissage technique / le divertissement (125). 2. Une différenciation des pratiques culturelles : la gymnastique (127). 3. Les limites d’âge (131). 4. Le caporal Thibault, figure mythique du soldat du feu "héros gymnaste" (133). Conclusion. Dynamique des cultures des sapeurs-pompiers français.. 135. 6 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(7) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Chapitre III. Les réseaux de promoteurs de l’éducation physique du sapeur-pompier. Logiques de diffusion, 1914-1939. Introduction I.. La fabrique sociale du soldat du feu. Contraindre par corps. 1. 2. 3. 4.. II.. 148. L acculturation gymnique du soldat du feu (148). L incorporation (150). L instruction (152). La consécration (155). Le processus de division, seconde phase. 158. 1. La résurgence d’une association de porte-paroles du modèle professionnel (158). 2. Logique de territorialisation (161). A. Gagner des marchés interventionnels (161). B. Accumuler des positions institutionnelles (162). 3. L’adoption de la formation gymnique comme pratique distinctive (164). A. La consommation ostentatoire d’usages gymniques (166). B. Une codification distinctive d’usages gymniques de l’officier de « valeur » (167). 4. Un mouvement de médicalisation de l’urgence (170). 5. La formation originelle d’un groupe de promoteurs du médecin sapeur-pompier (171). III. 1. 2. 3. 4. IV.. Posture fédérale de réduction des écarts matériels et symboliques. 175. Opération de modernisation (175). Actualiser et accumuler des savoirs et savoir-faire techniques (176). Investir la territorialisation (177). Pratique gymnique et position fédérale (179). L’introduction d’un modèle alternatif : le soldat du feu athlète complet. 181. 1. L’espace social des soldats du feu parisiens, un foyer d’appropriation de méthodes d’éducation physique (181). 2. Diffusion et appropriation du modèle dans l’espace civil des sapeurs-pompiers (185). 3. Le premier concours régional d’éducation physique : un processus vertueux (188). 4. Le mythe de l’innovateur (189). 5. De l’initiative à l’innovation (192). 6. Les déterminants sociaux du projet diffusionniste fédéral de l éducation physique (194). Conclusion. Les logiques de diffusion de l’éducation physique et sportive du sapeur-pompier.. 198. Annexes. 211. 7 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(8) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Chapitre IV. L’institutionnalisation du modèle du sapeur-pompier sportif. Enjeu et débat 1940-1966. Introduction I La prescription étatique du modèle du sapeur-pompier "sportif". 225. 1. Dans les coulisses de la haute instance de décision, un réseau d’influence à l’instauration du modèle du pompier "sportif" (229). 2. Une dynamisation professionnaliste du groupe social (231). 3. Le décret du 7 mars 1953, l’intégration de conditions médico-sportives pour en être (233). 4. Recomposition du rapport de force (235). II La construction d’un modèle scolaire de formation physique. 236. 1. Resituer les dispositifs sportifs dans le monde plus général du travail (240). 2. L’institutionnalisation d’un nouveau métier sapeur-pompier : l’instructeur d’entraînement physique (241). 3. L’investissement sportif. Identifier et dépasser les justifications de sens commun (242). III Le modèle du pompier-sportif en question. 247. 1. Une rupture de position fédérale (246). 2. Les luttes sur la définition de l’aptitude physique (252). 3. Un réseau de médecins-alliés influents (252). IV Instruction technique versus éducation physique. 256. 1. Les catégories d’opposition (256). 2. Reconsidérer la place de l’instruction technique dans la formation pompière (258). 3. Une pratique alternative et complémentaire de l’entraînement physique des sapeurspompiers : le cross-country (262).. Conclusion. Un modèle du sauveteur sportif n’allant pas de soi.. 268. Annexes. 273. Conclusion générale. 283. Sources. 286. Bibliographie. 296. 8 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(9) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. 9 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(10) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Introduction générale. Le stéréotype du sapeur-pompier "héros sportif" en question. Cette recherche résulte d’un travail exploratoire préalable de la littérature de sens commun relative à l’univers des sapeurs-pompiers qui est, sans surprise, descriptive et fait se succéder des dates liées à des évènements considérés comme étant des références dans l’histoire des sapeurspompiers. Les voies d’entrée et les thèmes porteurs concernant la constitution de ce groupe social, retracent sans être exhaustifs, des incendies/accidents spectaculaires, des évolutions techniques et technologiques (camions/équipements), des figures dites majeures, des instants politiques : les textes juridiques constitutifs, les phases de décentralisation, les organismes institutionnels. À ce corpus de connaissances s’ajoute l’ensemble des récits de vie de pompiers (biographies). Plus particulièrement, un des sujets qui a retenu notre attention, est l’éducation physique et sportive (EP.S.), souvent théâtralisée par la section spéciale de gymnastique des sapeurs-pompiers de Paris. L’ « éducation physique et sportive », la « mise en scène sportive » au sein de cette littérature, ont accentué une interrogation initiale sur la professionnalisation des sapeurs-pompiers. Questionnement enrichi par la représentation spontanée du sapeur-pompier décrivant un « héros sportif ». Cette identification est inscrite dans l’inconscient collectif, imprègne le sens commun, c’est une figure allant de soi : "un pompier doit faire du sport ", "c’est un athlète", "il faut être sportif ". Elle est représentée par le modèle dominant du soldat du feu parisien, et résulte d’une production socio-historique du groupe social des sapeurs-pompiers et de réseaux médiatiques. L’enquête de 1992 intitulée « Les Parisiens et leurs pompiers », fait ressortir cette image publique spontanée accordée, puisque 80% des sondés répondent qu’il doit être avant tout « sportif » à la question « quelles qualités doit avoir un pompier ? »1. Affiche campagne de recrutement. 2. 1. « Les Parisiens et leurs pompiers », Allo 18, n° 493, juin 1992, p. 29 à 31. Dubois Christophe, Une vie sous le feu. Un sapeur-pompier témoigne, éditions du félin, 18 novembre 2003, p. 129. Affiche non datée. 2. 10 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(11) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. 3. Le groupe social des sapeurs-pompiers, dans sa constitution sociohistorique, a conçu des rites de socialisation où pour apprendre à en être, le capital corporel est prégnant dans la formation de ce secouriste. Au-delà des phases de professionnalisation, entérinant des logiques de qualification, les rites physiques pour être consacré restent en bonne place. L’institutionnalisation de dispositifs et de pratiques physiques de ce secouriste a contribué à composer et à mettre en scène une culture professionnelle virile traditionnelle 4.. 3. « Les Parisiens et leurs pompiers », Allo 18, n° 493, juin 1992, p. 30. « Comme vous avez dû vous en rendre compte par vous-même, dans l’imagerie populaire, le sapeur-pompier est toujours représenté comme le héros qui du haut de sa grande échelle, et parfois au péril de sa vie, sauve les gens. Sa force, son ardeur vont de pair avec sa condition physique. En effet, vous avez dû tous vous en rendre compte, le héros populaire, « Tarzan » par exemple, n’est jamais représenté borgne ou boiteux. Il en est de même pour le jeune sapeur-pompier qui est toujours représenté viril et athlétique. », « L’instruction », Allo 18, n° 272, mai 1972, p. 34. 4. « Bras en béton, cœur d’acier, jambes solides : les pompiers sont de super sportifs. Escalader un immeuble, grimper sur les toits, courir en tout terrain, plonger en eau trouble, affronter les 24 mètres de la grande échelle… Tout cela ne s’improvise pas. », Babey Marie-Françoise, « Pompiers de Paris. Le sport qui sauve », Union nationale du sport scolaire, n° 64, mars 1991, Paris, p. 24. 11 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(12) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Afin de rendre plus visible la pertinence de cette voie d entrée pour étudier la construction de ce groupe spécialisé, l ouverture des services d incendie et de secours aux premières femmes sapeurs-pompiers est significative. En effet, le législateur autorise, avec la publication du décret du 25 octobre 1976, les femmes à exercer le métier de sapeur-pompier, ajoutant à l’article 9 du décret du 7 mars 1953 un alinéa 1 : "Les corps de sapeurs-pompiers communaux peuvent être composés de personnels tant masculins que féminins". Et précise, dans la circulaire du 15 novembre 1976, qu elles doivent exercer l’ensemble des missions statutaires à tout sapeurpompier, et ne pas être restreintes de manière permanente à des tâches exclusivement administratives. Si statutairement, la possibilité de devenir sapeur-pompier est actée, l intégration d agents féminins ne va pas de soi. Persistent des réactions masculines défensives individuelles et groupales face à l’arrivée de femmes chez les sapeurs-pompiers français, recourant, notamment, à un principe de justification relatif aux aptitudes physiques. Une partie des pompiers professionnels invoque "leur faiblesse physique". L’opposition se fonde sur les barèmes sexués des tests de recrutement : "on fait le même métier, alors pourquoi ce n’est pas le même barème ?". Les pratiques de rejet expriment une conception épidémiologique classique entre le pur et l’impur, le sacré et le profane, partagée par les pompiers les plus jeunes (vingt à trente ans). Il n’y a pas de clivage significatif avec les représentations des anciens, ils estiment comme leurs ainés que leur activité est réservée aux hommes5. Comparée aux bastions masculins traditionnels qu’étaient la Police et l’Armée, l’entrée des femmes chez les sapeurs-pompiers est moindre et plus lente. Cette recherche engage un travail préalable de rupture avec l’image spontanée du sapeurpompier « héros sportif ». Le processus de déconstruction de la fabrique de cette notion commune mobilise les outils de la sociohistoire, l’analyse critique de sources spécialisées et les concepts de la sociologie de Pierre Bourdieu6. Est étudié particulièrement le capital corporel, c'est-à-dire la formation de pratiques d’entraînement physique et la caractérisation d’usages du corps. Cet objet constitue de notre point de vue, un focus original et pertinent pour appréhender la dynamique de la construction sociale des cultures professionnelles des sapeurs-pompiers. Au regard des études en sciences sociales et humaines sur ce groupement professionnel, c’est un éclairage n’ayant fait l’objet d’aucune étude singulière. Les connaissances scientifiques produites élucident des questions sur le genre et la féminisation du groupe, qui dès son origine, a constitué un bastion masculin ; apportent des réponses sur la formation technique et le passage de la culture professionnelle des soldats du feu aux techniciens du risque7 ; révèlent les logiques. Lachmann Mosse, George, L’image de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Abbeville, collection Tempo, 1997. 5 Michaut-Oswalt, Stéphanie, « La féminisation des professions traditionnellement masculines, l’exemple de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris », Pratiques psychologiques, Revue européenne des praticiens en psychologie, Le Bouscat L’Esprit du temps, n° 11, 2005, p. 113 à 127. Pfefferkorn, Roland, « Des femmes chez les sapeurs-pompiers », Travail et Mondialisation. Confrontations Nord / Sud, Cahier du Genre, Paris, L’Harmattan, n° 40, 2006, p. 203-230. 6 « Un des instrument les plus puissants de la rupture est l’histoire sociale des problèmes, des objets et des instruments de pensée, c'est-à-dire l’histoire du travail social de construction d’instruments de construction de la réalité sociale (comme les notions communes, rôle, culture, vieillesse, etc., ou le système de classement qui s’accomplit au sein du monde social dans son ensemble ou dans tel ou tel champ spécialisé (…). » Bourdieu Pierre, Réponses. Pour une anthropologie réflexive, entretien avec Loïc J.D. Wacquant, Seuil, 1992. 7 Boullier Dominique et Chevrier Stéphane, Les sapeurs-pompiers. Des soldats du feu aux techniciens du risque, Paris, puf, 2000. 12 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(13) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. associatives en milieu populaire des sapeurs-pompiers volontaires au XIXe siècle8 ; clarifient des phases et des processus institutionnels de production d’identités professionnelles.9. Penser le groupe social des sapeurs-pompiers comme un espace de différences. Le monde des sapeurs-pompiers est un microcosme positionné dans le champ social10 de la maîtrise du risque, intégré dans l’espace social global. Ils appartiennent aux corps de la fonction publique, aux professions de la sécurité, partagent des valeurs identiques. En ce sens, les sapeurs-pompiers ne représentent pas une profession séparée11. L’image du groupe uni est d’autant plus visible lorsque des intérêts communs sont menacés. Les professions doivent répondre à plusieurs problèmes dont celui, fondamental, de la confiance de la clientèle12. La reconnaissance du public ne va pas de soi, elle n’est pas acquise spontanément, elle se construit à travers des dispositifs historiquement élaborés par la profession (institutions de formation, de socialisation, de contrôle), en vue de positionner socialement le pompier comme l’expert de la maîtrise de l’incertitude.13 Dès les premières formes d’institutionnalisation d’organisations de secours et de lutte contre les incendies au début du XIXe siècle, les sapeurs-pompiers sont en concurrence avec des compagnies de sauvetage et avec la population, qui traditionnellement, s’orchestrait pour faire face au feu. Ils connaissent des problèmes de délimitation de frontières d’interventions par rapport à d’autres groupes, de territorialisation, de luttes de classement. Dans le cas des sapeurs-pompiers, cette confiance s’instaure notamment par des mises en scène publiques14 servant à démontrer la maîtrise de compétences techniques et physiques lors de concours d’extinction d’incendie, de manœuvres d’engins et d’éducation physique et sportive. Théâtralisations ayant pour objectif de faire comprendre au public qu’éteindre un incendie et réaliser un sauvetage ne s’improvisent pas, qu’il faut développer des aptitudes spécifiques possédées, uniquement, par les sapeurs-pompiers. Ce sont des formes de pratique scénique participant au processus de fermeture de ce marché du travail par l’appropriation exclusive de l’expertise à secourir et à lutter contre les incendies. Processus amenant la société à attribuer un certain prestige à ce groupe, en lui reconnaissant le droit de contrôler ce domaine d’activité et d’en caractériser les règles d’exercice. Ces dispositifs 8. Lussier Hubert, Les Sapeurs-pompiers au XIXe siècle. Associations volontaires en milieu populaire, Paris, L’Harmattan, 1987. 9 Rohart Ludovic, « La représentation politique et professionnelle des sapeurs-pompiers de la Troisième République à nos jours. Contribution à la sociologie politique des groupes socio-professionnels », Thèse pour l’obtention du doctorat de Science politique, présentée et soutenue publiquement le 27 octobre 2005, sous la direction de monsieur le Professeur Frédéric Sawicki, université de Lille 2 Droit et Santé. 10 Bourdieu Pierre et Wacquant Loïc, 1992, Réponses : pour une anthropologie réflexive, Paris, Seuil. 11 Dubard Claude, 2010, la socialisation et la construction des identités sociales et professionnelles, Armand-Colin. 12 Karpik Lucien, 1995, Les Avocats. Entre l’Etat, le public et le marché. XIIIe-XX s, Gallimard. 13 Beck Ulrich, 2001, La société du risque, Aubier. / Peretti-Watel Patrick, 2001, La société du risque, Paris, La Découverte. 14 Goffman Erving sociologue (1922-1982), La Mise en scène de la vie quotidienne (1959), trad. fr. 1973, rééd. Minuit, coll. « Le Sens commun », 1996. L’auteur utilise la métaphore dramaturgique : le monde social est un théâtre et l'interaction sociale une représentation. Pour bien la jouer, les individus cherchent des informations qui permettent de situer leur(s) partenaire(s) d'interaction. 13 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(14) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. empruntent une logique de la publicité au sens de rendre visible, de faire connaître, et représentent pour la corporation pompière une façon de transformer son savoir et sa pratique en autorité professionnelle, d’acquérir du crédit de notoriété sociale. L’espace social des sapeurs-pompiers se fonde historiquement autour d’une loi spécifique, lui procurant une relative autonomie vis-à-vis des logiques externes et notamment des influences économiques : le dévouement public désintéressé. Traditionnellement l’engagement des volontaires, catégorie dominante au niveau de l’effectif du groupe 15, reposait sur le pur bénévolat16 et faisait valoir des mobiles d’entrée dans l’activité constitutifs de l’ethos du sapeurpompier : l’altruisme, la solidarité, le courage. Cette loi du milieu génère des justifications d’engagement déniant la dimension économique au delà des dotations pécuniaires existantes. L’éthique du pompier repose sur la mise en récit et l’expression d’un intérêt symbolique au désintérêt économique. Les sapeurs-pompiers professionnels vivent de cette activité, en retirent des bénéfices financiers, mais le principe mis en avant c’est leur attachement à une mission de service public ; et leur statut de fonctionnaires institue une mise à distance avec la sphère marchande. Cela semble expliquer la représentativité restreinte des sapeurs-pompiers privés exerçant dans le monde de l’entreprise au sein de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, organisme institutionnel de préservation de cette loi. Leurs mobiles d’engagement ne correspondraient pas à l’ethos du sapeur-pompier, animés, a priori, essentiellement par la recherche pécuniaire, et feraient percevoir ces raisons d’entrée dans l’activité détachées et loin des valeurs traditionnelles de la vocation 17. Également, avec les phases de professionnalisation récentes des volontaires - notamment avec l’introduction du système de calcul et la distribution des vacations - des tensions apparaissent entre les tenants d’un modèle de l’Appel reposant sur le bénévolat, défendu par les plus anciens pompiers, et les nouveaux entrants, plus jeunes, plus diplômés, plus mobiles, moins enracinés, agis aux yeux des orthodoxes par des inclinations éloignées des motivations coutumières affichées du goût pour l’activité. « Les plus jeunes semblent avoir un rapport plus distancié, plus rationnel mais aussi plus utilitariste à l’engagement volontaire : une formation, de « l’argent facile », une expérience avant de devenir professionnel, des contacts pour trouver des jobs, etc. C’est en tout cas ainsi qu’ils sont vécus par les plus anciens. »18 Comme l’ensemble des professions, ce groupe social n’est pas unifié, il se compose de segments professionnels19 repérables : militaire, professionnel, volontaire, plus ou moins organisés, et plus ou moins concurrentiels. Ils interagissent dans des systèmes de relations, 15. En 2006, 80% de l’effectif des sapeurs-pompiers toutes catégories confondues sont des volontaires, soit 201 800 agents. Sont dénombrés 37 800 professionnels (15%), 12 200 soldats du feu (05%), dont 8 224 militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, 2 454 marins pompiers de Marseille, 1 504 membres des unités d’instruction et d’intervention de la Sécurité civile. Les femmes représentent 10% de l’effectif total. Source : www.interieur.gouv.fr En comparaison, en 1949, sont recensés 275 000 sapeurs-pompiers volontaires, 3 000 professionnels, 7 000 permanents, 4 500 militaires. Source : « Il y a en France 14.876 Corps groupant plus de 300.000 SapeursPompiers », Le Feu & L Alarme, n° 5 (nouvelle série), janvier 1949, p. 16. Une carte de la France indique la distribution territoriale des corps de sapeurs-pompiers, et répertorie une majorité de services d’incendie et de secours au Nord-Est du pays. 16. Retière Jean-Noël, « Etre sapeur-pompier volontaire : du dévouement à la compétence », Genèse, n°16, juin 1994. Suaud Charles, La vocation. Conversion et reconversion des prêtres ruraux, Paris, éditions de Minuit, 1978. 18 Pudal Romain, « Ni professionnel, ni bénévole : être pompier volontaire aujourd’hui », Socio-logos. Revue de l’association française de sociologie, 5/2010, p. 14. 19 Bucher Rue et Strauss Anselm, « Profession in Process », American Journal of Sociology, vol. 66, janvier 1961, p. 325 à 334. 17. 14 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(15) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. déterminés par des stratégies de distinction 20 et de ressemblance, d’autonomisation, de règles du jeu communes, des formes d’opposition et d’associations/de coopération qui se constituent, se stabilisent ou échouent. À chaque groupement correspondent « des formes typiques de trajectoires individuelles », « des systèmes de croyances et de pratiques, des habitus (au sens constructiviste de Bourdieu) et des « carrières » (au sens interactionniste de Hughes). »21 Ces groupes sociaux au sein du même univers professionnel caractérisent et instaurent des processus de socialisation, des rites d’institution spécifiques. Ces modes de socialisation différenciés forgent des sens pratiques, des hexis corporelles22 particulières du sapeur-pompier, c’est à dire un ensemble de propriétés pratiques corporelles, de manières de s’exercer, de se comporter, de se tenir et de parler23. Ces façons ne sont pas naturelles mais socialement construites, font sens et leurs logiques sont déterminées par le contexte social et le système des représentations les produisant. Le champ des sapeurs-pompiers délimite un espace d’organisations identificatrices concurrentes, où s’expriment des collectivités cherchant à faire prédominer des critères particuliers de jugement de l’excellence, à faire reconnaitre leur modèle ou à s’opposer à ceux attribués. Les agents s’en faisant les représentants œuvrent à définir et à promouvoir, à imposer et préserver, leur style interventionnel du sapeur-pompier. C’est un espace structuré de positions, un réseau de relations objectives entre des institutions et des agents, s'inter-définissant par la distribution inégale de ressources spécifiques.. 20. Bourdieu Pierre, 1979, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, éditions de Minuit. L’auteur révèle les mécanismes sociaux de la construction du jugement. Les études de Pierre Bourdieu rompent avec l’idée reçue : « les goûts et les couleurs ça ne se discute pas », expression qui signifie que les préférences sont une affaire personnelle. Or, ils font l’objet de luttes de classement, de comparaisons sociales, de jugements. Nos préférences et jugements relatifs à la musique, au sport, vêtement, alimentation, etc. sont les reflets de notre position dans l’espace social, sont les fruits de notre éducation, de notre insertion dans certains lieux de socialisation (choix de l’école, etc.), de nos appartenances à des groupes sociaux (milieu familial, fréquentations). Les pratiques mettent au jour des systèmes de représentations spécifiques à des groupes sociaux, de leur position relative et de leur volonté de se situer dans une échelle de pouvoir. Le moteur de la stylisation de la vie, c’est la distinction. Les situations où se joue la distinction sont partout, même dans les pratiques les plus banales : vêtement, décoration, sport, alimentation, etc. 21 Dubar Claude, Tripier Pierre et Boussard Valérie, 2011, Sociologie des professions, Paris, Armand Colin, 3e édition, p. 249. Hughes Everett Cherrigton, 1997, Le regard sociologique. Essais choisis, édité par Jean-Michel Chapoulie, Ehess. 22 Bourdieu Pierre, Le sens pratique, Paris, Minuit, 1980. 23 Forme un habitus sapeur-pompier, entendu comme schémas mentaux devenus inconscients nous permettant d’agir sans y penser. Système de dispositions acquises, incorporées de manière durable et tendant à reproduire la logique des conditionnements sociaux qui sont à son origine. Détermine un ensemble de pratiques : façon de parler, de se comporter, de s’habiller, de s’alimenter, etc. ; de valeurs et de goûts d’un individu, ce qui est bien ou mal, ce qui est beau ou laid. C’est une seconde nature. Il est constitutif du style de vie d’un individu, de ses représentations sociales et de ses jugements. On prend conscience de son habitus lorsque l’on entre dans un milieu qui n’est pas le sien = violence symbolique. « L’habitus n’est pas le destin que l’on y a vu parfois. Étant le produit de l’histoire, c’est un système de dispositions ouvert, qui est sans cesse affronté à des expériences nouvelles et donc sans cesse affecté par elles. Il est durable mais non immuable. » Bourdieu Pierre, Réponses. Pour une anthropologie réflexive, entretien avec Loïc J.D. Wacquant, Seuil, 1992. 15 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(16) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. La dynamique des cultures professionnelles des sapeurs-pompiers. L’enjeu majeur de ce groupe social est d’imposer et/ou préserver, pour chaque groupement, sa conception légitime du « bon » pompier, sa formation de référence, et son modèle d’organisation le plus efficace. Ou d’en être le possesseur et le prescripteur. Enjeu structurant des divergences de points de vue, des controverses et des résistances, des luttes de classement, en d’autres termes ne se posant pas comme une évidence. Dans ce travail de production de références culturelles, les rapports entre les collectifs pompiers ne se font pas uniquement sur le mode conflictuel, se constituent des relations de coopération, non synonymes d’entente pacifique, mais suivant des logiques de comparaisons sociales, d’échanges de "bonnes" pratiques, d’appropriation et d’imitation, et de distinction24. Des agents défendent et prônent des conceptions variées et propres à leur groupe social d’appartenance, pour faire valoir et légitimer des normes d’accès à la pratique et des critères de jugement de l’expertise. Les indicateurs objectivés et entérinés dans les textes officiels relatifs à l’ordonnancement des sapeurs-pompiers, enregistrent, à des périodes, des états du rapport relationnel entre les groupements, et leur niveau de légitimation institutionnelle. En fonction des configurations et des possibilités du champ, des types de capitaux (économique, culturel, social) du sapeur-pompier produisent du capital symbolique 25. Perçues et considérées légitimes par un ensemble significatif d’agents du groupe, ces ressources valorisées font l’objet d’un travail d’acquisition et de préservation, de divulgation et de retraduction. Ces ressources sur lesquelles se porte la désirabilité, inégalement réparties dans les régions du champ, sont susceptibles de procurer à ses détenteurs du prestige social, des marques de reconnaissance et des privilèges. L’agent doté des ressources reconnues occupe une position de domination symbolique, dispose d’une notoriété, devient un représentant d’un modèle d’excellence. À partir de cette position construite et acquise, il peut orienter le fonctionnement du groupe social, en entreprenant des réformes de manières d’en être, de se former et d’exercer. Les ressources étudiées dans notre recherche sont relatives au capital corporel et à la formation, la promotion d’usages spécifiques du corps et de rites pour consacrer et préparer un sapeur-pompier à remplir sa mission. Quelles sont les déterminants sociaux de la formation et de l’introduction de ce capital spécifique ? Quels profits en retirent ses détenteurs au sein de ce groupe social ? Comment ce capital et ces dispositions deviennent des ressources distinctives et convoitées ? Comment ces programmes de formation physique intègrent des discours de réformateurs de 24. « Howard S. Becker et Alain Pessin : Dialogue sur les notions de Monde et de Champ », Sociologie de l'Art, 1/2006 (OPuS 8), p. 163 à 180. 25 Le capital symbolique caractérise toute espèce de capital : culturel, social, ou économique, pouvant attribuer à un agent un certain niveau de reconnaissance particulière dans la société. Métaphore du jeu : chaque individu a des jetons de différentes couleurs (= ses capitaux), il joue en fonction des règles du jeu constitutives de situations sociales dans lesquelles il se trouve, de sa position dans le jeu, de ses ressources, il développe des stratégies pour acquérir des profits sociaux. « Les luttes symboliques à propos de la perception du monde social peuvent prendre deux formes différentes. Du côté objectif, on peut agir par des actions de représentation, individuelles ou collectives, destinées à faire voir et à faire valoir certaines réalités ; je pense par exemple aux manifestations qui ont pour objet de manifester un groupe (…). Du côté subjectif, on peut agir en essayant de changer les catégories de perception et d’appréciation du monde social, les structures cognitives et évaluatives : les catégories de perception, les systèmes de classement (…), sont l’enjeu par excellence de la lutte politique… » Bourdieu Pierre, Choses dites, Minuit, 1987. 16 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(17) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. cultures professionnelles, et est associé aux catégories caractérisant l’expertise du sapeurpompier pour définir le « bon professionnel », le « pro » ? Pourquoi ces discours et pratiques normatifs prennent ou ne prennent pas ? Le capital corporel est particulièrement mis en jeu lors de phases de poussées de professionnalisation du champ, son intégration dans les actions de catégorisation du sapeurpompier s’opère toujours par la discréditation d’un modèle, généralement représenté par le volontaire.. Modèles culturels attribués et appropriation26. La recherche identifie des producteurs de cultures corporelles professionnelles du sapeurpompier qui construisent des pratiques, des discours homogénéisant, des stéréotypes organisant la perception des territoires et des groupes. Ces entrepreneurs s’appuient sur des structures institutionnelles, des institutions sociales (E. Durkheim) pour définir et imposer des cadres de l’organisation de secours et de lutte contre les incendies. Ces promoteurs ont des positions sociales spécifiques, disposent d’une autorité sociale pour imposer leurs points de vue sur ce que doit être/faire le sapeur-pompier (officiers supérieurs, porte-paroles du groupe, administrateurs politiques). Ils promeuvent et diffusent leurs modèles du secouriste par des supports institutionnels et des dispositifs d’inculcation. Ces actions d’acculturation s’exercent sur l’agent dans le cadre d’une institution sociale selon des techniques codifiées (manuels, textes de loi, rites d’institution). C’est un processus relatif au pouvoir bureaucratique, à la catégorisation par le droit, mobilisant des techniques administratives (textes de lois, procédures, certifications…) et déterminant des catégories d’ayants droit. L’État représente un pouvoir bureaucratique puissant pour normer et diffuser des cadres organisationnels, mais il n’a pas le monopole de cette influence et de ce travail, des organismes, des agents se font les représentants du groupe et multiplient la promotion de façons d en être, de s entraîner, d exercer. Les cultures physiques professionnelles produites et diffusées27 au sein des institutions sociales doivent être incorporées, réappropriées comme autodéfinition de soi par des agents à qui on les impose, lors de processus de socialisation pour être naturalisées et devenir évidentes. L’appartenance (socialisation individuelle) n’est pas une prescription extérieure à l’individu en comparaison à l’identification et à l’image, mais correspond à sa socialisation. En prenant pour objet le capital corporel, et en se proposant de comprendre sa constitution en pratiques et usages spécifiques, ses logiques de distribution relative dans le champ suivant des modes d’appropriation et de préservation, de redéfinition et de résistance, nous nous procurons les moyens de révéler des processus à l’œuvre dans la production des cultures professionnelles 26. Avanza Martina et Laferte Gilles, « Dépasser la « construction des identités » ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses 61, décembre 2005, p. 134 à 152. 27 « Les identités sont d’abord des attributions par autrui », Dubar Claude, « Socialisation et construction identitaire », Identités, l’individu, le groupe, la société, sous la direction de Catherine Halpern, Éditions Revue Sciences Humaines, 2009, p. 135. 17 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(18) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. du sapeur-pompier, d’en construire des situations explicatives, et de confirmer que la réalité sociale n’est pas rationnelle mais relationnelle. Nous proposons d’analyser des déterminants sociaux de la formalisation et de l’introduction de ce capital spécifique dans la fabrique de ce secouriste, et d’identifier des logiques de propagation de programmes d’entraînement physique, en reconstituant le système de relations ayant permis à un petit groupe de promoteurs d’imposer, dès 1946, son projet d’instruction en éducation physique et sportive du sapeur-pompier à l’ensemble des corps communaux. L’étude doit appréhender des réseaux plutôt faibles, des mobilisations lentes, ce qui exige de remonter assez loin dans le temps, jusque dans les années 1818-1870, pour saisir la logique constitutive d’un modèle de référence de l excellence professionnelle. Périodisation L’investigation a engagé un travail de délimitation d’espaces-temps sociaux, en fonction d’états stables et de ruptures culturelles propres à l’objet et à l’espace social des sapeurspompiers.. 1818-1880 : le soldat du feu "héros gymnaste", la construction d’un modèle de l’excellence professionnelle. La première période retenue est marquée par un passage d’une administration civile à militaire du service de lutte contre les incendies parisien. Au cours de ce transfert de mondes de références, la gymnastique est introduite et se paramètre en usages corporels spécifiques dans la fabrique sociale de ce sauveteur. Des rites et des carrières se structurent sur son niveau de maîtrise, et la discipline se façonne en pratique culturelle fondatrice de ce groupe social. Ce travail d’enquête permet de révéler des états et des processus socio-historiques de production de la culture professionnelle des soldats du feu de Paris, de comprendre l’édification de son positionnement social symbolique, s’appuyant sur des pratiques et des dispositifs sociaux gymniques pour affirmer leur spécificité et se valoriser. Les usages sociaux de la gymnastique du sapeur-pompier militaire se fixent en arbitraires culturels, influençant les catégories de perception et de jugement de l’excellence professionnelle des sapeurs-pompiers, sont des attributs singuliers décernant un ascendant figuratif, une supériorité emblématique à ses détenteurs. La période commence en 1818, par la création institutionnelle du Bataillon des soldats du feu de Paris, en remplacement de la Compagnie des pompes publiques. Elle s arrête en 1880, une année avant la fondation officielle de la Fédération nationale des officiers et sousofficiers des sapeurs-pompiers de France et d Algérie, et au moment où la gymnastique, dans l acculturation du sauveteur parisien, atteint un niveau de maturation dans son système de socialisation. En outre, c est un stade enregistrant un début de mise en œuvre, dans des villes importantes françaises, d un nouveau modèle d organisation de la lutte contre le feu.. 18 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(19) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. La formation d’un espace social de différences, 1881-1913. Sous la IIIe République, s’organisent des formes relationnelles nouvelles dans le groupe social des sapeurs-pompiers, avec la création de la Fédération nationale, organisme de représentants de la communauté pompière civile, voué à formaliser des cadres organisationnels homogènes et à défendre des intérêts communs. Sous cette période, s’engendre une division chez les sauveteurs civils, avec l’émergence à l’état pratique, d’un modèle alternatif du sauveteur occasionnel et bénévole. Puis des instigateurs du pompier de métier innovent une association propre, dissociée de l’institution fédérale, pour échanger et faire-valoir leurs catégories d’appréciation et de jugement du service de la lutte contre les incendies et les secours. Un travail de précision d’appartenances et de références culturelles associées se joue dans les rapports entre les collectifs sapeurs-pompiers. Chaque segment circonstancie et affirme des façons d’en être, de s’instruire et son style interventionnel. Dans cette configuration relationnelle, des programmes d’exercices sont définis et différenciés dans la manière de concevoir la préparation du sauveteur, et participent au processus de délimitation culturelle de ces groupes sapeurs-pompiers et de distinction sociale. La temporalité débute avec l instauration officielle de l institution représentative des sapeurs-pompiers civils, et se finalise aux prémices de l établissement d un nouveau regroupement d officiers de métier, et d une seconde étape de professionnalisation.. Les réseaux de promoteurs de l’éducation physique du sapeur-pompier. Logiques de diffusion, 1914-1939. Cette phase enregistre une seconde division de la corporation civile, avec la création d’un réseau d’officiers de sapeurs-pompiers de métier, et une production accentuée de leur système d’organisation de référence. Ils se retrouvent entre eux et s’accordent sur des principes communs pour répondre à la mission de protection de la population et des biens. Dans ces services, la gymnastique est introduite, de façon plus affirmée, dans les canevas de l’entraînement du sapeur-pompier, et l’objet aptitude physique commence à se définir et à intégrer des conditions préalables d’entrée, de maintien dans l’effectif, et de promotion sociale. L’activité gymnique est créditée de prestige social, pour ces entrepreneurs, c’est une pratique à part entière dans la fabrique du "bon" secouriste. L’appropriation d’usages gymniques est extériorisée par la création d’équipes spéciales de démonstration publique, imitées de l’unité ambassadrice de spécialistes des soldats du feu militaires parisiens. Cette discipline est adoptée dans ces organisations d’agents de métier ou en voie de l’être, et contribue de par sa logique de diffusion localisée à ces services, à spécifier les références culturelles de ce segment et à le dissocier d’autant plus de la formation standard du sapeur-pompier volontaire. C’est une phase de propagation d’une formation physique compartimentée, cloisonnée. En parallèle, et au sein même de ce réseau, des agents engagent la promotion d’un plan d’éducation physique à l’ensemble des sapeurs-pompiers communaux, ils s’inspirent d’une doctrine et d’un système d’exercices, issus de la rénovation de l’entraînement du soldat du feu de la capitale. Par étapes, s’initie un mouvement en faveur de cette instruction inédite, conduisant les responsables fédéraux à planifier l’écriture d’un nouveau chapitre, alloué spécialement à cette branche, dans le manuel du sapeur-pompier civil, en 1939.. 19 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(20) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. L’institutionnalisation du modèle du sapeur-pompier sportif. Enjeu et débat 1940-1966. La prescription d’un plan de formation physique passe d’un mode suscité à une injonction ministérielle, avec l’élaboration de rites et de dispositifs sportifs institutionnalisés du sapeurpompier. C’est une entreprise d’acculturation sportive du groupe social des sapeurs-pompiers civils qui s’engage, connaissant une adhésion et un investissement relatifs. Relayé et encouragé initialement par les administrateurs fédéraux, ce dessein étatique de conversion au modèle du sauveteur sportif, rencontre des résistances au changement, suite à des applications terrain contrastées et en bute avec ces directives. Une rupture de posture fédérale, en résonnance avec les doléances et revendications de ses représentés, amorce une mobilisation pour réformer les conditions d’aptitude physique et de l’activité de référence : le parcours sportif du sapeurpompier, dès la publication du décret du 7 mars 1953, les entérinant dans les nouvelles règles du jeu des trajectoires sociales pompières. Ce travail de retraduction et de révision de codes culturels sportifs, met au jour des logiques d’appartenance et des désaccords liés à des manières de concevoir la souscription, l’instruction et l’activité du sapeur-pompier. Également, cette œuvre réformiste prend tout son relief au regard de la reconnaissance législative du statut du professionnel, et du nouvel état relationnel dans la corporation pompière en découlant. Considérant le modèle républicain de l’engagement volontaire menacé par la consolidation du sapeur-pompier de métier, de ses références et des ses moyens supplémentaires d’autonomisation, les gestionnaires de la Fédération réorientent, en impératif, l'entraînement du sauveteur. Celui-ci se conçoit par l’accumulation et l’apprentissage de savoir-faire technicopratiques, afin de préserver et de renforcer la geste et l efficacité interventionnelles du volontaire, cautions de sa légitimation sociale. La temporalité se place aux conditions sociales de la diffusion ministérielle du modèle du pompier "sportif", en éclairant des influences dans les arcanes du pouvoir bureaucratique s instaurant sous l Occupation. L année 1966, enregistre les révisions du dispositif-référent de la valeur physique du sapeur-pompier. À partir de cette limite finale, les débats s apaisent et les orientations, les pratiques officielles d entraînement physique, se stabilisent.. Sources. Au terme de ce travail d’investigation sur la dynamique des cultures professionnelles des sapeurs-pompiers français, une impression surgit lorsque nous faisons un retour sur l’histoire de cette enquête. À l’examen du manuscrit, nous ne pouvons nous empêcher de penser à un effet d’illusion généré par la mise en intrigue condensée et la démonstration appuyée par des sources relativement diverses et conséquentes. Rien ne laissait présager de ce que nous allions trouver, nous sommes allés à la découverte, sans a priori, des archives, suite à une première étude finalisée par un mémoire de maîtrise, qui portait sur le parcours-sportif et la période après 1945. Cette entrée dans la recherche, nous avait confortés à questionner d’autant plus les pratiques de formation physique et des usages corporels, pour étudier la formation de ce groupe social. Les informations étaient présentes, visibles, l'objet était manifeste. Il ne pouvait pour cette période, être là, sans héritages, sans productions et agissements préalables. Nous nous sommes engagés dans ce pari, mobilisés par l’envie de vérifier si cette hypothèse pour appréhender la construction des cultures professionnelles de ces secouristes, était pertinente et structurante. Dans ce cadre, nous avions présenté l’intention à un membre de premier ordre, du 20 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(21) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. comité histoire de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers français, familier des archives institutionnelles et des réalisations historiques sur ce groupe. Il nous avait indiqué que le thème n’avait jamais été abordé, et que nous ne trouverions pas "grand-chose" sur la gymnastique, le sport, avant cette période, tout au moins pour la corporation pompière civile. L avis pris, nous avons mené une première lecture assidue de l ensemble des journaux corporatifs avant la seconde guerre mondiale. Et, le constat fut, dans cette phase initiale, que notre objet ne se laissait pas facilement repérer, il y avait des informations disparates, sans liens évidents, des faits et expressions éparpillés, de rares agents en relation avec le sujet instruction physique. L hypothèse semblait se réduire et s échapper. Nous étions confrontés au silence des sources, un peu déstabilisant au premier abord, pour ne pas dire désarmant. Cet absence a été motrice dans notre formation de socio-historien, elle nous a obligé à des remises en question sur notre méthodologie de l enquête, et à développer des questionnements et des compétences plus abouties. Pour ce faire, nous avons dû pousser à la minutie et à la patience la recherche de données à partir des quelques éléments en notre possession. Par exemple, s investir dans une sociographie précise des trajectoires des agents identifiés, faire de la généalogie pour nous mettre en relation avec des descendants en vue d obtenir des informations complémentaires. Nous avons croisé différentes sources (fichier des Légions d honneur, dossiers de carrières, nécrologies, articles de presse, bulletins d unions départementales, etc.) en vue d établir leurs trajectoires et propriétés sociales. Le travail de compilation de divers matériaux, composés de la presse professionnelle, nationale et locale de productions administratives, de documents privés nous a permis de faire une prosopographie des promoteurs de programmes de formation physique, de reconstituer des réseaux précis, de déterminer des configurations et des rythmes spécifiques, et de révéler des logiques de caractérisation d’usages corporels, d’appropriation et de diffusion de programmes d instruction physique.. 21 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(22) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. 22 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(23) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Chapitre I. La construction sociale du soldat du feu de Paris, l’introduction et la formation d’usages gymniques, 1818-1880.. Sociogenèse du stéréotype du sapeur-pompier "héros-gymnaste". Séance de gymnastique des soldats du feu de Paris, 1825. 28. 28. « La Brigade de sapeurs-pompiers de Paris», http://www.prefecturedepolice.interieur.gouv.fr/ 23. © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(24) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Introduction. Il s agit de se projeter à l origine de l intégration d un plan d apprentissage gymnique et de la caractérisation d usages corporels particuliers, pour préparer le soldat du feu à assurer ses missions de protection sociale. L adoption d une méthode de gymnastique chez les sapeurspompiers s effectue en corrélation avec un passage du garde-pompe au soldat du feu militaire, c'est-à-dire à partir d un changement de mode de gestion du secouriste parisien, du civil à l armée. La gymnastique s implante dans ce nouveau groupe social en constitution, pour solutionner une problématique d acculturation militaire et d optimisation de l opérationnalité des hommes. À partir de cette pratique gymnique vont se paramétrer des dispositifs d entraînement, des rites d institution et des carrières spécifiques, agençant une culture traditionnelle corporelle gymnastique propre à ce milieu sapeurs-pompiers. C est une période, au cours de laquelle un proto-organe de représentation collective émerge, via la publication d un premier journal à vocation corporative. Se manifestent des premières intentions d échanges de points de vue, et de diffusion de cadres culturels relatifs à l organisation des sapeurs-pompiers. Via ces rapports originels, une pratique d instruction technico-pratique commune est organisée et promue pour les sauveteurs communaux. Se repèrent des tendances initiales, circonspectes, de propagation d usages gymniques dans des actions de prescription de la formation du sapeur-pompier. Ce chapitre est destiné à révéler des conditions sociales à l intégration de la gymnastique chez les soldats du feu, et à repérer le travail d élaboration d usages et de pratiques spécifiques. L étude s attèle à mettre au jour des liens et des logiques prémices à la caractérisation, l ordonnancement, et la diffusion de modèles normatifs d instruction du sapeur-pompier.. 24 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(25) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. I. Les conditions sociales à l’introduction de la gymnastique chez les sapeurs-pompiers de Paris. 1. Du garde pompe au soldat du feu. Du civil au militaire. Le décret impérial du 18 septembre 1811 engage la formation d’un collectif militarisé spécialisé dans la lutte contre les incendies et de leurs préventions, ordonné par le préfet de police et financé par la ville : le Bataillon des sapeurs-pompiers de Paris. L’unité intègre, graduellement, le champ militaire29 en se singularisant de celui-ci par des visées pacifiques. Cette décision étatique orchestre une rupture dans l’organisation des services de lutte contre l’incendie parisiens, domaine jusque là réservé à la Compagnie des pompes publiques, et résulte d’une disqualification de l’organisation civile par une haute autorité en la personne de Napoléon Bonaparte, présent lors de l’incendie de l’ambassade d’Autrice le dimanche 1 er juillet 1810. Evènement où se retrouvent des personnalités politiques, militaires et diplomatiques de Paris, venues fêter dans le cadre d’un bal organisé par le prince Scharwzenberg, ambassadeur d’Autriche en France, le retour du voyage de noces de Napoléon et de Marie-Louise de Habsbourg. Au-delà de l’aspect festif, c’est avant tout une manifestation diplomatique visant à consolider l’alliance franco-autrichienne, et les relations entre l’Etat français et divers représentants politiques étrangers. L’incident prend une tournure dramatique avec notamment les décès de la comtesse Françoise Lasbinski, compagne du consul de Russie, et la princesse Pauline d’Arenberg, belle sœur de l’ambassadeur. Aux yeux de l’empereur, c’est intolérable, il faut pour préserver la face nommer des coupables et prendre les mesures qui s’imposent. Il justifie l’ampleur du sinistre en pointant, en particulier, l’indiscipline des pompiers et l’incapacité de leurs supérieurs à avoir sur leurs hommes l’ascendant requis pour manœuvrer efficacement. « On crut avoir observé, dans cette circonstance, que les chefs des Gardes-Pompes n’avaient ni la force ni l’autorité nécessaire à l’exécution des dispositions indispensables en pareil cas, pour prévenir et arrêter les incendies, surtout quand ils se trouvaient en contact avec d’autres services. »30 La vision relègue la dimension civile des garde-pompes31, et ne sera pas remise en question suite aux divers procès verbaux et à l’enquête commanditée sur leur organisation, menée par le comte de Montalivet, ministre de l’Intérieur. Certes les conclusions minimisent la responsabilité des six garde-pompes actifs lors de l’incendie, annulent leur prétendue alcoolisation suspectée par Napoléon - qui ne modifie pas pour autant son opinion sur ce fait-, mais confirment des lacunes aux niveaux de l’instruction des hommes, de leur motivation et aptitude à obéir, et du manque de rigueur des cadres.. 29. Les sapeurs-pompiers de Paris sont définitivement compris dans les effectifs de l’armée en 1821, non sur une décision municipale, mais sur la demande de son chef de corps, Annet Jean-Baptiste de Plazanet. Son financement reste à la charge de la ville. 30 « Notice chronologique sur les incendies dans la ville de Paris. Et sur les moyens employés à différentes époques pour les prévenir ou y remédier », Manuel du sapeur-pompier pour les villes et les campagnes. Adopté par le corps actuel des Sapeurs-Pompiers de Paris. Par le Colonel de Plazanet, Ex-commandant des Sapeurs-Pompiers de la ville de Paris, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, Paris, Librairie militaire de J. Dumaine, 6e édition, 1848, p. 13. 31 Le décret de 1722, relatif à l’organisation de la lutte contre les incendies à Paris, dénomme les « garde-pompes » les hommes qui s’occupent de manœuvrer la pompe à incendie à bras, de veiller à son entretien et de la ranger dans un local spécifique. 25 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

(26) Thèse de Jacky Doctobre, Lille 1, 2017. Le nouveau schéma de la lutte contre l’incendie place exclusivement les pompiers sous un régime militaire, de loin, pour l’administrateur politique Napoléon 1er, le système à adopter, synonyme de « fiabilité », « rigoriste », « discipline », s’opposant à son modèle repoussoir, l’organisation civile perçue « déviante », « faillible », « dissipée ». « Votre Majesté a reconnu elle-même la nécessité de réorganiser le corps des pompiers de Paris, dont les officiers sont généralement pris parmi des hommes nuls ou peu capables. »32 Le personnel est caserné, armé de fusils33, soldé, soumis à la fermeté et aux lois militaires. Il s’agit de remettre de la verticalité en prenant des commandants et des officiers des compagnies du génie ou de l’infanterie, rompus à la direction et à l’instruction des hommes34. Cette rupture culturelle, consacrant le passage du civil au militaire, fonde une césure avec des modes d’existence des garde-pompes dont certains membres considérés aptes sont préservés pour composer le groupe du bataillon35. L’effectif initial des soldats du feu est une association de trajectoires hétérogènes d’agents issus d’engagements volontaires, de soldats de différentes armes et d’ex garde-pompes36. « Tous les sous-officiers, les caporaux et soldats qui étaient en état de servir, et qui voulurent rester, furent conservés, et reconnus dans leurs grades. On compléta le corps par des enrôlements volontaires ; ceux des anciens pompiers qui n’avaient pas le temps voulu pour la retraite, furent employés comme auxiliaires jusqu’à ce qu’ils eussent atteint ce temps, ou qu’ils se fussent décidés à contracter un enrôlement. »37 Entrent dans cet espace social en création des recrues novices dans l’activité de la lutte contre les incendies, certaines dotées de dispositions militaires, et des garde-pompes civils convertis en soldat du feu, indispensables, puisque porteurs de ressources et d’expériences références pour contribuer à l’édification de la culture professionnelle du nouveau groupe. Ces agents sont plongés dans un milieu hétérodoxe, éprouvent un décalage avec les conditions sociales militaires de l’activité, ressentent de la violence symbolique manifestant un désajustement de leur habitus avec la nouvelle configuration. Les administrateurs sont confrontés à la problématique de leur socialisation secondaire, comment faire incorporer les codes militaires, quel dispositif serait propice à la fabrique d’une seconde nature de soldat du feu ? « La difficulté d’approprier les hommes de l’ancien corps, presque tous mariés et ayant des états, aux habitudes militaires et surtout au casernement, fit que le but de la nouvelle organisation ne put être atteint. En 1813, seulement, la 2ème compagnie fut casernée rue de la Paix. »38 Avant cette réforme, ces pompiers civils parisiens assuraient une forme de permanence suivant un service par tiers. 32. Rapport de Jean-Pierre de Montalivet adressé en 1818 à Napoléon 1er. Ils sont armés de fusils jusqu’à la décision ministérielle du 18 juin 1848 de les retirer, considérés comme inutiles dans leur service. 34 Décret impérial n° 7254 du 18 septembre 1811. Portant création d’un Corps de Sapeurs-Pompiers pour la ville de Paris, Bulletin des Lois, n° 392. 35 L’effectif comprend treize officiers et cinq cent soixante trois hommes de troupe. « Notice chronologique sur les incendies dans la ville de Paris. Et sur les moyens employés à différentes époques pour les prévenir ou y remédier », Manuel du sapeur-pompier. Pour les villes et les campagnes. Adopté par le corps actuel des Sapeurs-Pompiers de Paris. Par le Colonel de Plazanet, Ex-commandant des Sapeurs-Pompiers de la ville de Paris, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, Paris, 6e édition, 1848, p. 14. 36 Cf. Tableau II. « Trajectoires sociales d’officiers subalternes », p. 30, et le tableau III. « Trajectoires sociales de soldats du feu », p. 37. « Le bataillon se recrute soit par des enrôlements volontaires, soit par le passage des militaires des autres corps de l’armée qui demandent à y achever leur temps de service, soit par le contingent des classes. » Décret impérial du 18 septembre 1811. 37 Paulin Gustave, « Historique du Corps de Sapeurs-Pompiers de Paris, d’après les notes prises par M. le Capitaine Ledoux, à la Bibliothèque royale et les renseignements fournis par les archives du Corps », Théorie sur l’extinction des incendies, ou nouveau manuel du sapeur-pompier, Paris, Bachelier, imprimeur-libraire, 1837, p. 24. 38 Paulin Gustave, op. cit., p. 24. Tous les hommes seront progressivement casernes, en 1814, la 3 ème compagnie est casernée rue Culture Sainte-Catherine, puis la 4ème rue du Vieux-Colombier lors de l’année 1815. 33. 26 © 2017 Tous droits réservés.. lilliad.univ-lille.fr.

Figure

Tableau I. Officiers supérieurs des sapeurs-pompiers de Paris 43
Tableau II .Trajectoires sociales d’officiers subalternes
Tableau III. Trajectoires sociales de soldats du feu
Tableau IV. Leçons des classes de gymnastique. Juin 1834.
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Références

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